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populisme - Page 20

  • Une nouvelle donne politique européenne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Plouvier, cueilli sur Metamag et consacré à l'opposition désormais frontale en Europe entre le globalo-mondialisme et le populisme. Médecin, Bernard Plouvier est notamment l'auteur d'essais et d'études historiques décapantes, comme Faux et usage de faux en histoire (Dualpha, 2012) ou Le dérangement du monde (Dualpha, 2016).

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    La nouvelle donne politique européenne

    La France, une fois n’est pas coutume depuis quarante ans, semble vouloir donner l’exemple et reprendre la main en Europe

    Le succès d’Emmanuel Macron et, à un moindre degré, celui du Front National à la présidentielle pourraient bien sonner le glas pour les partis traditionnels et c’est une excellente chose, en notre continent sclérosé.

    Effectivement, le Parti socialiste est une nouvelle fois moribond (comme en 1920, après la sécession communiste, ou en 1966, après la déculottée de la présidentielle où Charles de Gaulle avait été réintronisé). Le Parti communiste, privé des subsides moscovites, est en voie d’extinction et la resucée du millionnaire en euros Mélenchon, adepte du très stalinien culte de la personnalité, n’a émergé qu’au hasard de la débâcle des socialo-écolo-marxistes : on se recycle comme l’on peut. Quant à la droite molle et au marécage centriste, ils se rallieront tout naturellement au mouvement macronien ou se disperseront en une multitude de chapelles.

    De fait, l’actuel New Deal à la française se réduit à l’opposition manichéenne entre l’option globalo-mondialiste et le choix populiste, soit l’antagonisme irréductible des tenants du culte des droits de l’homme (surtout si l’individu est un fort consommateur) et des chevaliers de l’intérêt collectif.

    Miguel de Unamuno avait écrit, bien avant les turbulences des années 1930-40 : « Quiconque lutte pour un idéal pousse le monde vers l’avenir. Les seuls réactionnaires sont ceux qui se contentent du présent ». Il y a pire que les hommes au regard rivé sur la simple actualité. Il y a les vieilles barbes, fidèles aux schémas périmés : les dinosaures des diverses chapelles marxistes et les dévots des régimes théocratiques.

    Le monde actuel ne peut que vomir les fossiles du Moyen âge, qu’ils soient mahométans ou gourous de sectes créationnistes, théoriciens de la monarchie de droit divin ou du césaropapisme, aussi bien que les dinosaures léninistes, staliniens, maoïstes, trotskistes ou les partisans de l’anarchie violente.

    Les hommes du XXIe siècle semblent bien partis pour participer ou assister à l’affrontement entre les tenants de l’économie globale, de l’hédonisme promu au rang de valeur morale essentielle, du brassage des races, de l’imposition de la culture du basic english et des images virtuelles & les partisans de la doctrine populiste, qui a une tradition de 26 ou 27 siècles en Occident, de la Grèce présocratique à nos jours… évidemment, nos merveilleux universitaires l’ignorent, mais nul être de qualité n’a jamais compté sur eux pour organiser sa vision du monde.

    Au plan pratique – et quelles que soient les déclarations de principe des uns et des autres -, la personnalité morale du véritable titulaire de la souveraineté oppose radicalement les deux régimes.

    La globalo-mondialisation est un parfait exemple de ploutocratie, prenant le masque à peine trompeur d’une « démocratie ». Les chefs de l’économie exercent, en coulisses, un pouvoir absolu, tandis que s’agitent sur le « théâtre du monde » (comme on disait au XVIe siècle) les pantins élus par le bon peuple. Pour être sûrs de dominer tout à leur aise, les maîtres du jeu économique financent tous les partis et mouvements susceptibles de former une majorité de gouvernement.

    En régime populiste, chaque voix compte

    De ce fait, le peuple reste au final le seul titulaire de la souveraineté. L’humanisme populiste repose sur les valeurs traditionnelles de l’Honneur, du Travail, de la Famille et de la Patrie (la Terre des Pères, soit une notion incompréhensible aux déracinés et aux cosmopolites). Le populisme est la réponse traditionnelle des peuples malheureux – économiquement ou moralement – qui se traduit par un absolu dévouement à la collectivité nationale, à l’inverse de l’individualisme forcené, mis en avant par la doctrine mondialiste.

    Si l’idéal de la société globalo-mondialiste est de créer un monde de consommateurs repus, béats et bien-pensants – de gentils personnages insipides, dignes de figurer dans une production des établissements Disney -, l’idéal populiste est de participer à une grande aventure collective.

    Le défi populiste européen du XXIe siècle est de créer un grand Empire fédéral où toutes les Nations issues de la race européenne pourront œuvrer, prospérer, créer une nouvelle civilisation, comme le firent nos grands ancêtres gréco-romains ou les hommes de la Grande Renaissance et des siècles d’expansion de l’Europe moderne, apportant sciences et techniques aux habitants des autres continents, de 1492 à 1945.

    Globalo-mondialisation versus Populisme, c’est la nouvelle donne. Il serait dommage, pour les Européens, de laisser passer cette chance, par veulerie, paresse ou timidité.

    Bernard Plouvier (Metamag, 11 septembre 2017)

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  • Le populisme... Flux, reflux, flux ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Pascal Gauchon , historien et spécialiste de la géopolitique, publié dans le dernier numéro de la revue Conflits (n°14, juillet-août-septembre 2017), dont le thème était consacré aux populismes...

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    Le populisme. Flux, reflux, flux ?

    Il y eut le Brexit et l’élection de Trump. Puis les élections autrichiennes où le représentant du FPÖ échoua de peu. Et les présidentielles françaises où les candidats classés comme populistes atteignirent plus de 40% des voix au premier tour. Les coups de boutoir des populistes sont-ils en train de saper les murailles de ce qu’ils appellent le « système » ?

    Curieux terme que celui de « système ». Il paraît encore plus vague que celui de « populisme », il permet aux critiques d’assimiler ce dernier à un mouvement inconsistant qui part à l’assaut d’une chimère à coups d’arguments approximatifs et grossiers – une sorte de Don Quichotte monté sur Sancho Panza.

    Pourtant il existe bien une convergence des intérêts et des élites. Voyez tous les scrutins que nous avons évoqués : les syndicats de patrons et de salariés, les présidents d’université et les mouvements étudiants, la grande presse et le showbiz, les obédiences maçonniques et les représentants des religions, les partis socialistes et libéraux… les voilà tous unanimes, tous mobilisés (1). Ces organisations que tout oppose parlent alors d’une même voix. N’est-ce pas avouer que le terme de «système» n’est pas dépourvu de signification ?

    Tentons dès lors de le définir : une société composée d’organisations et de communautés qui, avec le temps, ont établi entre elles des compromis (les populistes parleraient de compromissions), chacune régentant un territoire comme un fief que les autres lui reconnaissent. On peut voir dans cet équilibre la preuve d’une société intégrée, apaisée et démocratique. Sauf que la grande masse de la population est censée faire confiance aux dirigeants de ces organisations – les « élites » – et rester silencieuse.

    Le « système » peut se défendre. Réagissant en bloc, il avait déjà forcé Tsipras à se déjuger. Il a contenu les populistes lors des dernières élections en Europe, ainsi aux Pays-Bas ou en France, avec comme principal argument la peur de l’inconnu. Nul doute que ces résultats encourageront l’abstention, arme suprême. Au Royaume-Uni, les adversaires du Brexit n’ont pas renoncé à le faire capoter en jouant sur le temps. Aux États-Unis, les élites ont réussi à paralyser les premières initiatives de Trump – manifestations hostiles, révolte des grandes villes contre les décrets sur l’immigration, protestations des patrons de la Silicon Valley, action des juges, attaques de la presse. Et l’on a vu Donald Trump revenir sur une partie de ses engagements, du moins pour l’instant. Qu’il change encore d’avis et la procédure d’impeachment sera enclenchée. Si la menace devient trop forte, on peut toujours modifier le mode de scrutin comme certains l’ont suggéré après le Brexit. D’ores et déjà le référendum est discrédité, assimilé à la «fausse démocratie»: en 2005 le vote très clair des Français et des Néerlandais avait été modifié par un tour de passe-passe et déjà on se prépare à jeter aux poubelles de la démocratie la consultation plus modeste de juin 2016 sur la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

    Le « système » peut être rassuré. Les populistes sont divisés (entre gauche et droite), leurs moyens limités, leur capacité à diriger incertaine, leurs maladresses surprenantes. Ils ont été contenus partout ou presque. Un immense « ouf ! » a retenti. Ce soulagement se double d’une arrogance qui ne se dément pas (2).

    N’ont-ils pas compris que c’est ce mépris qui nourrit la colère ? Que les causes profondes du surgissement du populisme n’ont pas disparu ? Et qu’après le reflux peut revenir le flux ?

    Pascal Gauchon (Conflits n°14, juillet-août-septembre 2017)

     

    Notes :

    1. La cohésion du « système » n’est pas toujours aussi nette qu’elle l’a été en France. Au Royaume-Uni, la grande presse n’est pas monochrome. Aux États-Unis, le monde des affaires s’est divisé à propos de Trump et une partie des Églises l’a soutenu.

    2. Voir Jacques Séguéla sur C News, évoquant la supériorité de la France des villes – il avait d’abord parlé de « la France d’en haut ». À noter aussi Christophe Barbier expliquant que les éditorialistes sont des « tuteurs sur lesquels le peuple, comme du lierre rampant, peut s’élever » (Journal du Dimanche, 14 avril). Ou Lord John Kerr, sous le coup du Bréxit : « Nous, Britanniques de souche, sommes si stupides que nous avons besoin d’une injection de gens intelligents et jeunes venus de l’extérieur. » Ou encore James Traub dans Foreign Policies (28 juin 2016) : « Il est temps que les élites se dressent contre les masses ignorantes. » Provocation ou inconscience ?

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  • Les populismes : flux ou reflux ?...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°14, juillet-août-septembre 2017), dirigée par Pascal Gauchon, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la question du populisme.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉCHOS

    ÉDITORIAL

    Le populisme. Flux, reflux, flux ?, par Pascal Gauchon

    ACTUALITÉ

    ENTRETIEN

    Jean-François Kahn. Le populisme jugé par un anticonformiste

    PORTRAIT

    Viktor Orban, l'éternelle rebelle, par Frédéric Pons

    ENJEUX

    Colombie, une guerre de cent ans, par Tigrane Yégavian

    ENJEUX

    Les conversions, un défi géopolitique, par Jean-Baptiste Noé

    ENJEUX

    Mais qui contrôle le ciel de la mondialisation ?, par Jean-Yves Bouffet

    ENJEUX

    Pour en finir avec le "gaullo-mitterrandisme", par Helena Voulkovski

    ENJEUX

    La série Trône de Fer, une leçon de géopolitique ?, par Jean-Marc Huissoud

    ENJEUX

    L'Allemagne à la veille des élections du 24 septembre, par Jean-Marc Holz

    IDÉES

    Penser le populisme, par Florian Louis

    GRANDE STRATÉGIE

    Les Royaumes combattants chinois, par Michel Nazet

    GRANDE BATAILLE

    Omduman (1898). La fin du romantisme militaire, par Pierre Royer

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Enjeux géopolitiques des métropoles européennes, par David Simmonet

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Claude Rochet. La mondialisation : un combat au couteau

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    Entretien avec Jean-Pierre Sueur. Remettre l'entreprise au cœur de la ville

    LA LANGUE DES MÉDIAS

    Les médias contre les Trump, par Ingrid Riocreux

    BOULE DE CRISTAL DE MARC DE CAFÉ

    Brexit : un marché de dupes, mais pour qui ?, par Jean-Baptiste Noé

    ÉCHOS

    Les meilleurs livres de géopolitique

    BIBLIOTHÈQUE GÉOPOLITIQUE

    Les leçons d'Ibn Khaldoun, par Gérard Chaliand

    CHRONIQUES

    LIVRES/REVUES/INTERNET /CINÉMA

    GÉOPO-TOURISME

    Bueno Aires : militaires et populistes, par Thierry Buron

     

    DOSSIER : Flux et reflux des populismes

    Les trois moments du populisme, par Pascal Gauchon

    Le populisme : de la cause du peuple... au peuple en cause, par Serge Le Diraison

    Le populisme, omniprésent et presque insaisissable, par Guillaume Bernard

    Les mots du populisme

    Quel avenir pour le populisme ?, Entretien avec Alain de Benoist

    Les populismes européens, unité et diversité, par Hadrien Desuin

    Mao Zedong, un populisme singulier ?, par Michel Nazet

    Amérique latine : la fin du populisme ?, par Didier Giorgini

    Turquie. le peuple sous le croissant , par Tancrède Josseran

    Trump ou la victoire de l'insurrection populiste, par Matthieu Bock-Côté

    Post-vérité, la langue du populisme ?, par François-Bernard Huyghe

     

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  • Pour en finir avec un certain libéralisme...

    Les éditions Avatar viennent de publier un essai de Michel Soriano intitulé Pour en finir avec ce libéralisme qui fabrique les crises et désespère les peuples. Chef d'entreprise, Michel Soriano a exercé dans la métallurgie, l’automobile et les énergies nouvelles, notamment, mais il a aussi dirigé un syndicat professionnel. Il connaît donc les égarements de l’économie libérale et de la finance ainsi que les processus qui conduisent à la spéculation, aux délocalisations et à la globalisation des flux de marchandises et de capitaux.

     

    Soriano_Pour en finir avec ce libéralisme.jpg

    " Non, l’élection de Trump, le Brexit, la montée des « populismes » et des « extrémismes » en Europe, ne sont pas des accidents de l’histoire… le malaise est profond ! 

    Les populations occidentales n’acceptent plus un libéralisme sans règles ni lois qui engendre les délocalisations, l’endettement colossal des états, l’accroissement des inégalités et de la précarité, les outrances de la finance, l’insécurité au quotidien…

    Après avoir chiffré et analysé les dérives économiques, sociales et financières du système, l’auteur nous propose les règles pour redonner des valeurs et du sens à l’économie libérale. Un système financier assaini et une économie de proximité libérale et ouverte permettraient de refabriquer chez nous les produits que nous consommons !… Il ne serait plus possible de s’enrichir impunément par la spéculation pendant que nos agriculteurs se suicident, que nos usines ferment et que nos technologies s’en vont. Une Europe fédérale verrait ainsi le jour, indispensable et puissant contrepoids face aux Etats-Unis et à la Chine. Une Europe qui trace le chemin, qui décide, forte mais apaisée, où le travail serait à nouveau source de richesse pour construire enfin le « rêve européen » que nous attendons tous ! "

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  • La droite doit-elle faire sa révolution ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'entretien donné le 14 juin 2017 par Julien Rochedy à Boulevard Voltaire à propos de la situation politique à l'issue des élections présidentielles et législatives. Ancien directeur du Front national de la jeunesse, auteur d'un essai intitulé Le marteau - Déclaration de guerre à la décadence moderne (Praelego, 2010), Julien Rochedy développe désormais ses analyses sur TV Libertés dans l'émission Sécession qu'il réalise avec Christopher Lannes.

     

                                     
                                     Julien Rochedy : "La droite doit faire sa... par bvoltaire

     

                                       

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  • Rélexions après la défaite...

     Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Javier Portella, cueilli sur Polémia, dans lequel il analyse les raisons de l'échec du mouvement national et de sa stratégie populiste de conquête du pouvoir...

    Javier Portella est l'auteur d'un essai remarquable intitulé Les esclaves heureux de la liberté (David Reinarch, 2012).

     

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    Réflexions après la défaite

    Que se passerait-il si jamais, d’aventure, on gagnait les élections ? Posons-nous la question maintenant qu’on vient de les perdre. Et on vient de les perdre lorsque, pour la première fois depuis des décennies, un germe d’espoir, un embryon de changement – et changement profond, radical : non pas un simple ravalement de façade – avait vu le jour en Europe. Dans trois pays et à trois reprises consécutives – l’Autriche, les Pays-Bas et, la plus retentissante, la France – il semblait que des partis alternatifs avaient de grandes chances de remporter la victoire. Aucun ne l’a fait. Davantage, les résultats de Marine Le Pen ont été, surtout après son calamiteux débat télévisé, inférieurs à ce qu’on entend par une défaite honorable.

    Et pourtant, jamais l’ambiance culturelle, intellectuelle, n’a été aussi favorable aux idées politiquement incorrectes, rebelles, iconoclastes : en rupture avec le Système. L’ambiance culturelle, spirituelle, certes… Mais, et l’ambiance sociale ? Brisant l’hégémonie exercée pendant des décennies par le marxisme et remplissant le vide laissé par une pensée de droite tout simplement inexistante, de grandes figures des lettres et de la pensée sont apparues qui tiennent le haut du pavé : les Houellebecq, Zemmour, Finkielkraut, Onfray… dont les livres se vendent par des centaines de milliers d’exemplaires et auxquels on peut désormais joindre un Alain de Benoist de moins en moins démonisé. En même temps, et grâce à Internet, tout un large réseau de médias alternatifs – la « réinfosphère », appelée par ses adversaires la « fachosphère » – accomplit la grande tâche de réinformer en brisant le monopole exercé par les médias au service du Système.

    Face à une telle situation, comment ne pas exulter, ne pas jubiler ? Notre joie était, et elle demeure, toujours légitime ; mais si les choses sont envisagées à court terme, elle est trompeuse aussi. Pour importante que soit la réinfosphère, elle est comme une goutte d’eau perdue dans l’océan des médias éléphantesques que nous subissons. Et en ce qui concerne la pensée exprimée par des intellectuels talentueux et pleins de succès, c’est évidemment de pensée, d’idées, qu’il s’agit : quelque chose qui est on ne peut plus éloigné des inquiétudes de l’électeur moyen – celui dont l’addition ouvre les portes du pouvoir.

    Cela étant, comment envisager sérieusement que cette addition puisse atteindre, ne serait-ce qu’une fois, les 50,1% des voix qui mènent au paradis (ou à l’enfer) du pouvoir ?

    La chose semble impossible, ce qui est d’ailleurs tout à fait logique : le seul sens de la démocratie est de régler l’accession au pouvoir des forces qui, partageant la vision libérale du monde, configurent le Système. Ni la démocratie ni aucun autre Système n’ont pour mission de faciliter l’accession au pouvoir à ceux qui prônent une vision radicalement différente de celle qui façonne le monde.

    Or, ce n’est pas là ce que disent la doctrine, la loi et la propagande libérales. Elles disent même tout le contraire. D’un point de vue légal, affirment-elles, et elles ont raison, aucune alternative, aucun projet n’est supérieur aux autres. Le manteau du droit les enveloppe tous de la même façon. Rien, dès lors, n’empêche que des opposants au Système parviennent un jour à obtenir ce 50,1% des voix qui mène au pouvoir. D’un point de vue légal, en effet… Mais la loi c’est la loi, et la réalité, la crue réalité. Si l’on s’en tient à cette dernière et au pouvoir de ceux qui y sont aux commandes, il est clair qu’une telle possibilité semble invraisemblable. Supposons, toutefois, qu’elle ne le soit pas. Supposons qu’au moins à une occasion le miracle s’accomplisse. Que passerait-il une fois que les rebelles auraient atteint le pouvoir ?

    Le deep State

    Il se passerait… cela même qui est en train de se passer aujourd’hui aux Etats-Unis – et se serait passé en France si Marine Le Pen avait remporté les élections. Il se passerait que les rebelles parvenus au pouvoir se trouveraient dans l’impossibilité de l’exercer. Comme cela est en train d’arriver à ce curieux milliardaire qu’est Donald Trump. Sa rébellion n’est, bien entendu, que fort partielle : grand capitaliste, l’homme applique et défend… le capitalisme, en même temps qu’il s’en prend aux idéologies (féminisme, idéologie de genre, multiculturalisme migratoire…) dont le Système se drape aujourd’hui, tout en combattant la mondialisation économique et culturelle que celui-ci met en œuvre. Pour ce faire, Trump prend des mesures qui sont jour après jour boycottées par l’appareil de l’Etat (auquel se joignent les pouvoirs financier et médiatique). Il se heurte de la sorte à tout ce deep State qui finira, soit par chasser Trump avec un impeachement, soit par réussir que ce soit lui-même qui, s’accrochant tel un naufragé à son radeau, dénature ou cesse d’appliquer les politiques pour lesquelles il a été élu.

    Quelle naïveté !… Comment peut-on croire qu’il en aille autrement ? Comment peut-on imaginer qu’il suffise d’atteindre 50,1% des voix pour que tout un Système – économique, politique, médiatique, social… et mental – change paisiblement de peau, transforme sa chair, renouvelle son sang ? Comme si les maîtres du pouvoir étaient assez sots pour le lâcher sans plus ! Des transformations d’une telle envergure n’ont jamais été faites ni ne se feront jamais à travers de simples victoires électorales. Celles-ci ne peuvent, tout au plus, qu’apporter un soutien ou une concrétisation à tout un processus qui a un nom aussi clair que bien connu : révolution.

    Mais la révolution que notre monde exige s’il veut être sauvé n’est pas l’affaire d’un jour. Ou d’un soir : elle n’est pas l’affaire du Grand Soir dont tous les révolutionnaires rêvent, que ce soit du Grand Soir d’une victoire électorale, ou du Grand Soir de la prise du palais présidentiel. Dans les deux cas, l’approche est au fond la même : plus élégante et moins sanglante dans le premier cas, c’est tout.

    Sommes-nous vraiment conscients de l’enjeu, proprement extraordinaire, dans lequel notre monde se débat ? J’en doute, car si nous en étions vraiment conscients, l’impatience nous tarauderait bien moins. La clairvoyance et la patience seraient alors nos alliées ; elles découleraient de la prise de conscience d’un enjeu si colossal qu’il nous rapproche, par son envergure, des deux principaux processus révolutionnaires que notre civilisation a connus : le processus par lequel le monde de l’Antiquité devint le monde chrétien, et celui par lequel le monde aristocratique devint le monde démocratique et bourgeois – des choses qui ne furent certainement accomplies ni lors d’un Grand Soir ni lors de cent. Dans le premier cas, le processus dura quatre siècles (dès la naissance du Christ jusqu’à l’édit de Théodose en 380) ; dans le deuxième cas, même si le processus ne se concrétisa que lors de la dernière décennie du XVIIIe siècle et les premières du XIXe, c’est l’ensemble des Temps Modernes qui peuvent être considérés comme un sourd, lent acheminement vers sa réalisation.

    Le grand enjeu du monde d’aujourd’hui

    Tout un profond processus de changement mental, social, idéologique est aujourd’hui en jeu. (Qu’il soit en jeu, il n’y a pas de doute, mais rien ne peut nous dire avec certitude ni qui finira par emporter la partie, ni dans combien d’années… ou de décennies celle-ci prendra fin.) Or, si ce qui est en jeu est tout un processus qu’on peut qualifier de révolutionnaire, celui-ci a très peu à voir avec ce qu’on entend couramment par révolution : celles, notamment, des XIXe et XXe siècles. D’une part, il n’y a plus ici le sectarisme, la prépotence et l’autoritarisme qui ont tellement marqué l’esprit révolutionnaire de ces temps-là. Et ce qui est tout aussi important : on a cessé de croire au Grand Soir, on a compris (même si les anciennes inerties font que, parfois, on se fasse sottement des illusions) que le monde ne saurait être transformé ni en gagnant des élections ni en prenant d’assaut le Palais d’Hiver. Transformer le monde de fond en comble, cela ne se fait pas par la simple action politique. Cela se fait à travers un long travail de ce qui a reçu le nom de métapolitique : en modifiant les mentalités, en influençant les espoirs, en marquant les sensibilités.

    Or, toutes ces actions étant faites au moyen de la parole, on a fini par croire que celle-ci suffit à la besogne – et ce n’est pas du tout le cas. Aussi persuasif qu’un discours puisse être, il ne suffit pas de le déployer pour qu’un nouveau consensus social voie le jour. La parole est indispensable, mais insuffisante aussi. Si, dans la Rome hostile, les chrétiens s’étaient par exemple bornés à leurs prêches et sermons, le monde n’aurait jamais été transformé comme il le fut grâce à l’action de ceux qui, outre des sermons, parvinrent à mettre sur pied toute une extraordinaire infrastructure axée sur la philanthropie active. C’est l’empereur Julien (« l’Apostat », comme l’Eglise le surnomme) qui le reconnaît lui-même, et c’est Louis Rougier qui le souligne en rappelant que « les nombreuses institutions d’assistance et de bienfaisance que les églises avaient fondées, alimentées par les donations des riches, contribuèrent pour beaucoup au triomphe du christianisme » (*).

    Alimentées par les donations des riches… Voilà l’autre aspect de la question. Nul doute que les pauvres (aussi bien ceux dépourvus de biens matériels que les pauvres d’esprit auxquels le royaume des cieux est promis) constituèrent le socle social du christianisme naissant ; mais si les nouvelles idées et croyances n’avaient pas touché aussi une fraction importante des élites romaines, leur triomphe eût été impossible. Comme il eût été également impossible le triomphe des Lumières et de la Révolution si leurs idées et aspirations n’avaient été que l’affaire des bourgeois et du petit peuple ; si la nouvelle vision du monde, autrement dit, ne s’était pas également glissée au sein d’une aristocratie qui n’imaginait pas un seul instant – parfois l’Histoire aime bien à se moquer – que leurs têtes seraient coupées et leur pouvoir renversé.

    C’est si évident !… Il est impossible de renverser tout un système articulé d’idées et de valeurs si les élites qui l’incarnent ne sont pas contaminées, d’une façon ou d’une autre, par les nouvelles idées qui frappent à la porte. D’où la question, décisive : qu’en est-il parmi nous ? Il n’en est rien. Nos élites – misérables et indignes, mais qui se tiennent aux commandes – sont pures, incontaminées : nulle influence n’est exercée sur elles par les idées qui sont en train de germer. Reconnaissons cependant que s’il en est ainsi, c’est aussi parce que personne, parmi nous, n’a jamais songé à gagner, peu ou prou, les élites à nos idées – comme le christianisme gagna (partiellement, certes) l’aristocratie de Rome, et le libéralisme, celle de l’Europe.

    Le « peuple périphérique » et « le peuple central »

    D’une part, les élites ; d’autre part, le peuple. En effet. Seul le peuple peut devenir le grand moteur permettant qu’un jour se voient concrétisés les profonds changements que tout cela implique. Le peuple, les braves gens frappés par la crise et la mondialisation ; les couches populaires qui connaissent encore l’attachement à la terre, le respect des traditions, l’amour de la patrie (ou de ce qu’il en reste). « Des braves gens, disait le poète Antonio Machado, qui vivent, travaillent, passent et rêvent » ; des gens qui, « s’il y a du vin, ils en boivent, sinon ils boivent de l’eau fraîche ». Des braves gens qui, éloignés des monstres urbains et établis dans ce qui reste de la campagne ou dans les petites et moyennes villes de province – dans « la France périphérique », comme l’appelle Christophe Guilluy –, sont toujours attachés à « la décence commune » dont parlait George Orwell.

    Des braves gens, des gens simples et bons. Ce sont eux – « les déplorables », comme les qualifiait Hillary Clinton – qui ont porté Donald Trump au pouvoir (non : pas au pouvoir, nous l’avons déjà vu ; rien qu’à la présidence). Ce sont eux aussi qui ont voté pour Marine Le Pen.

    Il suffit pourtant de rappeler de tels faits, et les choses se compliquent considérablement. Car si la confrontation se passe entre « le peuple » et « les élites » ou, en termes territoriaux, entre « les provinces » et « les métropoles », ou entre « la périphérie » et « le centre », il en découle qu’il y a bien un autre peuple aussi : celui qui, occupant cet « espace central » que sont les grandes villes et ayant un nombre d’habitants égal, sinon plus grand que celui du « peuple périphérique », apporte son soutien à nos élites ignobles et dépravées. On pourrait même dire, au vu d’une telle servitude volontaire, que ce peuple fait même partie des élites : non pas de leur pouvoir, non pas de leur train de vie, mais bien de leur esprit, de leurs craintes et envies. Ou est-ce peut-être qu’ils ne font pas partie du peuple, tous ces petits gens qui à New York, à Los Angeles, à Philadelphie… se sont massivement mis au côté d’Hillary Clinton et de ce qu’elle représente ? Est-ce qu’ils ne font pas partie du peuple, tous ces employés et scribouillards, fonctionnaires, ouvriers (moins qu’avant, mais il en reste encore), boutiquiers, étudiants, travailleurs indépendants, petits entrepreneurs… de Paris, dont seulement 50.000 misérables voix ont été rassemblées par Marine Le Pen au premier tour des élections, tandis qu’au second tour ce même peuple de Paris plébiscitait le représentant de la ploutocratie mondialiste et apatride, Emmanuel Macron, avec rien moins que 95% des voix ? Tous ces gens-là, loin d’être des braves gens, seraient-ils des mauvaises gens : du peuple devenu de la racaille ?

    La racaille est bien là : celle des bandes de jeunes délinquants souvent venus d’ailleurs ; celle de nombreux migrants, arabes ou noirs, qui, avec ou sans sa carte d’identité en poche, ne se sentent pas français mais n’en font pas moins partie, dans une approche populiste stricto sensu, du peuple de Paris ou de celui de n’importe quelle grande ville. Mais ce ne sont pas eux qui importent ici. Ce ne sont pas eux qui composent (pour l’instant) la majorité de la population.

    Or, c’est la majorité de la population – le centre, et non seulement la périphérie – qu’il faut conquérir. Sans faire de concessions, bien sûr, mais avec l’intelligence nécessaire pour leur faire comprendre plusieurs choses d’une extrême importance.

    Pour leur faire comprendre, par exemple, que faire de l’argent, entreprendre des affaires, c’est légitime, c’est nécessaire. « Enrichissez-vous ! », comme disait François Guizot, le ministre de Louis-Philippe. Enrichissez-vous, mais avec bon sens et modération : en fuyant l’hubris, la démesure que les Grecs craignaient comme la peste et qui conduit, entre autres, à nous écraser, nous qui ne nous enrichissons ni ne le prétendons, mais qui n’avons pas pour autant à nous appauvrir (ou à tomber dans la précarité : cette pauvreté de nos jours). Ce n’est pas la richesse qu’il faut fuir ; c’est cette démesure qui fait qu’aussi bien les oligarques que leurs victimes considèrent les richesses et l’enrichissement comme le destin même de l’Humanité : un destin qui a dès lors pour seul attrait l’hédonisme plat et vulgaire qui, réduisant tout à un « bonheur » fait d’argent, consommation et divertissement, ignore tout devoir et toute contrainte.

    Fuyons un tel hédonisme, mais ne tombons pas pour autant dans l’ascétisme et ses rigueurs ; assumons, par contre, la seule joie grande et véritable : celle de ceux qui, sachant se sacrifier quand il le faut, savent également jouir dans la joie et dans la volupté.

    Il s’agit finalement de faire comprendre à tous, aussi bien au peuple corrompu par les élites qu’à la partie de celles-ci dont les oreilles ne seraient pas encore tout à fait bouchées, que nous sommes tous embarqués sur le même bateau, attelés au même sort : celui de vivre et de mourir sans la sûreté d’un port à atteindre, plongés dans le va-et-vient et les incertitudes d’un monde qui, dépourvu d’appuis auxquels s’attacher et de Destin auquel se vouer, doit et peut trouver dans une telle indétermination – mais à la condition de déployer des doses extrêmes de courage et d’endurance – le plus haut destin dont on puisse rêver.

    Tant qu’à faire comprendre des choses (à propos, combien de fois a-t-on essayé d’expliquer de telles choses aux gens ?), il faut également faire comprendre – à tous : aux élites, au « peuple central » et au « peuple périphérique » – que, certes, nous sommes conservateurs ; certes, nous affirmons la tradition, ce lien avec nos ancêtres qu’il est indispensable de conserver. Mais conserver… quoi, au juste ? Ce qu’il faut absolument conserver, ce sont les grandes valeurs de notre culture, de notre civilisation, mais en jetant par-dessus bord – hé oui, nous sommes aussi révolutionnaires ! – tout ce qu’il faut rejeter du rance, guindé, étriqué esprit conservateur. Qu’ils soient rassurés, les hommes et les femmes libres qui craignent pour leur liberté : ni le puritanisme ni le rigorisme ne vont marquer le monde nouveau qu’entre tous… ou luttant entre tous nous allons tôt ou tard forger.

    Qu’ils soient également rassurés ceux qui, attachés aux droits de l’individu, craignent qu’à force d’affirmer la dimension collective de l’existence – la patrie, l’enracinement historique… : ces choses qui les énervent tellement –, ce soit l’autonomie individuelle qui en pâtisse ou se voie anéantie. Qu’ils se rassurent : c’est exactement tout le contraire qui se passe. C’est lorsque les liens collectifs se voient dissous, c’est lorsqu’il se produit la perte de cette continuité temporelle qu’est l’histoire d’un peuple ; c’est lorsque l’homme reste tout nu et dépourvu de destin, voué à la mort ; c’est, en un mot, lorsque l’homme apatride règne, que le royaume des hommes libres – ces personnalités fortes et différenciées – se voit remplacé par le grand amoncellement de l’homme masse, indifférencié et impersonnel : cette sorte de zombi grégaire qui va errant d’aéroport en aéroport, de ville en ville, de haute tour de bureaux en haute tour d’appartements dans un monde aussi indistinct que mondialisé, dépourvu d’histoire, privé de personnalité.

    Ici aussi il faut pourtant préciser les choses, tout comme elles l’ont été lorsque différents travers de l’esprit conservateur ont été chassés. Il y en a encore un qu’il faut repousser : le chauvinisme, cette hubris faite de fanatisme, bourrée d’outrances, qui, croyant défendre la patrie, ne fait que l’embourber dans la fange d’une vanité aussi pompeuse que creuse ; dans une vulgarité sectaire et grossière qui fait que les chauvins, se prenant pour les coqs du village, méprisent et harcèlent leurs voisins, ceux qui appartiennent, pourtant, à leur même lignage, ceux avec lesquels ils partagent, en Europe du moins, un même mais différencié destin.

    Le chauvinisme, cette peste qui, s’étant emparée de l’Europe, la détruisit il y a un siècle, ne peut être vaincu ni par l’individualisme mondialisé ni par l’atomisme indifférencié. Le chauvinisme ne peut être vaincu que par les liens de la communauté qui embrassent et, en embrassant, libèrent ; et en prodiguant leur chaleur, agrandissent. Rappelons de telles choses aussi bien au « peuple périphérique » qu’au « peuple central ». Au premier, à ce peuple qui croit encore à un destin collectif, pour éviter que la tentation chauvine (même si aujourd’hui on ne peut la déceler nulle part) ne puisse un jour s’emparer à nouveau de lui. Rappelons de telles choses à l’autre peuple aussi, à celui qui dans les grandes villes surtout ne croit plus à rien. Faisons tout pour le convaincre que ce n’est qu’en assumant les liens de son destin collectif qu’il pourra sortir de la mort qui nous laisse nous tous – nous aussi, car aucune communauté ne peut s’asseoir sur une seule moitié de sa population – nus et sans rien.

    Javier Portella (Polémia, 28 mai 2017

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