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populisme - Page 15

  • Jair Bolsonaro, populiste ultra-libéral ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'arrivée au pouvoir au Brésil de Jair Bolsonaro... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : le programme de Jaïr Bolsonaro est consternant !

    Élu président du Brésil en octobre dernier, avec plus de 55 % des suffrages, Jaïr Bolsonaro vient de prendre ses fonctions. La gauche, qui multiplie les anathèmes contre lui (homophobe, sexiste, raciste, etc.), parle d’une nouvelle poussée de « populisme » et dit que sa victoire réjouit tout ce que le monde compte de gens « de droite et d’extrême droite ». Vous en faites partie ?

    Pas du tout. Bolsonaro a certainement bénéficié de la vogue actuelle du populisme et capté le vote des classes populaires qui votaient auparavant pour le Parti des travailleurs, mais le populisme, je vous le rappelle, n’a pas de contenu idéologique précis. C’est seulement un style, une manière de faire se répondre l’offre et la demande politiques, et ce style peut se combiner avec des idéologies très différentes (Luiz Inácio Lula, l’ancien président, était lui aussi un « populiste »). La droite frétille toujours de façon pavlovienne quand elle entend dire qu’on va rétablir « la loi et l’ordre ». Le problème est que la loi peut être injuste et que l’ordre n’est souvent qu’un désordre établi.

    Je me garderai, bien sûr, de faire un procès d’intention à Bolsonaro. J’espère de tout cœur qu’il pourra mettre un terme à la corruption et ramener un peu de calme dans un pays où l’on enregistre 64.000 homicides par an (plus d’un demi-million en dix ans). Ce que je constate en même temps, c’est qu’il était avant tout le candidat des marchés financiers (la Bourse de São Paulo a bondi de 6 % au lendemain de son succès), des multinationales, à commencer par Monsanto, et du lobby des grands propriétaires terriens (la bancada ruralista), et que ce sont les églises évangéliques, contrôlées par les télé-évangélistes nord-américains et pétries de messianisme sioniste, qui lui ont apporté le soutien le plus décisif (ancien catholique, il s’est lui-même converti à l’évangélisme en se faisant symboliquement baptiser dans le Jourdain en 2016).

    Mais que lui reprochez-vous essentiellement ?

    J’ai écouté les diverses interventions de Bolsonaro et j’ai lu avec attention son programme, que je trouve à bien des égards consternant. Après avoir décidé de se retirer de l’accord de Paris sur le climat, il a annoncé la construction d’une nouvelle autoroute à travers l’Amazonie, l’ouverture à l’exploitation pétrolière et minière de territoires autochtones dont les habitants seront expulsés, et la promotion systématique de l’agriculture industrielle au détriment de la protection de l’environnement. Pour que les choses soient claires, il a d’ailleurs froidement supprimé le ministère de l’Environnement, dont les fonctions ont été transférées à celui de l’Agriculture, et annoncé la disparition du ministère de la Culture. Sur le plan social, il entend recourir à la privatisation quasi intégrale des entreprises publiques, installer un système de retraite par capitalisation des fonds de pension, alléger la fiscalité des groupes industriels les plus puissants, multiplier les exemptions d’impôts pour les tranches de revenu supérieures et réaliser une large dérégulation du secteur financier. S’il y a des gilets jaunes au Brésil, ils y trouveront difficilement leur compte !

    En politique internationale, Bolsonaro a adopté la même ligne que Donald Trump dans ce qu’elle a de plus contestable : transfert de l’ambassade de son pays de Tel Aviv à Jérusalem, soutien inconditionnel à l’Arabie saoudite et à Israël, méfiance vis-à-vis de l’Europe et hostilité envers la Chine et la Russie. À cela s’ajoute encore sa nostalgie avouée pour la dictature qui a régné au Brésil de 1964 à 1985, ce qui n’a rien pour me plaire. J’ai vu, dans le passé, s’installer un certain nombre de dictatures militaires, des colonels grecs aux généraux argentins en passant par Pinochet et ses « Chicago Boys ». Je les ai trouvées plus lamentables les unes que les autres.

    On présente pourtant Bolsonaro comme un nationaliste…

    Plus qu’un nationaliste, ce personnage, humainement assez creux et dénué de scrupules, est en réalité, tout comme Macron, un libéral. Il suffit de voir son entourage. L’homme fort de son gouvernement, qui cumule à lui seul cinq portefeuilles de ministres, est Paulo Guedes, cofondateur de la banque d’affaires BTG Pactual, un ultralibéral formé à l’école de Chicago, ancien élève de Milton Friedman, qui a également fondé l’Institut Millenium, d’orientation libertarienne et pro-pesticides, avant de sévir sous la dictature militaire chilienne. Le ministre des Affaires étrangères, Ernesto Araújo, est un diplomate anti-écologiste lié aux intérêts de l’agro-business. Le ministre de l’Agriculture, Tereza Cristina, est la représentante de la bancada ruralista. Le ministre de l’Éducation, Ricardo Vélez Rodriguez, un Colombien naturalisé brésilien, est un disciple d’Antônio Paim, ancien intellectuel communiste devenu aujourd’hui ultralibéral. Et leur gourou commun, Olavo de Carvalho, est un « penseur » résidant aux États-Unis où il propose des cours de philosophie « online ».

    Tout cela est, pour moi, rédhibitoire. Par principe, je ne cautionnerai jamais un virage à droite qui s’accompagnerait d’un retour en force du libéralisme.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 11 janvier 2019)

     

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  • La nature dominante...

    Les éditions Plume de carotte ont récemment publié un recueil de textes de Jack London sous le titre La nature dominante. Aventurier et auteur authentiquement populiste, Jack London (1876-1916), comme l'écrit Falk van Gaver dans un récent numéro d’Éléments, a sillonné le monde des hommes et les solitudes du Grand Nord, ne cédant jamais, ni sur sa part de liberté, ni sur sa part d'humanité.

     

     

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    " Jack London (1876-1916) voit le jour à San Francisco. En 1890, faute de moyens financiers, il doit quitter l'école et intégre une conserverie d'Oakland. Mais il a eu le temps de se passionner pour la lecture et rêve en lisant Herman Melville, de mer et de bout du monde. Il tente très vite de devenir écrivain, accumule les métiers, et surtout, voyage.
    À 17 ans, il devient chasseur de phoque au Japon, découvrant l'univers marin de ses lectures. Puis, quatre ans plus tard, il se tourne vers le Nord, attiré par l'or du Klondike en Alaska. Mais la vie est rude dans " ce pays où le whisky gèle et peut servir de presse-papiers durant une bonne partie de l'année ". Entre deux ascensions de cols impossibles, il côtoie de frustes trappeurs et éleveurs de chien, observant un concentré de comédie humaine. Revenu sans or, il est cependant riche de ses histoires où hommes et bêtes luttent pour la vie dans une nature impitoyable avec son sol gelé en profondeur et ses tempêtes de neige fréquentes.
    Dans ce cadre hostile et dur, ses romans sont des récits d'aventure teintés d'humanisme et d'entraide face à un capitalisme sans âme et des éléments déchaînés. La dernière partie de sa vie est plus paisible. Il achète un ranch dans la vallée de la Lune, une région de vignes et de séquoias qu'il découvre lors de longues promenades à cheval, appréciant une nature accueillante et des bonheurs simples. "

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  • Vox : vers la fin de la « gauchisation » de l’Espagne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alexandre Pallares, publié en octobre 2018 sur le site de L'Incorrect et consacré à Vox, le mouvement populiste identitaire espagnol. La récente percée électorale de ce mouvement aux élections régionales en Andalousie confirme pleinement l'analyse de l'auteur.

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    Vox : vers la fin de la « gauchisation » de l’Espagne ?

    Palais de Vistalegre, à Madrid, 7 octobre 2018 : 10.000 personnes ! Le même lieu où, il y a quelques années désormais, Pablo Iglesias, le leader de la gauche populiste espagnole, avait fait son entrée dans le jeu politique espagnol. Cependant, changement d’ambiance. Le numéro deux du parti, le combatif Javier Ortega Smith, donne le ton : il tient à rappeler que ce même 7 octobre, en 1571, se déroulait la bataille de Lépante où la flotte de la Sainte-Ligue, parmi laquelle les Espagnols étaient légion, vainquit la flotte turque et mit par conséquent fin à l’expansion de l’empire ottoman.

    Il faut dire que l’irruption de Vox dans le paysage politique arrive au moment où, de l’extérieur, l’Espagne donnait la sensation d’avoir oublié son passé glorieux et conquérant, laissant place à la religion du « progressisme » de gauche, du féminisme radical et déconnecté, de l’accueil des migrants, du reniement de son histoire et de la culpabilisation. Les revendications indépendantistes et les scandales de corruption achevaient la moindre pensée optimiste pour l’avenir ibérique. C’est pourtant « grâce » à cette rapide plongée dans les abysses que Vox, inconnu par la majorité des Espagnols il y a encore un an, est parvenu en quelques mois à se faire une petite place à côté des grands d’Espagne.

    Dans un premier temps, par le biais d’un service juridique hyper-réactif, qui traqua le moindre faux pas du gouvernement pendant la crise indépendantiste en Catalogne, il y a de ça un an. Ils avaient notamment réussi à amener le gouvernement catalan devant les tribunaux suite au référendum illégal organisé, incarnant ainsi une défense intransigeante de l’unité de l’Espagne. Première visibilité médiatique, bien qu’encore assez timide.

    Deuxième fait majeur : la crise de l’Aquarius en juin 2018. L’Italie ayant montré sa ferme opposition au débarquement de l’Aquarius (et des bateaux de passeurs en général) sur ses côtes, le tout récent gouvernement espagnol socialiste l’accueillait à Valence à bras ouverts, dans la naïveté la plus totale. Là encore, alors que les partis de droite et du centre (Parti Populaire et Ciudadanos) se soumettaient au politiquement correct en ne prenant pas clairement position afin de ne pas s’attirer les foudres du gauchisme médiatique, Vox fut le seul mouvement à s’opposer très clairement à l’accueil de l’Aquarius. Là encore, Vox, qui jusqu’alors combattait principalement sur le terrain des racines catholiques espagnoles et de l’unité de l’Espagne, ajouta une forte dimension identitaire par le biais de la défense des frontières face à ce que Vox appelle une « invasion » venant du continent africain. Et de très nombreux Espagnols, par-delà les sociologies catholique et conservatrice, sont de plus en plus sensibles à ce thème qui était jusqu’alors assez secondaire sur la péninsule.

    Depuis des mois, Vox se mobilise et annonce aujourd’hui plus de 10.000 adhérents, contre 3.000 à la même époque l’an dernier. Le meeting du 7 octobre prenait un air d’officialisation du parti, qui tenait à signifier aux autres qu’il faudra désormais compter avec Vox, qui n’est qu’à son début d’ascension (les sondages les placent entre 2 et 3% pour les européennes), mais qui surtout obtiendraient des députés aussi bien au Parlement Européen en 2019 comme au Parlement national en 2020. Les médias mainstream espagnols ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : depuis dimanche, Vox est cité sur toutes les chaînes de télévision, radios, journaux, comme le nouveau parti populiste en vogue, qui a su rompre avec le ringardisme des franco-franquistes sur la droite de l’échiquier.


    Santiago Abascal, président de Vox, qui n’apprécie guère que l’on considère Vox comme un « parti » mais davantage comme un « outil », avait prévenu ses sympathisants lors de ce même congrès : « désormais, on vous traitera de fachos, de racistes, de xénophobes, de rétrogrades ». Il est vrai qu’en s’ouvrant un espace médiatique, Vox s’est naturellement fait des ennemis parmi les médias qui ont enfin un adversaire de choix sur qui taper.

    Abascal a d’ailleurs mis en garde le centre-droit contre l’argument du fameux « vote utile » qui fait son apparition en Espagne quelques décennies après sa naissance en France…En rappelant que le centre-droit espagnol n’a pas (plus ?) le courage d’affronter le politiquement correct et que jamais ils n’avaient remodelé ce qu’avait instauré la gauche au pouvoir, les traitant de « lâches » à plusieurs reprises. Ainsi, il leur est par exemple vivement reproché de n’avoir pas supprimé la stalinienne « Loi de la Mémoire Historique », sorte de loi Gayssot qui donne une dimension morale à la Guerre Civile espagnole, où naturellement le bord de gauche est le « gentil » et celui de droite le « méchant », dans la plus pure tradition revancharde et passéiste de la gauche espagnole.

    Là encore, le positionnement de Vox qui s’oppose ouvertement à cette loi plaît puisqu’il est question de supprimer toute idéologie juridique et de ne pas rouvrir les plaies du passé, passe-temps favori de la gauche espagnole. Sur cet aspect, un bon nombre d’Espagnols sont favorables à cesser d’utiliser le passé comme argument moralisateur au XXIe siècle.

    Les électeurs déçus du Parti Populaire, qui représentent la majorité des actuels électeurs de Vox (qui pourraient également provenir du très variable parti centriste Ciudadanos), apprécient globalement le programme axé autour de l’unité de l’Espagne, de la défense de l’identité espagnole par la maîtrise de ses frontières, de la liberté économique par la défense des commerçants et entrepreneurs, et surtout l’espoir de voir enfin émerger une force politique qui mettra fin aux délires idéologiques de la gauche au pouvoir, face à laquelle le centre-droit semble idéologiquement paralysé.

    L’ascension électorale de Vox étant quasiment inéluctable, il reste désormais à observer s’ils parviendront à remplacer le Parti Populaire en suivant les exemples des partis populistes de droite en Europe (comme l’Afd en Allemagne, la Lega en Italie ou le RN en France) , ou bien s’ils seront annihilés par le Parti Populaire qui pourrait leur proposer des accords électoraux avant que le bébé Vox ne devienne adulte, et ainsi les tuer dans l’œuf.

    Alexandre Pallares (L'Incorrect, 12 octobre 2018)

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  • Les Gilets jaunes, plus redoutables que le Tea Party ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Edouard Chanot sur Sputnik, datée du 3 décembre 2018, dans laquelle il compare le mouvement des Gilets Jaunes avec le Tea party américain des années Obama. Un propos clair et intelligent, comme toujours avec ce journaliste...

     

                                   

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  • Quand le peuple de France reprend la parole...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le mouvement des "Gilets jaunes", comme expression de la révolte du peuple... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et L'écriture runique et les origines de l'écriture (Yoran, 2017).

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    Alain de Benoist : « Les gilets jaunes ? La revanche des ploucs émissaires ! »

    La France, depuis une dizaine de jours, vit à l’heure des gilets jaunes, et les commentaires sont déjà nombreux. Feu de paille ou vague de fond ? Nouvelle fronde ? Nouvelle jacquerie ? Quel est votre sentiment ?

    Il y a cinq ans, presque jour pour jour, le 23 novembre 2013, vous m’aviez interrogé sur le mouvement des bonnets rouges. J’avais alors attiré votre attention sur le fait que « tous les mouvements de protestation ou de révolte d’une certaine ampleur auxquels nous assistons aujourd’hui naissent en marge ou à l’écart des partis et des syndicats, lesquels ne sont de toute évidence plus capables d’incarner ou de relayer les aspirations du peuple ». Ma conclusion était celle-ci : « Un seul mot d’ordre : des bonnets rouges partout ! » Eh bien, nous y sommes : les gilets jaunes, ce sont les bonnets rouges partout. Après des années et des années d’humiliation, de paupérisation, d’exclusion sociale et culturelle, c’est tout simplement le peuple de France qui reprend la parole. Et qui passe à l’action avec une colère et une détermination (déjà deux morts et 800 blessés, plus qu’en mai 68 !) qui en disent long.

    Même si les classes populaires et les classes moyennes inférieures en sont l’élément moteur – ce qui donne au mouvement une extraordinaire dimension de classe –, les gilets jaunes proviennent de milieux différents, ils réunissent des jeunes et des vieux, des paysans et des chefs d’entreprise, des employés, des ouvriers et des cadres. Des femmes autant que des hommes (je pense à ces retraitées septuagénaires qui n’hésitent pas, malgré le froid, à dormir dans leur voiture pour que les barrages puissent être tenus nuit et jour). Des gens qui ne se soucient ni de la droite ni de la gauche, et qui pour la plupart ne sont même jamais intervenus en politique, mais qui se battent sur la base de ce qui leur est commun : le sentiment d’être traités en citoyens de seconde zone par la caste médiatique, d’être considérés comme taillables et exploitables à merci par l’oligarchie prédatrice des riches et des puissants, de n’être jamais consultés, mais toujours trompés, d’être les « ploucs émissaires » (François Bousquet) de la France d’en bas, cette « France périphérique » qui est sans doute ce qu’il y a aujourd’hui de plus français en France, mais qu’on abandonne à son sort, d’être victimes du chômage, de la baisse des revenus, de la précarité, des délocalisations, de l’immigration, et qui après des années de patience et de souffrances, ont fini par dire : « Ça suffit ! » Voilà ce qu’est le mouvement des gilets jaunes. Honneur à lui, honneur à eux !

    Qu’est-ce qui vous frappe le plus, dans ce mouvement ?

    Deux choses. La première, la plus importante, c’est le caractère spontané de ce mouvement, car c’est ce qui affole le plus les pouvoirs publics, qui se retrouvent sans interlocuteurs, mais aussi les partis et les syndicats, qui découvrent avec stupeur que près d’un million d’hommes et de femmes peuvent se mobiliser et déclencher un mouvement de solidarité comme on en a rarement vu (70 à 80 % de soutiens dans l’opinion) sans que l’on ait même songé à faire appel à eux. Les gilets jaunes, exemple achevé d’auto-organisation populaire. Pas de chefs petits ou grands, ni césars ni tribuns, le peuple seulement. Le populisme à l’état pur. Pas le populisme des partis ou des mouvements qui revendiquent cette étiquette, mais ce que Vincent Coussedière a appelé le « populisme du peuple ». Frondeurs, sans-culottes, communards, peu importe sous quel patronage on veut les placer. Le peuple des gilets jaunes n’a confié à personne le soin de parler à sa place, il s’est imposé de lui-même comme sujet historique, et pour cela aussi, il doit être approuvé et soutenu.

    L’autre point qui m’a frappé, c’est l’incroyable discours de haine dirigé contre les gilets jaunes par les porteurs de l’idéologie dominante, la triste alliance des petits marquis au pouvoir, des précieuses ridicules et des marchés financiers. « Beaufs », « abrutis », « ringards » sont les mots qui reviennent le plus souvent (pour ne rien dire des « chemises brunes » !). Lisez le courrier des lecteurs du Monde, écoutez la gauche morale – la gauche kérosène – et la droite bien élevée. Jusqu’ici, ils se retenaient la bride, mais plus maintenant. Ils se lâchent de la manière la plus obscène pour exprimer leur morgue et leur mépris de classe, mais aussi leur peur panique de se voir bientôt destitués par les gueux. Depuis la formidable manifestation de Paris, ils n’ont plus le cœur de rétorquer à ceux qui se plaignent du prix de l’essence qu’ils n’ont qu’à s’acheter une voiture électrique (version moderne du « Qu’ils mangent donc de la brioche ! »). Quand le peuple se répand dans les rues de la capitale, ils font relever les pont-levis ! S’ils expriment sans fard leur haine de cette France populaire – la France de Johnny, celle qui « fume des clopes et roule au diesel » –, de cette France pas assez métissée, trop française en quelque sorte, de ces gens que Macron a tour à tour décrits comme des illettrés, des flemmards qui veulent « foutre le bordel », bref, comme des gens de peu, c’est qu’ils savent que leurs jours sont comptés.

    On voit bien comment le mouvement a commencé, mais pas très bien comment il peut finir, à supposer, d’ailleurs, qu’il doive finir. Les éléments sont-ils réunis pour que cette révolte puisse se traduire de manière plus politique ?

    Ce n’est pas en ces termes que se pose le problème. Nous sommes devant une vague de fond qui n’est pas près de faiblir, parce qu’elle est le résultat objectif d’une situation historique qui est, elle-même, appelée à durer. La question des carburants n’a évidemment été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, ou plutôt la goutte d’essence qui a fait exploser le bidon. Le vrai slogan a tout de suite été : « Macron démission ! » Dans l’immédiat, le gouvernement va user des manœuvres habituelles : réprimer, diffamer, discréditer, diviser et attendre que ça s’effiloche. Ça s’effilochera peut-être, mais les causes seront toujours là. Avec les gilets jaunes, la France se trouve déjà en état pré-insurrectionnel. S’ils se radicalisent encore, ce sera tant mieux. Sinon, l’avertissement aura été majeur. Il aura valeur de répétition. En Italie, le mouvement Cinq étoiles, né d’une « journée de colère » lui aussi, est aujourd’hui au pouvoir. Chez nous, la déflagration définitive surviendra dans moins de dix ans.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 27 novembre 2018)

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  • Le moment populiste vu par Alain de Benoist...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, présenté par Élise Blaise, qui recevait Alain de Benoist pour évoquer la vague populiste en Europe et dans le reste du monde. Philosophe et essayiste, éditorialiste du magazine Éléments, Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis. Il a publié en janvier 2017 un essai intitulé Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017).

     

                                        

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