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nazisme - Page 10

  • Heil Grand Schtroumpf !...

    Nous espérions avoir sauver nos enfants du racisme et du colonialisme en supprimant de leur bibliothèque Tintin au Congo, du sinistre Hergé... Erreur ! La Bête est partout, comme le révèle Antoine Buéno dans Le Petit Livre bleu, essai à paraître aux éditions Hors collection... Inconscients du danger, nous laissons nos chérubins lire Les Schtroumpfs alors que la société dans laquelle vivent ces inquiétants petits hommes bleus "est un archétype d'utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme" ! Sans parler de la Schtroumpfette (blonde évidemment...), des méchants Schtroumpfs contaminés (noirs comme de bien entendu...) et du chat maléfique (qui s'appelle... Azraël...). Alors n'écoutez pas les pleurs de vos enfants...pour leur bien, schtroumpfez au feu la collection complète des Schtroumpfs !

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    La face cachée des Schtroumpfs dévoilée dans "Le Petit Livre bleu"

    PARIS - Les Schtroumpfs, charmants lutins bleus ou horribles staliniens, racistes et antisémites ? Pour y schtroumpfer plus clair, Antoine Buéno offre dans "Le Petit Livre bleu" une lecture socio-politique inédite et ludique de la saga de Peyo, de retour au cinéma en août.

    Maître de conférence à l'IEP de Paris et romancier, l'auteur, qui ne veut en rien casser la magie des petites créatures bleues, n'en analyse pas moins leur société avec les armes féroces de la science politique et de la schtroumpfologie.

    Après avoir traité de questions fondamentales sur la nature biologique ou la sexualité des Schtroumpfs -- au fait, pourquoi n'y a-t-il qu'une seule schtroumpfette ' --, Antoine Buéno tente de démontrer que leur société "est un archétype d'utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme".

    Le nom et la "novlang" schtroumpf étaient nés lors d'un déjeuner entre Pierre Culliford, alias Peyo, et son complice André Franquin, en avril 1958 : au lieu de "passe-moi le sel !", Peyo lança "passe-moi le schtroumpf !"

    Ce nom imprononçable devint "Puffi" en Italie, "Pitufos" en Espagne, "Smurfs" en anglais, "Stroumfakia" en grec ou encore "Kumafu" en japonais. Et "Schlümpfe" Outre-Rhin, schtroumpf signifiant chaussette en allemand...

    Né en 1928 à Bruxelles, Peyo, le père des Schtroumpfs, avait connu l'occupation allemande et n'en gardait aucune nostalgie mais, relève Antoine Buéno, "une oeuvre peut véhiculer une imagerie que son auteur, de bonne foi, ne cautionne pas (...). Les Schtroumpfs reflèteraient donc plus l'esprit d'une époque que celui de leur créateur".

    Les Schtroumpfs vivent en autarcie. C'est une société collectiviste et dirigiste, avec un chef unique et omnipotent, le grand Schtroumpf.

    Ils prennent tous leurs repas au réfectoire, sont puritains jusqu'au ridicule. Le racisme est patent dans l'album des "Schtroumpfs noirs" où la pureté du sang devient vitale et le brun, laid. Ou dans celui de "La Schtroumpfette", quand le blond aryen est idéalisé, estime l'auteur.

    Ce petit monde est aussi mobilisé contre un ennemi juré, Gargamel, dont le profil rappelle une caricature antisémite et dont le chat s'appelle Azraël.

    C'est le fils de Peyo, Thierry Culliford, qui a poursuivi l'oeuvre de son père après son décès en 1992. Dans ses albums, beaucoup plus pédagogiques, "le village des Schtroumpfs se fait plus explicitement métaphore du réel", souligne l'auteur.

    Le 3 août, un film américano-belge de Raja Gosnell, mi-animé en 3D et mi-live, fera surgir "Les Schtroumpfs" sur les écrans. Les créatures bleues investiront pour l'occasion le coeur de New York.

    Le film sera précédé au Lombard du 29e titre de la série, "Les Schtroumpfs et l'arbre d'or". En novembre, sortira une "Encyclopédie des Schtroumpfs".

    ("Le Petit Livre bleu" - Antoine Buéno - Editions Hors Collection - 192 p. - 12,90 euros - mise en vente le 1er juin)

    Par AFP

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  • Un dialogue entre Ernst Nolte et Dominique Venner...

    A l'occasion de la sortie dans la collection de poche Tempus de l'ouvrage d'Ernst Nolte, La guerre civile européenne, nous reproduisons ci-dessous un dialogue entre l'auteur et Dominique Venner, que la revue Eléments (n°98, mai 2000) avait publié à l'occasion de la première parution de ce livre en traduction française aux éditions des Syrtes.

     

     

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    Ernst Nolte et Dominique Venner, une rencontre...

    Dominique Venner : La « querelle des historiens » remonte à 1986, au 6 juin 1986 pour être précis, date à laquelle est publié en Allemagne votre article « Un passé qui ne veut pas passer ». Un an plus tard paraît La guerre civile européenne 1917-1945, que viennent de traduire en français les éditions des Syrtes. Vous y soulignez que le national-socialisme et le bolchevisme ne peuvent se comprendre que l'un par rapport à l'autre. Pour être plus précis, le « nœud causal » entre les deux idéologies réside dans l'émergence du national-socialisme comme réponse ou réaction au bolchevisme, à la menace de mort qu'il faisait planer sur la civilisation européenne. Comment expliquez-vous que cet article et ce livre aient suscité en Allemagne un tel scandale intellectuel?

    Ernst Nolte: Le « scandale » réside dans le fait que j'ai pris au sérieux l'auto-interprétation que les nationaux-socialistes donnaient de leur engagement à savoir la lutte contre le communisme, avec les mêmes moyens que le communisme. Cette motivation est évidente dans la guerre germano-soviétique (1941-45), et on en trouve un exemple célèbre dans le discours de Himmler à Posen. Le chef de la SS raconte comment un commissaire de l'Armée rouge, voyant revenir un régiment défait au combat, convoque ses officiers et en exécute quelques-uns froidement. Loin de s'en offusquer, Himmler appelle ses troupes à une résolution plus dure et plus violente encore.

    Mais le nœud causal s'est établi bien avant la guerre. Contrairement à beaucoup de mes collègues qui s'intéressaient au national-socialisme dans sa course au pouvoir des années trente, je me suis longuement penché sur les premières années de formation et d'expression idéologiques d'Adolf Hitler, au lendemain de la Première Guerre mondiale. C'est à ce moment que le futur Chancelier du IIIe Reich cristallise sa doctrine. Il subit l'influence des auteurs comme Eckart, Scheubner-Richter, Rosenberg, et développe un anti-bolchevisme qui sera constitutif du national-socialisme comme parti de contre-dictature, de la contre-guerre civile. L'antisémitisme donnera ensuite à son discours une cohérence idéologique à vocation universelle et une efficacité passionnelle propres, selon Hitler, à lutter contre le marxisme sur son terrain.

    Là réside donc le « scandale » : dans l'Allemagne de 1986-87, il était inimaginable d'établir une connexion ne fût-ce qu'indirecte entre le Goulag et Auschwitz.  

    D.V. : De votre part, il s'agissait d'une interprétation nouvelle par rapport à vos précédents travaux... 

     

    E.N. : Pas vraiment. Dans Le fascisme dans son époque, je considérais déjà le fascisme comme un antimarxisme fondamental, quelles que soient les distinctions que l'on peut faire ensuite entre fascisme-mouvement et fascisme-régime, fascisme normal et fascisme radical. Plus précisément, je définissais le fascisme comme un antimarxisme qui vise à anéantir son ennemi en développant une idéologie radicalement opposée à la sienne (encore qu'elle en soit proche) et en appli­quant des méthodes presque identiques aux siennes, non sans les avoir transformées à sa manière, et cela dans le cadre inébranlable de l'auto-affirmation et de l'autonomie nationales.

    D.V.: Sur ce point, l'utilisation indistincte du terme « fascisme » pour désigner les idéologies mussolinienne et hitlérienne risque d'introduire une certaine confusion. Le fascisme historique, authentique, né en Italie, présente des caractéristiques spécifiques très éloignées du nazisme. A mon sens, l'une des grandes différences avec le national-socialisme, et surtout avec la vision hitlérienne du monde, réside dans le fait que cette dernière se réclame d'une interprétation scientifique - ou prétendue telle - de l'histoire. Le darwinisme et le racisme biologique sont absents du fascisme italien. En revanche, dans Mein Kampf et dans les Libres propos, Hitler prétend à une justification scientifique de ses idées. Or, ce désir de scientificité du national-socialisme est aussi un trait de l'idéologie marxiste, qui se présente comme une « science », une compréhension rationnelle des lois déterminant la structure des sociétés et les mouvements de l'histoire. Je serai donc tenté de fonder sur ce point précis une parenté du national-socialisme et du bolchevisme, parenté qui exclut le fascisme italien.

    E.N.: Vous avez raison. Mais en plus du biologisme darwinien rôle de l'antisémitisme. Celui-ci permet à la doctrine hitlérienne de développer une philosophie de l'histoire proche quoiqu'opposée au marxisme. L'annihilation d'un peuple mondial voulue par Hitler est une réponse à la destruction d'une classe mondiale froidement envisagée par les bolcheviks. L'antisémitisme donnait à l'idéologie nationale-socialiste une dimension globale, universelle et, à sa manière, « rédemptrice ». A ce titre, l'antisémitisme est une nécessité intérieure du nazisme, que Mussolini et les doctrinaires du fascisme n'ont jamais développée.

    D.V.: On peut se demander si la prétention scientifique commune au national-socialisme et au bolchevisme n'est pas un des ressorts essentiels de ce que l'on a appelé le « totalitarisme ». Ce siècle a certes connu des abominations qui ne relevèrent ni du communisme ni du nazisme. Mais, en dehors des marxistes et des nationaux-socialistes, personne ne cherchait à justifier ses crimes par des arguments scientifiques. On invoquait plutôt les nécessités inhérentes à certaines situations. Or, voici deux mouvements idéologiques qui n'entendent pas se soumettre à la contingence historique, mais veulent la conformer à la vision rationnelle-scientifique qu'ils s'en font, qui justifie à leurs yeux tous les moyens. Ne tient-on pas là une clef fondamentale du totalitarisme?

    E.N.: Dans Mein Kampf, Hitler ne souhaite pas seulement opposer à l'idéologie de l'ennemi une idéologie « de même force », mais « de plus grande vérité ». Sur ce point, et au-delà du caractère scientifique dont nous parIons, il convient à mon sens de reconnaître que la philosophie de l'histoire du marxisme est authentique, alors que celle du national-socialisme est artificielle. Par authentique, je veux dire que le marxisme se fonde sur une idée très ancienne, sur un fond réel des aspi­rations humaines - la société sans classes, l'égalité entre tous, l'histoire sans conflit, la réconciliation de l'humanité, etc. Or, chez Hitler, on ne trouve pas une telle assise universelle. En ce sens, j'ai parlé de « copie pervertie »: le communisme est antérieur en tant que construction idéologique, mais aussi plus originel en tant que fond philosophique. Hitler ne peut être comparé ni à Marx ni à Staline, mais bien à Lénine.

    D.V.: Dans votre livre, vous soulignez combien la Première Guerre mondiale introduit une nouvelle barbarie dans la conduite des opérations militaires. Celle-ci n'est une invention ni du marxisme, ni du national-socialisme. Vous citez très justement la stratégie anglo-saxonne du blocus, qui était destinée à affamer le peuple allemand. jusqu'alors, la guerre ne concernait peu ou prou que les soldats: désormais, la population civile devenait une cible légitime. je pense, pour ma part, que dans leur extrémisme, le bolchevisme et le nazisme sont les produits de la Première Guerre mondiale et de son déchaînement illimité de violence.

    E.N.: Il me semble que ces barbaries, accomplies par des nations qui étaient considérées comme des « États de haute culture », auraient pu être « digérées » par ces mêmes États s'ils étaient parvenus à établir une paix juste et à s'intégrer dans la Société des nations. Mais la révolution de 1917 et l'instauration du communisme en Russie, qui s'inscrivaient à leur manière dans ces tendances à la déshumanisation manifestées par la cruauté des combats entre 1914 et 1918, ont entièrement changé la donne dans l'entre-deux guerres. D'où la responsabilité que j'attribue au bolchevisme dans le déclen­chement de la guerre civile européenne.

    D.V.: Le noyau initial du bolchevisme et surtout du national-socialisme était composé d'hommes qui avaient combattu sur le front en 14-18. Leur vision des choses avait été transformée par l'expérience de la guerre et, pour certains d'entre eux, de la défaite. Vous le soulignez dans votre livre: Hitler plus que d'autres a vécu comme une douleur et une humiliation terribles l'effondrement de l'armée impériale. On peut se demander si sa vision hyperconflictuelle de la vie politique ne doit pas beaucoup au sentiment de répulsion éprouvé face à cet effondrement. jusqu'à la fin, il aura la volonté d'être plus dur encore que tous ses adversaires, pour que l'Allemagne ne connaisse jamais une honte comparable à celle de 1918.

    E.N.: Les anciens officiers étaient en effet nombreux dans les rangs de la NSDAP - ce que Trotski, ayant lui-même contribué au massacre ou à l'enrôlement forcé des officiers russes, avait oublié lorsqu'il prévoyait l'écrasement probable des « petits-bourgeois » nationaux-socialistes par les communistes. Toutefois, si Hitler n'avait été, comme Rühm, qu'un ancien soldat perdu dans la vie civile, il n'aurait pas connu son destin. Au-delà de l'amertume propre aux sentiments nationalistes de l'époque, Hitler entendait devenir le soldat d'une idéologie et il dut pour cela prendre des leçons auprès de l'idéologie adverse. Certains soldats revenus du front ne peuvent s'accoutumer à la paix. Dans le cas du bolchevisme et du national-socialisme, la vraie question ne résidait pas dans une distinction entre temps de paix et temps de guerre: ces deux doctrines voulaient avant tout purifier le monde. Cette tension vers l'anéantissement de l'adversaire, constitutive de la guerre civile, existait dans un camp comme dans l'autre. J'en cite de nombreux exemples dans mon livre. Ainsi l'intellectuel de gauche Kurt Tucholsky écrit-il l'été 1927 dans ses Oanische Felder: « Que le gaz s'infiltre dans les pièces où jouent vos enfants! Qu' i Is s'affaissent lentement, les poupons. A la femme du conseiller ecclésiastique et du rédacteur en chef, à la mère du sculpteur et à la sœur du banquier, à toutes je souhaite une mort cruelle et pleine de tourments ». Même replacé dans le contexte des exactions brutales des corps-francs, ce genre d'exercices imaginatifs donne une idée de la violence de l'époque.

    D.V.: Votre thèse est que l'histoire euro­péenne, entre 1917 et 1945, est dominée par une guerre civile entre bolchevisme et anti­bolchevisme. Or, le monde anglo-saxon est lui aussi porteur d'une certaine vision du monde, une vision très différente de celles qui se développent sur le continent euro­péen. Vous montrez bien dans votre essai que Roosevelt voulait la guerre. Mais du point de vue qui était le sien, il ne s'agissait pas seulement d'écraser le national-socialisme, mais également d'éliminer une puissance capable d'unifier l'Europe sous sa direction. Cette intervention d'un troisième acteur dans la guerre civile européenne a modifié, non seulement les rapports de force, mais aussi les perspectives idéologiques. je pense ici à la manière dont Oswald Spengler, dès 1920, opposait le monde anglais et le monde prussien, en montrant qu'ils correspondaient à deux modes d'existence collective et à deux visions de l'avenir radicalement contraires. Spengler parle très peu du bolchevisme: à ses yeux, le grand antagonisme oppose le monde organique européen (symboliquement, la Prusse) et le monde mercantile anglo-saxon (symboliquement, l'Angleterre). Ne peut-on dire que 1945, de ce point de vue là, fut aussi une victoire contre l'Europe?

    E.N.: Mais aussi, d'un autre point de vue, une victoire pour l'Europe, si l'on considère le système « libéral » comme un système originairement européen. Par système libéral, j'entends le régime politique fondé sur la séparation et la balance des pouvoirs, et au-delà, sur la pluralité d'expression des réalités sociales. Un tel système, très imparfaitement maintenu aux États-Unis, n'existait plus en Europe sous la férule nationale-socialiste ou bolchevique. En ce sens, la victoire des États-Unis a permis la survie d'une forme d'organisation de la vie politique que je crois européenne dans son essence. Au fur et à mesure de son évolution, Hitler se pensait de plus en plus comme un ennemi de l'Europe existante - l'Europe des classes dirigeantes, l'Europe chrétienne, etc. Comme les bolcheviks, Hitler voulait faire table rase sur le Vieux Continent, mais dans le sens d'un mode de vie archaïque, fondée sur la vertu militaire. Bolcheviks et nationaux-socialistes combattaient chacun à leur manière contre l'histoire, l'un vers une post-histoire « radieuse », l'autre vers un retour aux commencements, avant cette décadence que les nazis voyaient par­tout à l' œuvre dans les siècles récents de l'Europe.

    D.V.: De la « querelle des historiens » à l' « affaire Sioterdijk », en passant par les prises de position très discutées d'auteurs comme Günter Maschke, Botho Strauss, Heimo Schwilk, Rainer Zitelmann, Martin Walser, on a le sentiment d'un réveil du débat outre-Rhin. Ce qui ne va pas sans inquiéter certains esprits, à commencer par celui que l'on a présenté comme le philosophe officiel de l'ancienne République de Bonn, Jürgen Habermas. Qu'en est-il?

    E.N.: Voici quelques jours, j'ai tenu une conférence à Turin sur l'éthique de la discussion, concept forgé par Habermas. A mon sens, si l'on considère cette éthique de la discussion dans la totalité de ses conséquences, elle aboutit au spectre terrifiant d'une huma- nité clonée. Car ce que Habermas recherche comme finalité de la discussion rationnelle, c'est le consensus général. Or, celui-ci n'est possible qu'au prix de l'éradication des différences entre les hommes. Dans sa polémique avec le philosophe de Francfort, Sioterdijk l'a qualifié de « jacobin » dans la mesure où il se veut une sorte de pape séculaire régentant tous les termes le débat.

    Je ne sais si tous les exemples que vous citez sont réellement représentatifs d'un renouveau du débat proprement dit. Il s'agit plus de « scandales » lancés par des médias qui recherchent des événements susceptibles de capter sur une courte durée l'attention du grand public. La querelle des historiens, par exemple, n'a pas été continuée et la publication de ma correspondance avec François Furet ne l'a pas réveillée. De même, la traduction récente du Livre noir du communisme s'est surtout soldée par des polémiques lancées par d'anciens gauchistes contre Stéphane Courtois.

    D.V.: Les querelles idéologiques sont la version froide de la guerre civile. Elles ne prêtent pas au débat, sauf en de brèves occasions, entre dissidents rendus à la liberté par leur dissidence. Mais, d'une façon générale, cela se fait en dehors des grands moyens d'expression qui sont sous contrôle de la pensée unique.

    E.N.: Depuis la fin de la guerre froide, le libéralisme - à ne pas confondre avec le système libéral d'équilibre des pouvoirs dont nous parlions - tend en effet à devenir la pensée unique de l'Occident. Ce n'est pas un totalitarisme au sens classique du terme, car cette notion est liée à la violence physique à l'encontre des personnes. Mais il s'agit bien d'une espèce de totalitarisme doux ou mou, d'une forme inconnue jusqu'à ce jour. Le « politiquement correct » se traduit ainsi par un spectre très restreint d'opinions acceptables dans le débat public.

    D.V.: Ce blocage du débat est patent en ce qui concerne la mémoire du national-socialisme et celle du communisme: la comparaison dépassionnée des deux totalitarismes n'est toujours pas à l'ordre du jour ...

    E.N.: Oui, et il y a beaucoup de causes à cela. En France, par exemple, j'ai le sentiment que les communistes dans leur immense majorité ont été des hommes de gauche avant tout préoccupés de questions sociales françaises: la Russie paraît donc lointaine, et la réalité du communisme russe plus lointaine encore. Par ailleurs, la France ne pourrait pas se quaifier de « victorieuse » sans reconnaître son alliance avec Staline: elle a donc une obligation de gratitude envers la Russie communiste - ce dont témoigne encore votre station de métro Stalingrad!

    Au-delà de ces raisons, qui relèvent du passé singulier de chaque nation, la différence de traitement entre national-socialisme et bolchevisme tient aussi à la profonde affinité des doctrines universalistes. Le national-socialisme fut un particularisme, un racisme au sens réel du terme - et non au sens impropre des polémiques médiatiques qui, à travers un supposé « racisme », condamnent toutes les formes de l'instinct de conservation. Les nationaux-socialistes furent, pour beaucoup, des racistes authentiques: ils croyaient à la hiérarchie des races, ils possédaient une vision supranationale d'un destin racial commun, etc. Cette vision particulariste de l'histoire reste étrangère aux autres doctrines de la modernité, qui peuvent au moins se trouver un fond commun sur la question de l'universalisme.

    D.V.: Curieux universalisme que celui du communisme, qui impliquait la liquidation de la moitié non prolétarienne de l'humanité! Quant au racisme hitlérien, on peut se demander s'il ne comportait pas beaucoup plus d'universalisme qu'on ne l'a dit. On ne saurait oublier son opposition doctrinale et politique au différentialisme culturel, ethnique ou national. Mais pour conclure provisoirement ce débat, je voudrais attirer de nouveau l'attention sur une conséquence majeure de la Deuxième Guerre mondiale. Celle-ci ne s'est pas seulement terminée par la défaite du nazisme, ce dont on se réjouirait, mais aussi par la victoire écrasante de l'Union soviétique et des États-Unis, deux puissances hostiles à l'Europe et à ses valeurs de civilisation. Avec le recul du temps, on voit bien que, malgré les efforts ultérieurs du général de Gaulle, cette guerre fut une catastrophe pour l'Europe et les Européens.

    Propos recueillis par Charles Champetier (Eléments n°98, mai 2000)

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  • La guerre civile européenne : 1917 - 1945

    Les éditions Perrin viennent de publier dans leur collection de poche Tempus, La guerre civile européenne - National-socialisme et bolchevisme 1917 - 1945 du philosophe et historien allemand Ernst Nolte. Il s'agit d'un ouvrage essentiel pour comprendre le vingtième siècle et dont la parution a provoqué en Allemagne un séisme équivalent à celui sucité en France, quelques années plus tard, par Le passé d'une illusion de François Furet ou par Le livre noir du communisme de Stéphane Courtois.

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    "À sa sortie en Allemagne en 1987, ce livre a eu l’effet d’une bombe idéologique : le nazisme, explique Nolte, doit avant tout être replacé dans le contexte d’une « guerre civile » inaugurée par Lénine en 1917, provoquant un séisme qui faillit emporter l’Europe jusqu’à la défaite d’Hitler en 1945. Par un mimétisme paradoxal, les régimes fasciste et nazi empruntèrent en effet au communisme ses méthodes pour mieux le combattre. Il existerait donc un « nœud causal » entre la révolution bolchevique et la naissance des fascismes. Nolte cherche à comprendre pourquoi la réaction antibolchevique d’Hitler a trouvé dans le mythe de la race l’unique réponse à l’internationalisme soviétique ; pourquoi le juif est devenu, dans la mythologie nazie, l’« auteur perfide » de l’État communiste ? L’hypothèse centrale de Nolte a eu l’assentiment de l’historien François Furet, auteur d’une magistrale synthèse sur l’histoire du communisme, Le Passé d’une illusion, et qui a entretenu avec lui une passionnante correspondance : « Issus du même événement, écrit Furet, la Première Guerre mondiale, les deux grands mouvements idéologiques de l’époque se définissent largement l’un par rapport à l’autre… la relation dialectique entre communisme et fascisme est au centre des tragédies du siècle. » La Guerre civile européenne a fait l’objet d’un très vaste débat en Allemagne, la « querelle des historiens », qui s’est largement poursuivie en France lors de sa traduction. Toutefois, aucun des adversaires de Nolte n’a jamais nié son extraordinaire compétence ni la rigueur de son travail historique."

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  • Un petit tour chez Léon...

    L'excellente revue Axe & Alliés dans son dernier numéro hors série vient éclairer le parcours atypique de  Léon Degrelle, personnage excessif, ambitieux et truculent, successivement dirigeant des étudiants catholiques, journaliste et ami d'Hergé, chef du mouvement rexiste, combattant courageux de la légion Wallonie, figure de proue de la propagande nazie, puis, déchu de sa nationalité belge à la fin de la guerre, oracle du fascisme international jusqu'à sa mort dans son exil espagnol en 1994.

     

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    La légion Wallonie et Léon Degrelle

    L’épopée des volontaires belges au sein de l’armée allemande : du corps-franc Wallonie au 28. SS-Freiwilligen-Grenadier-Division Wallonien

    Formée sous l’impulsion du chef rexiste Léon Degrelle, la légion Wallonie rassemblera environ 4 000 volontaires venus de Belgique. Engagée uniquement sur le front de l’Est, elle fait preuve de grandes qualités combatives à Tcherkassy, fin 1943, où elle est pratiquement anéantie. Sa notoriété tient aussi à la personnalité de son chef, le « beau Léon », figure charismatique que la propagande nazie met largement en avant.

    Ce hors série exceptionnel d’Axe & Alliés revient sur les conditions de la formation des « Wallons », l’historique du mouvement rexiste, les terribles combats sur le front de l’Est et le parcours hors du commun de Léon Degrelle.

    Un hors-série rédigé par Eddy De Bruyne, qui a rassemblé ici une somme de photos et de témoignages totalement inédits.

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  • Quand le nazisme frappait la droite...

    Nous inaugurons aujourd'hui une rubrique Archives qui comportera des textes qui, pour parfois être anciens, n'en conserve pas moins un intérêt évident.

    L'article que nous reproduisons a été écrit dans le Figaro Magazine en 1978 par Alain de Benoist. Il a été récemment réédité dans le recueil intitulé Au temps des idéologies "à la mode" (Les Amis d'Alain de Benoist, 2009). Cet ouvrage peut être commandé sur le site de la revue Eléments

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    QUAND LE NAZISME FRAPPAIT LA DROITE

    Expressionnisme et Révolution Conservatrice

     

    Il est assez étonnant de constater, alors qu’à l’étranger on voit se multiplier les thèses de doctorat et les ouvrages de référence sur l’histoire de l’Allemagne contemporaine, que, sur ce sujet, l’édition française en reste en général à un niveau d’approche plutôt superficiel. Aussi faut-il saluer la publication des deux ouvrages que Jean-Michel Palmier et Lionel Richard viennent de consacrer, l’un à l’expressionnisme, l’autre à la vie culturelle sous le national-socialisme, ouvrages loin d’être définitifs, mais qui, pour l’heure, ont au moins le mérite d’exister.

    Admirateur de l’École de Francfort (son livre est dédié à la mémoire d’Ernst Bloch), Jean-Michel Palmier est un excellent connaisseur de la res germanica. Son travail sur Les écrits politiques de Heidegger (L’Herne 1968), notamment, avait été remarqué. En dépit de son caractère un peu décousu, le gros essai qu’il publie maintenant sur l’expressionnisme attire opportunément l’attention sur une école de pensée qui reste aussi méconnue en France que peut l’être, dans une autre direction, le futurisme italien – malgré l’épais cahier édité il y a deux ans par la revue Obliques.

    Se réclamant aussi bien de Strindberg que de Nietzsche, de Rimbaud et de Munch, de Van Gogh et de Dostoïevski, l’expressionnisme a surtout fleuri à partir de 1910, touchant, de façon fulgurante, presque tous les secteurs des lettres et des arts, sans oublier le cinéma (de Caligari à L’ange bleu). Ses principaux thèmes de révolte visaient la guerre, la bourgeoisie, la grande ville et la mort. Orienté plutôt à gauche, bien qu’il eut aussi de nombreux admirateurs à droite, il fut dans les milieux marxistes l’objet d’un célèbre affrontement entre Ernst Bloch, qui en avait très vite saisi la portée historique, et Georg Lukács, qui le condamna sans appel. L’après-guerre de 1918 ruina les illusions de beaucoup d’expressionnistes. Certains s’exilèrent. D’autres se tournèrent vers le communisme et l’anarchisme, comme Taller et Mühsam, ou encore Johannes Robert Becher, qui finira, après 1945, par écrire des hymnes à Staline et deviendra le biographe de Walter Ulbricht. D’autres encore se rallièrent au nazisme, passagèrement ou de façon durable, comme Gottfried Benn, Emil Nolde, Hanns Johst, Hanns-Heinz Ewers ou Arnolt Bronnen.

    Le national-socialisme apparaît ainsi, au même titre que le communisme, comme un phénomène pluriel traversé de courants contradictoires. C’est ce que ne voient pas les auteurs qui ont tendance à se satisfaire de slogans. Ou qui tendent à établir des filiations imaginaires. S’il est exact, par exemple, que le national-socialisme a capté à son profit un certain nombre d’idées-forces et de mythes politiques qui étaient « dans l’air » avant lui, il est fort risqué de vouloir rétrospectivement faire de ceux qui ont lancé ces idées et ces mythes – qu’il s’agisse de Langbehn, de Paul de Lagarde ou, plus lointainement, de Friedrich Ludwig Jahn – autant de « précurseurs » du mouvement hitlérien. Certes, on peut toujours prétendre qu’il n’y a pas de discours « innocent ». Mais à ce compte-là, Jean-Jacques Rousseau et Babeuf sont les précurseurs du Goulag, et Euclide, celui de la bombe atomique.

    Aujourd’hui encore, beaucoup d’auteurs ignorent ou tendent à sous-estimer l’ampleur et l’originalité de ces courants nationalistes ou droitiers de l’Allemagne moderne, qu’Armin Mohler, dans un ouvrage considéré comme un « classique » (Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932, Darmstadt, 1972), a désignés sous le nom de «Révolution Conservatrice » – Lionel Richard parle, lui, de « néo-nationalisme » – et où l’on trouve aussi bien le « jeune-conservateur » Moeller Van den Bruck que le « socialiste prussien » Oswald Spengler, le jeune Thomas Mann (Considérations d’un apolitique) et le « national-bolchevik » Ernst Niekisch, les frères Ernst et Friedrich Georg Jünger, le romancier Ernst von Salomon (La ville), les poètes Walter Flex et Hermann Löns, Adolf Bartels et Stefan George, Gustav Frenssen (Der Glaube der Nordmark) et le cercle de la revue Die Tat, l’écrivain « national-prolétarien » Heinrich Leersch, le biologiste Jakob von Uexküll, l’archéologue Gustav Kossinna, etc. Confondre ces théoriciens avec des auteurs authentiquement nazis, comme Hanns Joost, Will Vesper (dont le fils épousa Gudrun Ennslin, l’égérie de la bande à Baader) ou Hans Zöberlein, c’est s’empêcher de savoir où se place la spécificité du national-socialisme, et d’articuler une analyse critique cohérente à son endroit.

    Loin de s’identifier au national-socialisme, les représentants de la «Révolution Conservatrice » rompirent en effet très souvent avec lui – et en furent parfois les victimes. Thomas Mann choisit l’exil. Le « jeune·conservateur » Edgar Jung fut assassiné par les nazis en 1934. Rudolf Pechel et Karl Haushofer furent enfermés dans des camps de concentration. Wilhelm Stapel dut interrompre la publication de la revue Deutsches Volkstum. Hans Zehrer, directeur de Die Tat, fut, comme bien d’autres, progressivement réduit au silence. Gottfried Benn fut dénoncé avec virulence en raison de ses liens avec l’expressionnisme. Rosenberg (contrairement à ce qu’écrit Jean-Michel Palmier) critiqua avec virulence Oswald Spengler, dont les Années décisives, ouvrage publié en 1934, constituèrent une sorte de manifeste de la résistance de droite au nazisme. Quant au comte von Stauffenberg, artisan de l’attentat du 20 juillet contre Hitler, il provenait du cercle de Stefan George.

    Récemment parus en Allemagne, deux ouvrages, dus à des universitaires, mettent en lumière toute la complexité du problème. D’abord le livre monumental de Gerhard Müller sur Ernst Krieck (1882-1947), auteur de nombreux essais sur la philosophie de l’éducation (Philosophie der Erziehung, 1922), qui fut nommé en 1933 recteur de l’Université de Francfort, anima sous le IIIe Reich la revue Volk im Werden, mais rejoignit l’« émigration intérieure » à partir de 1938 (Ernst Krieck und die nationalsozialistische Wissenschaftsreform, Beltz, Weinheim). Ensuite, l’ouvrage de Marion Mallmann, consacré à la revue conservatrice Das Innere Reich, publiée à partir de 1934 sous la direction de Paul Alverdes et Karl Benno von Mechow, où s’exprimèrent également, non sans difficultés, certains adversaires de droite du régime («Das Innere Reich ». Analyse einer konservativen Kulturzeitschrift im Dritten Reich, Bouvier, Bonn).

    Le plus étonnant, dans l’entre-deux-guerres allemand, est sans doute l’incroyable multiplication des groupes, des tendances, des courants, la perpétuelle redistribution des idées, le caractère saisissant des destinées individuelles. Cela donne à penser au moment où, à l’échelle de tout un continent, les thèmes weimariens semblent à nouveau nourrir les fantasmes d’une nouvelle génération.

    Alain de Benoist (27-28 mai 1978)

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    A propos des ouvrages de Jean-Michel Palmier et Lionel Richard :

    L'expressionnisme comme révolte, de Jean-Michel Palmier publié aux éditions Payot en 1978 ; difficile à trouver.

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    Le Nazisme et la culture, de Lionel Richard publié aux éditions Maspéro en 1978 ; disponible aux éditions Complexe en format poche.

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  • Le totalitarisme... un vieux débat !

    Professeur de sciences politiques, Bernard Bruneteau publie aux éditions du Cerf, Le totalitarisme - Origine d'un concept, genèse d'un débat, un important recueil de textes consacrés au totalitarisme, qui ont la particularité de tous dater des années 30. Il prouve ainsi que la réflexion sur la parenté des régimes soviétique, fasciste et nazi ne date pas de la guerre froide, mais qu'elle a frappé "à chaud" un certain nombre d'intellectuels contemporains de ces trois régimes. Une contribution intéressante au débat qui vient compléter celle d'Enzo Traverso, Le Totalitarisme - Le XXe siècle en débat, disponible en poche dans la collection Points essais.

    On peut consulter la table des matières ainsi que la copieuse introduction de l'auteur sur le site de l'éditeur.

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    "Le totalitarisme a dominé et écrasé une bonne partie du XXe siècle. Qualifiant une forme de pouvoir « total », le mot désigne aussi un concept (l'idéal-type dudit pouvoir) et une théorie (une catégorie de régime opposé à la démocratie). Utilisé de façon polémique au temps de la Guerre froide, il a constitué un enjeu politique majeur et, aujourd'hui encore, son usage semble sacrilège pour ceux qui refusent tout parallèle entre l'Allemagne nazie et l'URSS stalinienne, entre une idéologie raciste et une utopie universaliste, même dévoyée.

    Dans cette anthologie, sont présentés plus de cinquante textes souvent inédits ou oubliés. Ils mettent en lumière l'historicité d'un concept qui, en réalité, doit peu aux affrontements de la Guerre froide. En effet, c'est « à chaud », dans les années 1930, en plein développement du communisme en URSS, du fascisme en Italie, puis du nazisme en Allemagne, que les premières perspectives comparatistes apparurent. Bien avant les analyses canoniques d'Hannah Arendt, des philosophes, des juristes, des historiens et des économistes, européens et américains, ont précisé les mécanismes idéologiques et les structures de pouvoir présidant à une convergence entre les trois régimes. Lieu commun de la réflexion politique dans l'avant-guerre, le totalitarisme est alors au cœur d'un renouvellement des questionnements sur la démocratie, sur sa refondation philosophique, sur la protection que peut lui assurer la loi. Et pour ceux qui définissent une nouvelle catégorie de dictature, fondamentalement différente des formes traditionnelles, le combat contre elle va bien au-delà du seul antifascisme."

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