Nous espérions avoir sauver nos enfants du racisme et du colonialisme en supprimant de leur bibliothèque Tintin au Congo, du sinistre Hergé... Erreur ! La Bête est partout, comme le révèle Antoine Buéno dans Le Petit Livre bleu, essai à paraître aux éditions Hors collection... Inconscients du danger, nous laissons nos chérubins lire Les Schtroumpfs alors que la société dans laquelle vivent ces inquiétants petits hommes bleus "est un archétype d'utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme" ! Sans parler de la Schtroumpfette (blonde évidemment...), des méchants Schtroumpfs contaminés (noirs comme de bien entendu...) et du chat maléfique (qui s'appelle... Azraël...). Alors n'écoutez pas les pleurs de vos enfants...pour leur bien, schtroumpfez au feu la collection complète des Schtroumpfs !
La face cachée des Schtroumpfs dévoilée dans "Le Petit Livre bleu"
PARIS - Les Schtroumpfs, charmants lutins bleus ou horribles staliniens, racistes et antisémites ? Pour y schtroumpfer plus clair, Antoine Buéno offre dans "Le Petit Livre bleu" une lecture socio-politique inédite et ludique de la saga de Peyo, de retour au cinéma en août.
Maître de conférence à l'IEP de Paris et romancier, l'auteur, qui ne veut en rien casser la magie des petites créatures bleues, n'en analyse pas moins leur société avec les armes féroces de la science politique et de la schtroumpfologie.
Après avoir traité de questions fondamentales sur la nature biologique ou la sexualité des Schtroumpfs -- au fait, pourquoi n'y a-t-il qu'une seule schtroumpfette ' --, Antoine Buéno tente de démontrer que leur société "est un archétype d'utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme".
Le nom et la "novlang" schtroumpf étaient nés lors d'un déjeuner entre Pierre Culliford, alias Peyo, et son complice André Franquin, en avril 1958 : au lieu de "passe-moi le sel !", Peyo lança "passe-moi le schtroumpf !"
Ce nom imprononçable devint "Puffi" en Italie, "Pitufos" en Espagne, "Smurfs" en anglais, "Stroumfakia" en grec ou encore "Kumafu" en japonais. Et "Schlümpfe" Outre-Rhin, schtroumpf signifiant chaussette en allemand...
Né en 1928 à Bruxelles, Peyo, le père des Schtroumpfs, avait connu l'occupation allemande et n'en gardait aucune nostalgie mais, relève Antoine Buéno, "une oeuvre peut véhiculer une imagerie que son auteur, de bonne foi, ne cautionne pas (...). Les Schtroumpfs reflèteraient donc plus l'esprit d'une époque que celui de leur créateur".
Les Schtroumpfs vivent en autarcie. C'est une société collectiviste et dirigiste, avec un chef unique et omnipotent, le grand Schtroumpf.
Ils prennent tous leurs repas au réfectoire, sont puritains jusqu'au ridicule. Le racisme est patent dans l'album des "Schtroumpfs noirs" où la pureté du sang devient vitale et le brun, laid. Ou dans celui de "La Schtroumpfette", quand le blond aryen est idéalisé, estime l'auteur.
Ce petit monde est aussi mobilisé contre un ennemi juré, Gargamel, dont le profil rappelle une caricature antisémite et dont le chat s'appelle Azraël.
C'est le fils de Peyo, Thierry Culliford, qui a poursuivi l'oeuvre de son père après son décès en 1992. Dans ses albums, beaucoup plus pédagogiques, "le village des Schtroumpfs se fait plus explicitement métaphore du réel", souligne l'auteur.
Le 3 août, un film américano-belge de Raja Gosnell, mi-animé en 3D et mi-live, fera surgir "Les Schtroumpfs" sur les écrans. Les créatures bleues investiront pour l'occasion le coeur de New York.
Le film sera précédé au Lombard du 29e titre de la série, "Les Schtroumpfs et l'arbre d'or". En novembre, sortira une "Encyclopédie des Schtroumpfs".
("Le Petit Livre bleu" - Antoine Buéno - Editions Hors Collection - 192 p. - 12,90 euros - mise en vente le 1er juin)
Par AFP