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guerre - Page 10

  • L'impasse ukrainienne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Immarigeon, cueilli sur le site de la revue Conflits et consacré à l'impasse de la guerre en Ukraine.

    Jean-Philippe Immarigeon est avocat, docteur en droit public, essayiste et historien, il collabore à la Revue Défense Nationale depuis 2001, a publié de nombreux articles et plusieurs essais dont American parano et L’imposture américaine (Bourin, 2006 et 2009), La diagonale de la défaite (Bourin, 2010), et Pour en finir avec la Françamérique (Ellipses, 2012).

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    L'impasse ukrainienne

    Faut-il que l’Ukraine gagne sa guerre contre la Russie ? Cette question peut sembler incongrue, elle est pourtant posée par de nombreux analystes en France, en Asie et même aux États-Unis. On peut ainsi citer un long article publié et mis en ligne récemment par le magazine Harper’s, « Why are we in Ukraine ? » [1].

    Tous tournent autour de l’impasse où les pays de l’OTAN s’engluent aussi sûrement que dans la raspoutiza, que la contre-offensive ukrainienne échoue ou qu’elle réussisse. C’est une sortie diplomatique indépendante du facteur militaire qui est envisagée, c’est ce qu’on obtient également comme réponse lorsqu’on interroge ChatGPT – qui, sauf à être programmé par le FSB sur le narratif russe, est une synthèse de tout ce qui est publié : « Même si une victoire militaire est possible, la solution à la crise en Ukraine ne peut être que politique et doit être basée sur la volonté de toutes les parties concernées de travailler ensemble pour trouver un compromis mutuellement acceptable et respectueux des droits et des intérêts de toutes les parties. »

    Purgeons d’emblée la question : il y a un agresseur, la Russie, et il est vain de se lancer dans une rétrodiction stérile et d’invoquer, comme on dit en droit pénal, une excuse de provocation. Toutes les analyses sérieuses y consacrent pourtant de longs développements au risque de prêter le flanc à des accusations incongrues prétendant éluder tout débat. Sacrifions-y à notre tour et à ce risque, pour rappeler que les Russes avaient prévenu et motivé leur projet, qu’ils ont fait ce qu’ils avaient annoncé, et qu’il n’y avait rien de moins surprenant ni de moins inattendu que cette agression.

    Drang nach Osten

    Il a été sassé et ressassé que la Russie se cabre, depuis la disparition de l’URSS, à chaque avancée de l’OTAN vers ses frontières ; que ni l’Organisation ni les États-Unis n’ont tenu leurs promesses répétées de n’en rien faire ; que cette avancée a été dénoncée comme une faute majeure par les plus brillants stratégistes américains, dont Henry Kissinger ; que la France et l’Allemagne ont elles-mêmes longtemps mis leur veto à l’intégration de l’Ukraine, mais qu’elles ont capitulé lorsque, le 10 novembre 2021, Kiev et Washington ont signé un accord de partenariat ; que Lavrov a proposé le 17 décembre 2021 la tenue d’une conférence sur la sécurité en Europe et deux drafts de négociation, et qu’on l’a envoyé promener ; qu’en conséquence, lors d’une réunion tenue au Kremlin le 21 décembre 2021 et dont la teneur est toujours en ligne sur son site, Poutine a annoncé la suite, et qu’on l’a laissé faire deux mois durant alors que les troupes russes se massaient sur le Don et en Biélorussie.

    Certes on peut, après avoir dénoncé ces dernières décennies l’erreur qui consiste à ne pas tenter de se mettre dans la peau de l’adversaire, s’étonner que les Russes se sentent agressés, qu’ils abordent l’OTAN comme une machine de guerre et non une aimable ONG à but humanitaire, ou qu’ils refusent de voir que les États-Unis sont la puissance du Bien (À Global Force for Good, pour citer un petit clip de l’US Navy). Mais l’article de Harper’s rappelle fort à propos que depuis le Kosovo, la Libye ou la Syrie, notre discours n’est plus crédible. Et ce n’est pas ce que les communistes nommaient dans les années 1950 le revanchisme allemand, qui exsude depuis 18 mois de chacune des interventions de Mme von der Leyen au nom de l’UE, qui est susceptible de les faire changer d’avis. Qu’ils se méprennent sur nos intentions ou qu’ils cèdent au discours de propagande du Kremlin, c’est un fait et ça n’a rien à voir avec un sentiment d’humiliation. La stratégie commence alors par le choix des mots, et il faut prendre les Russes dans les rets de leur propre discours.

    Relire Staline

    La stratégie, ça reste également de la géographie, même à l’heure des espaces fluides, et la géographie c’est savoir lire une carte. On considère que la Russie est un pays à l’échelle d’un continent, mais ça, c’est pour les panneaux Vidal-Lablache accrochés aux classes de notre enfance. C’est une erreur de perspective de lui prêter une profondeur stratégique allant jusqu’à l’Oural et même au-delà, car la ligne ultime de repli n’a pas changé depuis 1812 ou 1941, elle est tracée par la diagonale Saint-Pétersbourg – Smolensk – Voronej – Rostov. Au-delà, la Russie n’existe plus comme puissance.

    C’est cette ligne que trace Staline fin juillet 1942, au lendemain de la chute de Rostov et de la poussée de Manstein vers la Volga et le Caucase, en signant le fameux Ordre n° 227, celui du slogan Plus un pas en arrière qu’a repris Poutine. Cette formule n’est pas un sursaut de vanité, mais une nécessité, et ce texte est un des rares qui décrit sur le moment la situation périlleuse dans laquelle se trouvent à cette date les Alliés sur le Don, dans l’Atlantique, aux portes du Caire ou dans le Pacifique. S’il est impossible de reculer davantage, motive la Stavka, c’est que non seulement nous sommes à un point de rupture au-delà duquel même l’industrie américaine ne pourra rattraper la situation, mais qu’en termes de territoire, c’est la Russie utile qui va disparaître.

    Si l’OTAN, déjà dans les États baltes, demain en Finlande, avance de nouveau après-demain dans le Donbass puis en Biélorussie, cette ligne de repli ultime devient une ligne de front, mettant Saint-Pétersbourg et Volgograd (Leningrad et Stalingrad) à une minute des missiles occidentaux. Le Don ne sera plus ce paisible fleuve intérieur de la littérature et du cinéma russes, mais une coupure d’eau qui marquera la frontière militaire. Or une des grandes obsessions des Russes depuis le XVIIIe siècle est d’avoir des marches stratégiques, de l’espace en-avant – en-arrière ne leur sert à pas grand-chose – indépendamment de l’annexion de territoires, et c’est aussi à cela que servait le Pacte de Varsovie : les perdre serait revenir trois siècles en arrière. Poutine ou pas, ils ne l’accepteront pas, et à leur place nous ne l’accepterions pas. Ne pas le comprendre et même le refuser, c’est prendre notre billet pour dix, vingt, trente ans de guerre. Or plutôt que de tenter d’anticiper la suite, l’après-défaite ou l’après-victoire, plutôt que de définir ce que seraient les conditions d’une victoire et raisonner stratégiquement, nous nous sommes laissés entrainer dans un délire eschatologique par incapacité voire refus de penser cette guerre.

    Le degré zéro de la pensée stratégique

    La guerre d’Ukraine est en ce sens le premier conflit du XXIe siècle, non pas parce que, anticipé comme un cyber-conflit, il se résout en rattenkrieg dans des caves inondées et des faubourgs en ruine, mais parce qu’il a pris la forme d’un conflit civilisationnel, les deux camps s’invectivant dans d’hystériques outrances. À la résurgence de la vieille antienne anti-occidentale de préservation d’une identité slave et au retour de la censure brejnévienne, répondent l’interdiction de solistes ou de sportifs, l’autodafé d’ouvrages coupables d’être les agents propagateurs de visées impériales – malheureux Pouchkine, pauvre Gogol ! – et l’accusation de vouloir détruire la liberté et la démocratie. Mais prêter à Poutine, qui cherche aujourd’hui son armée comme Soubise une lanterne à la main, et à ses généraux la folie d’avoir voulu conquérir et occuper un pays de 40 millions d’habitants avec 200 fois moins de soldats, et au-delà ses voisins jusqu’à la Place de la Concorde comme on s’en inquiète aux terrasses de Saint-Germain-des-Prés, relève d’un ridicule dont on en est certain qu’il ne tuera jamais personne. Les gens du Kremlin sont assurément des fous furieux, certainement pas des débiles [2].

    C’est d’ailleurs étrangement cette absence de perspective d’une guerre de haute intensité qu’on lit dans la Loi de Programmation Militaire discutée actuellement au Parlement. On aurait pu parier à l’avance que, quelque soient le conflit, le lieu et les protagonistes, on nous resservirait le prêt-à-réchauffer d’un nouvel âge de la guerre avec du cyber, du spatial, et le concept fourre-tout d’hybridation. Loin de tirer une quelconque leçon tant de l’échec de Barkhane que du retex du Donbass, le texte ne sert qu’à justifier les choix de ces dernières années et l’apriorisme d’une conflictualité très hollywoodienne, réduisant le nombre de nos avions, de nos blindés et de nos frégates, de ce matériel que Kiev nous réclame à cor et à cri parce que la guerre, ça reste encore et pour longtemps une affaire d’avions, de blindés et de corps-à-corps, pas de drones ni de numérisation.

    De Munich à Munich

    La France est en outre à côté de la plaque par incapacité à prendre parti et à choisir le seul camp envisageable : le sien. Elle surjoue la solidarité atlantiste, faisant passer les revendications de tel de ses partenaires et les caprices de tel autre avant ses propres intérêts stratégiques [3]. Et après avoir défendu sa singularité d’autre puissance nucléaire européenne – que lui rappela Poutine quinze jours avant l’agression –, donc d’arbitre ultime en cas de montée aux extrêmes, elle l’a abdiquée lors de la réunion de février 2023 à Munich, une ville et un nom qui ne nous portent décidément pas chance.

    Mais quel intérêt avons-nous à cautionner la marche de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Moscovie ? Quel avenir la perspective d’une guerre pérenne réserve-t-il à la France, interlocuteur de la Russie depuis Tilsitt ? L’article de Harper’s susmentionné s’étonne que notre vieille nation millénaire assiste sans réagir et même accompagne le détricotage de décennies d’efforts diplomatiques et commerciaux, elle qui devrait parler en son nom et d’égale à égale avec la Russie plutôt que de servir de go-between – rôle qui, par absence de positionnement clair, a fini par lui échapper, puisqu’après avoir affirmé qu’elle ne laisserait ni la Turquie ni la Chine jouer ce rôle, elle vient de supplier cette dernière d’en endosser la tunique.

    L’article de Harper’s va même plus loin : comme dans cette scène d’un western de Sergio Leone où le héros explique à son acolyte qu’il y a d’un côté ceux qui ont un pistolet chargé et de l’autre ceux qui creusent, c’est à la France de négocier par-dessus ses partenaires européens sans mésuser de leur souveraineté qui, en l’absence de l’arme nucléaire, est très relative, comme l’est par exemple celle du Canada [4]. D’aucuns se récrieront puisqu’ils ne savent que crier, mais sans nous expliquer comment reprendre aux Russes leur victoire autrement qu’en précipitant l’Europe dans une nouvelle conflagration.

    Borodino

    Car si les hostilités cessaient maintenant, les Russes auraient gagné, à un prix humain, matériel et économique certes considérable – Poutine remplacera Pyrrhus dans le langage populaire – mais assumé. Car contrairement à nos analystes qui s’épuisent depuis plus d’un an à comptabiliser les morts et les chars pulvérisés, ils ne confondent pas tactique et stratégique. Lorsqu’à la fin des défilés sur la Place Rouge, l’orchestre s’avance vers la tribune pour entonner a capella un chant de la Seconde Guerre vantant, dans le refrain, l’esprit de Borodino de 1812, c’est que, victoire tactique pour nous, ce fut pour eux une victoire stratégique. Et en 2023, à défaut d’avoir réussi à s’avancer jusque tout le long du Dniepr du fait de leur échec à prendre Kharkov, ils ont tout de même atteint l’essentiel de leurs objectifs : sécurisation de la mer d’Azov, éloignement de la ligne de front du Don, rebond en avant en Biélorussie renucléarisée et sanctuarisation de l’oblast de Kaliningrad lui aussi nucléarisé, ce poignard au cœur de la Hanse, de la Baltique et de l’UE.

    Les Polonais sont inquiets, les Suédois tout autant, les États baltes cauchemardent sur le corridor de Suwalki, mais tous préfèrent soutenir les projets ukrainiens de reconquête de quelques positions au Donbass plutôt que de se concentrer sur le Festburg de l’antique Königsberg, bastion désormais imprenable d’où les missiles russes pourraient clouer au sol toute la défense européenne. Déconcertante inversion de priorité, à croire que plus personne ne sait lire une carte.

    Car il va falloir démilitariser Kaliningrad, ce qui est autrement plus important que de grappiller quelques villages sur la mer Noire. Ce sera une négociation globale, celle qu’appelaient les Russes fin 2021, dans laquelle les Ukrainiens, comme l’anticipe Harper’s, seront neutralisés, quelque soient leurs gains ou leurs pertes sur le terrain, et même à proportion de leurs gains ou de leurs pertes mis sur la table. Pourquoi dès lors s’obstiner dans ce qui apparaitra plus tard une Unnecessary war, pour reprendre un mot de Winston Churchill ?

    La fin de l’OTAN

    L’hypothèse que Poutine serait tombé dans un piège américain est peut-être exacte, mais c’est l’OTAN qui se retrouve dans la situation de l’arroseur arrosé. Il y a certes une puissance militaire russe à genoux, ce qu’Européens et Américains attendaient depuis 1949. Mais précisément ; à quoi sert désormais l’Alliance et son soutien actif voire participatif à cette guerre ? À valider des choix technologiques et un infocentrage de prothèses numériques dispersées, mais qui sont autant de failles et de portes d’entrée en cas de perte entre les mains de l’adversaire – il est bien tard pour s’en apercevoir et dégrader en catastrophe le matériel livré, comme les chars Abrams ? À risquer de voir nos Wunderwaffe se ridiculiser aussi pitoyablement que les T-72 ex-soviétiques au printemps 2022 ? L’Ukraine n’a pas droit à l’erreur, l’Alliance atlantique ne lui pardonnerait pas. Et quand bien même parviendrait-elle à repousser les Russes sur leur ligne de repli, allons-nous parfaire sa victoire éphémère en l’intégrant dans l’OTAN et en installant nos bases à la frontière russe ?

    Rien n’est plus contraire à la tradition américaine que de se lier irrévocablement, c’est pourquoi l’article 5 du Traité de 1949, qui n’a pu être accepté par le Sénat américain qu’au prix du vote d’une résolution dite Vandenberg, est optionnel et facultatif. Du temps de la guerre froide, la bataille de l’avant permettait d’échanger de l’espace contre du temps. Cette marge de manœuvre disparaîtra si l’OTAN est au contact de la Russie, et sans même évoquer une nouvelle poussée vers l’ouest des armées russes une fois refaites, une méprise ou un incident – comme il y en a déjà eu par le passé – et la nécessité cette fois-ci d’arbitrer en quelques minutes voire quelques dizaines de secondes, nous placeront dans une situation de risque extrême.

    L’hubris des Américains, cette pulsion qui les pousse à ne pas savoir s’arrêter ni jamais s’empêcher, pour reprendre la définition de Camus, les entraîne bien trop loin, tout à la fois par aveuglement sur leur puissance que par incapacité à la dialectiser. La réponse de ChatGPT – ce pur produit de la modélisation managériale américaine – citée en début d’article est d’ailleurs la même que la question soit : « peut-on gagner cette guerre ? », ou : « faut-il la gagner ? ». Face au risque d’Armageddon, les États-Unis pourront toujours abandonner le jour venu l’Europe à son sort, comme ils l’ont fait du Viêt Nam ou de l’Afghanistan, ce que l’article 5 leur permet sans déroger pour autant et ce qui était, faut-il le rappeler, l’hypothèse du général de Gaulle.

    Pour prévenir cette nouvelle débandade, la constitution d’un glacis stratégique entre l’OTAN et la Russie couvrant la Finlande, les États baltes, Kaliningrad, la Biélorussie et l’Ukraine relève non seulement du bon sens, mais de l’intérêt bien compris de tous, Européens, Russes et Américains. Nous allons devoir en décider au prochain sommet de l’OTAN à Vilnius, le 11 juillet 2023 : intégrer l’Ukraine en guerre n’apportera aucune sécurité, y compris à celle-ci, et nous ramènerait à l’époque d’un continent en guerre permanente.

    La victoire des neocons

    Mais, après tout, peut-être n’est-ce que le but recherché. Il n’est qu’à lire la jubilation de la presse américaine au spectacle d’une Vieille Europe replongeant dans les affres de la conflictualité pour mesurer la défaite historique et philosophique que constitue cette guerre – et que le nom de Poutine soit maudit rien que pour cela. Les sarcasmes contre une Europe kantienne reproduisent, au mot près, les anathèmes lus et entendus il y a vingt ans au moment de l’invasion de l’Irak et de notre réticence à y contribuer.

    Ce retour du discours hobbesien sur la naturalité de la guerre vue comme un tropisme immémorial – il guerre comme il pleut ou il neige – abolit la distinction entre violence et guerre et nous détourne de Rousseau et Clausewitz qui nous ont enseigné que la guerre est un choc de volontés, un acte politique de socialisation d’une violence sans doute primitive, mais qui n’était pas la guerre. Le projet européen, qui s’oppose en cela au naturalisme américain, serait définitivement invalidé sans que l’on comprenne pourquoi Bakhmout en 2023 serait davantage un identifiant de cet échec que Srebrenica en 1995.

    Un quarteron d’intellectuels en errance, se piquant d’historicité [5], s’est fait depuis seize mois l’ardent propagandiste de cette idéologie d’importation, annonçant la fin d’une Fin de l’Histoire à laquelle ils ont été les seuls à croire par incompréhension pour les uns, lecture biaisée ou incomprise de Fukuyama pour les autres. « Voici venu le temps de préparer la guerre qui vient pour retenir la paix qui s’en va », a ainsi pu écrire récemment l’un d’entre eux, comme si les aphorismes qui se veulent pascaliens pouvaient être laissés à la discrétion de ChatGPT. Les cicatrices que laissera cette nouvelle rétrogression de la civilisation européenne sont d’ores et déjà profondes. Unmitigated defeat, aurait pu encore dire Churchill. Disons plutôt : un naufrage.

    Jean-Philippe Immarigeon (Site de la revue Conflits, 28 mai 2023)

     

    Notes

    [1] Benjamin Schwarz & Christopher Layne, « Why are we in Ukraine ? On the dangers of American hubris », Harper’s Magazine, mis en ligne le 15 mai 2023, en version papier datée du 7 juin 2023, pp. 23-35.

    [2] « Far from expressing any ambition to conquer, occupy, and annex Ukraine (an impossible goal for the 190,000 troops that Russia eventually deployed in its initial attack on the country), all of Moscow’s demarches and demands during the run-up to the invasion made clear that “the key to everything is the guarantee that NATO will not expand eastward,” as Foreign Minister Sergey Lavrov put it in a press conference on January 14, 2022. » Schwarz & Layne, op. cit.

    [3] « Il faut, diront certains, montrer notre solidarité avec nos partenaires. La question centrale sera alors évitée : les intérêts de ces partenaires et les nôtres sont-ils identiques ? […] Il se trouvera toujours des stratégistes pour argumenter – parfois brillamment – en faveur de cette tétanie volontaire, en opposant généralement la nécessité de respecter des valeurs et des principes pour éviter de procéder à une analyse sans concession de ce que sont les intérêts réels dans un contexte stratégique mouvant. Ce fixisme stratégique entraînera généralement une paralysie diplomatique – qui finit par se payer très cher une fois l’écart devenu insupportable, car trop visible, entre effort opérationnel et rendement stratégique. » Olivier Zajec, « Penser la stratégie. Une guerre dépolitisée est une guerre perdue d’avance », DSI, 11 mars 2022.

    [4] « Such a system would in fundamental aspects resemble a modern Concert of Europe, in which the dominant states of the E.U., on the one hand, and Russia, on the other, acknowledge each other’s security interests, including their respective spheres of influence. In practice, this would mean, for example, that the Baltic states and Poland would enjoy the same large, but ultimately circumscribed, degree of sovereignty as, say, Canada does. It would also mean that, while Paris and Berlin won’t find Moscow’s internal arrangements to their taste, they will resume economic and trade relations with Russia and build on myriad other areas of common interest. » Schwarz & Layne, op. cit.

    [5] « Ce discours de la guerre perpétuelle n’est pas seulement l’invention triste de quelques intellectuels longtemps tenus en lisière, joint à un savoir qui est parfois celui d’aristocrates à la dérive ; ce discours exclusivement historico-politique par opposition au discours philosophico-juridique est un discours sombrement critique, mais aussi intensément mythique. C’est celui des amertumes, celui des plus fous espoirs. Il est donc étranger, par ses éléments fondamentaux, à la grande tradition des discours philosophico-juridiques. Pour les philosophes et les juristes, il est le discours extérieur, étranger. C’est le discours, forcément disqualifié, que l’on peut et que l’on doit tenir à l’écart parce qu’il faut, comme un préalable, l’annuler pour que puisse commencer, comme Loi, le discours juste et vrai. » Michel Foucault « Il faut sauver la société », Cours au Collège de France, 1975-19

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  • L'ours et le renard...

    Les éditions Perrin viennent de publier un ouvrage co-signé par Michel Goya et Jean Lopez et intitulé L'ours et le renard - Histoire immédiate de la guerre en Ukraine.

    Directeur de la rédaction de Guerre & Histoire, Jean Lopez est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire militaire consacrés au conflit germano-soviétique, dont, avec Lasha Otkhmezuri, le remarquable Barbarossa (Passés composés, 2019).

    Ancien officier des Troupes de Marine, responsable du blog de réflexion militaire La voie de l'épée et membre du comité éditorial de la revue Guerre & Histoire, Michel Goya est l'auteur de plusieurs essais consacré à la chose militaire comme La chair et l'acier (Tallandier, 2004) Irak, les armées du chaos (Economica, 2008),  Sous le feu - La mort comme hypothèse de travail (Tallandier, 2014), S'adapter pour vaincre (Perrin, 2019) ou Le temps des guépards (Tallandier, 2022).

     

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    " Depuis février 2022, chacun d'entre nous est bombardé d'informations sur la guerre en Ukraine. Des informations hachées, parcellaires, souvent contradictoires, dans lesquelles on ne sait comment démêler le vrai du faux. Depuis son début, Michel Goya et Jean Lopez se concentrent sur ce conflit, le premier en tant que chroniqueur militaire pour une chaîne d'information continue, le second comme spécialiste de l'histoire militaire russe et soviétique. Tous deux ont décidé d'entamer un dialogue de plusieurs mois, en échangeant informations et analyses. L'ours et le renard est le résultat de ce long et passionnant échange au jour le jour. Précédés d'une indispensable introduction sur l'histoire longue de la relation russo-ukrainienne, cinq chapitres nous font pénétrer au cœur des combats, relevant les surprises (et elles n'ont pas manqué !), les forces les faiblesses, les bévues, les révélations et les nouveautés apportées par ce conflit qui a déjà fait plus de 350 000 victimes et mis le monde, et singulièrement l'Europe, sens dessus dessous. C'est littéralement les clés d'une Histoire qui se fait sous nos yeux que livrent Michel Goya et Jean Lopez, forts de leurs expériences complémentaires. Cet ouvrage est indispensable non seulement aux amateurs d'histoire militaire mais à tout citoyen désireux de comprendre l'énorme embrasement qui se produit à l'est et dont chacun craint que des flammèches viennent jusqu'à nous. "

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  • Feu sur la désinformation... (422)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Floriane Jeannin.

     

                                              

    Sommaire :

    La météo de l’info : Entre humidité et sécheresse

    L’image de la semaine : Macron au Japon, nippon et mauvais

    Le dossier : La fabrique du mensonge, une enquête qui porte bien son nom

    Le dossier bis : L’interdiction de l'hommage à Dominique Venner

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    Les pastilles de l’info

    Novlangue - Guerre et vocabulaire de guerre

    Décryptage - La surveillance et le meilleur des mondes

    Propagande, propagande - Genre : Les visionnaires du Monde

    Top ou Flop - Aphatie chez les ricaneurs de Quotidien

    Carton rouge - Bruno Le Maire et son “dilaté comme jamais” dans “Quelle époque”

    Ça décoiffe - Complément d’enquête / Hanouna : c’est la guerre

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    Portrait piquant : Charline Vanhoenacker

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  • L’Occident danse sur un volcan… et monte le son !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'impasse stratégique dans laquelle la France et l'Europe se sont volontairement enfermées depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l'Ukraine.

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    L’Occident danse sur un volcan… et monte le son

    La France va mal : l’inflation dérape, les taux de crédit s’envolent, l’immobilier est à l’arrêt, et, comme pour nous mettre le nez dans notre incurie, notre note financière vient d’être de nouveau dégradée à AA- par une grande agence américaine. Ce déclassement n’est pas anecdotique. Il traduit la réalité de la dégradation de nos comptes publics, accroit encore notre dépendance aux États-Unis et la menace d’un défaut sur notre dette abyssale, et creuse notre déficit de crédibilité donc d’utilité internationale. Ce coup de semonce ne peut en effet que paralyser plus encore notre capacité résiduelle à faire bouger les lignes en portant un discours de raison et d’intelligence face au désastre de l’attitude occidentale dans le conflit en Ukraine…On me dira que c’est un faux problème car il faudrait encore en avoir le courage.

    Aux Etats-Unis, la folie de l’auto-enfermement des néoconservateurs américains dans une escalade militaire permanente face à Moscou précipite la destruction totale de l’État et du territoire ukrainiens et fait grandir le risque d’un dérapage, menaçant concrètement toute l’Europe. Pourtant, la haine ouverte de la Russie, le rêve éveillé succès que constituerait son anéantissement et son démembrement s’expriment ouvertement. Les médias occidentaux, confits dans l’ignorance et l’arrogance, devenus les pathétiques chambres d’écho d’une propagande délirante, n’ont plus aucune crédibilité. On est revenu aux pires heures du Maccarthysme ou pire, du fascisme de la pensée, de la calomnie et de la délation. Ce bouquet d’indignité empeste mais il nous est en permanence jeté à la figure, certes de façon de plus en plus ridicule et désespérée. Car le rideau et les masques sont en train de tomber face au réel récalcitrant. Pourtant, la rage et désormais la panique américaines cherchent encore à perpétuer le fantasme d’une « victoire » à venir, dont on ne s’est évidemment jamais donné la peine de définir les contours. Que peut bien vouloir dire « gagner » la guerre en Ukraine ? No Clue. Aucune vision en ce domaine. Quant à gagner la paix, on n’en veut pas. Quelle horreur ! Comment faire la paix avec Vladimir Poutine ?!!! cela parait impossible à des hémiplégiques volontaires englués dans leur rhétorique de bac à sable qui ne pensent qu’à humilier un « ennemi systémique » et en sont à faire des danses de la pluie (ou plutôt contre la pluie et la boue qui font s’embourber leurs chars de la dernière chance) pour conjurer l’inévitable. C’est donc la fuite en avant dans la haine inexpiable du Russe…jusqu’au dernier ukrainien. Le vertige est si grand face au gouffre que l’on ne sait plus qu’appuyer sur l’accélérateur de la déroute militaire et stratégique et sombrer dans une démence haineuse et sans issue. Cette haine se diffuse et infuse partout en Europe, surtout chez nos « élites » vassalisées et / ou stipendiées, elles aussi emportées dans ce piège tragique qu’elles font mine d’ignorer. Pourtant, le fiasco militaire est sans équivoque depuis déjà des mois. Même les « Mainstream media » commencent, sur ordre ou via d’opportunes fuites, à laisser filtrer l’implacable vérité : sur la réalité militaire du terrain, sur les désertions en chaine des malheureux jeunes ukrainiens ramassés dans les rues et jetés de force dans « le hachoir à viande russe », sur les pertes véritables, sur l’incapacité structurelle des forces de l’OTAN à fournir l’Ukraine en quantité en rythme et en qualité pour pouvoir prétendre tenir le choc et moins encore, pour renverser le rapport de force face à la Russie. Certes, au Pentagone comme dans les États-majors européens, on sait bien depuis des mois déjà que la messe est dite et le pari perdu. Il n’y a plus que les Polonais et les Baltes pour pousser à la roue. Mais l’on ne veut pas se réveiller, et l’on continue à inonder l’Ukraine d’armes (en grande partie détournées) et de monceaux d’argent pour assurer la « grande contre-offensive » – d’été …ou d’automne – aux allures de baroud d’honneur, dont l’échec anticipé servira à démontrer que « le camp du Bien » a fait tout ce qu’il a pu, mais que l’Ukraine n’a pas su vaincre la Russie (comme si elle le pouvait !) et qu’il faut « pour sauver l’Ukraine et son peuple » (amplement sacrifié pendant 2 ans) enfin se résoudre à négocier avec Moscou. Sans doute pas avec un président Zelenski carbonisé par son jusqu’au-boutisme et de plus en plus menacé par son entourage d’ultra-droite aux relents ouvertement fascistes. Notre déréliction morale est totale mais là encore, on le nie. Nous soutenons à bout de bras depuis 2014, avec un cynisme décomplexé une clique aux antipodes des valeurs dont nous nous gargarisons pour fomenter et mener cette « proxy war » de trop.

    Malheureusement, ce sont encore les « Neocons » de la Maison Blanche, de la CIA du NSC et du Département d’État qui font la loi à Washington. Et ils n’admettent pas que La Russie a gagné et ne s’effondrera ni militairement ni économiquement. Tout au contraire. Ses armes hypersoniques sont pour l’heure sans égales, elle a su anticiper et déjouer le piège des sanctions, son économie a tenu, son peuple soutient toujours assez massivement la réponse militaire à la menace militaire de l’OTAN à ses frontières. Surtout, elle fait désormais cause commune avec la Chine. Certes c’est une alliance en apparence du moins déséquilibrée. Mais une alliance vitale, ne nous en déplaise. Une convergence tactique et stratégique d’intérêts. Le Président Xi se frotte les mains, s’érige en pôle de stabilité financière et politique de substitution et se propose même comme faiseur de paix (rapprochement Iran-Arabie saoudite, plan en 12 points, etc…). Il rassemble ses nouvelles ouailles, troupeau disparate d’égarés en mal de protection qui n’en peuvent plus du Maitre américain et de ses pratiques de cowboy. Un rassemblement massif. Pas moins de 19 pays se pressent désormais à la porte des BRICS+, véritable « contre G7 ». Un processus d’intégration gigantesque s’ébauche à partir de ce noyau accueillant et à géométrie variable, autour de la Communauté des États indépendants (CSI), de l’Union économique eurasiatique (EAEU), de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), de l’OPEP+ et par extension, du Conseil de coopération du Golfe (GCC). Tout cela au profit de la BRI (Belt and Road initiative) chinoise, de la fortification impérative de son Corridor économique d’Asie du centre et de l’Ouest, mais aussi du Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC) qui reliera la Russie et l’Iran à l’Inde. Les instruments financiers de cette intégration gigantesque que sont la BAII (banque asiatique pour les investissements et infrastructures) et la Shanghai Petroleum and Natural Gas Exchange sont déjà très actifs…

    C’est tragique mais clair et net : Nous sommes nos propres fossoyeurs. Ce sont notre anti-russisme pathologique et notre bellicisme en Ukraine pour provoquer Moscou en espérant l’embourber et la séparer de l’Europe à jamais qui ont accéléré la grande Bascule du monde, l’émergence d’une structure multilatérale englobante et rassurante capable de mettre à bas l’hégémonie du dollar, et qui menacent l’Europe d’une crise économique financière plus grave encore que celle de 2008.

    En France, naturellement, on fait comme si de rien n’était. On «s’étonne» de la dégradation de notre note financière, alors que tous les voyants sont au rouge de part et d’autre de l’Atlantique depuis déjà des mois, et que les premières secousses bancaires aux Etats-Unis comme en Allemagne et en Suisse ont été précipitamment étouffées. Peut-on éviter une crise majeure et systémique en la traitant par le mépris ? Cela parait douteux. Quoi qu’il en soit, la présidentielle de 2024 à Washington se profile mal pour le camp démocrate. Donald Trump pourrait bien de nouveau l’emporter en dépit du mur d’affaires et d’accusations dressé contre lui. Il a le cuir épais. Et puis, le fameux verdict de James Carville, conseiller de Bill Clinton, en 1992 s’impose de nouveau : « It’s the economy, stupid ! » Les Américains ne se préoccupent pas tant de l’Ukraine agressée « de manière non provoquée » ou de la victoire de la démocratie dans le monde que de leur porte-monnaie et de la fragilisation croissante de leur dollar dont la domination s’érode à vue d’œil. Dans sa curée anti-russe, Washington a en effet commis une faute cardinale en gelant de façon totalement arbitraire une fois encore, les 300 milliards de dollars d’avoirs russes au printemps 2022. Funeste décision. Bien des États ont ce jour-là compris que ce pouvait être demain leur tour. Cette démonstration de puissance a été la goutte de trop dans le vase déjà plein de rancœurs et de fureur devant les méthodes léonines de Washington en matière de sanctions et d’extraterritorialité juridique des « règles américaines ». Bien au-delà de la Russie de l’Iran ou de la malheureuse Syrie dont le calvaire n’en finit pas. Or, personne ne supporte plus ce « Rules based World Order ». Chacun a compris que seule l’Amérique édictait ces fameuses « règles » et les modifiait au gré de ses seuls intérêts. Les principes contenus dans l’imparfaite Charte des Nations unies sont bien plus protecteurs. Le dollar n’est plus ce qu’il fut longtemps, un gage de stabilité. Il incarne désormais l’incertitude, et la pure domination. Or les échanges internationaux ne peuvent se passer de sécurité et de stabilité. Le gel des avoirs russes a donné le signal d’une défiance en chaine de multiples pays qui ont compris qu’il leur fallait désormais se protéger des oukases washingtoniens et donc regarder du côté du nouveau pôle sino-russe. Pas pour s’aligner, pour doser et équilibrer leurs dépendances selon les sujets ou les secteurs. C’est l’ère du « poly-alignement » – c’est-à-dire la fin de l’alignement façon Guerre froide et le retour en grâce du non-alignement – dont la France devrait savoir se faire le chef de file. Les chiffres sont sans appel : la part du dollar dans les réserves globales est passée de 73% en 2001 à 55% en 2021 et…. 47% en 2022. L’accélération depuis 20 ans est considérable. Sans une correction urgente, qui suppose un changement de pied drastique des États-Unis dans leur comportement vis-à-vis du reste du monde, la chute devrait se poursuivre. 70% du commerce entre la Russie et la Chine se fait désormais en Yuan ou en roubles. La Russie et l’Inde commercent en roupies, le CIPS (système interbancaire chinois qui se pose en alternative au SWIFT) fonctionne à plein régime. Total et son homologue Chinois CNOOC viennent de signer un accord gazier…. en Yuan ! Pas par amour de la Chine. Parce que c’est une question de survie pour l’entreprise, que le pragmatisme convient aux affaires mieux que le dogmatisme, et que l’idéologie est en train de mettre à bas l’économie occidentale. Le monde est multipolaire et l’on ne peut plus faire semblant de l’ignorer. Le FMI reconnait que les cinq BRICS contribuent à eux seuls pour 32,1% de la croissance mondiale contre 29,9% pour les pays du G7. Et il y a encore 19 candidats…La coopération étroite entre Moscou et Ryad est aussi de mauvais augure pour l’Amérique. Elle permet à la Russie d’équilibrer sa coopération stratégique avec l’Iran, et renforce la main de Vladimir Poutine et celle de MBS dans leur fronde face à Washington en matière de prix du pétrole. Les BRICS ont de leurs cotés toutes les « commodities » et ressources naturelles du monde et défient désormais ouvertement la seule domination qui restait aux pays du G7, celle de la finance.

    Derrière tous ces faits, il y a un « sous-texte », une réalité que nous devrions saisir avant que le boomerang ne frappe trop massivement nos économies européennes et que la Chine, au-delà de son effort pour échapper, grâce à la BRI, à la domination américaine des mers et des routes maritimes de transport vers l’Europe, n’en vienne à nourrir un rêve de puissance plus offensif. Cette réalité, c’est que la révolution actuelle dans la géopolitique mondiale correspond à un rééquilibrage nécessaire des rapports entre les États. Il y aura des heurts, des crises, des conflits dans les prochaines années, mais nous sommes en phase de restabilisation après le déclin de l’hégémon américain devenu insoutenable et qui ne correspondait plus à la réalité du champ de forces géopolitiques et géoéconomiques. Notre planète a besoin d’apaisement, de stabilité, de respect, de rétablissement d’une forme d’égalité formelle et en tout cas d’équité réelle entre ses membres, petits ou grands. On me dira que je suis angélique. Je pense que c’est la motivation première de pays et régions entières du globe qui veulent se développer et refusent ce jeu à somme nulle que l’Amérique a cru pouvoir imposer ad vitam aeternam. C’est valable pour les puissances du Moyen-Orient (Iran, Syrie, Libye) qui doivent sortir du marasme, pour l’Afrique – qui voit dans cette ouverture du jeu de vastes opportunités-, pour l’Amérique latine -qui est en train de reléguer aux oubliettes la doctrine Monroe. C’est enfin valable pour l’Asie elle-même, qui donne certains signes de crainte et de circonspection devant la nouvelle cible chinoise du bellicisme américain provoquée à grand renfort de déclarations martiales (Taiwan). Seule l’UE parait vivre dans une bulle. Qui ne la protège plus. Elle semble ne pas voir que tout a changé, qu’elle est située sur le continent eurasiatique qui est une terre d’opportunités vers laquelle il lui faut se projeter avec vigilance mais sans crainte. Son avenir n’est pas dans une coupure radicale avec la Russie ou un alignement sur Pékin. Il n’est pas d’avantage dans une vassalisation consentie envers Washington, qui après l’Ukraine, ambitionne déjà de jeter l’Otan (qui n’a vraiment plus rien d’une alliance régionale défensive) vers les eaux de la mer de Chine. A quoi bon ? Pour nourrir le complexe militaro-industriel américain ? Pour poursuivre la déstabilisation et la fragmentation du monde ? En quoi ces objectifs servent-ils nos intérêts nationaux, économiques et sécuritaires ? L’Europe doit comme je le dis depuis des années, sortir enfin de son enfance stratégique et apprendre à marcher la tête haute. Sans béquille ni laisse.

    Les néoconservateurs américains ont mis non seulement l’Amérique mais l’Europe en grand danger. Il est plus que temps de mettre fin à cette folie et de hâter la conclusion d’un cessez-le-feu en Ukraine et d’une refondation durable de la sécurité en Europe. Le peuple ukrainien, la sécurité de l’Europe toute entière, l’économie occidentale et nos peuples le méritent. C’est de l’intérêt de tout le monde. Qu’attendons-nous ?

    Caroline Galactéros (Geopragma, 2 mai 2023)

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  • Métaphysique de la guerre...

    Les éditions de la revue Rébellion viennent de rééditer un essai court et important de Julius Evola intitulé Métaphysique de la guerre.

    Penseur essentiel du traditionalisme révolutionnaire, écrivain au style clair et puissant, Julius Evola est notamment l'auteur de Révolte contre le monde moderne (1934), Les Hommes au milieu des ruines (1953) et Chevaucher le tigre (1961).

     

    Evola_Métaphysique de la guerre.png

    " Un principe justifie tout à fait la guerre aux yeux de l’homme : l’héroïsme. La guerre, dit-on, offre à l’homme l’occasion d’éveiller le héros qui sommeille en lui. Elle brise la routine de son petit confort et, à travers les épreuves les plus dures, favorise une conception transcendante de sa vie de mortel. Cet instant durant lequel l’individu parvient à se comporter en héros, fut-ce le dernier de son existence terrestre, possède infiniment plus de valeur que toute la monotonie de sa petite vie citadine. Spirituellement parlant, ce fait compense à lui seul tous les aspects négatifs et destructeurs de la guerre que les matérialistes pacifistes ne cessent de décrier. La guerre permet à l’homme de réaliser la relativité de sa vie et, par là même, de prendre conscience que quelque chose prévaut nécessairement sur cette existence. La guerre possède donc toujours une portée antimatérialiste et spirituelle." Julius Evola 

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  • Tour d'horizon... (242)

    Ukraine_Belarus.jpg

     

    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site de l’École de Guerre Économique, une étude sur les jeux vidéos de guerre comme vecteurs de l'influence américaine

    L’influence américaine à travers les jeux vidéo de guerre

    call of duty.jpg

    - sur Theatrum Belli, une note d'analyse de la Fondation sur la recherche stratégique sur la guerre en Ukraine

    Guerre en Ukraine : analyse militaire et perspectives

    Char russe détruit.jpg

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