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guerre - Page 7

  • L’oligarchie veut la guerre pour nous museler : choisissons la paix !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré à l'hystérie guerrière de l'oligarchie qui nous gouverne.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    L’oligarchie veut la guerre pour nous museler, choisissons la paix

    Le gouvernement Attal affirme haut et fort la nécessité de continuer à apporter un soutien militaire à l’Ukraine. Le 19 janvier, sur LCI, le ministre de la Défense Lecornu a donc détaillé, devant un Darius Rochebin tout sourire, tout ce que notre pays allait livrer à Kiev. Et tel le Bourgeois gentilhomme expliquant que son père n’était pas marchand mais seulement « fort obligeant puisqu’il donnait des étoffes en échange d’argent », M. Lecornu expliquait que ces livraisons ne feraient pas de nous des belligérants. Au moment même où l’état-major russe faisait état de la destruction d’un immeuble abritant des mercenaires français, ce qui entraînait la convocation de l’ambassadeur de France. À l’évidence, cette posture martiale, amplement relayée par les médias mainstream[1], suscite des interrogations au moment où l’Allemagne a renoncé à livrer à l’Ukraine des missiles de croisière Taurus. Et où il paraît douteux que la Russie puisse perdre. Pourquoi donc nos oligarques veulent-ils continuer à s’engager dans ce conflit ? Décryptage.

    L’Oncle Sam mobilise ses vassaux

    D’abord, dans ce conflit, les gouvernements européens obéissent en tout aux exigences américaines, en bons petits vassaux qu’ils sont devenus. Car les États-Unis veulent bien la guerre en Europe mais à condition que nous la fassions à leur place.

    Les États-Unis, pour des raisons budgétaires et politiques, réorientent aujourd’hui leur effort militaire en faveur d’Israël, dans sa guerre contre le Hamas. Mais comme il ne faut pas que le front ukrainien s’effondre avant l’élection présidentielle de novembre 2024, l’OTAN est priée d’assurer la soudure jusque-là et de faire en sorte que le désastre militaire se poursuive. Tant pis pour les victimes.

    L’économie européenne souffre déjà des sanctions contre la Russie et notamment de l’augmentation des coûts de l’énergie. Ensuite, l’aide à l’Ukraine se fait à fonds perdu puisque Kiev sera incapable de rembourser quoi que ce soit, compte tenu de la déliquescence du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, avec l’immigration nous importons les conflits du Proche Orient.

    Faut-il donc dans ce contexte continuer de soutenir militairement l’Ukraine, au risque d’entrer toujours plus en belligérance directe contre la Russie, volontairement ou par erreur ?

    Et alors que la France, qui n’a rien à voir avec les pays Baltes ou la Pologne, n’a aucun intérêt vital dans ce pays instable depuis sa création.

    Des va-t-en-guerre immatures

    Des politiques soucieux de l’intérêt national devraient donc hésiter.

    Mais, à la différence des Anglo-Saxons, les leaders européens se moquent de l’intérêt national : ils sont donc prêts à toutes les folies. Nos oligarques sont justement des va-t-en-guerre, d’autant plus qu’ils ne la feront pas personnellement.

    La plupart d’entre eux, très jeunes et souvent incultes, manquent d’expérience et ne savent pas ce que signifie une guerre moderne, ni une révolution, ni une guerre civile. Et ils sous-estiment totalement la puissance et la résilience des pays émergents car ils croient à leur propre propagande.

    Malheur à la ville dont le prince est un enfant, dit l’Ecclésiaste ! Nous serions bien avisés de méditer cet avertissement…

    Nos oligarques veulent la guerre pour nous museler

    Enfin, alors que les oligarques européens sont de plus en plus contestés par leurs populations, on ne peut s’empêcher de penser que certains verraient d’un bon œil le déclenchement d’un vrai conflit, qui permettrait alors d’imposer des mesures d’exception pour museler durablement la contestation qui vient et tous les mal-pensants d’Europe. Et de pratiquer sur une vaste échelle la stratégie de la peur.

    La guerre en Ukraine a déjà conduit à censurer les médias russes et l’information en Europe, alors même que l’Union européenne rêve de museler les réseaux sociaux. De même, la guerre entre Israël et le Hamas a conduit à diaboliser, sous couvert d’antisémitisme ou d’incitation au terrorisme prétendus, toute critique publique de la politique du gouvernement Netanyahou.

    Imaginons alors ce qu’il adviendrait de nos libertés si par malheur l’OTAN nous engageait dans un conflit ouvert avec la Russie ! On nous imposerait une économie de guerre – c’est-à-dire de restrictions – comme ne cessent de le revendiquer déjà nos ministres, une censure de guerre, une police de guerre, une surveillance de guerre. Des « passes » et des QR codes pour tout.

    Et une opportune suspension des élections, comme le fait déjà l’Ukraine. Pendant que tous les opposants seraient évidemment présentés comme des agents de Moscou[2].

    Heureusement que les autres sont moins fous que nous !

    Nous avons en réalité la chance que les dirigeants des nations du monde polycentrique sachent jusqu’à présent résister aux provocations enfantines des Occidentaux. Sinon nous aurions déjà sombré dans la guerre nucléaire mondiale.

    Contrairement à ce que nous serine la propagande, en effet, ces dirigeants ne sont ni des monstres, ni des malades, ni des fous, car ils respectent les principes de la realpolitik, donc de l’intérêt national. Ils disposent en outre d’un avantage capital sur nos oligarques : la durée, quand les leaders occidentaux ne connaissent que l’affolement du court terme et de la com incessante.

    Alors, en 2024, choisissons la paix.

    Et faisons donc en sorte de mettre au plus vite hors d’état de nuire nos oligarchies bellicistes avant qu’elles ne nous conduisent, une fois encore, au désastre.

    Michel Geoffroy (Polémia, 23 janvier 2024)

     

    Notes :

    [1] Comme en témoigne par exemple l’éditorial du Monde du 19 janvier dernier, intitulé « L’impératif d’une aide militaire à l’Ukraine », vantant la « détermination » d’Emmanuel Macron.

    [2] Cela a déjà commencé aux dépens du RN et de Reconquête…

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  • Les limites de la guerre...

    Les éditions mare & martin viennent de publier un essai d'Olivier Zajec intitulé Les limites de la guerre - L'approche réaliste des conflits armés au XXIe siècle. Agrégé et docteur en histoire des relations internationales, diplômé de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et de Sciences-Po Paris, Olivier Zajec est professeur en science politique à l’université de Lyon III, où il dirige l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD). Il est déjà l'auteur de Nicholas John Spykman - L'invention de la géopolitique américaine (Presses universitaires de la Sorbonne, 2016).

     

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    " Ukraine, Gaza, Arménie, Yémen, Sahel : sur tous les continents, la société internationale semble de nouveau s’embraser. Bien loin des illusions des années 1990, les spécialistes changent une nouvelle fois de discours : les opérations dites de « stabilisation » sont derrière nous, et le XXIe siècle sera celui du « retour » des conflits armés « majeurs ». Et si la perspective était faussée, la question mal posée ? À travers une réinterprétation des approches réalistes des relations internationales, souvent mal connues en France, Les limites de la guerre réarticule la nature sociale et la fonction politique de l’affrontement militaire, afin d’en ressaisir les balances intérieures, les possibilités de limitation et les effets concrets dans la vie des peuples. En mêlant chapitres théoriques et cas d’études consacrés aux guerres les plus récentes, de l’Afghanistan à l’Ukraine, l’auteur propose une redéfinition de la dialectique guerrière, dans une perspective interactionnelle ressourcée à la lecture croisée d’Aristote, de Clausewitz et de Georg Simmel. "

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  • Ernst Jünger : les journaux de guerre du plus Français des écrivains allemands...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Claude Bourrinet à François Bousquet dans Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie, à l'occasion de la sortie de son essai Ernst Jünger - Dans le ventre du Léviathan (Perspectives libres, 2023).

    Ancien professeur, Claude Bourrinet est déjà l'auteur de L'Empire au cœur (Ars Magna, 2013) ainsi que d'un Stendhal (Pardès, 2014) dans la collection " Qui suis-je ? ".

     

                                             

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  • Pour une approche munichoise en Ukraine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessité d'une paix négociée entre la Russie et l'Ukraine.

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribeia, 2020).

     

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    Pour une approche munichoise en Ukraine

    Une propagande insidieuse, depuis 1945, a convaincu la quasi-totalité de notre opinion publique, à l’instar de la plupart des Européens, que les accords de Munich de 1938 avaient été une catastrophe, grosse de la guerre qui allait commencer l’année suivante. Pour nos faiseurs d’opinion, tranche-montagnes mondains, « Munich » est le synonyme irréfléchi et gratuit de lâcheté. Pourtant, il était raisonnable d’essayer de s’entendre pour éviter la guerre, en réparant les conséquences les plus criantes de la paix léonine imposée à l’Allemagne en 1919, en se concertant entre Européens – ce qui ne se reproduira plus du fait de la survenance de l’hégémonie du suzerain (Overlord [1]) américain.
    Mon propos aura l’air, en survol sommaire et partial, voire provocateur, comme si les fauteurs de guerre contemporains, États-Unis et OTAN, n’étaient pas des provocateurs !

    Causes et buts de la guerre entre l’Ukraine et la Russie

    Sans entrer dans les entrelacs et les arcanes de la guerre en Ukraine, il apparaît tout de même que ce sont largement les menées américaines qui ont provoqué cette guerre, larvée depuis 2014 puis ouverte depuis la tentative d’invasion russe du 24 février 2022.

    Il est clair que les Américains, héritiers du bellicisme anglo-saxon (important en 1914 et 1939), ont tout fait après la chute de l’URSS, pour éviter que se constituent de solides accords continentaux entre les Européens de l’Ouest et la Russie. Accords inacceptables au regard de leur doctrine hégémonique mondiale, fondée sur la thalassocratie et donc la domination du monde.

    Et pour ce qui est de bellicisme, nul de nos jours n’égale la furia désordonnée des États-Unis semant le chaos au Moyen-Orient

    La chose est aussi inquiétante ici que là, une Troisième guerre mondiale, avec conflagration nucléaire, pouvant se déclencher inopinément (comme toujours) depuis ce radiant non maîtrisable.

    Le paradoxe est que les Européens, contre lesquels étaient tournées les provocations américaines vis-à-vis de la Russie, s’y sont ralliés, en vassaux à l’obséquiosité pathologique, suicidaire. Loin de la chrétienté médiévale, les vassaux européens d’aujourd’hui n’ont plus des cœurs de seigneurs rebelles, mais de laquais. Aussi ne tiennent-ils plus compte de leurs propres intérêts, fascinés par le verbe moralisateur du président américain quel qu’il soit…

    Aucune guerre n’est fraîche et joyeuse

    En prétendant semble-t-il envahir et soumettre l’Ukraine tout entière, en février 2022, la Russie s’est fourvoyée, sous estimant la volonté d’indépendance et de résistance de leurs cousins Petit-russiens, et ce fut l’échec militaire que l’on sait…

    Seulement, voilà et en revanche, la contre-offensive ukrainienne à l’été 2023 a été dans l’ensemble un échec aussi patent que celui de l’invasion russe. Alors, que faire ?

    L’histoire du Vingtième siècle montre que les guerres anglo-saxonnes sont sans fin ni merci, jusqu’à écrasement absolu de l’ennemi, comme tel considéré comme un ramassis de criminels, leurs dirigeants étant voués à une mort honteuse et à la privation de sépulture (cf. les condamnés de Nuremberg, Saddam Hussein, Oussama ben Laden ou Kadhafi).

    On croyait cette sauvagerie abolie en Europe depuis le traité de Westphalie (1648) et même la perfide Albion n’avait pas osé mettre en jugement Napoléon…

    Bref, au lieu de faire perdurer une guerre qui tue et estropie par dizaines de milliers de jeunes Ukrainiens comme de jeunes Russes, il serait temps de réunir une conférence de la paix. L’Ukraine y perdra sûrement la Crimée, cette conquête de la Grande Catherine donnant à la Russie l’accès aux mers chaudes…

    Méfions-nous des jusqu’au-boutistes qui n’ont jamais tenu un fusil, tel Zelensky.

    Il faut savoir cesser une guerre quand les forces sont en équilibre, c’est une question de mesure, de réalisme et non de lutte du Bien contre le Mal. En l’occurrence, nonobstant les réserves que suscitent la nostalgie soviétique de Poutine, il appartient aux Européens qui portent à bout de bras l’économie de guerre de l’Ukraine, d’imposer une solution réaliste et donc humaine.

    Eric Delcroix (Polémia, 7 décembre 2023)

     

    Note :

    [1]       Overlord, c’est-à-dire suzerain, nom donné par les Américains au débarquement en Normandie.

     

     

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  • La question de la guerre juste...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à la question de la guerre juste. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Qu’une guerre est juste ou pas s’apprécie dans le temps et cela peut changer avec les faits : Ukraine, Gaza

    Venant après la guerre d’Ukraine, la guerre à Gaza a remis sur le devant de la scène la question de la guerre juste. Mais la plupart des réactions se caractérisent par une dominante extrêmement émotionnelle, certes compréhensible, mais qui envoie les uns et les autres dans des directions complétement divergentes, et ne donne pas de repères pour le jugement. Par ailleurs, il n’est que très rarement fait référence à la réflexion sur ce qu’on peut qualifier de guerre juste. Celle-ci est pourtant une aide précieuse pour le jugement et pour l’action. Et pour échapper aux manipulations à prétexte moralisant.

    Mais il est un point important qui est encore plus négligé : la possibilité que ce jugement puisse évoluer dans le temps, en fonction du déroulement des opérations d’une part, de l’évolution des buts de guerre réels de l’autre. Le fait qu’une guerre soit considérée juste au départ, par exemple en réponse à une agression caractérisée, n’implique pas que les décisions prises ultérieurement le soient aussi. Et il faut savoir reconnaître quand le déroulé des combats et conséquemment l’évolution des enjeux changent les données du raisonnement initial.

    Les données du débat

    Rappelons que la justesse d’une guerre ne se limite pas à la justesse de la cause défendue, mais aussi à la haute probabilité du succès des opérations, et à la conviction raisonnablement établie que la situation résultante sera sensiblement meilleure que ce qu’elle aurait été sinon. Tous facteurs de considération réaliste qui sont par nature évolutifs. En ce sens donc, réalisme et moralité ne s’opposent pas : bien au contraire ils se combinent étroitement.

    En particulier, comme je l’ai souligné par ailleurs, la guerre une fois déclenchée a sa logique : qui dit guerre dit choc de deux volontés en sens contraire, dont la solution est recherchée dans la violence réciproque. Par définition, cela suppose que l’une au moins des deux parties considère que ce recours à la force a un sens pour elle, et que l’autre soit ait la même perception, soit préfère résister à la première plutôt que céder. La clef de la sortie de l’état de guerre est dès lors principalement dans la guerre elle-même et son résultat sur le terrain. Mais comme la guerre est hautement consommatrice de ressources, puisque son principe est la destruction, elle a en elle-même un facteur majeur de terminaison : elle ne peut durer indéfiniment. Le rapport de forces sur le terrain peut d’abord aboutir à la victoire d’une des deux parties… Alternativement, on a une situation non conclusive, mais qui ne peut durer indéfiniment. A un moment donc les opérations s’arrêtent… Mais tant que ces facteurs de terminaison n’ont pas opéré suffisamment, la guerre continue… Arrêter prématurément signifierait en effet pour celui qui va dans ce sens non seulement que tous ses efforts antérieurs ont été vains, pertes humaines et coûts matériels en premier lieu, mais surtout cela reviendrait à accepter une forme de défaite avant qu’elle soit acquise ; or il avait par hypothèse décidé de se battre. Dès lors il continue, et l’adversaire de même. C’est là que les bonnes volontés, attachées à la paix, sont déçues – un peu naïvement. Leurs appels à une cessation des hostilités, si possible sans gagnant ni perdant, tombent alors presque toujours sur des oreilles sourdes. Du moins tant que la logique même du déroulement de la guerre n’y conduise.

    La guerre d’Ukraine

    Prenons la guerre en Ukraine. Sans remonter aux origines, il paraît clair que la résistance ukrainienne à l’invasion russe était une guerre juste. Corrélativement, il était justifié pour les Européens et les Américains de vouloir éviter une déferlante russe qui aurait déséquilibré le continent, et donc d’aider les Ukrainiens, en particulier par des armes. En revanche, l’ampleur des sanctions économiques était totalement disproportionnée et courait un risque élevé d’être contreproductive. Sur ce dernier plan, les faits ont confirmé cette analyse : la perte sèche de plus de 100 milliards d’actifs européens en Russie a été une grave sottise, sans parler du coût de la guerre, direct ou indirect. Parallèlement, la Russie a progressivement réorienté son activité en la rendant bien plus autonome, et surtout travaille à ressusciter son complexe militaro-industriel, dans la tradition soviétique, ce qui n’est certainement pas une évolution souhaitée par le côté européen.

    Quant au terrain principal, qui est la guerre elle-même, la perspective d’une victoire ukrainienne est désormais plus éloignée que jamais. Si donc la réaction initiale était justifiée, le jugement à porter n’est plus le même. Ni les chances de gain, ni la perspective d’une situation meilleure ne sont favorables. Et une escalade occidentale, que certains appellent de leurs vœux, serait dévastatrice. En termes clairs, pour les Ukrainiens la recherche d’une solution de paix devient de plus en plus seule pertinente, ou au moins de cessation des hostilités.

    La guerre à Gaza

    Passons maintenant à Gaza. De la même façon, l’agresseur immédiat et caractérisé le 7 octobre dernier est le Hamas, marqué en outre par une barbarie révélatrice. De plus, le programme du Hamas prévoit la destruction d’Israël, et il paraît crédible que tel est bien leur but. Dès lors l’attaque d’Israël sur Gaza paraît justifiée en soi.

    Je laisse ici de côté une question pourtant importante : celle des modalités de l’opération, notamment à l’égard des civils, car y répondre suppose une information qui me paraît actuellement trop parcellaire. Certes, à partir du moment où un pouvoir politique utilise sa population comme bouclier, on voit mal comment l’éradiquer sans des dommages sur celle-ci ; encore faut-il les réduire le plus possible, et pour cela il faut savoir dans quelle mesure la méthode suivie par Israël le fait. Je laisse donc ce débat ouvert à ce stade.

    Mais le point qui nous concerne plus directement ici est la suite des opérations. D’un côté, la guerre suscite des réactions émotionnelles considérables, notamment dans le monde arabo-musulman, mais aussi ailleurs dans le monde. On peut certes souligner qu’il y a là deux poids et deux mesures par rapport à bien d’autres situations souvent plus douloureuses pour des populations elles aussi musulmanes, mais qui ne suscitent pas les mêmes indignations bruyantes (Iraq contre Daech avec notamment la prise de Mossoul, Syrie, Yémen, Ouigours etc.). Ce qui est vrai ; mais il faut néanmoins prendre en compte la réalité de cette différence de traitement, sans doute due en bonne partie au fait qu’ici l’autre protagoniste (Israël) est perçu comme occidental. Une telle réaction peut avoir éventuellement des conséquences géopolitiques non négligeables, et pourrait déraper en guerre élargie dans la région – même si ce n’est pas le plus probable à ce stade. Sous un autre angle, on constate la même pression émotionnelle en Israël, pays démocratique obsédé par la question des otages et par là vulnérable.

    D’un autre côté, en soi la logique de l’opération israélienne est de finir ce qui a été commencé : si la guerre s’arrête demain sans élimination de l’essentiel des forces du Hamas, d’une certaine manière son effet sera limité, et par là sa justification éventuelle réduite. Toutes choses égales par ailleurs, au point où ils en sont, il peut être alors légitime pour Israël de continuer. Cela dit, la pression, notamment externe, peut conduire à une issue hybride, qui risque de ne rien clarifier.

    En revanche, il est une autre considération qui sera décisive pour apprécier la justesse de cette guerre : ce que fera Israël sur la question palestinienne. On ne peut en effet apprécier le juste fondement d’une guerre que dans une perspective longue, en considérant l’ensemble de la situation. Et donc, soit Israël propose à un moment approprié un plan de paix raisonnablement crédible, donc avec une forme ou une autre d’Etat palestinien (hors Hamas évidemment) ; mais cela suppose la viabilité des territoires palestiniens, et donc un abandon de la colonisation en Cisjordanie, y compris d’une part appréciable de celle déjà réalisée. Soit Israël écarte cette hypothèse et poursuit sa politique de réduction progressive des territoires palestiniens. Mais cela signifie alors que le problème subsistera intégralement ; la seule stabilisation possible de la situation impliquerait alors d’une manière ou d’une autre le départ des Palestiniens, ce qui n’est ni juste, ni crédible : ils ne partent pas, et leur natalité est forte ; il y en a deux fois plus dans les zones concernées qu’il y a trente ans. Du point de vue de la guerre juste, dans cette deuxième hypothèse l’objectif de la guerre devient contestable ; en tout cas elle ne peut être qualifiée de guerre juste. Dit autrement, en supposant même que la conduite de la guerre soit acceptable, une opération aussi violente et brutale que l’intervention chirurgicale en cours sur Gaza ne peut être qualifiée de juste, que si, par un paradoxe apparent, elle s’accompagne au moment approprié d’une offre de paix crédible.

    Conclusion

    Naturellement, à nouveau, le déluge d’émotions contradictoires que suscitent ces conflits, surtout le dernier, est sans commune mesure avec les considérations précédentes. Mais cela n’enlève rien à celles-ci : c’est en regardant les réalités en face qu’on peut progresser. D’autant que l’utilisation abusive d’arguments moralisants par les divers camps en présence exige de prendre du recul. Plus que jamais, l’utilisation d’arguments moraux dans des conflits suppose une analyse lucide et attentive, en outre susceptible d’évoluer dans le temps. Le raisonnement prudentiel est une chose, la vengeance ou l’émotion incontrôlée une autre.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 4 décembre 2023)

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  • À qui profite la guerre ?...

    Sur Tocsin, Clémence Houdiakova recevait Pierre Conesa pour évoquer ceux qui profitent des guerres...

    Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016), Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018), Le lobby saoudien en France - Comment vendre un pays invendable (Denoël, 2021), Vendre la guerre - Le complexe militaro-intellectuel (L'aube, 2022) et État des lieux du salafisme en France (L'aube, 2023).

     

                                              

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