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  • Immigration : et si la France payait son universalisme ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une tribune tonique d'Anne-Sophie Hamon, cueillie sur Breizh-Info et consacrée à l'identité française.

     

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    Immigration : et si la France payait son universalisme ?

    Être Breton, qu’est-ce que c’est ? C’est simple, être Breton c’est être issu d’une famille originaire des 9 provinces historiques de la Bretagne devenues 5 départements. A part le déménagement de quelques communes à la Révolution, les frontières de la Bretagne sont fixes depuis l’an 851, ce qui fait de la Bretagne un des pays avec les frontières les plus anciennes de l’Histoire. Chaque Breton a ses parents, ses grands-parents ou des ancêtres qui parlent breton ou gallo, sinon ce n’est pas un Breton. Point.

    Être Basque, qu’est-ce que c’est ?

    Au nord, être Basque c’est être issu d’une famille originaire de l’une des 153 communes qui constituent Iparralde (le Pays Basque Nord – 3 provinces traditionnelles), au sud c’est être issu d’une famille originaire des 4 autres provinces. La conscience d’être basque repose également beaucoup sur la langue : est basque qui parle basque (euskaldun). Mais le Basque étant parfois un peu raciste (même l’abertzale de gauche !), il se méfie naturellement de tout ce qui vient du sud de Elciego, terre des « Maketos y Moros » (les « Métèques et les Maures »).

    Être Corse, qu’est-ce que c’est ?

    Être Corse, c’est être issu d’une famille originaire de l’île de Corse patati patata…

    Être Français qu’est-ce que c’est ?

    La France n’est ni un peuple, ni une nation, ni une langue, ni une religion. La France c’est un « contrat social » dont les termes sont tellement vagues que chacun y met ce qu’il veut.

    La France n’a pas les frontières fixes de la Bretagne, du Pays Basque ou de la Corse. Les modifications sont permanentes. Parfois de quelques mètres ou hectares (1982 dans les Pyrénées, 1984, 1996, 2002 avec la Suisse, …), parfois de provinces entières (1860 : annexion de la ville de Nice, 1962 : indépendance de l’Algérie, 1975 : indépendance des Comores, …)

    La France a une langue, le français, qui a été imposée par la force, l’aliénation et un boulot à la RATP à la majorité de sa population. A la Révolution, seule 20% de la population française parlait le français. En 1914, le français est encore minoritaire dans les tranchées.

    La France a même le luxe d’avoir plusieurs grands héros de son histoire qui ne sont pas de langue maternelle « françoise ». Jeanne d’Arc parlait avant tout le champenois, lors de son procès le greffier fait plusieurs fautes de transcription car il a du mal à la comprendre et orthographie même son nom « Tarc ». Napoléon a appris le français à l’âge de 9 ans et conservera toute sa vie un fort accent corse, etc… . Toutes ces particularités de l’histoire linguistique de la France sont aujourd’hui gommées par le cinéma qui « réinvente » la France pour ne pas réveiller les « nationalismes régionaux ».

    Or, pris à son propre piège, le cinéma réinvente désormais l’histoire de France pour y caser au premier plan les tirailleurs sénégalais, les LGBT, les femmes, etc… . Pendant un siècle, le cinéma français a menti pour construire une histoire nationale à la France, aujourd’hui, il ment pour lui déconstruire cette même histoire. Fabuleux !

    Mais pire encore : aucun des champions actuels du nationalisme français actuels n’a…la moindre goutte de sang français dans les veines ! Eh oui ! Jean-Luc Mélenchon, qui représente un certain nationalisme jacobin de gauche, est né à Tanger au Maroc de parents d’origine espagnole. Marine Le Pen est née d’un père breton et d’une mère occitane. D’ailleurs aucun d’entre eux ne porte un nom français (Le Pen : la tête, le chef en breton; Lalanne : la lane : la lande en gascon), Eric Zemmour est né d’une famille algérienne d’origine berbère (Zemmour : azemmur : l’olivier en berbère), Jordan Bardella est d’origine italienne et algérienne (kabyle), Eric Ciotti est d’origine italienne par son père et sa mère, également porteuse d’un nom italien, est originaire de Nice, dernière ville importante rattachée à la France. Même le vieux jacobin Jean-Pierre Chevènement est issu d’une famille d’origine suisse les « Schwennemann » dont le nom a été francisé en « Chevènement » au XVIIIè, etc…

    De l’Autrichien Hitler, au Géorgien Staline en passant par le galicien Franco, c’est d’ailleurs une constante dans l’Histoire : certains étrangers veulent être plus « nationalistes » que les « nationaux » eux-mêmes, quitte à en faire des tonnes.

    Le but n’est pas ici de distribuer les bons points de qui est Français et qui ne l’est pas, mais bien de montrer une réalité : qu’est-ce que c’est la France puisque tout le monde peut être Français ? La France a-t-elle une « substance » ? Elle n’a ni limite fixe comme la Bretagne, ni langue partagée par tous de toute éternité comme le Danemark, ni une origine ethnique commune comme l’Allemagne, ni une religion d’état comme le Pakistan, ni une couleur de peau comme le Sénégal, ni quoi que ce soit qui la définisse précisément.

    La France est un « contrat social » dit-on. Basé sur la notion de « liberté », « d’égalité devant la loi » et de « souveraineté du peuple ».

    Parfait ! Donc en premier lieu, la France semble être née en 1789, lorsque les principes du « contrat social » de JJ Rousseau publié en 1762 vont être mis en application à la Révolution. De toute évidence, avant 1789, la France n’a aucune définition précise de ce qu’elle est. Comme il n’y a aucune définition de ce que c’est d’être français.

    Mais revenons au Contrat Social : la liberté c’est de faire ce que l’on veut. Le voile et les minarets partout c’est aussi une expression de la « Liberté ». C’est d’ailleurs au nom de la « Liberté de se vêtir comme bon leur semble » que ces dames portent le voile. L’installation de toute la misère en France, c’est aussi la liberté. La liberté de circuler, la liberté de pouvoir vivre en France, d’avoir des papiers.

    L’égalité devant la loi peut aisément se transformer en égalité devant Allah. C’est d’ailleurs ce qui a fait la force de l’islam : le fait de transformer le maître et l’esclave en créatures soumises en toute égalité à un dieu. Les seules à ne pas être aussi égales que les autres sont les femmes en Islam, mais chut ! Ne le le dites pas à votre nièce féministe intersectionnelle.

    Quant à la « souveraineté du peuple » : puisque tout le monde peut être français sans notion d’origine, le peuple peut être changé, remplacé, du moment qu’on ne lui enlève pas sa « souveraineté ». A Rennes, à Nantes, entre les bobos parisiens fatigués et les immigrés, il n’y a plus de Bretons d’origine, normal, en droit français chacun a le droit de s’installer partout où il le veut, même les étrangers c’est la « liberté » ! Le droit des populations d’origine ne compte pas puisque tous les citoyens ont les mêmes droits, notamment celui d’avoir un portefeuille bien burné. Partant, sur la côte basque, il n’y a plus de Basques, dans certaines villes bretonnes du littoral, il n’y a plus aucun Breton de souche. En Savoie, il existe des villes entières sans aucun Savoyard, Marseille n’est plus une ville provençale, etc… la « souveraineté du peuple » est donc, dans ces endroits-là, l’expression de la volonté des nouveaux habitants. Riches immigrés de « l’intérieur » ou pauvres immigrés de l’extérieur. A la Baule ou à la Trinité-sur-mer, cette souveraineté de parisiens en claquettes a débretonnisé ces deux villes, à Bobigny (maire : Abdel Sady), cette souveraineté populaire a défrancisé l’ancien petit bourg maraîcher (200 habitants en 1789, en 1933, Bobigny produit encore une partie des légumes consommés à Paris). Même logique, même grand-remplacement.

    Il faut bien comprendre que, nous en Bretagne comme en Corse ou au Pays Basque, le Grand Remplacement, nous n’avons pas attendu Renaud Camus pour le constater. A la seule différence que, pour nous, il n’était au départ pas Africain mais bien Français. Cela n’empêche qu’il a laminé nos langues et nos cultures avec autant d’efficacité !

    Le problème de la France il est là. Son universalité revendiquée ! Tout le monde peut être Français alors que tout le monde ne peut pas être Breton ou Basque. En se basant d’abord sur la conquête de territoire (la France actuelle n’est que l’expansion anarchique du domaine royal centré originellement autour de Paris) et ce par la force ou l’argent (la Corse a été achetée, la Louisiane a été vendue) puis sur le « contrat social » et « l’universalisme », la France a perdu toute substance. Toute origine. Tout enracinement. Toute définition même. De quel droit fermons-nous la porte à Ahmed Zoumir puisque nous avons accueilli les ancêtres d’Eric Zemmour ?

    Si la France était restée ce qu’elle était au Xè siècle : quelques arpents autour de l’Ile de France et de l’Orléanais, elle n’aurait peut-être pas « étonné le monde » mais elle aurait été, au moins, ethniquement définissable. Aujourd’hui, à force d’avoir accueilli tout le monde et d’avoir aliéné sa propre population tout en apprenant sa langue à la terre entière, elle a des Marseillais qui se convertissent à l’islam et des Maliens qui revendiquent Français car ils en ont « les papiers ».

    Car, oui, à force de francisation, de républicanisme jacobin et de mépris de la « province », la France a aliéné sa propre population. Un jeune de Loire-Atlantique ne sait même plus qu’il est Breton d’origine puisqu’il est né dans les « Pays de la Loire », une région totalement inventée en 1982. Un jeune de Strasbourg ne sait également plus qu’il est Alsacien puisque désormais il est un Grand-Estien. Pareil pour les jeunes flamands de Dunkerque qui sont devenus des « Hauts d’Franciens ». Mulhouse c’est le « Grand-Est » ? Eh bien demain, la France sera la région « Grand-Ouest » de la République Européenne ! Ou le « Grand Nord » du Califat d’Al Andalus reconstitué. Même logique, même punition. L’administration centrale décide. Aujourd’hui, c’est Paris, demain ça sera Bruxelles ou Bagdad !

    Gommer toute appartenance ethnique, « provinciale », toute langue régionale, tout accent, toute trace d’enracinement, ça a été la grande affaire de la République depuis 1792. D’où des jeunes français aliénés, qui n’ont aucune conscience ethnique. Puisque Mamadou est également français comme Alberto l’était devenu avant lui ! Comme prophétisé dans « Soumission » le roman de Houellebecq, ces Français aliénés pourront être demain de bons Français musulmans. Quelqu’un qui n’a plus d’ancrage local, d’enracinement, peut changer plusieurs fois de culture et de langue. Écoutez le langage de vos gosses : leurs ancêtres ont été débretonnisés, désoccitanisés ? Eux sont en train de se défranciser, à coup de « Wallah ! », de « Wech Wech » et de « Vas s’y, frère ». Après 1918, la mode, de Castelnaudary à Fougères était à l’apprentissage du français et à la mode de Paris. Aujourd’hui, elle est au charabia mi-arabe mi-congolais mi-globish et à la dernière mode d’Argenteuil-sur-Zambèze.

    Cette chute sans fin qui affecte la France était contenue depuis le départ dans son ADN bigarrée et corniaude. Le seul avenir, c’est la patrie charnelle, l’origine, la langue, les ancêtres, la terre, les morts, le réenracinement. Pas le Contrat Social, sinon autant habiter un Etat privé avec Elon Musk. Moi je suis Bretonne, mes ancêtres sont Bretons et je sais qui je suis. Ceux, immigrés Français ou immigrés d’ailleurs, qui ne veulent pas apprendre le breton ou le gallo et vivre « à la Bretonne », selon nos valeurs de travail, de respect de la parole donnée, d’enracinement et de Pâté Hénaff peuvent prendre la porte. De la même façon, les Bretons uniquement francophones et urbains qui ne veulent pas se « rebretonniser » (langues, vêtures, mentalité) et veulent rester des beaufs fascinés par Paris ou Ouarzazate, peuvent les suivre.

    Et jetez bien la clef en partant, merci !

    Anne-Sophie Hamon (Breizh-Info, 1er février 2023)

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  • Seize clichés imbéciles sur la France d’aujourd’hui...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Maxime Tandonnet, cueilli sur son blog personnel et consacré aux clichés sur la France colportés par l'air du temps au sein du système.

    Ancien haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, et désormais enseignant, Maxime Tandonnet a été conseiller à l’Élysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a donné un témoignage lucide et éclairant de cette expérience dans Au cœur du volcan (Flammarion, 2014). Il a également publié des biographies d'André Tardieu (Perrin, 2019) et de Georges Bidault (Perrin, 2022).

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    Seize clichés imbéciles sur la France d’aujourd’hui

    • « Les institutions sont solides » : Elles ne sont pas solides du tout, mais figées, rigides. Elles protègent certes les dirigeants politiques en les rendant irresponsables. Mais elles favorisent l’immobilisme, l’impuissance, l’exubérance vaniteuse au détriment du bien du pays. L’idée que la Ve dans sa version actuelle est supérieure aux IIIe et IVe République est par excellence le cliché des imbéciles.
    • « Ils ont bien géré la crise sanitaire » : au contraire, ils ont fait naufrage ont plongé le pays dans l’Absurdistan bureaucratique et liberticide,  ruiné ses finances publiques pour un résultat médiocre en termes de statistiques de mortalité au regard des comparaisons internationales sur des pays de même profil.
    • « Le football est la dernière expression patriotique » : le patriotisme se définit comme la capacité de sacrifice pour son pays : l’éblouissement collectif autour des aléas d’un ballon rond ne relève en rien du patriotisme mais du chauvinisme.
    • « M. est intelligent » : Il est comme les politiques qui réussissent, désinhibé, privé de surmoi, capable d’absolument tout et n’importe quoi pour se mettre en avant et parvenir à ses fins, ce qui n’a strictement rien à voir avec l’intelligence au sens d’une vision d’autrui, de la France, du monde et de l’histoire.
    • « MLP sera la prochaine présidente » : Personne n’en sait rien de ce qui va se passer dans 4 ans: a priori, aucune raison pour que la famille le Pen, l’épouvantail officiel, après 8 défaites aux présidentielles, réussisse à sa neuvième tentative.
    • « La France a une politique économique libérale » : C’est exactement le contraire, avec une dette publique de 116% du PIB, des prélèvements obligatoires de 45%, le record en Europe, une économie largement subventionnée, surfiscalisée et suradministrée au niveau national comme européen (prix de l’énergie), la France est  bien plus proche du modèle soviétique que libéral.
    • « Ils ont transformé la France comme jamais »: Mensonge fondamental, ils n’ont rien transformé du tout, jamais la France n’a connu aussi peu de réformes utiles que depuis 2017. La prétendue réforme emblématique de la SNCF n’a absolument rien amélioré sur le fonctionnement et les performances de cette société comme les Français le vivent au quotidien.
    • « La France est menacée de dictature par l’extrémisme » : En 2020 et 2021, sous la grande peur sanitaire, la France a connu toutes les caractéristiques d’un régime autoritariste (confinements, Etat policier, abolition des libertés, couvre-feu, état d’urgence indéfini, suspension de fait du parlement). Ainsi, la France n’a nullement besoin de l’extrémisme pour instaurer un régime liberticide.
    • « Les lois sur l’immigration servent à quelque chose » : Les règles sur l’immigration sont décidées à Bruxelles (règlement et directives) et par les juridictions notamment la CJUE: les lois nationales sur l’immigration sont de pur formalisme, d’affichage ou de gesticulation.
    • « Les hauts fonctionnaires décident de tout » : en dehors de ceux, une infime minorité (0,001%), qui accèdent aux fonctions politiques de haut niveau, l’immense majorité des autres sont des serviteurs absolument zélés du pouvoir politique qui appliquent les directives d’en haut – parfois bien trop zélés.
    • « Les chômeurs sont des fainéants » : le cliché des crétins et des imbéciles qui n’ont pas connu la souffrance de la perte d’un emploi, de l’exclusion, de la solitude, le désœuvrement, des milliers de CV envoyés sans réponse, du bonheur de décrocher enfin un entretien sur un poste pour mille candidats…
    • « La France ne se porte pas si mal » : notre pays subit une violente explosion de ses déficits budgétaires, commerciaux et de sa dette publique et en parallèle un vertigineux effondrement de ses service publics, hospitaliers, sécuritaires, scolaire. Comment faire pire ?
    • « Une recomposition politique est en cours ». La politique française serait en train de se recomposer pour passer d’une logique droite/gauche à une logique bourgeoisie mondialisées/périphérie populaire: en vérité, il n’y a aucune logique, le processus de décomposition et de chaos s’accélère pour tendre vers un champ de ruines à peu près total (voire la Nupes en ce moment).
    • « Les Français ont les dirigeants qu’ils méritent » : Faux: les gesticulations vaniteuses, narcissiques et impuissantes des dirigeants politiques actuels contrastent avec la majorité silencieuse, simple, courageuse et laborieuse. Non les Français ne méritent pas un tel spectacle: ils en sont les victimes.
    • « Les jeunes ne veulent plus travailler» : Il suffirait aux imbéciles de connaître quelques jeunes de moins de 30 ans, de toutes origines, ou de faire un tour dans une université populaire de la région parisienne, pour voir comment la plupart d’entre eux sont prêts à tous les sacrifices personnels pour s’en sortir par tous les moyens.
    • « Les partisans d’une solution de paix sont des « collabos » : slogan idiot des incultes en histoire: les « collabos » n’ont jamais plaidé en faveur d’une solution de paix mais au contraire pour la guerre à outrance, un alignement de la France sur l’effort de guerre de l’Allemagne nazie sinon l’entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie en vue de l’écrasement de la Russie soviétique (Laval, Déat, Doriot).

    Maxime Tandonnet (Blog de Maxime Tandonnet, 27 décembre 2022)

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  • Feu sur la désinformation... (400)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      L’image consternante de la découverte de plus d’un million et demi d’euros dans une perquisition à Bruxelles menée dans le cadre d’une enquête sur la corruption d’élus européens dans l’attribution de l’organisation de la Coupe du Monde au Qatar !.
    • 2 - France-Maroc : mais que cache le football ?
      En unique sujet de la semaine, le conflit civilisationnel qui s’est joué, pour une partie du monde arabe, derrière le match France - Maroc mercredi soir et les émeutes qui en ont découlé. Rassurez-vous, nous ne manquerons pas non plus d’évoquer les troubles suscités par la victoire antérieure du Maroc sur le Portugal.
    • 3 - Revue de presse
      Des nouvelles sur les médias, de bons articles à lire et des histoires manipulées par la presse.

     

                                                 

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  • Querelles de couple ou querelles de famille ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré aux tensions franco-allemandes. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

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    Querelles de couple ou querelles de famille ?

    Dans une interview qu’il a donnée le 17 octobre dernier Emmanuel Macron a déclaré : « Je crois dans la force du couple franco-allemand ». Il s’agissait là d’un bel acte de foi puisque, quelques jours plus tard, il était obligé d’annuler le sommet franco-allemand, les deux partenaires craignant que la réunion n’aboutisse qu’à envenimer leurs relations, les sujets de friction entre eux devenant chaque jour plus nombreux[1].

    Toutefois, même si l’arrivée de la nouvelle équipe conduite par Olaf Scholz a indubitablement changé l’atmosphère des relations entre les deux pays, celles-ci ont rarement été idylliques. Malgré accolades et embrassades, l’Allemagne n’a jamais montré un grand empressement à construire une industrie d’armement européenne dans laquelle elle n’aurait pas le premier rôle, y compris dans les domaines d’excellence de la France ; elle est parvenue à faire transposer au niveau européen sa stratégie énergétique (l’energiewende) bien que celle-ci fasse fi des intérêts français et des investissements déjà réalisés dans notre pays ; elle réclame depuis longtemps un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU ou le partage de celui que la France y détient. L’avenir des querelles observées au sein du « couple » est à l’évidence important.

    Mais les débats du soi-disant « couple » ne cachent-ils pas un malaise de la « famille » européenne dans son ensemble ? 

    L’un des principaux objectifs de la construction européenne engagée après-guerre était de mettre fin aux conflits récurrents en Europe de l’Ouest ; dans cette perspective l’entente franco-allemande était au cœur de la création de la CECA (1951) puis de la Communauté Économique Européenne et d’Euratom (1957). Mais les choses ont bien évolué depuis et, contrairement à ce qui est souvent affirmé, les évènements récents ne favorisent pas l’affermissement des liens entre les pays membres de l’Union Européenne (UE – 1992) :

    – L’intégration, à partir de 2004, des pays d’Europe centrale ou orientale auparavant sous domination soviétique a profondément modifié l’objectif et la logique de la construction européenne, qui jusque-là plaçaient la dyade franco-allemande au cœur du projet. Elle a déplacé le centre de gravité de l’UE des pays méditerranéens, où l’influence française est historiquement et culturellement forte, vers l’Europe centrale et du Nord, où l’influence allemande est historiquement, culturellement et industriellement forte. Elle a permis aux États-Unis de chercher à opposer, comme l’a fait en 2003 Donald Rumsfeld, alors Secrétaire à la Défense, les nouveaux adhérents à la « vieille Europe ».

    – L’entrée de la Grande Bretagne dans le processus européen en 1973 a substitué au dialogue initial des anciens ennemis un trilogue permettant de lisser la rivalité franco-allemande. Mais le Brexit a replacé les deux protagonistes dans leur face à face initial sans qu’aucune autre puissance de même niveau soit désormais en mesure d’apaiser les tensions entre eux ; la Commission en a naturellement profité pour jouer le conciliateur et donc renforcer son poids dans la régulation de l’Union. En outre, alors qu’on aurait pu espérer que le retrait des Britanniques atténuerait l’influence américaine, il est vite apparu que les Américains ont aujourd’hui en Europe de nombreux relais au moins aussi convaincus et actifs que l’étaient les Britanniques, à commencer par les Allemands eux-mêmes[2].

    – L’épidémie de Covid et ses conséquences économiques ont donné un poids sensiblement accru aux organes européens intégrés, ce que l’actuelle crise énergétique prolonge et amplifie. La Banque centrale européenne (BCE) a manié la planche à billets pour fournir aux États l’argent gratuit[3] leur permettant de rendre la crise aussi indolore que possible sur le plan économique. Parallèlement, la Commission a convaincu de nombreux gouvernements que la résolution des crises rencontrées ne nécessitait plus seulement l’harmonisation des politiques nationales mais leur mutualisation sous son égide ainsi qu’un fort accroissement des ressources communautaires.

    – La guerre en Ukraine a renforcé ces tendances, la présidente de la Commission s’arrogeant des pouvoirs de leader de fait que les textes ne lui reconnaissent nullement et les États membres acceptant que la mutualisation des politiques s’étende à de nouveaux domaines, la Défense et l’Energie en particulier. Elle a surtout créé une confusion quant à la nature de l’Union européenne : dès lors que celle-ci s’aligne sur les positions américaines on ne voit plus bien pourquoi elle devrait disposer d’une politique de défense et d’une industrie d’armement autonomes ; en d’autres termes et pour simplifier, l’OTAN est perçue comme le bras armé de l’UE et l’UE comme la déclinaison européenne de l’OTAN[4].

    – Le rapprochement européen a clairement favorisé l’essor économique des pays membres et en particulier des membres récents. Toutefois, malgré l’ampleur des politiques communes et des financements communautaires, les économies nationales peinent à converger. Alors que la situation économique de la France et de l’Allemagne étaient voisines il y a un quart de siècle, les Allemands sont aujourd’hui 20 % plus riches que les Français (en PIB par tête), l’endettement de l’Allemagne est environ deux fois moindre que celui de la France et l’Allemagne a dégagé chaque année un excédent de sa balance commerciale de 7 % dans le temps où la France creusait son déficit : le « couple » a donc clairement divergé économiquement. De même, la crise énergétique frappe aujourd’hui très inégalement les pays membres et l’inflation varie du simple au double d’un pays à l’autre.

    Ce rapide tour d’horizon conduit à trois constats :

    – la position de l’Allemagne s’est considérablement renforcée par rapport à celle de la France : sur le plan économique à l’évidence mais aussi grâce à sa place centrale au sein de l’Europe. La France détient toutefois deux atouts essentiels : sa force de frappe nucléaire et son siège au Conseil de Sécurité de l’ONU ;

    – le « couple » franco-allemand n’a plus le même poids au sein des institutions européennes et s’est dilué au sein d’une Europe institutionnelle donnant aux petits États quasiment le même poids qu’à ceux qui jouent un rôle majeur dans la vie internationale. La Commission, quant à elle, saisit la moindre occasion pour renforcer son rôle en présentant l’unification des politiques sectorielles des Etats membres comme la solution unique aux problèmes à résoudre ; sa présidente, dont le mandat est de cinq ans, se veut l’incarnation de l’Europe, davantage que le « président de l’UE » ou le président du Parlement européen, dont les mandats sont deux fois plus courts, a fortiori que le président du Conseil européen qui pour agir ne dispose que de six mois[5] ;

    – malgré ou à cause de cela les ferments de dissensions entre États membres s’accroissent, même si les spreads de taux[6] ont été jusqu’à présent contenus. Il est en effet de plus en plus difficile de concilier, d’une part l’élargissement de l’Union à des pays de plus en plus disparates politiquement et économiquement, d’autre part l’unification des politiques sectorielles ; vouloir trouver une solution unique aux problèmes rencontrés dans un territoire aussi vaste et divers relève de la gageure[7].

    Dès lors on ne voit plus très bien quel est aujourd’hui le projet européen, quelle Europe il vise à construire. L’UE se réfère à des « valeurs » mais se garde bien de les nommer, de peur que leurs fondements historiques, philosophiques ou religieux heurtent certains. Elle s’est transformée en un complexe mécanisme de redistributions financières entre États et entre acteurs économiques. Elle est ainsi devenue une sorte d’ONU miniature, doublée d’un distributeur de billets destinés à ceux qui font allégeance à Bruxelles. Est-ce là ce que les promoteurs de l’idée européenne ambitionnaient ? Est-ce là l’ « Europe souveraine » souhaitée par Emmanuel Macron ?

    Dans ce contexte, l’Allemagne joue à présent un jeu ambivalent. Le modèle économique sur lequel elle a fondé sa puissance et qui la plaçait sous la double dépendance de la Russie pour l’énergie et de la Chine pour la puissance industrielle et les exportations, est désormais menacé. Mais elle dispose elle aussi d’une force de frappe, financière celle-ci, qui lui permet d’intervenir massivement. Elle peut donc choisir, selon ses intérêts, de jouer la carte de l’Union ou celle de l’autonomie et semble désormais préférer de plus en plus souvent cette dernière option. Cette attitude reflète une affirmation de puissance clairement exprimée en septembre par Christine Lambrecht, la ministre de la Défense : « La taille de l’Allemagne, sa situation géographique, sa puissance économique, bref son poids, fait de nous une puissance de premier plan, qu’on le veuille ou non ». Olaf Scholz a donc pu affirmer en mai que « bientôt l’Allemagne aura la plus grande armée conventionnelle d’Europe » et dégager à son profit une enveloppe de 100 Md€ ; annoncer sans s’être concerté avec ses alliés européens ni avec la Commission un plan de soutien à l’économie de 65 Md€, puis un autre en septembre de 200 Md€, mobilisant ainsi 8 % du PIB ; ou faire cavalier seul pour conclure des contrats d’approvisionnement en gaz remplaçant ceux qu’il avait avec la Russie. Le « changement d’époque » (Zeitenwende) annoncé par Olaf Scholz au Bundestag après l’invasion de l’Ukraine par la Russie doit donc être compris comme un ambitieux repositionnement d’ensemble de l’Allemagne.

    La France doit donc impérativement surveiller son « partenaire » pour éviter qu’il ne prenne trop d’ascendant ; elle doit le faire d’autant plus scrupuleusement que, comme Bruno Le Maire l’a affirmé dans une récente interview, « nous n’avons jamais eu la même idée du couple franco-allemand » : si l’on file la sempiternelle métaphore, l’un veut une relation englobante et exclusive, l’autre préfère l’amour libre. La France doit aussi prendre conscience des dérèglements qui frappent l’ensemble de la « famille » européenne et de l’inadaptation des institutions européennes à une Europe aux limites de plus en plus floues, prétendant concilier dilution des États forts et unification des politiques sectorielles.

    Mais elle doit également s’inspirer de l’histoire allemande récente et

    – en parallèle de ce que l’Allemagne a fait avec constance vis-à-vis de l’Europe centrale et du Nord, développer elle-même des liens privilégiés avec l’Europe méditerranéenne[8] ;

    – comme l’Allemagne l’a fait il y a vingt ans, se décider enfin à assainir ses finances publiques pour améliorer sa productivité, mais aussi accepter de travailler davantage[9] ;

    – comme l’Allemagne le fait aujourd’hui, consacrer davantage d’énergie à défendre ses propres intérêts plutôt qu’à faire des leçons de morale à la planète entière.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 13 novembre 2022)

     

    Notes :

    [1] Désaccord sur la régulation des prix de l’énergie, refus d’organiser un déplacement conjoint Scholz/Macron en Chine, préférence pour l’achat de matériels militaires américains (F35 par exemple) plutôt que français, désaccords sur les projets communs de système de combat aérien SCAF et de char du futur MGCF, lancement d’un projet de bouclier antimissile fondé sur le système Patriot américain et concurrent de celui que la France a engagé, etc.

    [2] Annegret Kramp-Karrenbauer, alors ministre de la Défense, a ainsi déclaré en novembre 2020 que « les Etats-Unis d’Amérique ont été et restent le principal allié en matière de politique de sécurité et de défense. Et ils le resteront dans un avenir proche. »

    [3] On fait ici référence au quantitative easing consistant, pour la BCE, à acheter des titres de dette publics ou privés.

    [4] Lorsque la Finlande et la Suède auront intégré l’OTAN les seuls pays membres de l’UE qui ne seront pas membres de l’OTAN seront l’Autriche, Chypre, l’Irlande et Malte. Inversement, les seuls pays européens membres de l’OTAN mais pas de l’UE seront l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro (tous les trois candidats à l’UE), l’Islande, la Norvège et le Royaume Uni, la caractère européen de la Turquie pouvant être discuté. L’Ukraine souhaite faire partie des deux structures.

    [5] La fonction de président du Conseil européen est exercée par roulement par chaque pays membre pendant 6 mois.

    [6] Ecarts entre les taux auxquels les pays peuvent se financer sur les marchés.

    [7] A l’inverse et paradoxalement, la Commission propose de reconnaître, pour la révision du pacte de stabilité budgétaire, la possibilité pour chaque Etat membre de déterminer quasi librement la façon d’atteindre les objectifs communs.

    [8] Les semaines récentes montrent, s’agissant de l’Italie, l’ampleur du chemin à parcourir. Saluer la nomination du nouveau gouvernement italien issu des élections du 25 septembre en déclarant, comme l’a fait la ministre des affaires européennes, Laurence Boone, que « nous serons très vigilants sur le respect des valeurs et des règles de l’Etat de droit » n’est pas le meilleur moyen de créer un climat de confiance : dans d’autres pays des leaders peu recommandables fraichement élus ou réélus dans des conditions bien moins démocratiques ont bénéficié d’accueils plus chaleureux. De même, et indépendamment de la nature des décisions de fond qui ont été prises, la façon dont a été géré l’accueil de l’Ocean Viking et les déclarations ministérielles faites à cette occasionne favorisent pas l’entente et la coopération entre les deux pays.

    [9] Alors qu’en 2004 les Français et les Allemands avaient la même durée moyenne de travail effectif, soit 616 heures par an, les premiers ont depuis légèrement réduit cette durée (610 heures) alors que les seconds augmentaient fortement la leur (704 heures).

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  • Réflexions et prospective sur l'avenir de la France...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une longue intervention de Julien Rochedy dans laquelle il nous fait part de ses réflexions sur l'avenir de la France.

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme et Philosophie de droite.

     

     

                                             

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  • L’intérêt national, mais lequel ?...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

    point de vue

    L’intérêt national, mais lequel ?

    À partir de 1624, le cardinal de Richelieu, au conseil du roi Louis XIII, conduit la France à entretenir la guerre de Trente Ans, qui va ravager l’Allemagne jusqu’en 1648 et la tenir éloignée de toute prétention à l’unité pendant deux siècles. L’intérêt de la France commande de garder l’Allemagne divisée — François Mitterrand s’en souviendra en 1989… Mieux encore, le prince de l’Église construit une alliance de revers avec les Turcs contre l’empire chrétien des Habsbourg. Entre la religion et l’intérêt national de la France, il n’a pas hésité.

    En 1939, tout oppose Joseph Staline et Adolf Hitler. Le nazisme est arrivé au pouvoir sur fond d’anticommunisme violent. Et une communauté de valeurs devrait unir la jeune URSS et les majorités socialistes d’Europe de l’Ouest, notamment la chambre issue du Front populaire en France, nombre de militants antifascistes ayant côtoyé les partisans communistes sur le front de la guerre d’Espagne. Mais l’intérêt national appelle au partage de la Pologne, à l’invasion de la Finlande, et le pacte du 23 août 1939 entre la Russie soviétique et l’Allemagne nazie concrétise la primauté de l’intérêt national sur les idéologies revendiquées.

    Dans les années 2000, le rideau de fer est loin, et ce n’est plus l’idéologie qui sépare la Russie de l’Union européenne. La vision eurasiste d’Alexandre Douguine est marginale dans une Russie dont la classe dirigeante reste avide d’Europe, de ses produits, de ses services, de son mode de vie. Et les relations nouées entre le Vatican et le patriarcat de Moscou sont bien proches d’aboutir à un rapprochement qui mettrait fin à la rupture millénaire entre Chrétienté d’Occident et Chrétienté d’Orient, Rome et Constantinople. Mais les ennemis de l’Europe veillent, manipulent, désinforment.

    L’histoire dira peut être quelles inconsistances et quelles manoeuvres ont conduit l’Union européenne à refuser la main tendue de Vladimir Poutine, le Vatican à annuler la rencontre entre le pape et le patriarche, et la Russie à se tourner vers la Chine. L’intérêt britannique, l’intérêt américain ont toujours été de diviser le continent eurasiatique. Ils l’ont emporté. L’intérêt national de la France, l’intérêt collectif de l’Europe, ont-il été bien servis par des dirigeants sourds aux avertissements de Vladimir Poutine ? Ou trahis par des collaborateurs de l’occupant américain ?

    Nous vivons l’un de ces moments où l’histoire bascule. L’intérêt national, ou l’opinion qu’en ont les dirigeants est l’argument décisif de la décision, qu’elle engage un traité, une alliance, ou la guerre. Et il doit être le seul. Après six mois de guerre en Ukraine, après les emballements et les réticences maintes fois confrontés, après aussi que le brouillard de la guerre s’appesantit sur des scènes de cauchemar, il est temps de se poser la question ; que commande l’intérêt national de la France ? Où est l’intérêt collectif de l’Union européenne s’il en reste ?

    Pour arrêter la position de la France, pour construire une posture européenne, il faut regarder sans ciller les trois réalités de la guerre.

    Ce n’est une guerre hors limites, dans laquelle les péripéties sur le front ne sont qu’un des éléments, ni le plus décisif, ni le plus stratégique de tous. Au-delà de la guerre engagée par l’OTAN contre la Russie, c’est une guerre de systèmes. Or, monnaies, pétrole et gaz, terres, céréales et eau, voilà le front. Il est de plus en plus clair que les opérations décisives se passent sur le front des règlements internationaux, des réserves des banques centrales, de la place de l’or, et des conditions d’achat et de commerce des matières premières. Après le vol de la moitié des avoirs de la Banque centrale de Russie par le gouvernement démocrate américain, tout gouvernement s’interroge ; si mes intérêts sont en désaccord avec ceux de la ploutocratie financière américaine, vais-je perdre les réserves de ma banque centrale ? Et le véritable front est celui de la tutelle anglo-américaine sur le monde, tel que le dollar l’assure, au bénéfice des Américains et de leurs alliés ; le dollar va-t-il conserver dans les années qui viennent son injustifiable suprématie sur les échanges internationaux ?

    C’est une guerre totale, en ce qu’elle met en jeu, non pas deux civilisations entre elles, et parmi d’autres, mais la civilisation contre son envers, qui est l’uniformité. Le système national affronte le système global. Le conflit qui s’est engagé a pour enjeu un Nouveau Monde, dans lequel les Anglo-américains et la caste financière qu’ils ont placée au pouvoir ne joueront plus que le rôle que leur nombre, leurs mérites et leur territoire leur donneront. Il confronte les civilisations, qu’elles soient russes, chinoises, indiennes, iraniennes, mongoles ou maliennes, à leur inverse, qui est la destruction du monde comme monde par le totalitarisme numérique, juridique et marchand.

    C’est une guerre mondiale, au sens où elle engage bien plus que les belligérants avoués. Nos catégories politiques en sont ébranlées, comme nos certitudes d’abondance. Il suffit de voir le grand trouble suscité aux États-Unis par l’appel du Président Xi Jin Ping à la mobilisation de tous les Chinois résidents hors de Chine, pour défendre leur patrie ! Dur réveil pour le wokisme ahuri ; les origines comptent ! Un contrat ne fait pas une Nation ! Et il faut voir l’empressement des dirigeants français d’un côté, Allemands de l’autre, à s’assurer auprès des gouvernements algériens et turcs de la passivité de leurs ressortissants, en des périodes que beaucoup prévoient agitées…

    Le confort mental de ceux qui se croyaient l’avant-garde du monde et avaient substitué la colonisation insidieuse de la finance, de la propriété intellectuelle et du crédit à celle des missionnaires et des soldats, est ébranlé par le soutien ouvert ou tacite à la Russie de la majorité des Nations, et par l’opposition audible et croissante à tout ce qui peut venir de l’Occident — le décloisonnement de l’Iran en témoigne, comme cette carte diffusée par le PCC qui montre la réalité du monde allié des États-Unis — si peu de choses ! En Afrique comme en Amérique du Sud, en Asie comme dans le Pacifique, l’Occident se rétrécit comme un mirage — ou un mensonge…     

    Que reste-t-il de ce beau mensonge ? Les valeurs ? Comme le rappelait Thierry Mariani, que partageons-nous avec l’Ukraine, l’un des pays les plus corrompus du monde, qui emprisonne ses opposants, limoge ses juges sur injonction américaine et assassine ses critiques ? La paix ? Directement ou indirectement, les États-Unis sont les plus grands fauteurs de guerre des deux siècles passés. Ils n’ont jamais hésité à avoir recours aux armes, fabriquant à dessein les preuves, falsifiant l’histoire et défiant les faits.

    Ils l’ont fait en Syrie comme en Irak, en Libye comme en Serbie, avec une totale insouciance sur les conséquences de leurs agressions et l’impunité assurée à leurs dirigeants criminels. Le progrès ? La société américaine est l’une des plus dysfonctionnelles qui soit, depuis que les démocrates ont trahi le peuple au nom de la globalisation, comme les socialistes français l’ont fait au nom de l’ouverture des frontières.

    Un modèle de progrès ? L’Europe comme les États-Unis sont confrontés à un procès de sous-développement qui ne peut plus être caché ; les urgences médicales sont mieux assurées désormais en Inde ou dans certains pays africains qu’elles ne le sont en France !

    Les libertés ? L’épisode du Covid, comme celui des Gilets Jaunes ou de la dette grecque, comme les cas de censure privée par les réseaux ont révélé le peu de cas que les intérêts financiers font des libertés publiques et de la démocratie quand les rendements sont en jeu. Les élections elles-mêmes s’achètent, comme chaque chose au pays merveilleux du marché.

    Quant au totalitarisme de nos ennemis inventés ? À des régimes autoritaires, voire totalitaires, implantés dans un pays, en concurrence ou en confrontation avec d’autres régimes autoritaires, voire totalitaires, pour des territoires, des populations, des ressources, limitées dans l’espace et dans leurs emprises, s’oppose un totalitarisme sans territoire, sans limites et sans frontières. Jamais la Chine n’a prétendu régir le monde comme entendent le faire les zélateurs du Great Reset de Davos. Jamais la Russie n’a prétendu reprendre à l’Union soviétique sa vocation à sauver le monde. Et jamais les nouveaux géants que sont l’Inde, l’Indonésie, l’Iran ou le Nigeria ne prétendent apporter au monde leur loi — trop occupés à faire leur loi chez eux, et à demeurer ce qu’ils sont !   

    Le constat paraît établi. Pour le monde, ou ce qui en demeure comme diversité, séparation et liberté, le monde serait meilleur sans les États-Unis d’Amérique du Nord. À force de se croire la Nation indispensable, de se mêler de tout et à tout propos, les États-Unis sont devenus la Nation dont le monde se dispenserait bien volontiers. Et l’hystérie sécuritaire qui est en train de s’emparer d’États-Unis qui vont chercher dans la guerre le moyen de nier leur naufrage intérieur, provoquant une guerre avec la Russie acculée dans ses retranchements vitaux, confirme une analyse largement partagée ; les prétentions à la Justice, à la liberté et au Bien des Anglo-américains ne reposent que sur la plus grande violence, l’usage illimité de la force, et la détermination à l’emporter, quel qu’en soit le prix — surtout si les autres le paient.

    Voilà où se pose la question à la France et l’Europe. Voilà sans doute ce qui explique le revirement spectaculaire d’Emmanuel Macron, et l’alignement assumé de la France sur l’OTAN. Ni la justice, ni la démocratie, ni la force, ni de quelconques valeurs n’établissent l’intérêt national de la France, celui de l’Union européenne face à la guerre que les États-Unis ont si bien prévue puisqu’ils l’ont provoquée. En revanche, la réalité des intérêts économiques, la défense du mode de vie, et la protection des avoirs et des patrimoines font la décision.

    Et pour ceux qui les font passer avant l’indépendance nationale et le sentiment national — de quoi s’agit-il ? — ils lient plus étroitement la France et l’Europe aux États-Unis que tout autre argument. Trop peu de Français le mesurent, aveuglés par l’individualisme ambiant. La Présidence française en a une juste opinion, certains l’ont sans doute aidé à la concevoir. Du quart au tiers environ du niveau de vie français est lié au privilège de l’Ouest — au privilège du dollar américain. Voilà ce qui est en jeu derrière le maintien de l’alliance à l’Ouest. Ce qui reste de la classe moyenne ne mesure pas à quel point elle doit son confort à l’appartenance de la France au monde de l’Ouest — quel qu’en soit par ailleurs le prix.

    Confrontées au choix ; travailler avec le monde, ou travailler avec les États-Unis, à peu près toutes les entreprises confrontées aux sanctions américaines ont choisi, et elles ont choisi les États-Unis. Et d’aucuns qui proclamaient l’indépendance de l’Europe et sa souveraineté finissent du côté des think tanks américains ou, pire, des banques d’affaires — ont — ils le choix ?

    La réalité est que la France et l’Union européenne n’ont pas le choix — n’ont plus le choix. Ni de leurs alliances ni de leur système. Pour la France comme pour l’Union européenne, il est un monde pire que celui où les États-Unis décident de la paix et de la guerre, c’est celui où ils n’interviendraient plus. Il est un monde pire que celui où un dirigeant de Goldman Sachs affirme faire le travail de Dieu, c’est un monde où les acteurs privés ne peuvent plus commercer, échanger, arbitrer les taux, les monnaies et les prix librement. Et il est un monde plus dangereux que celui où les États-Unis et leurs alliés emploient des prétextes qui sont la Justice, la liberté et la démocratie pour justifier leurs interventions, c’est celui où des interventions s’engagent sans même les prétextes de la Justice, de la liberté et de la démocratie.

    Le piège s’est déjà refermé sur la France et sur l’Union européenne. Trop tard pour le Président Emmanuel Macron, critique sévère de l’unilatéralisme américain et analyste lucide du déclin de l’Occident qui prônait le dialogue avec la Russie encore en 2021. Son intérêt national à court terme ne laisse pas le choix à la France. En dépit des liens historiques avec la Russie, les occasions ratées ne se retrouvent pas. En dépit de l’insupportable arrogance américaine, le renversement des alliances n’est pas à notre portée. En dépit des multiples atteintes américaines à l’indépendance de la France, à l’autonomie de l’Union européenne, aux frontières de l’Europe et à la volonté des Nations, la France et l’Union européenne sont engagées dans la guerre américaine. Il est trop tard pour changer de camp. Qui peut raisonnablement aujourd’hui parmi les Nations européennes penser à un renversement d’alliance ? Qui en aurait la lucidité, le courage, ou la folie ?

    Devant la guerre, que chacun se répète la devise britannique ; « Right or wrong, my country ». Il est désolant, ou consolant que nous en soyons toujours là.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 2 septembre 2022)

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