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europe - Page 41

  • D'un délire idéologique à l'autre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy cueilli sur Voxnr et consacré au déni du réel qui pèse sur l'Europe... Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur de plusieurs essais, dont Les théories de la mondialité (L'Harmattan, 2011) et Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

     

     

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    Mosquée centrale de Cologne...

     

    D'un délire idéologique à l'autre

    De tous les bords en Europe, le déni du réel et le délire idéologique qui va avec l’emportent. Il est vrai que moins les hommes n’ont de prise sur la réalité et plus ils s’en remettent à des représentations mythifiées. C’est un constat vérifié depuis longtemps par les sociologues pragmatistes. D’un côté, Il y a tous ceux qui s’accrochent à leur vision universaliste et naïvement humanitaire, alors que la réalité du choc des civilisations et des empires s’impose à leurs yeux, et d’un autre côté, ceux qui entretiennent la nostalgie d’une souveraineté nationale perdue, et qui ne peut plus être parce qu’elle est déconnectée de la puissance.
    Le pic du délire du multiculturalisme, version postmoderne de l’universalisme, a semble-t-il été atteint en Allemagne. Après quelques autres villes allemandes, la bourgmestre de Cologne vient d’annoncer qu’à l’avenir, chaque vendredi, l’appel du muezzin à la prière lancé à tous les Musulmans, sera autorisé. Sous certaines conditions, et en fonction des quartiers, est-il dit. L’argument avancé est que la décision est commandée par la tolérance et l’équité et par la volonté d’aller vers une société plus homogène et plus fraternelle. Alors que ces autorisations sont clairement des capitulations sociétales, significatives, tout simplement, d’un basculement dans le rapport de force démographique en faveur de la composante musulmane (principalement turque) de la population allemande. Comme sa voisine la France et peut-être plus vite qu’elle, et de façon plus nette en raison du vieillissement plus accentué de sa population, l’Allemagne se transforme en une polyarchie ethnique. Soit une société où les communautés ethnoreligieuses font les votes et influencent la politique nationale (cf. l’attitude toujours passive ou consentante de l’Allemagne envers Erdogan, le dictateur turc). Il y a donc de quoi s’inquiéter pour la nation germanique quand on sait devant quelle crise démographique elle se trouve, et que les Musulmans ne représentent « encore » que 12% de la population d’une ville comme Cologne. Qu’en sera-t-il quand ce pourcentage aura augmenté, sinon explosé ?
    D’après Le Figaro, qui cite l’Institut de sciences sociales Insa-Consulere, 61% des Allemands se prononcent contre cette autorisation, qui fait tache d’huile, de l’appel musulman à la prière. Mais cette majorité reste bien silencieuse dans un pays où l’opinion est fortement conditionnée et où la repentance bat son plein. N’y voit-on pas la municipalité de la pourtant traditionnelle Munich envisager de débaptiser les rues portant les noms de Richard Wagner et de Richard Strauss soupçonnés du pire, c’est-à-dire d’avoir à leur manière, avec leur musique et les présupposés qu’elle colportait, fait le lit du nazisme… Rien de moins.

    Quant à la France qui s’enfonce dans le désordre communautaire induit par les politiques de laxisme migratoire conduites depuis cinquante ans , le débat public sur cette question vitale y devient plus vif, et plus ouvert, que chez sa voisine d’outre Rhin depuis quelques mois. Une première raison réside dans le triste et brutal spectacle permanent de ce désordre, dont la dénonciation fait le miel d’une chaîne de télévision privée (celles du service publique pratiquant au contraire l’omerta) dont le nouveau propriétaire a compris tout le profit qu’il pouvait en tirer en termes d’audience. Une seconde raison est la percée médiatique qu’effectue Éric Zemmour dans sa démarche présidentialiste en centrant son discours sur l’immigration et sur le déclin de la France. La justesse de son diagnostic, ses paroles sans circonvolutions et fondées sur une véritable culture à l’opposé de sa concurrente la plus à droite, en font dans le contexte actuel et face à un panel de protagonistes insipides, un excellent candidat de premier tour.
    Néanmoins, dans la perspective d’une victoire finale, le discours du polémiste, s’il entre dans l’arène électorale, est trop chargé de nostalgie. Car l’on ne construit pas l’avenir sur celle-ci (la France ne sera jamais plus celle de Louis XIV ou de Bonaparte). Mais au contraire sur des adaptations et des stratégies audacieuses. Il lui faudra donc se garder du délire souverainiste et ne pas prôner, comme nombre de ses partisans le souhaitent, le repli national. Il serait bien plus honorable et ambitieux pour la France, mais aussi bien plus adapté à un monde rempli de risques et d’hostilités, que de s’ériger en chef de file, car d’autres Etats suivraient, pour transformer l’Union européenne en une véritable puissance au service des peuples européens.
    On ne peut, bien entendu, préjuger du résultat du combat électoral à venir. Le passé incite à la prudence quant à tout pronostic et on se gardera bien d’en faire ici. Ce dont on peut, cependant, se réjouir à la lumière de ce que l’on observe, et à condition que cela dure, c’est au retour à la « guerre des dieux » de Max Weber, autrement dit à la guerre des représentations du monde qui marquerait le début de la fin de l’idéologie dominante.

    Gérard Dussouy (Voxnr, 25 octobre 2021)

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  • Réflexions sur l'Europe, le déclin et le renouveau hespérialiste...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par David Engels à Ego Non et consacré au déclin de l'Europe ainsi qu'à la voie à suivre pour un renouveau de notre civilisation.

    Historien, spécialiste de l'antiquité romaine et président de la société Oswald Spengler, David Engels, qui vit en Pologne, est devenu une figure de la pensée conservatrice en Europe et est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

                                              

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  • L'Islam est-il notre avenir ?...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai de Jean-Louis Harouel intitulé L'Islam est-il notre avenir ?.

    Agrégé de droit, professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas, Jean-Louis Harouel a, notamment, publié Les droits de l'homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, 2016) et Libres réflexions sur la peine de mort (Desclée de Brouwer, 2020).

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    " Bataclan, Charlie, Londres, Nice… L’horreur des attentats islamistes a beau frapper périodiquement notre continent, celui-ci affecte trop souvent de ne pas voir ce qui se cache derrière cette explosion de violence : le processus à bas bruit de conquête musulmane. Le pays le plus touché est la France, elle qui abrite la plus grosse communauté musulmane, majoritaire en maints endroits. Or, en terre d’islam, le régime des libertés est conditionné au respect des règles de l’islam, la charia ayant prévu des peines pouvant aller jusqu’à la mort pour ceux qui ne s’y soumettent pas. L’Europe occidentale menace ainsi de redevenir ce qu’elle avait été au Moyen Âge : une terre à prendre. La conquête musulmane avait alors été rejetée, mais la capacité de résistance des Européens, bridée par la religion des droits de l’homme, s’est émoussée. Faute de sursaut, le processus feutré de la conquête musulmane ne peut que se poursuivre et s’amplifier, jusqu’au jour où tout basculera. "

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  • Bayard, figure européenne de l'humanisme guerrier...

    Les éditions Rabelais viennent de publier un ouvrage de Benjamin Deruelle et Laurent Vissière intitulé L'énigme Bayard - Une figure européenne de l'humanisme guerrier. Spécialiste des guerres d’Italie, Laurent Vissière est professeur d’histoire médiévale à l’Université d’Angers. Benjamin Deruelle est professeur d’histoire moderne à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste de la culture et des pratiques martiales au tournant du Moyen Âge.

     

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    " Bayard, chevalier sans peur et sans reproche, demeure un personnage central de la mémoire européenne des premières Guerres d’Italie. Son histoire reste pourtant largement tributaire des deux biographies chevaleresques rédigées dans les années 1520 par Symphorien Champier et Jacques de Mailles, le Loyal Serviteur. Ces oeuvres ont fondé l’historiographie du gentil capitaine, qui s’est ensuite fossilisée dans les manuels scolaires de la IIIe République. Pierre Terrail élevé au rang de dernier représentant de la chevalerie médiévale, y devint une grande figure de l’histoire nationale, aux côtés de Vercingétorix, Charlemagne et Jeanne d’Arc. 
    L’histoire et la mémoire du célèbre Dauphinois comportent cependant de nombreuses zones d’ombre, et bien des épisodes de sa vie, à commencer par l’adoubement du roi lors de la bataille de Marignan, suscitent encore débats et controverses.
    Cet ouvrage propose de transcender la dimension nationale du personnage par une approche résolument européenne, car Bayard a été aussi célébré, et décrié parfois, en Italie, en Espagne, en Angleterre et dans l’Empire. Aux côtés de Gonzalve de Cordoue et de Jean de Médicis, il s’est imposé comme une figure de l’humanisme guerrier. "
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  • La nouvelle « nouvelle économie »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la nouvelle économie des entreprises géantes et monopolistiques.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    La nouvelle « nouvelle économie »

    Elle faisait les grands titres des journaux économiques dans les années 2000. C’était le temps de « l’entreprise sans usines » (Serge Tchuruk), le temps aussi où des sociétés à peine nées, sans chiffre d’affaires et sans business model, mais avec une belle histoire à raconter aux investisseurs, réunissaient des millions de dollars.

    Cette nouvelle économie est venue se briser sur le krach des valeurs du numérique et de la « tech » au début des années 2000, elle a sombré lors du krach de 2007-2008. Mais voilà que de nouveau le mot, ou la question, s’imposent : l’économie a changé. À l’évidence, les règles jugées acquises ne s’appliquent plus. Et nous manquons à la fois des mots pour désigner la situation, des concepts pour l’analyser, et des lunettes pour regarder en face la réalité d’une économie sortie de son lit. De sorte que nous n’en finirons jamais avec la nouvelle économie — chaque fois nouvelle et si vite dépassée…

    Seule l’Union européenne croit à la concurrence

    Première caractéristique ; la fin de la concurrence comme l’économie classique l’enseigne, comme seules l’Union européenne et sa Commission y croient encore. Pour une part sans cesse croissante des services et de l’industrie, des acteurs en situation de monopole et, plus souvent, d’oligopoles, se partagent les marchés mondiaux, décident des prix et des offres. Peter Thiel l’affirme sans détour ; « la concurrence est l’affaire des perdants ».

    Les gagnants de l’économie d’aujourd’hui ne sont pas en concurrence. Ils créent leur marché, ils inventent leur marché, ou bien ils concentrent les offres pour partager leur marché. Ce qui veut dire en clair qu’ils suppriment le marché comme nous le connaissons, et comme nous faisons encore semblant qu’il existe. Il est grand temps de se le dire ; la concentration des entreprises étouffe la concurrence, et le « quantitative easing » signifie la suppression de la fonction éminente des marchés ; donner un prix au risque et hiérarchiser les risques des investissements. Les marchés ont perdu leur fonction principale, pour devenir les courroies de transmission des banques centrales, anesthésiées qu’ils sont par l’afflux intarissable de monnaie. Mais quel réveil les attend ?

     Quant à la fonction de l’entrepreneur… Au capitalisme monopoliste d’État a succédé le capitalisme monopoliste privé. Il n’est pas sûr que nos sociétés y aient gagné quelque chose. D’autant que ce mouvement s’accentue au moment où la marche en avant du grand marché mondial s’inverse. Fin du « zéro stock, zéro délai, trésorerie zéro » ; disruption majeure des chaînes logistiques qui assuraient la ronde incessante des composants autour du monde — le manque de semi-conducteurs paralyse déjà maints constructeurs, la pénurie d’énergie menace des millions de ménages de précarité énergétique, et certains voient venir la pénurie alimentaire… et en pareilles circonstances, seule l’intervention de l’État peut maintenir les marchés en état de marche, et empêcher qu’ils ne tournent au racket, à l’usure, et aux monopoles.

    Une concentration féodale de l’économie

    Deuxième caractéristique ; la concentration qui se poursuit, et même, s’accélère, repose la question des inégalités en termes de pouvoir, donc de démocratie. Concentration des capitaux, des moyens, et des revenus. Le pape François s’était attiré la commisération des économistes, en dénonçant une théorie du « ruissellement » (« trickle down economics ») justifiant la faible imposition des super-riches en vertu du principe selon lequel leur richesse « ruissellerait » naturellement vers les classes moyennes et les plus démunis. Il avait raison. Rien ne vient vérifier cette théorie, jamais observée nulle part depuis le Moyen Âge et le devoir de munificence imposé aux riches et puissants ; ils doivent dépenser, pour que les autres, artisans, commerçants, paysans profitent de leur richesse!

    Et le succès mondial du travail de Thomas Piketty, malgré ses imperfections de détail, dit l’essentiel ; le sentiment d’inégalité grandit, il s’appuie sur les faits, et il devrait figurer en tête de toute réflexion politique. Car ce n’est plus d’argent qu’il s’agit, mais de pouvoir. Car pour beaucoup de ceux qui se croyaient « classe moyenne », ce n’est plus d’inégalité qu’il s’agit, mais d’injustice, et de pauvreté. Ce n’est pas qu’en France que le pouvoir d’achat redevient la première préoccupation de citoyens de plus en plus exposés à la précarité économique, énergétique, alimentaire bientôt !

    Le mouvement de concentration le plus préoccupant se déroule dans l’industrie et la finance saisies par le numérique. Trois sociétés de gestion, toutes Américaines (Blackrock, State Street, Vanguard ; voir American Affairs, spring 2021), sont en passe de contrôler la plupart des conseils d’administration des très grandes entreprises américaines et européennes. Une poignée d’entreprises contrôle l’alimentation mondiale, que ce soit comme fournisseurs d’intrants, comme propriétaires des gènes des espèces exploitées, ou comme commerçants des matières premières alimentaires. Et dans combien d’autres secteurs industriels, le pouvoir de marché est entièrement passé aux mains de producteurs qui forment ostensiblement des oligopoles.

    La conséquence politique est majeure ; la démocratie libérale reposait sur le tissu d’indépendant, d’artisans, de PME familiales qui créent encore aujourd’hui 80 % des emplois. Ce tissu se déchire. Avec lui, le libéralisme. Et nous devons regarder la réalité en face ; l’économie des monopoles de l’Internet et de la distribution est la moins libérale qui soit. Des monopoles capitalistes privés remplacent les monopoles capitalistes d’État, qui croit au progrès ?

    Un capitalisme totalitaire ?

    Troisième caractéristique ; le capital acquiert le monopole de la force. C’est le fait révolutionnaire du capitalisme devenu totalitaire. Twitter, Facebook, combien d’autres, peuvent prononcer la mort sociale de tous ceux qui ne se conforment pas aux codes implicites qu’ils ont eux-mêmes établi, ou pire encore, qu’ils n’ont jamais établi, ce qui laisse place à l’arbitraire, et qu’ils font appliquer par des sous-traitants dont il est permis de mettre en doute la faculté d’appréciation. Le mécanisme est bien connu, les régimes totalitaires l’ont employé ; la seule perspective d’être censuré instaure une autocensure préventive, de sorte que même les informations les plus vérifiées, les faits les plus établis, les opinions les plus largement partagées ne seront pas exprimées, dès lors que leur expression enfreint le code imposé par les censeurs des réseaux.

    Ceux qui ont connu les formules obligées de l’empire soviétique, ou de la Chine de Mao, du « tigre de papier » américain aux « chiens de garde » du capitalisme retrouvent avec curiosité les formules obligées sur « la société ouverte et inclusive », sur « les bénéfices du multiculturalisme » et, bien entendu, sur « les hommes sont tous les mêmes ». Inutile de préciser que c’est le moyen choisi pour imposer l’immigration de masse aux peuples qui la refusent, de nier le lien manifeste entre migrations illégales et délinquance, ou d’interdire le débat sur un multiculturalisme dont, pourtant, même Mme Merkel avait constaté l’échec manifeste en Europe.

    Il s’agit là du renversement le plus décisif. Le monopole de la force appartient à l’État dans toute Nation civilisée ; c’était l’un des piliers du droit et des Droits. Il n’en reste rien. Quand un magnat d’Internet et des réseaux, comme Jack Ma, défie le pouvoir en place à Pékin et l’autorité du Parti communiste chinois, il va méditer quelques semaines en résidence forcée sur la fragilité de son empire — d’autres méditeront plus longuement en camp de travail. Quand Twitter suspend le compte du Président en exercice du pays le plus puissant du monde, Donald Trump, c’est le Président qui s’en va, et ni Jeff Bezos, ni Bill Gates, ni Mark Zuckerberg ne tremblent devant la perspective de quelques mois en camp de travail…

    Devant les géants d’Internet, nos dirigeants ont abandonné leur mission de défense des libertés. Après quelques annonces à ce sujet ; même Donald Trump a vite abandonné la partie… Nos démocraties sont en proie à un capitalisme devenu totalitaire, à une économie sortie de ses bases, et à l’avènement d’un constructivisme social absolu. Ce n’est pas ce qui est qui compte, c’est ce qui devrait être. Énoncer la réalité, la regarder en face et en témoigner publiquement, c’est déjà se rendre coupable. Après Marine Le Pen, et tant d’autres avec elle, Éric Zemmour va bientôt s’en rendre compte…

    Pénaliser le débat autour d’un génocide dont la réalité se limite sans doute à celle de massacres intercommunautaires, en Bosnie-Herzégovine, mais dont le proconsul allemand nommé par Washington veut faire un article de foi dont la négation serait passible de prison, afin de marginaliser la résistance serbe ; interdire d’appeler les choses par leur nom, de dire qui est qui, qui fait quoi, et qui est responsable de quoi ; un effort immense pour mettre le spectacle que la société se donne à elle-même en conformité avec les intérêts dominants, pas avec la réalité de ce qu’elle est, refonde l’espace public, la liberté d’expression, et, à la fin, la conscience de soi. La réécriture de l’histoire bat son plein ; et de Shakespeare à Tintin ou au Club des Cinq, l’héritage européen subit la censure des « woke » — et sa destruction de l’intérieur.

    Ceux qui parlent de l’obscurantisme de l’Islam, pas toujours sans raison, ceux qui dénoncent le contrôle social que la Chine exerce sur ses citoyens, à juste titre, ceux qui mettent en cause avant même que les bureaux de vote ne soient ouverts, la sincérité des élections en Russie, devraient être plus attentifs à l’obscurantisme qui gagne les démocraties libérales, sous couvert de big data, d’intelligence artificielle, et de contrôle des réseaux. Car la vraie force de l’Europe, puis de l’Occident a été une conscience aiguë du monde tel qu’il est ; à la suite de Machiavel, et de son invite à considérer «  la réalité effective de la chose », plutôt que l’histoire qui en est racontée, l’Occident a su ne pas se raconter d’histoire. Ce temps-là est fini. Mais quel est ce nouveau voile d’ignorance que la société prétendue de la connaissance étend sur le réel, ceux qui le disent, et ceux qui se vouent à cette vertu oubliée ; la lucidité ?

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 octobre 2021)

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  • La guerre des cerveaux a commencé, mais nous regardons ailleurs...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue d'Olivier Babeau cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'enjeu de la préservation de l'intelligence dans nos sociétés. Professeur en sciences de gestion à l’université de Bordeaux, Olivier Babeau est également président de l'Institut Sapiens.

     

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    Utilisation des jeux vidéo encadrée en Chine: «La guerre des cerveaux a commencé, mais nous regardons ailleurs»

    La Chine a pris plusieurs décisions surprenantes au cours des derniers mois. Les jeunes de 18 ans ne peuvent désormais plus jouer plus de trois heures par semaine aux jeux vidéo en ligne (seulement de 20h à 21h, du vendredi au dimanche). Les moins de 16 ans ont l'interdiction de diffuser leurs parties vidéos en ligne. Les montants dépensés chaque mois dans ces jeux sont également plafonnés. Cette réglementation vient considérablement durcir des limitations mises en place en 2019. Autre annonce récente : le temps de présence sur l'appli TikTok, très populaire auprès des jeunes, est désormais limité à 40 minutes par jour.

    On peut bien sûr s'indigner de ces mesures et les interpréter comme des exemples supplémentaires de l'autoritarisme du régime chinois. Mais ce serait passer à côté de l'essentiel. Ces interdictions ne sont pas des mesures de contrôle politique, mais de santé publique et d'efficacité économique. Les motifs de ces interdictions sont clairement explicités : il s'agit de lutter contre «l'opium mental» que constituent les écrans pour les jeunes.

    Les comportements addictifs liés aux écrans ne sont pas sans conséquence : baisse de la vision, de la mémoire et de la capacité d'attention, vie trop sédentaire, dépression et anxiété. Des inquiétudes corroborées par d'innombrables études, comme le rappelle Michel Desmurget, auteur du livre à succès La fabrique du crétin digital : «sur un cerveau en construction, on observe un impact majeur des écrans récréatifs sur le langage, la concentration, la mémoire, l'attention et la réussite scolaire. L'intelligence humaine étant intimement liée à nos capacités langagières, de mémoire et de concentration, il y a vraiment de quoi s'inquiéter».

    Chacun sait que deux grands modèles politiques se livrent plus que jamais une lutte sourde : les démocraties libérales et les régimes autoritaires. Les premières refusent d'utiliser les mêmes outils que les seconds. Mais elles sont pourtant confrontées aux mêmes défis. Au XXIe siècle, le capitalisme industriel est devenu capitalisme cognitif ; le succès des pays dépend de l'abondance et la performance et cerveaux affûtés.

    Un système scolaire d'excellence ne suffit pas : encore faut-il que les cerveaux ne soient pas abîmés par les écrans. Les dirigeants chinois ont jugé nécessaire de limiter le temps d'écran car ils estimaient qu'ils constituaient une menace, au fond, non seulement pour la santé des jeunes, mais à plus long terme pour la performance de leurs cerveaux. Or il n'y a aucune raison de penser que les écrans affectent moins la cognition des petits Français que celle des petits Chinois. Selon l'ANSES, les 11-24 ans passent plus de 26 heures par semaine devant les écrans en moyenne. Ce temps est pris aux dépens d'une activité physique qui se réduit à moins de 30 minutes par jour pour 45% des 11-14 ans.

    La guerre des cerveaux fait rage, et elle détermine la puissance future des nations, mais nous regardons ailleurs. En Corée du Sud, c'est pour empêcher les enfants de travailler qu'il a fallu légiférer ! Le gouvernement a dû interdire les cours après 22 heures. Mais cette interdiction est contournée grâce aux vidéos en ligne dont le pic de connexions a lieu entre 23h et 1h du matin ! Un risque qui ne menace pas la France ...

    Si nous devons nous inquiéter de l'usage qui est fait du «temps de cerveau disponible» (pour reprendre l'expression célèbre de Patrick Le Lay), ce n'est pas seulement parce qu'il porte en germe un affaiblissement face à des pays concentrés sur le développement de leurs performances cognitives ; le risque est aussi celui d'une aggravation des déterminismes sociaux. Les études ont montré depuis longtemps que les comportements dangereux pour la santé sont très significativement plus répandus dans les populations plus modestes. La pauvreté, autrement dit, est corrélée à la consommation de cigarette, d'alcool et à l'obésité. Les conséquences sur leur vie sont hélas mesurables : ils vivent moins longtemps et en moins bonne santé. L'écran fait partie de ces nouveaux comportements à risque. Le temps d'écran est supérieur de 40% chez les enfants de foyers modestes par rapport aux foyers aisés.

    Les milieux aisés développent des stratégies élaborées de contrôle de ce temps pour leurs enfants. Elles permettent de tirer le meilleur de ces ressources nouvelles d'apprentissage et de formation au monde. Il faut prendre conscience que les milieux modestes n'ont pas ce savoir-faire. Tous les efforts de rattrapage des inégalités sociales faits durant le temps scolaire risquent fort d'être anéantis s'ils ne se doublent pas d'une action sur le temps d'écran. Il ne s'agit sans doute pas d'utiliser en France les méthodes chinoises ; mais il importe de réfléchir collectivement à la façon dont nous pouvons mieux protéger les enfants, en particulier ceux issus des milieux les plus modestes, du risque avéré lié à une fréquentation incontrôlée des écrans.

    Olivier Babeau (Figaro Vox, 5 octobre 2021)

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