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europe - Page 36

  • Face à la Turquie, la nécessité d'une stratégie géopolitique globale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christian Makarian cueilli sur Figaro Vox et consacré à la position de l'Union européenne face à la Turquie. Écrivain et journaliste, Christian Makarian est spécialiste des questions internationales et religieuses. Il a publié  Le choc Jésus-Mahomet (CNRS Éditions, 2011) et Généalogie de la catastrophe - Retrouver la sagesse face à l'imprévisible (Éditions du Cerf, 2020).

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    «L'Union européenne doit adopter une stratégie géopolitique globale vis-à-vis de la Turquie»

    Avec la maîtrise relative de la pandémie de Covid-19 en Europe et l'arrivée de l'été, saison plus propice aux déplacements de populations, le spectre de la question migratoire revient brusquement au-devant de l'actualité. C'était le sujet brûlant du sommet européen des 24 et 25 juin, dont il ne fallait pas attendre de grandes décisions mais qui est venu rappeler combien les grandes fractures du vieux continent contribuent à aggraver le problème.

    Si on a pu noter, au cours des derniers mois, une moindre circulation des flux migratoires en Méditerranée orientale, on constate en revanche une très forte augmentation en Méditerranée centrale et en Europe de l'est (des Balkans à la Lituanie). Durant les cinq premiers mois de 2021, on a dénombré 47.100 franchissements illégaux aux frontières extérieures de l'Union (chiffres Frontex), soit presque le double de la période équivalente de 2020, il est vrai caractérisée par l'irruption brutale de la pandémie et des échanges intercontinentaux. La situation totalement explosive qui caractérise depuis des années les camps de réfugiés en Libye, où l'on déplore de plus en plus de morts du fait des violences commises à l'intérieur de ces concentrations inhumaines, laisse augurer une montée inexorable des flux migratoires vers l'Europe. La cruauté de ce qui se passe en Libye constitue pour les migrants en souffrance une incitation définitive à traverser la Méditerranée fut-ce au péril de leur vie.

    Face à ce drame récurrent, aucune politique européenne coordonnée et solidaire n'existe réellement ; la proposition d'un «pacte global pour la migration», faite par la Commission en 2020, ne parvient pas à emporter l'adhésion des pays d'Europe centrale, particulièrement rétifs à la prise en charge de la part d'accueil et de financement qui leur incomberait.

    Dans ce contexte, la Grèce, notamment, fait une nouvelle fois figure de pays le plus vulnérable ; le mur d'acier en cours d'achèvement le long d'une partie de la frontière (200 km) qui sépare ce pays de la Turquie est le symbole criant de l'insuffisance accablante des mesures que l'UE a prises et accentue le besoin de celles qu'elle peine tant à prendre. Cette fortification ahurissante est prévue pour être dotée de tours d'observation munies de caméras, de dispositifs de vision nocturne et même d'un canon à bruit, dont le niveau sonore est supposé être insupportable aux oreilles humaines. Du reste, les refoulements de réfugiés qui ont lieu en Grèce, parfois violents, sont régulièrement dénoncés par Amnesty International. Mais comment oublier toutes les privations que la population grecque a elle-même subies depuis la crise financière de 2008? L'austérité, quand elle a atteint ce degré-là, se conjugue mal avec l'hospitalité.

    En réalité, la Grèce, montrée du doigt par les bonnes consciences, fait fonction de bouclier pour tout le reste d'un continent qui n'a pas envie de se salir les mains. D'une part, Athènes subit une énorme pression de la part de l'Union ; du reste, elle reçoit de Bruxelles des financements considérables pour réaliser sa grande muraille. D'autre part, les dirigeants grecs ont parallèlement fort à faire avec la Turquie, qui utilise l'arme des migrations pour poursuivre de tous autres objectifs résolument hostiles à la Grèce. Pour mémoire, en février 2020, le gouvernement turc avait soudain laissé plus de 15.000 migrants s'acheminer vers la Grèce du nord en provoquant une panique indescriptible qui avait contraint les autorités grecques à les repousser vigoureusement. De nombreux indices ont prouvé que l'opération avait été méthodiquement préparée par la Turquie. L'occasion a permis aux dirigeants turcs de tester la faible capacité de réaction de l'UE, d'amplifier la discorde existant entre les 27 et, surtout, de rappeler que le désordre serait total sans la fonction de «retenue» remplie par la Turquie. On a rarement assisté à un tel exemple de cynisme diplomatique sur le dos de milliers d'êtres humains aussi déshérités qu'instrumentalisés. Emmanuel Macron lui-même a résumé le danger lors d'une interview accordée à France 5, le 23 mars 2021: «Si vous dites du jour au lendemain: nous ne pouvons plus travailler avec vous, ils ouvrent les portes et vous avez 3 millions de réfugiés syriens qui arrivent en Europe.» De quoi confirmer l'efficacité des manœuvres d'intimidation organisées par Erdogan.

    Depuis l'accord migratoire conclu entre l'UE et Ankara, le 18 mars 2016, l'Europe est enserrée dans une relation paradoxale. Elle a besoin de manière irremplaçable de la Turquie, laquelle accueille 3,7 millions de réfugiés sur son sol, majoritairement en provenance de Syrie (mais pas seulement). C'est, selon l'ONU, un record mondial qui mérite sans doute que l'on dialogue courtoisement avec le dirigeant turc, Recep Tayyip Erdogan, avec tous les égards dus à un partenaire. Il n'y a aucun mal à reconnaître l'effort accompli par la Turquie et cela peut, ou doit, légitimement engendrer des compensations et des solidarités financières.

    L'Union européenne, conformément à l'accord du 18 mars 2016, aura bien versé l'intégralité des 6 milliards d'euros promis à la Turquie (plus précisément 4,1 milliards déboursés, 2 milliards à venir) ; mais les sommes ont été allouées à des organisations humanitaires. Les négociateurs turcs réclament depuis le début que cet argent soit directement attribué à l'État turc et prétend avoir dépensé jusqu'à 40 milliards pour les migrants présents sur son sol. D'autres demandes pressantes sont faites par Ankara (sur les visas pour les ressortissants turcs, sur la modernisation de l'accord douanier entre l'UE et la Turquie, sur l'évolution des conditions d'adhésion à l'Union)… En contrepartie, la Turquie n'a pas respecté la stricte équivalence (à laquelle elle s'était engagée par l'accord de 2016) entre le nombre de clandestins renvoyés par l'Union européenne et le nombre de réfugiés envoyés à partir du sol turc - la disproportion est flagrante.

    Mais, c'est tout le problème, le président turc va très au-delà de la question humanitaire ; il exploite le flux humain que son pays héberge sur son sol dans le cadre d'une stratégie globale de puissance. De sorte qu'on en arrive à tout lui passer au nom de la frayeur qu'inspirent ces flux de déshérités qui frappent à la porte de la riche Europe - alors même qu'Erdogan agit délibérément contre l'Europe sur d'autres fronts.

    Ce que l'Union voit comme une entente nécessaire, une forme de bon voisinage et d'intelligence mutuelle, Erdogan le conçoit comme une ligne de force pour obtenir bien davantage, selon de tout autres considérations ou sous de tout autres cieux. Un nouvel exemple de cette relation paradoxale a été encore fourni le 23 juin 2021, la veille même du jour où le Conseil européen s'est réuni à Bruxelles pour reconduire l'accord de 2016. Le ministre des Affaires étrangères turc se trouve alors à Berlin pour évoquer la situation en Libye ; la conférence réunit 16 pays et quatre organisations internationales pour convaincre «toutes les forces étrangères et les mercenaires» de «se retirer sans délai» de Libye afin de mettre fin à la déstabilisation qui ravage ce pays. La Turquie, qui est présente en Libye au terme d'un accord conclu avec les autorités de Tripoli, à la fois sous la forme de forces régulières (base aérienne d'Al-Watiya, bases navales de Misrata et de Khoms) et des groupes de mercenaires syriens qu'elle finance (environ 5.000 hommes aguerris) a tout fait pour écarter la moindre référence aux «forces étrangères», mention qui contrarie ses ambitions militaires. L'objectif d'Ankara était de cantonner le débat aux forces irrégulières pour pouvoir écarter toute éventualité d'un accord international portant sur le retrait des troupes régulières sur place. La Turquie n'a pas finalement obtenu gain de cause ; mais au cours des discussions les États-Unis ont clairement soutenu la partie turque, en grande partie pour contrer l'implantation des Russes en Libye (la Russie soutient en effet le camp du maréchal Haftar, maître de Benghazi, ennemi juré des hommes du clan pro-turc de Tripoli). Répétons-le: la situation en Libye n'est en rien déliée de la question migratoire, elle en est un des abcès les plus à vif.

    En réalité, depuis la rencontre entre Joe Biden et Recep Tayyip Erdogan, lors du dernier sommet de l'OTAN à Bruxelles, le 14 juin dernier, le président turc s'emploie à effectuer un nouveau virage sur l'aile. Durant les dernières années, il avait laissé les Occidentaux mesurer à quel point son glissement vers la Russie de Vladimir Poutine présentait des dangers potentiellement irréparables. Changement brusque de décor: après l'éviction de Donald Trump, ami précieux d'Erdogan, le leader turc n'a pas tardé à se rapprocher de Biden. Soutien à l'Ukraine (pour plaire aux Américains), cessation des attitudes agressives de la marine turque en Méditerranée orientale, accalmie et reprise des négociations avec la Grèce au sujet du contentieux maritime… Le pragmatique reis néo-ottoman parle maintenant de «nouvelle ère» entre Ankara et Washington, au-delà des différends qui opposent toujours les deux pays sur divers sujets (achat par Ankara du système de défense antiaérien russe S-400, soutien américain aux Kurdes de Syrie). Au point que Moscou s'inquiète désormais de cet épisode imprévu et que des signes de refroidissement apparaissent entre les deux complices ultra-autoritaires (notamment en Syrie, mais aussi en Libye).

    Il ne s'agit pas là d'une clarification: ceux qui songent au retour à l'alignement atlantiste qui était celui de la Turquie kémaliste de naguère ne seront pas exaucés. Erdogan continuera de jouer sur les deux tableaux, tantôt Washington, tantôt Moscou, au gré de ses intérêts évolutifs. Mais il existe un partenaire qui apparaît presque secondaire et qui aura du mal à suivre cette danse du ventre: l'Europe. Ce batelage permanent, cette manie de jouer sur plusieurs tableaux à la fois, cette alternance de camouflets et de paroles mielleuses, de provocations offensantes et de faux rapprochements, forment une spécialité reconnue d'Erdogan. Pourquoi y renoncerait-il tant ce comportement lui a procuré des avantages tactiques et tout en forçant l'UE à le courtiser de nouveau?

    C'est sous cet angle, vraiment global, qu'il faut envisager la relation avec la Turquie. La question des migrations qui hante les consciences européennes s'inscrit, elle aussi, dans une dimension géopolitique sans laquelle on ne peut pas négocier équitablement avec Erdogan. On sait combien Angela Merkel est soucieuse de ne pas conclure son bilan politique, assez remarquable par ailleurs, sur une crise avec la Turquie. Or c'est bien moins l'obsession du consensus qui devrait guider l'UE qu'un sens aigu de ses intérêts stratégiques at large, ce qui appelle une vision beaucoup plus vaste et ambitieuse qu'un bras de fer grimaçant entre le visage mou qu'affiche Bruxelles et la mâchoire serrée qui caractérise Ankara.

    Christian Makarian (Figaro Vox, 25 juin 2021)

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  • Le chevalier dans l'histoire...

    Les éditions Les Belles Lettres viennent de publier un essai de Frances Gies intitulé Le chevalier dans l'histoire. Historienne médiéviste américaine, Frances Gies a publié avec son mari, Joseph Gies, de nombreux ouvrages devenus des classiques comme La vie dans un château médiéval (Les Belles Lettres, 2018) ou La vie dans un village médiéval (Les Belles Lettres, 2020).

     

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    " Né du chaos européen du début du Moyen Âge, le chevalier monté et en armure a révolutionné la guerre et est très vite devenu une figure mythique dans l’histoire.
    Des conquérants normands de l’Angleterre aux croisés de la Terre sainte, du héros de la chanson de geste au preux du roman arthurien, des amateurs de tournoi aux chevaliers-troubadours, Le Chevalier dans l’Histoire, de la grande médiéviste Frances Gies, brosse un tableau remarquablement vivant et complet de la chevalerie, de sa naissance à son déclin.
    Le chevalier apparaît d’abord en Europe comme un mercenaire sans foi ni loi avant de devenir l’étendard de la chrétienté puis un soldat de métier au service des rois. Frances Gies nous fait partager sa vie quotidienne, faite de joutes et de batailles, de pillages et de rançons, mais aussi de dévotion et de pèlerinage, et souvent sanctionnée par l’errance et une mort précoce.
    Elle nous fait revivre l’aventure des héros du Moyen Âge qui ont joué un rôle historique, comme Bertrand du Guesclin, Bayard et Sir John Fastolf, qui inspira le Falstaff de Shakespeare, ou les grands maîtres des Ordres militaires qu’étaient les Templiers, les Hospitaliers et les chevaliers teutoniques. "

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  • L’Union européenne ne fait peur à personne !

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard, cueilli sur Geopragma et consacré à la faiblesse géopolitique de l'Europe. Renaud Girard est correspondant de guerre et chroniqueur international du Figaro.

     

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    L’Union européenne ne fait peur à personne !

    Lorsque, le 10 septembre 2019, la Présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula Von der Leyen, installa son Vice-président, l’Espagnol Josep Borrell, dans ses fonctions de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, elle lui dit : « Nous devons être une Commission géopolitique ! ».

    Historiquement, sous l’influence du géographe allemand Friedrich Ratzel, le terme géopolitique désigne l’étude des rapports de pouvoir entre Etats. Ratzel (1844-1904), premier théoricien du Lebensraum (l’espace vital), estimait que la politique étrangère de l’Allemagne devait veiller à toujours maintenir des rapports de force favorables avec ses voisins. C’est d’ailleurs ce que fit son compatriote Bismarck, le Chancelier de fer, qui dirigea, avec talent, les affaires allemandes de 1870 à 1890. L’Allemagne bismarckienne était un Etat respecté dans le monde, tout en sachant éviter tout aventurisme.

    Bien que dotée depuis un an et demi d’une « Commission géopolitique », on ne peut pas dire que l’Union européenne (UE) apparaisse vraiment comme une puissance respectée dans le monde. Non seulement elle ne fait peur à personne, mais elle se laisse marcher dessus avec une singulière complaisance. Il y a la forme (qui compte beaucoup en diplomatie) et il y a le fond.

    Sur la forme, on a vu, au cours du premier tiers de l’année 2021, la Commission européenne se faire humilier par les deux grandes autocraties expansionnistes voisines de l’Union. Le 5 février 2021, alors même que M. Borrell était en visite à Moscou, les autorités russes expulsaient trois diplomates européens (un Allemand, un Polonais, un Suédois), sous prétexte qu’ils auraient participé à un rassemblement de soutien à l’opposant Navalny.

    Le 6 avril 2021 à Ankara, lors d’un sommet entre l’UE et la Turquie, on assista à une scène hallucinante : le président du Conseil européen, Charles Michel, et le président Recep Erdogan s’assirent face à face dans des fauteuils confortables, sans penser à en avancer un pour Madame Ursula Von der Leyen qui, plutôt que rester debout, décida d’aller s’asseoir sur un sofa au fond de la salle. Cet incident – aussitôt qualifié de sofagate par les journalistes – n’a pas seulement illustré l’absence de courtoisie élémentaire de ces deux hommes politiques belge et turc. Il a aussi – ce qui est plus grave – souligné l’absence d’unité à la tête de l’UE et l’existence d’une rivalité délétère entre son Conseil (organe de nomination et de décision représentant les 27 Etats membres) et sa Commission (organe de gestion des intérêts européens, détenant le monopole de l’initiative).

    Sur le fond, abondent hélas les preuves que l’UE ne se fait plus respecter.

    Le 23 mai 2021, le dictateur biélorusse Loukachenko a fait atterrir de force à Minsk un avion européen, de la compagnie Ryanair, reliant deux capitales européennes, Athènes et Vilnius. Tout cela pour s’emparer d’un opposant de 26 ans, qui fut l’un des principaux journalistes biélorusses à avoir dénoncé la fraude des élections présidentielles d’août 2020.

    Une semaine plus tôt, à l’autre extrémité du territoire de l’Union en diagonale, se déroula un incident montrant également un manque de respect pour l’UE. En représailles du fait que l’Espagne ait accepté de soigner chez elle le chef du Polisario (mouvement des Réguibats, tribu saharienne militant pour l’autodétermination de l’ex-Sahara espagnol, annexé par le Maroc en 1975), les autorités marocaines ont lancé, à l’assaut de l’enclave espagnole de Ceuta, des milliers de jeunes hommes et adolescents problématiques, dont elles furent ravies de se débarrasser. Le gouvernement marocain sait très bien que, sur le territoire de l’UE, on n’expulse jamais les mineurs isolés.

    Il n’y a pas qu’aux trafiquants de drogues et d’êtres humains que l’UE ne fait pas peur. Les hackers, qu’ils soient étatiques ou non, ne la craignent pas non plus. Le territoire de l’UE est devenu le ventre mou du monde de toutes les attaques cyber. Le 4 mai 2021, Belnet, le réseau informatique de la Belgique, a été paralysé par une attaque, au moment où son Parlement s’apprêtait à tenir une réunion sur la minorité chinoise persécutée des Ouïghours… Autre exemple incriminant la Chine, elle essaie régulièrement de voler informatiquement ses plans à Airbus.

    La Russie, quant à elle, tolère sur son sol quantité de cyber-corsaires. Pour obtenir des rançons, ceux-ci attaquent des sociétés privées ou des institutions publiques, telles que les hôpitaux. Les services russes et chinois ne se gênent pas pour déposer des « implants » (des logiciels dormants activables à distance) sur les grandes infrastructures européennes.

    Face à ses adversaires, il est grand temps que l’UE élabore une politique de sécurité digne de ce nom. Pour passer enfin à la contre-offensive. 

    Renaud Girard (Geopragma, 28 mai 2021)

     

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  • Grandeur et décadences de l'Europe...

    Les éditions Via Romana viennent de publier Grandeur et décadence de l'Europe, un recueil des éditoriaux de Dominique Venner publiés dans Enquête sur l’histoire puis La Nouvelle Revue d’Histoire, avec une préface d'Olivier Maulin.

    Fondateur et directeur d’Enquête sur l’histoire et de La Nouvelle Revue d’Histoire, Dominique Venner (1935-2013) a notamment publié Dictionnaire amoureux de la chasse (Plon, 2000), Le Siècle de 1914 (Pygmalion, 2006), Les Blancs et les Rouges : histoire de la guerre civile russe (Rocher, 2007), Ernst Jünger (Rocher, 2012), Un Samouraï d’Occident (P.-G. de Roux, 2013) et Le Blanc Soleil des vaincus (Via Romana, 2015).

     

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    " Voici les célèbres éditoriaux de l’historien Dominique Venner  de 1991 à 2013. L’observation aiguë de l’actualité est prétexte à méditer l’éternel retour de l’Histoire, là où à l’imprévu se mêlent volontiers l’ambiguïté des apparences, le mensonge des beaux discours et les retournements de situation. Alors que le débarquement américain de novembre 1942 révèle la mort de la puissance française, l’Afrique du Nord met vingt ans à entériner sa chute… La guerre d’Algérie entraînant par ailleurs des flux migratoires toujours d’actualité. La chute du Mur en 1989 ouvre à nouveau les perspectives d’une alliance avec la Russie, occidentale dès ses origines, pour pallier le jeu américain de division de l’Europe. Déclin de la civilisation européenne, perte des repères, islamisation de nos sociétés, montée du terrorisme, Dominique Venner n’est dupe d’aucun piège de l’Histoire. Convaincu de la vitalité des civilisations, il affirme la nécessité de rester fidèles à nous-mêmes et à l’esprit critique hérité de nos racines. « La culture se rapporte à la permanence des mentalités profondes. Elle est créatrice de sens. […] La tradition est l’âme d’une culture et d’une civilisation. »
       Comment ainsi traiter à la légère le fait religieux qui fonde la civilisation ? On ne peut, quand on aborde le rôle du christianisme, faire l’économie des liens étroits et conflictuels établis au cours des âges entre l’Église et l’État, le Sacerdoce et l’Empire, le Trône et l’Autel.  C’est également parce qu’il porte son regard sur le cycle des empires et des conquêtes que Dominique Venner ne craint pas la mort. « La part romaine de la civilisation européenne avait semblé mourir quand lui fut imposé le christianisme. Mais un regard non convenu repère sa survivance en Occident durant les siècles chrétiens et au-delà. Les révolutionnaires et Napoléon ne se voulaient-ils pas romains jusqu’à la caricature ? » S’il se méfie de l’esprit de système ou des utopies qui engendrent Révolution et Terreur, l’historien appelle à un renouveau spirituel comme en témoigne notamment sa lecture de Jeanne d’Arc, archétype de l’héroïne européenne et de la reconquête qui vient. "

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  • L’Europe et le « Grand Jeu » du XXIe siècle...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le Visegrád Post dans lequel il appelle l'Europe à donner la priorité absolue à la protection de ses propres intérêts plutôt qu’à des « droits de l’homme » évanescents.

    Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels, qui est devenue une figure de la pensée conservatrice en Europe, est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

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    L’Europe et le « Grand Jeu » du XXIe siècle

    Lorsqu’il y a quelques jours, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a refusé de signer l’une des usuelles « déclarations préoccupées » de l’UE concernant la situation des droits de l’homme à Hong Kong, le tollé habituel a parcouru les médias occidentaux, qui y ont vu un nouvel exemple des tendances « illibérales » de l’État voyou hongrois. Loin de moi l’idée de banaliser les événements en Chine ou d’approuver les mesures prises par Pékin pour contrôler ses provinces périphériques. Toutefois, au vu des violentes émeutes aux États-Unis, en Espagne ou en France, et de la perte croissante des valeurs démocratiques fondamentales partout en Occident, la question se pose de savoir « s’il faut jeter des pierres lorsque l’on est assis dans une maison de verre », comme le dit un dicton allemand – cela est d’autant plus vrai si l’on considère la sélectivité avec laquelle l’Occident, chaque fois que cela est opportun dans les médias, se présente comme le défenseur des droits de l’homme, alors qu’en même temps, lorsque personne n’y prête attention de trop près, il conclut des contrats économiques de plusieurs milliards avec les mêmes gouvernements et est très heureux de pactiser avec des dictateurs pour autant qu’ils soient de « notre » côté. Ces considérations ne doivent pas être interprétées comme un appel cynique au relativisme moral ; au contraire, je suis plutôt préoccupé par l’idée que l’Occident devrait se mettre à une certaine cohérence idéologique afin d’être enfin crédible tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, et d’empêcher que de nombreux citoyens tout comme nos voisins soient de plus en plus dégoûtés par le « deux poids, deux mesures » occidental, voire conspirent ensemble pour nous renverser.

    Si la politique étrangère devait se fonder uniquement sur les droits de l’homme, comme le veut l’auto-représentation actuelle de l’Europe, ces derniers devraient alors tout d’abord être véritablement mis en œuvre à l’intérieur (il y aurait beaucoup à faire dans ce domaine), puis de manière cohérente et juste à l’extérieur – avec la conséquence probable que presque toutes les relations avec l’Asie ainsi qu’avec l’Afrique devraient être complètement rompues, sans parler des conséquences catastrophiques à prévoir, notamment en matière de politique économique, étant donné que notre dépendance à l’industrie de l’Asie de l’Est fait que le développement de structures industrielles équivalentes chez nous est devenu presque impossible, du moins à court et à moyen terme. Voulons-nous payer ce prix ? Si oui, allons-y !

    Une autre solution consisterait à donner la priorité absolue à la protection des intérêts européens plutôt qu’à ces « droits de l’homme » usuellement fort sélectifs, et à fonder la politique étrangère de notre continent, du moins dans un premier temps, sur la garantie de notre indépendance stratégique et de notre autonomie économique maximale, mais en s’abstenant de cet interventionnisme verbal édenté et peu crédible, afin de pouvoir ensuite, sur une base solide et dans une position de force et de crédibilité réelles, défendre le droit et la justice également à l’étranger.

    Or, nous en sommes très loin, d’autant plus que l’élite politique européenne actuelle a perdu tout sens de la géopolitique ou s’est laissée instrumentaliser par des lobbies influents qui poursuivent leurs propres objectifs et n’ont que très rarement à cœur le bien de la civilisation occidentale dans son ensemble.

    Le monde de l’avenir, voire déjà du présent, est dominé par de grandes zones économico-politiques qui s’efforcent certes d’exercer une hégémonie relative sur leurs périphéries, mais n’ont aucune possibilité de parvenir à une véritable domination mondiale à long terme. La Chine, l’Inde, la Russie, les États-Unis et le Brésil sont devenus les cœurs de nouveaux empires multilatéraux qui, au mieux, maintiennent un équilibre précaire et ne se frottent qu’à leur périphérie, mais qui, au pire, pourraient plonger dans des conflits autodestructeurs.

    L’Europe doit reconnaître cette situation ; qu’elle le veuille ou non, elle doit se considérer comme un autre joueur dans ce nouveau « Grand Jeu » très dangereux et se doter des institutions appropriées pour jouer ce jeu activement et efficacement afin de ne pas devenir une quantité négligeable. Pour ce faire, il est bien sûr nécessaire d’éclairer ces irréductibles qui croient encore qu’une Europe de 40 minuscules États-nations en brouille permanente aurait la moindre chance dans cette situation, et de démasquer au grand jour le fait que ceux qui, aujourd’hui, prétendent protéger l’Europe vendent en fait les intérêts occidentaux au plus offrant.

    Mais cela ne peut se réaliser que par une prise de conscience collective de notre identité historique commune, car sans cette identité, l’espoir de solidarité et ainsi de cohésion politique restera chimérique. Il s’agit donc là du véritable levier du futur de l’Europe au XXIe siècle.

    David Engels (Visegrad Post, 14 mai 2021)

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  • Hold-up végan sur nos assiettes...

    Les éditions de L'Aube viennent de rééditer au format poche l'enquête de Gilles Luneau intitulée Steak barbare - Hold-up végan sur l'assiette.  Journaliste, Gilles Luneau a publié plusieurs essais, notamment avec José bové, comme Le monde n'est pas une marchandise ( La Découverte, 2000), Hold-up à Bruxelles - Les lobbies au cœur de l'Europe (La découverte, 2015) ou L'alimentation en otage (Autrement, 2015).

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    " Ce livre est la première enquête indépendante et approfondie sur l’agriculture dite « cellulaire ». Ce terme tient de la novlangue en ce qu’il annonce comme relevant de l’agriculture la production d’aliments – plus particuliè­rement des produits animaux – à partir de cellules souches cultivées en laboratoire ou de substituts végétaux assemblés avec des protéines de synthèse.
    Viandes, œufs, laitages, poissons, fruits de mer, gélatines, cuirs, soies… sont (ou seront bientôt) fabriqués indus­triellement… sans passer par la ferme ! L’enquête, menée aux États-Unis et en Europe, s’attache aux ­start-up de cette nourriture artificielle, aux financeurs, aux fondations qui les portent et aux mouvements que ces fondations ­soutiennent, notamment le mouvement végan. On ne met pas trois cent vingt-cinq mille dollars dans un « steak » sans idées ­derrière la tête… Ce livre-document lève le voile sur ces pratiques et l’idéologie qui les anime. Il alerte sur la ­rupture de civilisation qui est à l’œuvre. Il était temps ! "

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