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  • Ariane 6, l'Europe et l'espace...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Olivier Mousis, professeur d'astrophysique, et une tribune de Clarisse Angelier et de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie, cueillis sur Figaro Vox et consacrés au décollage de la fusée Ariane 6 et à la politique spatiale européenne.

     

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    Espace : « En dépit du succès d’Ariane 6, l'Europe est en passe d'appartenir à l'histoire »

    FIGAROVOX. – Avant le lancement d'Ariane 6, l'Agence spatiale européenne (ESA) ne disposait plus d'aucun accès à l'espace depuis un an. Quels étaient les freins de l'Europe dans le domaine spatial ?Olivier MOUSIS. – Le projet Ariane 6 n'est pas tout à fait un succès : les problèmes techniques et l'organisation à Kourou en Guyane, ont retardé le lancement. C'est une bonne nouvelle si l'Europe détient son propre lanceur, mais il ne faut pas en tirer un fait de gloire. Cet événement a permis de démontrer la complexité de la machine européenne. En effet, du côté américain et du côté chinois, les avancées en matière spatiale sont majeures. Selon moi, si elle continue ainsi, l'Europe est en passe d'appartenir à l'histoire. Pour conjurer le sort, il nous faudrait une vision et de la volonté, afin d'entraîner les jeunes générations. Malheureusement, elles ne s'intéressent plus au domaine spatial.

    Le lancement d'Ariane 6 en Guyane, ce mardi 9 juillet, a été un succès. Cette réussite permet-elle à l'Europe de retrouver une forme de souveraineté spatiale ?

    Le lanceur Ariane 6 représente un outil d'indépendance, mais ne nous permet pas de retrouver notre souveraineté spatiale. L'hégémonie de la France date des années 1990-2000, avec le lanceur Ariane 5. Mais le déclin commence lors de l'échec du programme Hermès (ce projet de navette spatiale européenne abandonné). Et le lancement d'Ariane 6 ne change pas la donne. Thomas Pesquet n'a pas été lancé par une Ariane 6, mais par l'entreprise SpaceX. Tout est dit. Le lancement d'Ariane 6 arrête simplement et brièvement l'hémorragie, mais ne met pas un terme au problème européen d'indépendance dans le domaine spatial. Pour ce faire, il faudrait un sursaut supranational, c'est-à-dire un sursaut européen.

    Le contexte géopolitique a-t-il accentué les vœux d'indépendance de l'Europe dans ce domaine ?

    En effet, la guerre en Ukraine a bouleversé le continent européen, et sa stratégie en matière spatiale. Le soutien au pays envahi a nécessité des fonds. Je ne remets pas du tout en cause l'aide française et européenne à l'Ukraine, je la soutiens. Mais le contexte géopolitique complexifie et affaiblit les ambitions spatiales européennes, vis-à-vis de nos concurrents, c'est-à-dire les États-Unis et la Chine.La concurrence américaine, en la personne d'Elon Musk et de son entreprise SpaceX, peut-elle limiter les aspirations européennes ? Est-elle la seule ?

    SpaceX écrase tout le marché. Cette année, l'entreprise d'Elon Musk doit réaliser près de 150 lancements, soit près de trois par semaine. De plus, grâce au recul que nous avons aujourd'hui, nous savons que leurs lanceurs fonctionnent et qu'ils sont d'une grande fiabilité. De l'autre côté de la planète, la Chine organise sa stratégie spatiale sur le long terme : ils élaborent des feuilles de route, et présentent des plans quinquennaux. La Chine a décidé de faire du spatial un enjeu stratégique. Selon moi, elle pourrait potentiellement se rendre sur la lune avant les États-Unis. Au-delà des concurrents extra-européens, la France subit aussi une compétition à l'intérieur de l'Europe. L'Allemagne en est le meilleur exemple : elle n'a jamais joué un rôle très clair avec la France.

    Il y a trois ans, vous disiez dans nos colonnes : «La stratégie des Européens se résume à un rôle de second couteau, de bon suiveur ». La réussite du lancement d'Ariane 6 a-t-elle fait évoluer votre jugement ?

    Non, mon jugement n'a pas changé. Ariane 6 a seulement permis à l'Europe de maintenir son écosystème et d'alimenter les entreprises afin de préserver leurs expertises. Mais le système français reste complexe : la surcharge administrative étouffe les ambitions et décourage les petites entreprises qui souhaiteraient se lancer dans l'aventure spatiale. De plus, il existe aussi un problème de latence. En Europe, entre une décision stratégique et sa réalisation, le temps passe trop lentement.

    La France et l'Europe manquent d'ambition. À l'époque, Hubert Curien, ministre l'Enseignement supérieur et de la Recherche de France de 1988 à 1993, avait largement contribué à pousser les projets spatiaux français et européens. Aujourd'hui, la France manque d'hommes de cette envergure. La recherche est un enjeu stratégique, or l'insuffisant investissement dans la recherche contribue à l'insuffisance de la France et de l'Europe en matière spatiale. Nous obtiendrons l'indépendance spatiale lorsque nous enverrons un astronaute européen dans l'espace par nos propres moyens. Alors, nous parlerons d'égal à égal avec les Américains et les Chinois. L'espoir n'est pas mort, mais il dépend d'investissements financiers importants et d'une vision à long terme qui n'est plus présente dans notre paysage politique. En l'absence d'un tel sursaut, la France et l'Europe appartiendront au passé.

    Olivier Mousis, propos recueillis par Gilbert Clarisse (Figaro Vox, 12 juillet 2024)

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    Espace : «Disposer d'un lanceur, c'est bien, restaurer l’unité européenne, c'est mieux !»

    Avec le lancement réussi d'Ariane 6 en ce 9 juillet, notre continent accède de nouveau à l'espace de façon autonome et sort enfin d'une période de fébrilité, marquée par l'absence de lanceurs. Cette dizaine de mois a laissé l'Europe spatiale dans un état de crispation, tendant le dialogue entre partenaires. Pourtant, les signes de fragmentation sont autant de vecteurs de fragilisation, alors qu'il est urgent de restaurer l'unité européenne pour garantir son avenir extra-atmosphérique.

    Ses capacités de lancement recouvrées, l'Europe peut à nouveau se projeter et remettre sur le métier l'élaboration urgente d'une stratégie continentale pour l'espace. Disposer d'un lanceur, c'est bien ; définir une stratégie pour son usage au-delà de cette décennie, c'est mieux.

    Ces dernières années, de nombreux États européens se sont dotés de stratégies spatiales nationales précises (Italie en 2020, Allemagne en 2023), à l'inverse de la France où l'élaboration d'un tel document est toujours en chantier, ainsi que le soulignait récemment le rapport du sénateur Jean-François Rapin sur le financement de la recherche spatiale. Or, pour le citer encore, les stratégies spatiales sont des outils à même de «renforcer l'engagement public vis-à-vis des citoyens, des pays partenaires et des investisseurs privés» dont il serait présomptueux de se passer, à l'heure d'une compétition spatiale accrue. Aux États-Unis, la planification stratégique en matière d'espace est un effort constant, auquel s'est même jointe la US Space Force qui vient de publier sa stratégie commerciale. En Chine, les ambitions spatiales sont réglées sur le métronome des plans quinquennaux et l'Inde a présenté sa stratégie courant 2023.

    Du côté de l'Europe, cet effort de planification existe. L'Union européenne dispose par exemple d'une stratégie pour le spatial de défense, et l'Agence spatiale européenne (ESA) avait missionné en 2022-2023 un comité de haut niveau sur le thème de l'exploration spatiale. Mais il manque par-dessus tout cette stratégie d'ensemble, lisible et claire d'une Europe réellement engagée vers l'avenir spatial ; la ligne de conduite d'une Europe qui ne s'excuse pas de pouvoir devenir une puissance spatiale et qui le manifeste dans un document coordonné et officiel qui engage les parties prenantes. Cette coordination devra harmoniser les forces composites d'une Europe spatiale, riche d'un tissu industriel et scientifique reconnu ; challengée par la dualité ESA-UE.

    Pour être efficace, une stratégie spatiale européenne doit se déployer pleinement sur quatre piliers : l'accès à l'espace, fondamental pour l'autonomie ; les télécommunications stratégiques et les données spatiales, nécessaires à la souveraineté économique ; l'exploration de l'espace dont la Lune, outil de coopération et de diplomatie scientifique ; et enfin, la présence active dans les instances multilatérales élaborant l'avenir du droit et de la gouvernance spatiale. Les accords Artémis initiés par les États-Unis ont démontré que la fabrique de la norme était un domaine stratégique à part entière. En s'engageant sur ces quatre fronts, l'Europe peut redevenir pleinement le troisième pôle de la coopération spatiale internationale, en parallèle des États-Unis et de la Chine. Car il faut bien avoir en tête ce mouvement de rebipolarisation du spatial mondial, ce dont témoigne la constitution de deux blocs autour des programmes lunaires Artémis de la NASA d'un côté, et ILRS de la Chine de l'autre. L'Europe spatiale du XXIe siècle doit être la troisième voie, jouant sur un tissu de coopérations agiles regardant vers les deux blocs dominants mais aussi vers les États non alignés. C'est aussi sur le socle d'une autonomie stratégique solide que notre continent pourra déployer ses ambitions dans le domaine de l'exploration spatiale, et en particulier vers la Lune.

    Mais la réalisation des ambitions européennes, au-delà du ciel, a besoin d'une indéfectible coopération continentale, car un simple appel à la mobilisation solidaire ne suffit pas. L'unité européo-spatiale se disperse et se délite dangereusement, dès lors qu'il s'agit de lanceurs, mais aussi d'autres applications spatiales, notamment satellitaires. On apprenait en effet, il y a quelques jours, qu'Eumetsat a choisi, pour lancer son prochain satellite météo, une fusée SpaceX. Un choix étonnant et déstabilisant tandis qu'Ariane 6 s'apprêtait à quitter la Guyane. Ce revirement est un signal inquiétant de plus pour l'unité spatiale européenne, manifestement déjà menacée lors du dernier Sommet de Séville. Dans la capitale espagnole de l'exploration, les partenaires européens avaient eu des échanges plus que tendus sur l'avenir de la filière des lanceurs, marchandant les contributions et les coûts, au détriment d'une vision stratégique de long terme, au-delà de la fin de la décennie.

    Or tandis qu'aux États-Unis, en Chine et en Inde, l'espace est plus que jamais facteur de puissance, monnaie d'échange et de négociation diplomatique, l'Europe doit prendre position et jouer son rôle dans le deuxième acte de la conquête spatiale. Le risque est grand de ne pas faire front uni : en matière spatiale, comme dans d'autres domaines à haute intensité technologique, le passage par une stratégie européenne est la garantie de la viabilité budgétaire et de la solidité technique.

    Alors, il faut rejouer pleinement la carte continentale : privilégier les développements européens, consacrer une préférence européenne pour la passation de marchés publics, ne pas oublier les rôles clés d'une politique spatiale fondée sur des besoins stratégiques spécifiques et correctement financés, diluer les logiques exclusivement nationales pour favoriser un développement réellement européen, faire primer l'autonomie stratégique et l'innovation au service de l'intérêt général sur la seule rentabilité. Notre continent a su le faire et il peut le faire à nouveau. Le sommet ministériel de l'Agence spatiale européenne, qui aura lieu en Allemagne en 2025, sera crucial pour l'avenir continental au-delà du ciel. À nous, Européens, d'en faire le sommet le plus restructurant de ces dernières deux décennies.

    Clarisse Angelier et Alban Guyomarc'h (Figaro Vox, 15 juillet 2024)

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  • L'avenir de l'Europe : vers l'Empire ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par David Engels à Ego Non dans lequel il évoque l'avenir de l'Europe.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

     

                                             

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  • Propos réfractaires...

    Les éditions l'Harmattan ont récemment publié un recueil de réflexions de Luc-Olivier d'Algange intitulé Propos réfractaires.

    Écrivain, poète, essayiste, Luc-Olivier d'Algange est notamment l'auteur de L'Âme secrète de l'Europe (L'Harmattan, 2020), de Terre Lucide (L'Harmattan, 2022)– avec Philippe Barthelet –, du Déchiffrement du monde : la gnose poétique d'Ernst Jünger (L'Harmattan, 2017).

     

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    " Ces Propos réfractaires reprennent deux séries de formes brèves – dans la tradition des Moralistes du dix-septième siècle –, devenues introuvables, augmentées de cinq méditations sur l'uniformisation des êtres et des choses, la morale, la langue française et le fil de l'Âme. Dans ce livre, qui n'est pas enclin au système, qui tient la bride courte à la nostalgie, et ose quelques pas dans le pressentiment d'un « matin profond », d'un recommencement heureux, Luc-Olivier d'Algange écrit en poète, polissant les armes de l'infini contre l'indéfini, la confusion, et l'indistinction qui sont devenues les maîtresses du temps. « Réfractaires, explique l'auteur, nous eussions préféré ne l'être pas et recevoir le monde qui nous entoure […] avec moins de réticences, tant nous sommes par nature plus enclins à la ferveur, ou à la piété, qu'au « Non qui brûle en enfer », selon la formule de Maître Eckhart. Cependant, pour atteindre à quelque affirmation souveraine […], sans doute faut-il passer par la « négation de la négation » et ne pas méconnaître, car elle agît sur nous, cette grande machine de guerre qui est en mouvement contre tout ce que nous aimons. » "

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  • Julien Rochedy : « Nous devons fonctionner comme des lobbies, des syndicats des peuples autochtones »

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Julien Rochedy à Breizh-Info et consacré au combat identitaire européen.

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure de la mouvance identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme, Philosophie de droite et dernièrement Surhommes et sous-hommes - Valeur et destin de l'homme (Hétairie, 2023).

     

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    Julien Rochedy : « Nous devons fonctionner comme des lobbies, des syndicats des peuples autochtones »

    BREIZH INFO : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

    JULIEN ROCHEDY. Je suis essayiste et éditeur. J’ai écrit quatre livres, plus un en collaboration, ces quatre dernières années, et je m’apprête à publier dans ma maison d’édition non seulement des auteurs français qui apportent quelque chose de neuf dans le débat mais aussi des auteurs anglo-saxons assez méconnus en Europe et qui pourtant sont très respectés outre-Atlantique. Je cherche aussi à publier en français d’autres auteurs européens : à ce propos, si vous avez des auteurs de langue germanique qui mériteraient de se faire connaître ici, n’hésitez pas à mes les proposer ! J’aimerais beaucoup pouvoir faire correspondre entre elles des pensées européennes et américaines appartenant un courant plus ou moins « identitaire » qui reste d’ailleurs à transformer en véritable école de pensée.

    BREIZH INFO : Comment défendre et faire vivre l’héritage européen ?

    JULIEN ROCHEDY. En se débarrassant d’un certain nombre d’idées reçues dans notre propre camp. Par exemple, je travaille actuellement sur le principe d’État-nation et plus je l’étudie, plus je m’aperçois qu’il fut assez destructeur de l’héritage européen et de la civilisation européenne tout court. Or, un certain nombre d’entre nous continuons à nous définir comme des « nationalistes », à ne penser qu’à travers le cadre administratif de nos nations, héritage en vérité assez neuf dans notre histoire puisqu’on peut surtout le dater du XIXe siècle. Notre héritage européen, c’est une articulation du local et du civilisationnel, c’est être localiste et impérialiste à la fois, provinciaux et européens, c’est appartenir à la fois à un village et à une civilisation. Je pense que nous entrons dans une ère néo-féodale qui verra le retour de cette double appartenance : au Moyen Âge, elle fut celle des fiefs et de la Chrétienté. D’une façon ou d’une autre, nous allons revenir à ces formes de médiations politiques, articulant le plus petit et le plus grand.

    BREIZH INFO : Quelle est votre vision de la remigration ?

    JULIEN ROCHEDY. Dans un monde idéal, tous les peuples auraient leurs terres et ceux qui vivent sur les terres des autres sans droit de conquête devraient remigrer vers celles de leurs ancêtres. Malheureusement, même si une politique incitative doit être mise en place pour pousser les Africains et musulmans à retourner dans leur pays d’origine, je ne crois pas qu’une remigration massive soit tout à fait possible à échelle d’une voire deux générations. Voire peut-être plus encore. Je pense donc que la sécession, la séparation, la partition de nos territoires est beaucoup plus envisageable. Du reste, cette séparation géographique est un phénomène qui s’installe progressivement et naturellement dans le paysage, avec les Blancs qui migrent vers les campagnes et les petites villes, laissant de plus en plus les immigrés dans les grandes. Là encore, c’est l’État qui, souvent, cherche à les disséminer un peu partout pour éviter ou pour retarder une partition selon moi inéluctable.

    BREIZH INFO : Qu’est-ce qu’être identitaire ?

    JULIEN ROCHEDY. J’ai dit dernièrement dans une vidéo qu’un identitaire était tout d’abord un hérétique de la religion en cours en Occident, celle qui a remplacé le Christianisme et qui se fonde sur trois grands mythes : 1) l’égalitarisme – croyance que tous les hommes se valent, que les peuples sont les mêmes. 2) L’universalisme – croyance qui découle du premier mythe : si nous sommes tous égaux, nous pouvons tous vivre ensemble selon les mêmes règles et mêmes valeurs. 3) Le mondialisme – conséquence des deux premiers mythes : si nous sommes tous égaux, que nous pouvons tous vivre ensemble, alors nous devons le faire et abolir toutes les frontières. Voilà : un identitaire est quelqu’un qui ne croit en aucun de ces mythes et qui est donc jugé comme un blasphémateur ou un païen vis à-vis de la grande religion de l’homme universel. En lieu et place de ces croyances absurdes qui sont encore celles de la postmodernité, l’identitaire croit plutôt que l’homme demeure un être tribal en tant que membre d’une espèce sociale, qu’il a donc besoin de naître et de se développer dans des environnements homogènes et familiers sur le plan culturel, de sorte à donner le meilleur de lui-même. C’est pourquoi il lutte contre l’hétérogénéité ethnique de nos sociétés qui est, pour lui, le plus grave des dangers, car aucun projets politique d’avenir ni aucune résilience ne sont possibles dans le cadre d’une trop grande hétérogénéité ethnique.

    BREIZH INFO : En tant qu’ancien cadre dirigeant du Front national de la jeunesse, quelles leçons avez-vous tirées de votre expérience politique et comment cela influence-t-il votre travail actuel ?

    JULIEN ROCHEDY. J’ai tiré la leçon essentielle selon laquelle il ne fallait pas tout attendre de la politique nationale étatique et que les sociétés changeaient surtout en raison de processus sociétaux parfois assez longs, lesquels demandaient un gros investissement en matière culturelle pour parvenir à les influencer. La politique n’est généralement qu’un aboutissement d’un travail d’influence de longue haleine. C’est pourquoi je travaille dorénavant davantage sur les possibilités d’influencer les politiques, et plus largement, les centres de décision. C’est ce que nous devons tous faire : constituer des forces d’attraction, des forces sans lesquelles la politique n’est pas possible, forcer les politiciens à devoir faire avec nous, nos intérêts, nos desideratas, nos volontés. Nous devons fonctionner comme des lobbies, des syndicats des peuples autochtones. Nos idées doivent infuser partout. Nos entreprises doivent être incontournables. Notre présence au sein des institutions – police, armée, justice, médias, etc. – doit être profonde. En somme, nous devons prendre le pouvoir à tous les niveaux si nous voulons vraiment ne pas sortir de l’histoire, et pas seulement « gagner une élection », ce qui n’est en vérité que « la cerise sur le gâteau ».

    BREIZH INFO : Quels sont les principaux défis auxquels vous avez été confronté en partageant ouvertement vos idées et connaissances sur des sujets potentiellement controversés ?

    JULIEN ROCHEDY. J’ai ces idées depuis tellement longtemps que je ne me rends plus compte des problèmes qu’elles m’amènent ! Je suis par exemple totalement interdit de prêt bancaire dans mon pays, alors que mon entreprise se porte bien et que je respecte toutes les lois. Des « insiders » très haut placé m’ont confirmé que c’était seulement en raison de mes engagements et opinions politiques… Il y a d’autres petites choses comme cela qui sont assez contrariantes au quotidien. Mais je ne veux pas m‘apitoyer sur mon sort : après tout, en d’autres temps, j’aurais pu être sommairement exécuté ou envoyé au goulag pour y mourir. Nous ne sommes donc pas si mal lotis ! À vrai dire, ce qui me préoccupe davantage est plus souvent mes opinions controversées au sein de mon « camp idéologique ». Par exemple, celui-ci est ordinairement souverainiste, nationaliste, anti-européen, complotiste, anti-écologiste, pro russe, hystériquement anti américain et bien d’autre choses que, personnellement, je ne suis pas du tout. Cela me met souvent dans des positions inconfortables et m’aliène le soutien de beaucoup de gens qui devraient pourtant être mes amis ! Mais j’aime cela, car je n’apprécie pas le conformisme, qu’il soit celui du système ou celui de la « dissidence », lequel existe bel et bien lui aussi…

    BREIZH INFO : Quelles sont vos inspirations intellectuelles et littéraires ? Y a-t-il des auteurs ou des penseurs, notamment allemand, qui ont particulièrement influencé votre travail ?

    JULIEN ROCHEDY. Bien sûr ! Le plus important d’entre eux étant Nietzsche. C’est avec lui que j’ai commencé à penser sérieusement, durant l’adolescence. Il fut mon véritable maître, même si, depuis, j’ai appris à prendre quelque peu mes distances avec lui. Les penseurs de la Révolution conservatrice ont également nourri ma jeunesse : j’ai vibré avec Jünger et von Salomon comme beaucoup de jeunes de droite… Je n’ai cependant jamais été un fanatique de Spengler, je dois bien l’avouer… Tenez, par exemple, l’un des auteurs qui m’a le plus servi pour l’élaboration de mon dernier livre fut Werner Jaeger : son Paideia est incontournable. Dernière chose : le philosophe contemporain que j’admire le plus actuellement est un Allemand qui, même s’il n’a pas « nos idées », est selon moi absolument génial et toujours stimulant intellectuellement : Peter Sloterdijk. Chacun de ses livres est chez moi un tourbillon d’idées nouvelles et de façons originales d’approcher le monde et ses problèmes. Je trouve qu’il fait bien honneur à la grande tradition philosophique allemande.

    BREIZH INFO : En quoi votre expérience à l’étranger, en Afrique, en Russie et au Proche-Orient, a-t-elle enrichi votre compréhension des enjeux mondiaux et de la politique internationale ?

    JULIEN ROCHEDY. J’ai compris que nous étions entrés dans l’ère des continents-civilisations. Hier, nous sentions que nous quittions notre pays lorsqu’on passait d’un village à un autre, d’une province à une autre, puis d’un pays à un autre. Aujourd’hui, on ne ressent vraiment cela que lorsqu’on quitte son continent, que l’on quitte sa civilisation. Si je suis en Afrique, au Maghreb, en Orient ou en Asie et que mon vol pour Paris est détourné vers Vienne ou Rome ou Copenhague pour y passer 24 heures, je sens quand même que, d’une certaine façon, je suis « rentré chez moi ». Je suis en Occident, en Europe, dans mon ère culturelle. Cela veut dire beaucoup et doit, je crois, nous imposer une nouvelle façon de nous organiser politiquement. Avec des mastodontes comme la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, les États-Unis, c’est-à-dire des États à l’échelle de continents ou presque, nous devons absolument faire l’Europe pour être capable d’encore exister au XXIe siècle.

    BREIZH INFO : Comment les Européens doivent se positionner par rapport aux conflits mondiaux ?

    JULIEN ROCHEDY. En sachant déterminer leurs intérêts et en agissant en fonction. D’abord, nos frontières : pour moi, elles vont jusqu’à la Russie. L’Ukraine fait partie de l’Europe donc nous devrions être capables de la défendre sans avoir à réclamer l’aide américaine, ce qui est aujourd’hui illusoire, mais sans armée européenne forte et indépendante, les Américains resteront sur notre territoire, ce que je ne veux pas (et ce que les Américains ne veulent plus non plus en vérité !). Il faudra aussi défendre nos frontières sud, sud-est, contre des mouvements migratoires qui ne font que commencer et qui seront absolument mortels pour notre civilisation. Il nous faudra donc une grande politique méditerranéenne pour maintenir des États stables au sud de la mer méditerranées afin qu’ils servent de tampon entre l’Afrique et nous. Ensuite, il faudra nous organiser de façon à pallier le plus grave problème qui sera le nôtre au XXIe siècle : l’indépendance énergétique, et son corolaire, la main mise sur les matières premières essentielles. Ces enjeux décideront de nos alliances et de nos interventions. Enfin, il nous faudra avoir une grande politique de réindustrialisation pour garantir notre autonomie dans presque tous les domaines. Or, une telle politique ne peut se faire, aujourd’hui, qu’à échelle européenne.

    BREIZH INFO : La France et l’Allemagne sont les deux plus grandes nations européennes, pour que l’Europe s’articule correctement, elles doivent aller dans la même direction. Selon vous, comment la France et l’Allemagne peuvent-ils collaborer ?

    JULIEN ROCHEDY. D’abord en se rappelant de l’histoire : 90 % des problèmes que nous avons viennent, plus ou moins indirectement, des conflits et des oppositions que nous avons connus et que nous connaissons encore entre la France et l’Allemagne, et ce, depuis le traité de Verdun (843) ! La fixation sur nos intérêts purement nationaux ne fait qu’affaiblir l’Europe, et en dernière instance, nos intérêts « nationaux ». Nos nations sont comme les anciennes cités grecques qui furent incapables de s’allier (à part lors des guerres médiques – à méditer) et passèrent leur temps à se faire la guerre alors qu’elles avaient pourtant le sentiment d’appartenir à la même civilisation hellénique. Incapables de faire leur unité, elles ont été subjuguées par l’empire romain et toutes les anciennes cités se sont irrémédiablement et de concert affaiblies, jusqu’à sortir définitivement de l’Histoire. J’aimerais que nous soyons autre chose que d’anciennes cités grecques, que nous retenions les leçons du passé, que nous ne commettions pas les mêmes erreurs par stupidité. La France et l’Allemagne ont tout intérêt à se mettre en commun au niveau politique, militaire, économique, énergétique, écologique, etc. Si nous n’y arrivons pas à cause de vieilles bêtises nationalistes et d’égoïsmes nationaux persistants, alors que voulez-vous que je vous dise ? Nous serons comme Athènes et Sparte après leur gloire, nous disparaitrons ensemble, tout simplement…

    BREIZH INFO  : Dans l’ensemble du monde germanique, il existe un lien étroit entre la métapolitique et la politique électorale, comme en témoignent les diverses associations et fraternités, notamment dû au travail des intellectuels allemands, comme Benedikt Kaiser, comment prendre exemple sur le modèle allemand ?

    JULIEN ROCHEDY. Les Allemands ont davantage cette culture, car à la différence de nous Français, ils constituaient une véritable nation avant l’émergence de l’État-nation. Ils ont donc beaucoup plus d’esprit d’initiative au niveau local, car pour eux la politique ne se limite pas, comme chez nous tendanciellement, à tout attendre de l’État. Nous devons absolument nous « désétatiser » le cerveau, nous Français. Penser local, provinces, campagnes, associatif, lobbies, clubs, think tanks, bref autant d’éléments et d’échelles beaucoup plus ordinaires pour un Allemand ou un Anglo-Saxon. C’est très difficile pour nous, car nous n’en avons vraiment pas l’habitude après des siècles d’étatisme stérile et émolliant, et c’est pourquoi je pense qu’une intégration européenne, en nous « défrancisant » un peu dans ce que la France a de pire, pourrait paradoxalement renforcer, protéger et mettre en avant ce que la France a de meilleur pour notre civilisation commune.

    BREIZH INFO : Pensez-vous que nous devrions construire un « Vorfeld » européen de droite, un espace commun ? C’est-à-dire un ensemble de structures destinées à renforcer les liens, notamment par la culture, mais aussi par la métapolitique.

    JULIEN ROCHEDY. Oui. J’aimerais beaucoup que nous ayons à terme des structures européennes. J’en discute avec des intellectuels identitaires et/ou conservateurs de langue française comme David Engels ou Antoine Dresse (Ego Non) qui sont eux aussi très ouverts sur l’idée européenne. Il nous faudrait une association qui nous permette de nous réunir régulièrement, de coordonner nos actions et de réfléchir ensemble. J’espère que cette structure se créera prochainement !

    Julien Rochedy, propos recueillis par Matisse Royer (Breizh-Info, 22 juin 2024)

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  • Macron, président va-t-en-guerre contre les Russes...

    Pour cette nouvelle édition de Cette année-là, sur TV Libertés, Patrick Lusinchi, avec François Bousquet, rédacteur en chef d’Éléments et Christophe A. Maxime, remonte au printemps 1982, quand l’Europe se demandait s’il fallait secourir la Pologne, comme elle se demande aujourd’hui s’il faut envoyer des soldats au sol en Ukraine. Fallait-il mourir pour Gdansk dans les années 1980 ? Assurément non ! Faut-il aujourd’hui mourir Kiev ? Macron semble prêt à courir le risque, multipliant les déclarations bellicistes à l’encontre de la Russie, au risque d’une déflagration mondiale...

     

                                               

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  • David Engels : « Le retour à l'État-nation ne sauvera pas l'Europe en tant que civilisation »

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par David Engels à Figaro Vox et consacré à sa vision d'une Europe hespérialiste.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019) et, dernièrement, Défendre l'Europe civilisationnelle - Petit traité d'hespérialisme (Salvator, 2024). Il a  également dirigé deux ouvrages collectifs, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020) et Aurë entuluva! (Renovamen-Verlag, 2023), en allemand, consacré à l’œuvre de Tolkien.

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    David Engels : « Le retour à l'État-nation ne sauvera pas l'Europe en tant que civilisation »

    FIGAROVOX. - Vous refusez l'opposition entre une droite qui défend les traditions et la souveraineté, et une gauche qui défendrait l'eurofédéralisme dans une perspective mondialiste et désincarnée. Comme alternative, vous proposez l'hespérialisme. Comment définissez-vous cette idée ?

    David ENGELS. - J'utilise ce mot, tiré du grec Hespéros (pour «Occident»), pour désigner un patriotisme européen fondé sur l'amour de notre longue histoire, de notre spiritualité et de nos traditions. Car d'un côté, je refuse l'«européisme» basé uniquement sur l'universalisme des droits de l'homme tel que l'Union européenne le promeut tout en l'instrumentalisant de plus en plus au profit de la gauche politique. Mais je refuse aussi le souverainisme qui risque de faire éclater le continent et ne pas ramener la liberté, mais plutôt la soumission aux influences extra-européennes. J'ai donc créé le néologisme «Hespérialisme» afin d'évoquer l'envie typiquement européenne de tendre vers l'inconnu, vers les Hespérides, Avalon, Utopia… Certes, les États-Unis, l'Australie ou encore l'Afrique du Sud sont des pays également issus de la civilisation européenne. Mais si nous cherchons un terrain opérationnel pour donner corps à une Europe du futur prête à assumer son rôle stratégique sur la scène mondiale, il vaut mieux éviter l'«occidentalisme» et se concentrer sur le Vieux Continent.

    Comment définissez-vous la civilisation européenne ?

    Contrairement à d'autres, je ne la définis ni uniquement par les droits de l'homme, ni par son histoire, mais surtout par sa mentalité. Certes, il faut prendre en compte nos racines : l'Ancien Testament, la philosophie grecque, le droit romain, le christianisme primitif, les traditions des Celtes, Germains et Slaves... Mais pour moi, le vrai début de la civilisation européenne concorde avec l'avènement de Charlemagne qui restitue l'idée impériale, réorganise le christianisme occidental et unifie l'Europe de l'Espagne à la Pologne et du Danemark à l'Italie. C'est là aussi qu'émerge le véritable noyau d'une identité européenne qui serait plus que la somme des différentes strates de notre passé et distingue les Européens des autres civilisations : l'élan faustien. Dans le mythe de Faust, un savant désespéré de connaître tous les secrets de l'univers vend finalement son âme au Diable, mais est sauvé in extremis, du moins dans la version de Goethe, par la charité et le repentir – voilà l'archétype de l'Européen. L'élan faustien domine toute notre civilisation, d'abord dans notre quête de transcendance (pensons aux immenses cathédrales, à la mystique ou à la spiritualité monastique), ensuite dans notre désir de maîtrise matérielle (les grandes découvertes, la technologie, l'impérialisme, le socialisme etc.) – une démesure qui nous a mené graduellement de Dieu vers l'homme, de l'être vers l'avoir et de l'intériorité vers l'expansion, et qui a créé notre monde moderne où l'ultime extrême de cette évolution semble désormais atteint...

    Quels sont d'après vous les symptômes du déclin de l'Europe ?

    Tout d'abord, la plupart de ces symptômes ne datent pas seulement d'il y a de quelques années, mais remontent souvent bien loin dans notre passé : déchristianisation, déclin démographique, immigration, saccage de la nature, crise de la démocratie, perte d'identité culturelle, hédonisme, polarisation économique… Partout où l'on regarde, tout ce qui nous semblait une évidence depuis des siècles est déconstruit, remis en question, et l'on voit émerger à la place un monde atomisé, découpé de la transcendance, de la tradition et de l'histoire, qui flotte dans le vide d'un matérialisme froid et abstrait et qui déshumanise sous prétexte de «libérer» l'homme…

    Comment est-il possible d'y remédier ?

    En tant qu'adepte du comparatisme entre les civilisations, je suis assez déterministe et crois aux grands cycles civilisationnels. Chaque civilisation poursuit d'abord la transcendance, puis la matérialité ; une fois tout son potentiel épuisé, elle entre dans une phase finale de synthèse. Celle-ci est bien plus qu'un simple compromis entre la thèse et l'antithèse, mais résout le conflit à un niveau supérieur et clôt dès lors le débat ; c'est ensuite que la civilisation, épuisée, commence à se pétrifier et faire place à une autre. Or, la synthèse entre la tradition et la raison, c'est le retour conscient à la tradition, et je crois que c'est justement à cette tendance que nous assistons aujourd'hui. En effet, notre croyance aveugle en la raison et en l'homme en tant que mesure de toutes choses nous a mené graduellement au relativisme, puis au nihilisme et finalement aux absurdités du wokisme ; et les Européens commencent à s'en rendre compte et à chercher des alternatives. Tôt ou tard, comme les hommes de toutes les autres grandes civilisations, nous retrouverons donc la tradition et, tout en opérant un choix conscient parmi les richesses de notre passé, entrerons dans le stade final de notre trajectoire, correspondant à peu près à l'époque augustéenne de l'Antiquité, l'époque des Han en Chine, des Gupta en Inde etc. Ce sera, certes, la fin, mais aussi l'accomplissement de notre civilisation – un stade non moins important que son début, car ce sera à nous de déterminer la forme finale de notre civilisation pour les siècles à venir et de définir l'héritage qu'elle léguera au futur.

    Quelques semaines avant les prochaines élections, que peut-on espérer des institutions européennes ?

    L'UE est devenue de plus en plus puissante et l'on peut le déplorer à raison. Mais les États nations européens au XXIe siècle, à l'âge des grands empires et de la mondialisation, n'ont de toute manière plus que très peu d'influence et, comme l'a montré le Brexit, la sortie de l'UE à elle seule ne résout à peu près aucun de nos problèmes, alors qu'une dissolution de toute la communauté mènerait inexorablement à une transformation du continent en échiquier des intérêts des puissances extra-européennes. Nous sommes donc condamnés à travailler ensemble. Le problème principal de l'UE, c'est qu'elle soit impuissante vers l'extérieur et échoue à défendre les intérêts vitaux de notre civilisation, alors que vers l'intérieur, elle se montre de plus en plus coercitive. Il faudrait retourner cette situation et renforcer l'UE vers l'extérieur tout en rétablissant un maximum de subsidiarité vers l'intérieur. Pourquoi ne pas s'inspirer du Saint-Empire Romain qui, pendant plus d'un demi-millénaire, a défendu ses intérêts géopolitiques de manière assez efficace tout en garantissant l'autonomie des nombreuses entités politiques européennes qui la constituaient – de Gaule en Slavonie et de la Scandinavie en Italie ? Mais certes, sans la résurgence d'un vrai patriotisme «hespérialiste», la meilleure réforme institutionnelle devra rester lettre morte, ce pourquoi la bataille culturelle doit rester notre tâche essentielle dans les années à venir.

    David Engels, propos recueillis par Robin Nitot (Figaro Vox, 23 mai 2024)

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