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etats-unis - Page 83

  • Le temps du choix...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré aux heures décisives qui nous attendent et qui nécessiteront de notre part un choix...

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    Le temps du choix

    Commenter l’actualité, chaque semaine, impose le terrain, et donc la règle, celle que l’actualité plus ou moins médiate formule, à travers sa logique tennistique de va-et-vient par-dessus le filet de l’opinion. Les rets qui emprisonnent les discours, les concepts, et même les rêves, sont comme l’issue fatale de ce détour qui nous porte vers l’appât, le leurre astucieusement disposé par le chasseur. La politique, à la suite de la moribonde religion, fut un temps le dépôt du bonheur moderne, le réceptacle des utopies et des millénarismes sécularisés. Mais tout amour-passion a une fin, et les peuples se réveillent de leurs émois dans la désillusion des vieux couples, las d’eux-mêmes, mais captifs de leurs habitudes.

    Ainsi a-t-on voté, et votera-t-on, en masse. Ou peut-être un peu moins. La politique a aussi ses athées, et ses agnostiques. Sans compter ses tartuffes. Que retenir donc du remuement des choses courantes ? On s’apercevra que des mois de mots furieux et de comédie – puisque la politique est du théâtre, ce qui ne la dépare pas forcément – ont donné une curieuse apathie collective. On s’aperçoit que beaucoup ont voté contre Sarkozy, qui, pour sa part, ne s’en tire pas si mal. Touché, mais pas coulé. Si les affaires qui le poursuivent ne l’éreintent pas, si ses petits camarades ne lui broutent pas l’herbe sous le pied, et si la gauche, comme c’est probable, sombre avec le pays, il peut revenir comme une sorte de sauveur. Quant à Hollande, il n’essaie même pas de pousser le lyrisme jusqu’aux sommets grandiloquents de 81, même si des reflets ménagés astucieusement ont remué quelque nostalgie. Toutefois, le temps est à la gestion, la sacro-sainte prise en charge de la réalité. A tel point que, comme il était prévu, il existe peu de différence entre le gouvernement actuel et le précédent : la politique économique, tout autant libérale et mondialiste, s’appuie sur une Europe dominée par les banques, et ce n’est pas une légère déclinaison en faveur d’une hypothétique croissance qui change quoi que ce soit. Dans le domaine des relations étrangères, la France est toujours inféodée aux USA, et garde sa place subalterne au sein de l’OTAN. Les velléités de retrait d’Afghanistan sont à relativiser : les troupes françaises restent sur le terrain, pour réaliser ce pour quoi elles y étaient, à savoir la logistique et la formation des cadres de la police et de l’armée afghane, bras armé du fantoche Karzaï. On apprend au demeurant que la petite mise en scène, à Camp David et à Chicago, d’un président français, terriblement normal, face à un président américain condescendant, était préparée depuis plusieurs mois, et que le retour des militaires français était plié, à condition que nous acception le principe du bouclier anti-missiles installé par l’Otan, officiellement dirigé vers le Moyen-Orient, mais en réalité vers la Russie. Pour le reste, et malgré une petite virée, bien étrange, de Rocard à Téhéran, on reste ferme vis-à-vis de l’Iran, de la Syrie, et l’on a pour Israël les yeux de Chimène. La Russie est gourmandée, même si elle nous achète des navires de guerre. Et on ne voit aucune véritable erreur dans l’intervention militaire en Lybie, qui a conduit à la déstabilisation du Mali et à l’instauration d’un régime islamiste, tortionnaire et chaotique. Bref, tout peut aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, à condition de l’aider à devenir meilleur, c’est-à-dire à persévérer dans la discrimination positive, à réjouir les lobbies gay, lesbienne et tutti quanti, à enfoncer un peu plus le système éducatif dans la boue pédagogiste, et à lutter avec sévérité contre le racisme, l’antisémitisme etc. Bref, de la vieille soupe réchauffée. Ah ! j’oubliais : il y a exactement 17 femmes et 17 hommes au gouvernement, ce qui constitue sans doute un petit pas pour un premier ministre, mais un grand pour l’humanité…

    Il n’y a donc pas de quoi fouetter un journaliste. La grisaille de la décadence quotidienne, pour ainsi dire.

    Sauf que d’autres constats inquiètent tout autant. Nous ne reviendrons pas sur le score important des partis de gouvernement aux dernières élections présidentielles, d’autant plus que la participation a été élevée. La demi-réussite de Sarkozy, ajoutée au cynisme des partisans de Hollande, dont l’américanoïde Terra Nova est l’une des figures emblématiques, témoignent d’une affligeante adhésion, du moins d’une acceptation tacite, dans l’opinion, de l’ordre des choses. Les reports de voix, bien que moindres qu’en 2007, en faveur du champion affiché des Etats-Unis, montrent qu’une certaine pédagogie patriotique est encore utile.

    Certes, la rhétorique ultra du candidat de l’UMP, sécuritaire, nationale et anti-immigrationniste, même si son outrance ne parvient pas à voiler l’hypocrisie d’une telle mise en boîte de l’opinion, n’est pas sans avoir connu un certain succès, notamment en ressuscitant une dichotomie droite/gauche, que le résultat sans ambiguïté du référendum de 2005 sur le traité de constitution européenne avait invalidée. Les élections de 2012 marquent une certaine régression dans la prise conscience des véritables enjeux, même si le Front national peut, à bon droit, avoir l’impression d’avoir marqué des points.
    Encore faut-il identifier les problèmes qui sapent notre société et notre identité. Et c’est justement là que l’on perçoit les limites de la politique, le conditionnement de nos angoisses, et de nos aspirations, qui en sont orientées finalement selon les desiderata du système.

    Chaque Français doit, avant d’opter pour un choix électoral, sonder ce qui l’agit au plus profond du cœur et des reins. Or, un choix électoral se fait au nom d’idées assez convenues, du fait des règles d’un jeu médiatique formaté et canalisé. Nous nous apercevons alors que les questions offertes ne nous concernent pas totalement, et que nous sommes contraints d’abandonner notre voix en dépit de ce que nous ressentons.
    Cependant, qui fait l’effort d’interroger ce qu’il est, ce qu’il vit, ce qu’il incarne ? Il ne peut exister de véritable politique si l’air que nous respirons, la langue que nous utilisons, le goût de nos rapports les plus intimes avec le monde, la couleur de nos dilections, l’intensité de nos rejets, le grain de nos impressions ne sont pas sollicités, et mis à la question. Qu’est-ce qu’être français ? Européen ? Qui n’a pas conscience, dans sa chair, dans ses mœurs, ses relations, que nous sommes colonisés, que nous sommes soumis à une culture exogène qui nous aliène, nous rend autres, étrangers à nous-mêmes, à notre propre pays, à notre passé, à nos traditions, au mode de vie qui nous fait advenir à la clarté de l’existence. Qui n’éprouve pas cela n’atteint pas le degré de connaissance de soi qui l’appelle à la vie.

    Depuis la fin de la guerre, l’american way of life a contaminé les moindres aspect de la vie publique et de la vie privée, à tel point que l’on regarde et écoute sans sourciller des publicités qui vantent les goûts d’outre-Atlantique, sur des musiques anglo-saxonnes gluantes et horriblement stéréotypées, et des jeux d’acteurs mortellement formatés. Les publicistes considèrent que ces esthétiques pornographiques plaisent au grand nombre, et probablement ont-ils raison, bien qu’il faille faire la part, dans leur stratégie, à la propagande. Car la réclame est aussi de l’endoctrinement. Qui évoquera en outre le cinéma pour ados, débile et de mauvais goût, le show business envahissant, avec le nombre grandissant de musiciens français qui chantent en anglais, la nourriture que nous absorbons, et surtout le rythme de vie qui nous est imposé par la vie moderne, et qui tend à ressembler à celui des Américains, qui évaluera la nature des émissions télévisuelles consommées, et même le fait de regarder cette télévision, qui a tué, comme la pratique de l’automobile, la vie authentique et relationnelle que les générations précédentes connaissaient encore, qui n’a pas envie de hurler devant ce meurtre d’une nation, de son corps et de son âme, ne sait pas ce qu’il est vraiment.

    Tout n’est pas mauvais, pourtant, de l’Amérique. Oui, il faut le dire, même si les Américains ne sont pas les premiers à défendre ce qu’ils apportent de bien au monde. Le jazz, par exemple, est plus populaire en Europe, et singulièrement en France, que dans sa patrie de naissance. Il paraît aussi que le livre génial de Jack Kerouac, On the Road, qui s’en prenait vertement à l’Amérique puritaine, et initiait cette tentative de libération d’une société pourrie par le fric et le moralisme, qu’était la Beat Generation, était boudé par les libraires, et de moins en moins lu à mesure que les USA s’engageait dans le Nouveau capitalisme. Pour nous, Français, et d’autant plus que Kerouac avait des racines bretonnes, et qu’il était d’origine canadienne francophone, et qu’il se réclamait de Rimbaud et de Céline, il était l’un des nôtres. Pourquoi parler de lui, au moment où l’on a tenté, apparemment avec succès, d’adapter au cinéma son chef d’œuvre ? Eh bien, celui qui lit cette prose enflammée, endiablée, enivrée comme une ruée continentale, a une petite idée de ce que c’est que de sentir d’immense espaces, presque infinis, à portée de désir et de conquête. Lorsqu’on met les pieds sur le Nouveau continent, la sensation que tout est possible, que l’on jouit d’une liberté aussi grande que les terres qui s’étendent jusqu’au Pacifique, emplit l’esprit et le fait vibrer de désir. La nostalgie des vieilles rues européennes, des églises romanes, des places monumentales de l’Europe arrive assez vite, mais on voit ce qui nous manque ici.

    Dans la Rome antique, un Européen pensait le monde d’Alexandrie à l’Atlantique, de Carthage à la Mer du Nord. Les armées parcouraient des milles pour défendre une seule patrie. C’était le cas encore avec Charlemagne. Au moyen-âge, les pèlerins et les chevaliers sillonnaient les routes de la Chrétienté pour porter leur foi ou leurs armes. Nous, Français, avons le souvenir des batailles de la Grande armée napoléonienne, quand la Grande Nation, comme disent les Allemands, respirait à l’échelle d’un Empire. Nos colonies mêmes ouvraient des horizons à la soif d’aventure de nos jeunes soldats et de nos officiers.

    Quels sont nos horizons ? A quoi aspirons-nous ? De quoi voulons-nous nous délivrer ? Quelles sont nos chaînes ? Sommes-nous encore dignes de l’Histoire humaine ? Sommes-nous capables de regarder au-delà des turpitudes politiciennes, et de nous fixer des horizons nouveaux, des frontières si ambitieuses, que nous pourrions encore nous sentir capables de soulever des montagnes ?

    Claude Bourrinet (Voxnr, 23 mai 2012)

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  • Un risque de déclassement stratégique de la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pascal Boniface, cueilli sur son blog Affaires stratégiques et consacré au déclassement stratégique de notre pays en raison de sa soumission à la politique américaine...

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    Les vrais risques du déclassement stratégique de la France

    Les questions internationales n’envahissent pas la campagne électorale. Néanmoins, dans certains cercles, le débat sur le déclassement stratégique de la France a été lancé. Il se pose en effet dans un contexte général de la perte du monopole de la puissance par le monde occidental, qui vient s'ajouter à la fin de la rente de situation dont la France bénéficiait grâce à son positionnement singulier au cours de la Guerre Froide. Comment, dans un monde dont les évolutions stratégiques ne sont pas naturellement favorables, conserver des marges de manœuvre ?

    On ne peut pas aborder le problème de notre déclassement stratégique par le seul biais du taux de dépenses militaires par rapport au PIB, comme cela est trop souvent fait.

    L'industrie de défense est un atout essentiel pour l'indépendance de la France. Il ne faut pas méconnaître son utilité économique et stratégique. Elle doit néanmoins rester un moyen et non devenir une fin. On ne peut développer une analyse du rôle de la France dans le monde et de sa politique à partir du seul critère des dépenses militaires. Bien plus que la baisse des budgets, c'est une analyse erronée de nos intérêts et de notre situation, pire encore, une absence de réflexion stratégique globale qui pourrait conduire à notre déclassement.

    Doit-on réellement faire dépendre notre budget militaire de l'augmentation des budgets chinois, indiens ou américains comme le suggèrent certains ? Les Américains ont après 2001 choisi une fuite en avant dans le tout militaire faisant passer leur budget de 280 milliards de dollars à 700 aujourd'hui. Sont-ils pour autant plus en sécurité et la sécurité collective a-t-elle réellement progressé ? Non bien au contraire. Faut-il dès lors tenir compte de l'avertissement donné par l'ancien Secrétaire à la défense Robert Gates dans son discours d'adieu prononcé à Bruxelles en juin 2011, demandant aux Européens d'augmenter leur budget de la défense parce que le Congrès américain serait fatigué de continuer à augmenter le financement du Pentagone ? Ceci n’avait aucune rationalité du point de vue de nos intérêts.

    On nous dit qu'il faut combler les lacunes capacitaires révélées en Afghanistan et en Libye ? Mais n'est-il pas beaucoup plus urgent de réfléchir au bien-fondé de certaines opérations militaires extérieures, mises sur pied sans prendre en compte leur impact global sur le long terme ? Doit-on encore se lancer dans des interventions qui se transforment en guerre de contre-insurrection dont les puissances extérieures ne peuvent plus espérer sortir vainqueurs ?

    Puisque l'on parle de déclassement stratégique ne faut-il pas réfléchir à ce qu'implique notre réintégration dans les commandements militaires intégrés de l'OTAN ? Certes sur le fond la réintégration en tant que telle n'a pas changé grand-chose à la situation préexistante. Nous étions déjà quasi intégrés. Mais contrairement à ce qui avait été avancé, elle n'a en rien aidé au développement d'une européanisation de la défense, toujours en panne. Et surtout nous avons un comportement relativement passif par rapport au projet de double extension géographique et des missions de l'OTAN. Le risque de transformer en Sainte Alliance, déjà dénoncé par Mitterrand en 1990, est plus actuel que jamais. Doit-on se laisser entrainer dans une organisation qui se transforme en bras armé de l’occident ? Quelle voix particulière faisons-nous entendre ? Allons-nous, lors du sommet de Chicago de mai, rester sans réaction par rapport au projet de défense antimissile, dont le coût est exorbitant, dont l'utilité stratégique est contestable, qui constituerait une relance inutile de la course aux armements, qui est plus destiné à satisfaire les désirs du complexe militaro-industriel que les besoins de sécurité, et qui par ailleurs constitue un désaveu implicite de la politique de dissuasion ?

    Le risque de déclassement est bien réel, mais il est plus lié à une absence de réflexion globale sur les évolutions stratégiques mondiales et le rôle de la France dans un contexte mutant. Ce n'est pas la répétition d'arguments repris en boucle dans les cercles otaniens qui peut nous aider à avoir cette vision.

    Pascal Boniface (Affaires stratégiques, 13 avril 2012)

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  • Une instrumentalisation politique des massacres ?...

    Les éditions Lux viennent de publier Génocide et propagande - L'instrumentalisation des massacres, un essai  de Edward S. Herman et de David Peterson. Edward S. Herman, professeur à l'Université de Pennsylvanie, est un proche collaborateur de Noam Chomsky, tandis que David Peterson est journaliste indépendant.

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    "Depuis la fin de la guerre froide, les termes « massacre », « bain de sang » et « génocide » ont massivement fait irruption dans le vocabulaire des relations internationales. Ils sont devenus essentiels à la justification des interventions militaires occidentales, que ce soit au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine, en Irak ou en Libye.

    En politique, rappellent Edward S. Herman et David Peterson, les mots ne sont pas innocents. Le sens qu’on leur donne est fonction des buts que l’on poursuit et des intérêts que l’on défend. En étudiant de manière rigoureuse l’usage de ces trois termes dans les discours officiels et les médias, les auteurs démontrent qu’ils sont principalement utilisés pour qualifier les agissements de pays qui, d’une manière ou d’une autre, sont en conflit d’intérêts avec les États-Unis. Très rare est leur usage pour parler des exactions commises par ces derniers et leurs alliés.

    Que faut-il en conclure ? Qu’en plus de leur précision chirurgicale, les missiles américains ont la faculté de juger du bien pour ne s’attaquer qu’à l’infâme, au vil, au néfaste ? Ou alors, que la « responsabilité de protéger », évoquée pour justifier les interventions militaires à vocation « humanitaire » de l’Occident, n’est que le nouvel emblème d’un impérialisme plus vigoureux que jamais ?"

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  • La domination de l'empire global...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une présentation par Alain Joxe de son dernier livre, Les guerres de l'empire global (La Découverte, 2012), dans le cadre d'une émission mise en ligne sur Xerfi canal, la chaîne de la réflexion économique.


    Xerfi Canal Alain Joxe La domination de l’empire... par GroupeXerfi

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  • Un homme à abattre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article consacré à la crise syrienne, traduit par les soins du site Euro-synergies et publié à l'origine par la revue autrichienne de tendance nationale-libérale Zur Zeit.

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    Les Américains veulent absolument imposer un “changement de régime” en Syrie. Leurs principales motivations? Des intérêts économiques et un soutien à Israël!

    Le sol devient de plus en plus brûlant sous les pieds du leader syrien Bachar El-Assad. Fin mars, un sénateur américain très influent, John McCain, a demandé que les Etats-Unis et l’Europe soutiennent militairement les rebelles syriens: “Ils méritent notre soutien et le soutien de la communauté internationale pour pouvoir riposter aux attaques du régime”, a affirmé le candidat républicain à la présidence lors des élections de 2008.

    Le gouvernement d’Obama songe aussi à intervenir militairement. Jusqu’à présent, on mise encore et toujours sur la pression diplomatique et politique à exercer contre Damas. Mais, comme l’a laissé entendre le ministre américain de la défense, Leon Panetta, lors d’une audience au Sénat, “on songe à de possibles démarches complémentaires (...), y compris d’éventuelles interventions militaires, si nécessaire”. C’est clair: les Américains refusent, en ultime instance, de tenir compte de la déclaration du conseil de sécurité de l’ONU, appuyée par la Russie et par la Chine. Cette déclaration demande au gouvernement syrien et aux rebelles de réaliser sans délais le plan de paix de l’envoyé spécial Kofi Annan. Ce plan de paix prévoit un armistice, l’envoi d’aide humanitaire et l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement et les adversaires du régime.

    Washington, en revanche, ne veut pas abandonner l’objectif que les Etats-Unis se sont fixé une fois pour toutes; ils veulent tout bonnement un “changement de régime” à Damas, comme le confirme par ailleurs les nombreuses opérations spéciales que mènent depuis des mois les services spéciaux occidentaux. “Le MI6 et la CIA ont infiltré la Syrie pour connaître la vérité”, expliquait en date du 1 janvier le quotidien “Daily Star”, en  se référant à une source non citée mais considérée comme “bien informée”. Ensuite, les contacts sont étroits entre les rebelles libyens et l’”armée syrienne libre”, comme le signalait le 27 novembre 2011 le journal britannique “The Telegraph”. D’après cette information, Abdulhakim Belhadj, chef du conseil militaire de Tripoli et ancien commandant du “Groupe de Combat Libyen-Islamique”, aurait rencontré à Istanbul et le long de la frontière turco-syrienne des chefs de l’”armée syrienne libre”, pour que celle-ci soit entraînée par des “combattants libyens”. Toujours selon le “Telegraph”, Belhadj aurait été envoyé en Turquie par Moustafa Abdoul Djalil, qui n’est rien moins que le président de transition en Libye.

    Or il est tout de même peu vraisemblable que les Libyens aient agi de leur propre chef. Il est plus plausible de dire qu’ils ont reçu cette mission de Washington, pour camoufler l’immixtion américaine. On peut clairement émettre cette hypothèse si on analyse les déclarations du ministre américain de la défense, Panetta: “le soutien aux réformes politiques et économiques, lesquelles correspondent aux aspirations légitimes des citoyens de la région”, relève des mêmes principes fondamentaux qui ont défini les réponses que nous avons apportées aux événements de Tunisie, d’Egypte, de Libye et, dorénavant, de la Syrie”.

    En déclarant cela, Panetta nous révèle clairement que les Etats-Unis n’entendent pas seulement apporter à la Syrie les bienfaits de la démocratie de facture occidentale mais veulent également imposer à ce pays du Levant le système économique esquissé à Wall Street et qui doit s’étendre à la planète entière par l’effet de la globalisation. Ensuite, d’après un livre récemment publié par la CIA, avant que n’éclatent les troubles en Syrie, il y a environ un an, il n’y aurait eu que de “timides réformes”, tant et si bien que l’économie, y “est encore largement régulée par les milieux gouvernementaux”. Dans l’Egypte de Moubarak et dans la Libye de Kadhafi aussi l’économie, surtout les secteurs clés, était sous le contrôle des gouvernements, ce qui rendait l’accès aux marchés locaux difficile pour les entreprises occidentales.

    Quant à l’imposition, partout dans le monde, de réformes libérales, visant à instaurer en tous points du globe l’économie de marché, Michel Chossudovsky, critique canadien du processus de globalisation, pointe du doigt un aspect important, tu en Occident. On dit et on écrit généralement que les causes premières de ces protestations de masse en Syrie sont l’augmentation du chômage et la détérioration du niveau de vie; or ceux-ci découlent tout bonnement de l’adoption d’un programme de réformes exigé par le FMI et que les autorités syriennes ont tenté d’appliquer à partir de 2006. Les mesures réclamées par le FMI comprenaient des privatisations, des dérégulations dans le système financier et un gel des salaires.

    Au-delà de ces réformes exigées par le FMI, la “libération” de la Syrie, assortie de la disparition du régime d’El-Assad, va bien entendu dans le sens des intérêts stratégiques des Etats-Unis en tant que puissance hégémonique globale, comme s’est plu à le souligner Panetta lors d’une audience au Sénat: “La Syrie constitue un pays-clef pour l’Iran. La Syrie est le seul pays allié à l’Iran dans la région et elle représente un facteur décisif dans tous les efforts qu’entreprend l’Iran pour soutenir les militants de la région qui mettent en danger Israël et la stabilité régionale. Les désordres en Syrie ont donc contribué à affaiblir considérablement l’Iran et il est clair que, plus El-Assad est affaibli, plus l’Iran sera perdant”.

    Israël espère ardemment que se construira bientôt une Syrie post-Assad. Car, alors, d’une part, la milice libanaise du Hizbollah, soutenue par Damas et par Teheran, sera affaiblie; d’autre part, l’Etat sioniste espère aussi que se constituera, sur son flanc nord-est, un Etat-tampon, qui servira pour toutes éventuelles opérations contre l’Iran. Un tel Etat-tampon pourrait s’avérer fort utile en cas d’attaque israélienne contre l’Iran car il y a peu de chances que des pays comme la Jordanie ou l’Arabie Saoudite ouvrent leurs espaces aériens aux appareils de Tsahal. Avec une Syrie neutralisée, l’aviation israélienne pourrait se servir du territoire syrien et de l’Irak, dépendant des Etats-Unis, pour aller frapper des cibles en Iran. Il faut voir, toutefois, si ce calcul et ces espérances se concrétiseront vraiment. L’expérience libyenne récente, où une nouvelle guerre civile menace après la fin de l’union sacrée des contestataires contre Kadhafi, et les événements d’Egypte, où les islamistes sont désormais la principale force politique du pays, semblent indiquer que le pari sur les “révolutions arabes” n’a pas été le bon. En plus, il faut savoir que l’armée syrienne libre, qui lutte contre Bachar El-Assad, parce qu’il est alaouite, est soutenue par l’Arabie Saoudite, finalement plus anti-chiite ou anti-alaouite qu’anti-sioniste. L’Arabie Saoudite, d’inspiration wahhabite, vise à diffuser un islam particulièrement rétrograde dans le monde arabe. Un islam rétrograde, wahhabite ou salafiste, qui reçoit de grosses quantités d’armes, souvent achetées en Occident, de la pétro-monarchie saoudienne.

    Bernhard TOMASCHITZ (Zur Zeit, n°13/2012)

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  • L'inquiétant oubli du monde...

    Nous reprpduisons ci-dessous un point de vue de Régis Debray, cueilli sur Le Monde.fr et consacré à la politique étrangère de la France telle qu'elle a été menée au cours du quinquennat  de Nicolas Sarkozy. Régis Debray vient de publier chez Flammarion un court essai intitulé Rêverie de gauche.

     

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    L'inquiétant oubli du monde

    Agis en ton lieu, pense avec le monde", conseillait l'écrivain Edouard Glissant. Agis pour l'emploi et le pouvoir d'achat, n'oublie pas l'arène planétaire. Que le ring électoral fasse si peu cas du grand large laisse pantois. Voir, à gauche, la bourrée auvergnate remplacer L'Internationale donne à penser que la jeune garde montante ne voit rien à redire, sur le fond, à la politique étrangère du sortant.

    Atlantisme, européisme, ethnicisme et urgentisme caractérisent la diplomatie de nos défuntes années, d'une désastreuse banalité. Elle semble se fondre dans l'air du temps au point d'inhiber le vieux devoir d'examen au pays même de l'esprit critique.


    L'alignement sur les Etats-Unis

    Nous voilà donc phagocytés, via la pleine réintégration dans l'OTAN, par une Sainte-Alliance qui n'a plus d'atlantique que le nom. Son actionnaire majoritaire, seul décideur en dernière instance, tend à se substituer aux Nations unies qu'il instrumentalise ou bien marginalise en tant que de besoin.

    L'abandon symbolique de notre singularité de pensée et de stratégie avait un alibi : faciliter la construction du "pilier européen de l'Alliance". Vaste blague. Les Européens n'en veulent pas (l'Est moins que quiconque), et les Etats-Unis non plus.

    Amor fati (l'amour du destin) ? Certes, "interopérabilité" oblige, et tralalas aidant, le brain-wash des Etats majors est chose acquise et, entre la DGSE et la CIA, plus une feuille de cigarette. L'imprégnation coloniale des réflexes est telle que plus personne ne s'étonne de voir Nicolas Sarkozy mettre la main sur le coeur pour écouter La Marseillaise et Alain Juppé s'exprimer en anglais à l'ONU. Soit.

    Mais, quand on se résigne à un rôle de supplétif, la glissade le long du toit débouche sur des catastrophes mal déguisées quoique prévisibles. Qu'il ait fallu dix ans à nos socialistes pour prendre leurs distances envers l'occupation militaire de l'Afghanistan, où l'inepte le dispute à l'inique, n'est pas de bon augure.

    La superstition européenne

    Passons sur le rouleau compresseur du libéralisme exaspérant de Bruxelles. Le rêve s'est évanoui et la fuite en avant dans le fédéralisme, réflexe classique en histoire lorsqu'une belle cause périclite, ne ferait que précipiter le retour au chacun pour soi. Par-delà la désuétude d'un logiciel entre démo-chrétien et social-démocrate, qui donnerait des rides précoces aux enfants de Jacques Delors, ce qui agonise, c'est la grande illusion selon laquelle il revient à l'économie de conduire la politique, et à une monnaie unique d'engendrer un peuple unique.

    Comment passe-t-on d'une inscription administrative (le passeport européen) à une allégeance émotionnelle ? Pourquoi un habitant de Hambourg accepte-t-il de se serrer la ceinture pour un habitant de Dresde, mais non pour un Grec ou un Portugais ? Le cercle des économistes n'a pas ici compétence. La réponse à la question première, qu'est-ce qu'un peuple ?, relève de l'histoire, de l'anthropologie, de la géographie et de la démographie, voire des sciences religieuses, dont les adeptes, pour leur malheur et le nôtre, ne hantent pas le dîner du Siècle.

    Puisqu'un concert suppose un chef d'orchestre, avec ou sans podium - la Prusse pour le Reich allemand ou le Piémont pour l'unité italienne -, il est normal, si l'époque est à l'économie, que l'Allemagne tienne la baguette. Le vrai problème pour nous, c'est l'engluement dans une géographie mentale en peau de chagrin où une mappemonde avec 195 capitales se réduit à deux clignotants, Berlin et Washington. L'alibi selon lequel la France n'est plus de taille valait-il cette autopunition masochiste : se faire couper le sifflet par un ectoplasme sans voix comme l'Europe des commissaires ? Celle-ci est grasse et grande mais sans vision ni dessein, inexistante à l'international (et notamment aux yeux des présidents américains) et sans ancrage dans les coeurs.

    Qui célèbre en Europe le jour de l'Europe ? Qui entonne l'hymne européen - l'Ode à la joie n'a pas de parole ? Qui s'intéresse à son Parlement, hormis les professionnels de la profession ? Un falot pour éteindre nos Lumières ? Un comble !

    Le marketing communautaire

    Comment un exécutif qui fait sa cour à nos diverses minorités religieuses ou ethniques pourrait-il faire prévaloir l'intérêt à long terme d'un pays et d'une vision du monde ? S'il n'y a jamais eu de mur étanche entre l'intérieur et l'extérieur, chacun sait, depuis François Ier, que c'est en isolant au mieux le géo-stratégique du domestique qu'on agit à bon escient. Ce n'est plus le premier ministre, mais le chef de l'Etat qui se rend aux convocations dînatoires du Conseil représentatif des institutions juives de France.

    Notre Zorro s'empresse auprès de la communauté arménienne, soutenu par des députés qui se prennent pour des représentants de leur seule circonscription, quand ils le sont de la nation. On flatte la communauté pied-noire pour chanter le positif de la colonisation. Et qui sait si demain quelque instance arabo-musulmane ne nous enjoindra pas de rectifier la position sur Israël ?

    Minable méli-mélo tiraillant à hue et à dia. Le modèle américain joue comme leurre : la mosaïque multi-minoritaire d'outre-Atlantique est transcendée par un patriotisme messianique, adossé à un Dieu confédéral, ce que ne permet pas, en France, notre assèchement mythologique.

    Le diktat de l'instant

    Papillonnante et télécommandée, une diplomatie de postures et de "coups" (de gueule, de bluff et de menton), sous projecteurs et sans projection, sied autant à l'ère du zapping qu'à un autodidacte ayant plus de nerf que d'étoffe. Ecervelée, cette façon de coller au fait divers et à la compassion du moment met immanquablement en retard sur les tendances et flux de la mouvante histoire.

    Dialoguer avec l'ANC de Mandela, dans les années 1970, vous faisait déjà passer pour un idiot utile. Prendre contact avec les Frères musulmans ou une organisation chiite vous faisait, ces dernières années, regarder de travers. Un suspect devient un interlocuteur quand il a pris le pouvoir - jamais avant. Et il faut un séisme ou un tsunami pour inscrire un pays - Haïti, Indonésie ou Japon - sur l'écran-radar, d'où il disparaîtra une semaine après.

    Qu'une direction élyséenne aussi frelatée ait pu mettre à son service nombre de vedettes "socialistes" ne s'explique pas par un humain désir de gyrophares, huissiers et caméras : à ces appétits charnels s'ajoutait sans doute une communauté de vues plus spirituelle. Supériorité intrinsèque de la civilisation occidentale, seule détentrice de principes moraux universels ; fascination pour les media-events tels que ces sommets aussi rutilants qu'inutiles ; mépris des experts et des compétences géopolitiques du Quai d'Orsay, au bénéfice de BHLeries aussi frivoles que contre-productives ; culte du "réactif" (agir sans anticiper ce qui résultera de son action) et des vanités d'image, au détriment d'un sens élémentaire de l'Etat. Ces conformismes sont à haut risque. Ils se payent par l'évanescence de nos politiques spatiales, aussi bien européenne qu'arabe, latino-américaine et asiatique.

    Au lieu du rebattement de cartes qui s'impose, c'est la benoîte reconduction d'un train-train provincial et crépusculaire que fait craindre le mutisme socialiste. Quitte à ripoliner sa godille avec des grands mots qui chantent plus qu'ils ne parlent : "les droits de l'homme" (couverture impeccable, comme l'Evangile sous l'Ancien Régime), "la communauté internationale" (un Directoire représentant 20 % de la population mondiale) ; "la gouvernance mondiale" (la Cité calquée sur l'entreprise) ; "la Démocratie" avec majuscule (laquelle, de Périclès à la reine Victoria, admet le massacre des âmes et des corps barbares).

    Présentera-t-on ces idées faibles, quand on les regarde de près, en idées-forces pour avaliser un business as usual ? Ce serait sympa mais casse-gueule. Une politique qui prolonge le boy-scoutisme par d'autres moyens (les ONG humanitaires en bras subventionné du Bien) déguise le jeu cru des intérêts mais rend celui-ci encore plus cruel. Aristide Briand a plus de charme que Clausewitz, mais on sait sur quoi a débouché la diplomatie des lacs de l'entre-deux-guerres - juin 1940.

    Rappelons-nous que les interdépendances dérivant de la mondialisation exaspèrent les identités nationales et religieuses au lieu de les éteindre. Le monde qui découvre qu'il fait un ne s'unifie pas pour autant : l'Europe compte seize Etats de plus qu'en 1988. Dire oui à la paix et non aux nations, ignorer les Etats pour défendre les individus, c'est ignorer combien il en coûte d'humilier un peuple et que, partout où la puissance publique s'efface, triomphent l'ethnie, les mafias, le FMI et les clergés. Soit la guerre de tous contre tous.

    Le pire n'est pas toujours sûr. L'envisager comme possible pourrait servir de garde-fou.

    Régis Debray (Le Monde, 16 mars 2012)

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