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etats-unis - Page 42

  • Le nationalisme économique américain...

    Les éditions VA Press viennent de publier un essai de Christian Harbulot intitulé Le nationalisme économique américain. Introducteur en France, au début des années 90, de l'intelligence économique et fondateur de l’École de Guerre Économique, Christian Harbulot a récemment  publié Fabricants d'intox (Lemieux, 2016).

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    " Le nationalisme économique était considéré jusqu’à présent comme une pensée archaïque en voie de disparition. Donald Trump a relancé le débat en dénonçant les excès commis par des pays concurrents comme la Chine, le Japon ou l’Allemagne. Le Président des Etats-Unis prône un recours au protectionnisme pour protéger le maintien de l’emploi sur le territoire américain. La remise en cause des traités commerciaux ouvre une nouvelle ère de la mondialisation des échanges. La guerre économique n’est plus à exclure dans les confrontations économiques du XXIe siècle. Afin de mieux cerner ce renversement de situation, l’Ecole de Guerre Economique a retracé le cheminement de la pratique du nationalisme économique dans l’Histoire de la nation américaine. Il apparaît clairement que le libéralisme est d’abord un discours et non une ligne de conduite permanente qui différencie les partisans du libre-échange des souverainistes de tout bord. Les pouvoirs exécutifs qui se sont succédé à la Main Blanche ont eu comme priorité absolue de bâtir une économie en adéquation avec leur recherche de puissance sur la scène internationale.

    Cet ouvrage est une grille de lecture des décisions politiques prises par les Etats-Unis dans l’optique d’un accroissement de leur puissance par le biais économique."

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  • Crise du Golfe : une occasion pour la France de revenir dans le (grand) jeu ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur son blog Bouger les lignes et consacré aux possibilités de retour dans le jeu proche-oriental qu'offrent à la France la mise au ban du Qatar par les Etats-Unis et l'Arabie saoudite... Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point et sur celui du Figaro Vox.

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    Petit manuel de diplomatie à l'usage d'Emmanuel Macron : la crise du Golfe

    Kairos : le moment opportun pour les Grecs ou l'art d'exploiter une situation à son avantage en allant généralement à contre-courant de l'interprétation dominante qui en est donnée. Le soudain opprobre qui s'abat sur le richissime émirat mis au ban, après des années de complaisance occidentale et régionale, constitue l'une de ces « fenêtres d'opportunité » inespérées dont notre nouveau président doit avoir l'audace de se saisir pour prendre l'ascendant en Europe en reprenant l'initiative en Syrie, et ainsi imposer la France comme puissance médiatrice dans cette crise majeure.

    Il serait trop long de revenir sur tous les événements qui ont motivé la tentative (pour l'heure peu efficace…) de mise au pas de Doha et sa condamnation comme suppôt du terrorisme à l'iniative… de Riyad. Je me permets de renvoyer le lecteur à mon blog « Bouger les lignes » et à la publication du post « Crise du Qatar : mise au pas de l'Émirat avec l'Iran en ligne de mire » qui fait un point détaillé sur la séquence des événements et ses arrière-plans.

    Une situation explosive

    Cette crise de rivalité entre les deux principaux parrains de l'islamisme militant mondial depuis presque 40 ans illustre une nouvelle phase de la partie grave et dangereuse qui se joue au Moyen-Orient. Mais la vérité est parfois indicible et des visées indéfendables pourraient déclencher l'indignation. Il faut donc produire un leurre, cibler un Etat pour en viser un autre dont les crimes ne sautent pas aux yeux, et rassurer une opinion occidentale désinformée et angoissée par l'impuissance ou les inconséquences de ses gouvernants face au terrorisme.

    Alors, on déroule un story-telling manichéen qui a tout d'une farce cynique : l'Occident, qui n'en savait rien naturellement, vient de « découvrir », Washington en tête, que le Qatar soutient le terrorisme, tout seul parmi les pays sunnites du Golfe persique, et, ultime outrage, en connivence avec le nouvel acteur central d'un « Axe du mal » revisité : l'Iran ! La condamnation tonitruante de Doha, à l'initiative de Riyad, qui n'a pu le faire qu'avec l'aval de Washington, voire sur sa forte incitation, serait légitime ; il faudrait en fait même remercier l'Arabie saoudite de sa clairvoyance…. Et surtout l'aider à étendre son emprise régionale, notamment en Syrie et au Yémen, face à ces dangereux parias… au nom même de la lutte contre le terrorisme ! On se pince !

    La réalité est plus complexe et plus simple à la fois... On assiste en fait à un réalignement inattendu des équilibres de forces et des alliances entre carpes et lapins, dans un contexte marqué par une explosive conjonction d'éléments : double offensive contre Raqqa et Mossoul et concurrence à la frontière syro-irakienne ; réduction progressive de l'État islamique dans sa forme actuelle ; exaspération des tensions entre intervenants régionaux ; sélection en cours, sous la houlette de Moscou, d'interlocuteurs islamistes « acceptables » pour un processus politique viable en Syrie et donc concurrence grandissante entre milices islamistes soutenues par Riyad ou Doha et nécessité de maîtriser leurs parrains et financiers ; enjeux énergétiques colossaux ; affrontement russo-américain relancé par ceux qui, aux États-Unis, ont fini par contraindre Donald Trump à enterrer ses projets initiaux de coopération avec Moscou.

    L'influence de plus en plus voyante de Moscou

    Il faut dire que la visite de Donald Trump à Riyad les 21 et 22 mai, marquée par son lancement – encore infructueux – d'une « Otan arabe » et la réassurance spectaculaire de son allié saoudien (le délestant au passage de pharaoniques promesses de contrats) a été le point d'orgue d'une douloureuse prise de conscience de l'ampleur de la perte d'influence américaine sur le jeu politico-militaire en « Syrak ». Plus encore sans doute lorsque le ministère des Affaires étrangères iranien a publié, le 4 juin dernier, en réaction aux derniers attentats de Londres (et quelques jours avant ceux de Téhéran que Donald Trump déclara considérer comme une réponse quasi légitime à l'attitude iranienne…), un communiqué « condamnant le terrorisme sous toutes ses formes » et pointant clairement du doigt Riyad. Il était grand temps de reprendre la main et de se poser en allié protecteur et fiable du Royaume saoudien donc, mais aussi d'Israël afin de contrer l'influence de plus en plus voyante de Moscou dans la chasse gardée du Conseil de coopération du Golfe, mais aussi en Égypte, au Kurdistan irakien et plus encore en Libye.

    Ce que l'on reproche à Doha, chacun le sait, c'est, depuis 2014 déjà et l'arrivée de l'émir Al Thani « le jeune » au pouvoir, son approche conciliante et pragmatique envers Téhéran (avec qui il partage l'exploitation du gigantesque champ gazier de North Dome/South Pars). L'ère du dogmatisme a décidément du plomb dans l'aile. Elle résiste de moins en moins à la nécessité pour les acteurs locaux d'échapper aux antagonismes primitifs dont ils tirent certes parti, mais qui font surtout le bonheur des stratèges occidentaux, pour rechercher des solutions pragmatiques et maîtriser un « chaos constructif » qui finit par leur coûter cher sans rapporter assez.

    L'enjeu énergétique

    Derrière toute cette mousse et cet effet de loupe sur le Qatar subitement diabolisé (nonobstant la réalité de ses turpitudes et compromissions), Moscou poursuit en effet sous les radars sa diplomatie de grande envergure, non idéologique et hyper-pragmatique, selon au moins trois axes manifestes (et d'autres, encore discrets) qui orientent la lecture des événements, y compris militaires, vers une grille d'analyse énergétique au détriment d'une approche strictement confessionnelle.

    • Cette crise lui permet en premier lieu de resserrer les liens croissants qui lient désormais les secteurs énergétiques russe et qatari via des investissements considérables (dans Novatek en février 2016 et dans Rosneft en décembre 2016), et de faire sensiblement bouger les lignes en Syrie et en Irak. Avec Doha, c'est un État sunnite en effet, et non des moindres, qui est de facto poussé à rejoindre le camp à dominante chiite, mais à tutelle russe, et il sera désormais difficilement possible au gaz iranien et qatari d'atteindre désormais l'Europe sans l'aval de Moscou…
       
    • Outre l'attraction progressive du Qatar dans son orbite, la Russie poursuit sa stratégie opportuniste de retournement des points d'appui américains selon deux autres axes principaux : Moscou enfonce un coin important entre Washington et Ankara, alliés de l'Otan, par la conclusion récente d'un accord pétrolier d'ampleur avec les Kurdes d'Irak, traditionnels alliés des Américains et des Turcs, qui ont de féroces et éclectiques appétits… Moscou essaie donc de les faire basculer dans son escarcelle en profitant du refroidissement actuel de la relation entre Ankara et Washington. Le géant pétrolier Rosneft vient en effet de signer le 2 juin, un accord d'exploration-production et exploitation très important avec M. Barzani, qui permettra à Moscou de peser sur le projet américain de division de l'Irak. Dans ce pays comme en Syrie, Moscou cherche en effet à préserver les structures unitaires d'État quitte à envisager une organisation interne entre provinces autonomes. Washington, de son côté, vient de déployer des lance-roquettes multiples HIMARS dans sa base militaire du Sud syrien d'al Tanf, à la frontière syro-irakienne, qui menacent directement les forces gouvernementales de Bachar el-Assad. En matière de lutte contre le terrorisme, on peut faire mieux.
       
    • En troisième lieu, le « dossier libyen » a mûri et semble sur le point de bouger. Là aussi, sous l'influence déterminante du soutien politique et militaire apporté par Moscou au général Haftar (reçu en janvier à bord du Kouznetsov et renforcé par la livraison de Mig 27 pris sur les stocks russes, mais aussi par des armements venus des EAU…). L'homme, qui étend à grands pas son emprise de la Cyrénaïque vers le centre et l'Ouest libyens, n'est désormais plus jugé comme un perturbateur, mais comme un facteur cardinal de cohésion du pays face à un gouvernement de Tripolitaine reconnu internationalement, mais dépourvu de toute autorité ou représentativité populaire et toujours sous emprise de milices islamistes... Il reste que rien ne sera possible pour ce pays sans une réconciliation tribale qui semble pour l'heure ne pouvoir s'envisager que sous la houlette de l'un des fils de Muammar Kadhafi, Saïf el-Islam, que l'on dit tout juste libéré des geôles locales. Mais l'Occident humilié, qui réalise l'inanité de ses choix passés, réagit une fois encore de la pire façon : la Cour pénale internationale vient de lancer un mandat d'arrêt contre celui qui pourrait peut-être encore sauver son pays des griffes islamistes. Cherchez l'erreur…

    Un « front » sunnite fragilisé

    Le jeu de dominos sanglants se poursuit donc à vitesse accélérée dans la perspective qui se rapproche du vaste marchandage politico-économico-militaire qui décidera de l'avenir de la Syrie, de l'Irak et des zones d'influence au Moyen-Orient. Croyant le renforcer, Donald Trump vient en fait de fragiliser un « front sunnite » déjà fissuré par les positions plus équilibrées des Émirats arabes unis, d'Oman, du Koweït et même de l'Égypte vis-à-vis de Téhéran. Israël n'est pas en reste, qui reproche à Doha son soutien au Hamas et à Téhéran celui au Hezbollah (dont l'un des responsables menace de représailles militaires l'offensive pétrolière de l'État Hébreu au large des côtes libanaises aux dépens du pays du Cèdre).

    Bref, les lignes bougent, se brouillent parfois. Le dogmatisme semble sévir paradoxalement plus dans nos contrées ultradéveloppées que chez ces peuples de marchands roués qui préservent leurs intérêts économiques et financiers et ne donnent pas tous dans le manichéisme éruptif.

    On a donc désormais un trio Washington-Riyad-Tel-Aviv qui s'oppose à un maul de plus en plus fournie autour de Moscou avec Téhéran, Doha, Damas bien sûr et Bagdad. Ankara cherche sa place entre ces deux centres de gravité, mais ses intérêts là aussi énergétiques et financiers rapprochent au moins partiellement le régime du président Erdogan de Moscou (avec la reprise du projet Turkish Stream) et de Doha, dont les largesses et le gaz sont précieux en cette période difficile face aux pressions américaines. En retour, le régime turc renforce sensiblement sa base militaire au Qatar et pousse Washington à la surenchère… : les États-Unis viennent d'annoncer la livraison de F15 à... Doha !

    Entre ces deux ensembles, l'Égypte comme les EAU, Oman et même le Koweït jouent leurs cartes respectives sans exclusive, dans des soutiens croisés et parfois en apparence contradictoires. Il est intéressant de constater que ces deux lignes de fracture déjouent les certitudes occidentales de la stricte confrontation confessionnelle entre chiites et sunnites. Là aussi, le réalisme semble l'avoir emporté et Doha comme Ankara en viennent à rechercher désormais la protection de Téhéran et de Moscou pour préserver leurs positions énergétiques. En cherchant à faire bouger la mire vers la cible iranienne, Donald Trump et ceux qui l'inspirent pourraient in fine renforcer considérablement Moscou comme pôle de stabilité et surtout de fiabilité régionale vers lequel même certains États du Golfe pourraient se porter.

    Une erreur « made in USA »

    Trump se trompe donc, et Paris doit se saisir de ce kairos inespéré. Un triple kairos même, pour la France, pour l'Europe et pour la France en Europe. Une chance pour un jeune président qui aurait la France en tête et la volonté de refonder une politique étrangère d'envergure, donc de rompre avec des postures diplomatiques indigentes et contre-productives. En effet, plutôt que de hurler avec les loups, de sauter de piège en piège et d'ouvrir une nouvelle boîte de Pandore en criminalisant l'Iran pour complaire à Israël et faire oublier notre long et si triste double jeu pratiqué en Syrie contre des largesses saoudiennes, Paris a tout intérêt à offrir son plein soutien à la résolution de cette crise de confiance surjouée, en s'appuyant notamment sur son influence au Liban, sur sa récente reprise de contact avec Moscou initiée par le nouveau président, et en faisant valoir l'évidente nécessité d'intégrer pleinement l'Iran à toute négociation régionale.

    L'Iran en effet, vient de réélire un président réformateur et se cabre dangereusement devant l'entreprise de diabolisation américaine qui compromet sa renaissance tant attendue et sa réintégration internationale. Sa capacité de nuisance est considérable, notamment via le Hezbollah ou les milices chiites qui œuvrent dans la région, notamment en Irak. Téhéran a besoin d'une puissance qui compte pour le faire sortir de ce cercle vicieux. Une puissance qui démonte la machination et rappelle son respect – récemment attesté par l'AIEA – de l'accord sur le nucléaire de juillet 2015. Une puissance qui serve l'apaisement régional en enrayant le mécanisme si dangereux de la prophétie auto-réalisatrice qu'entretiennent Washington comme Tel-Aviv.

    Restaurer la légitimité de l'Occident

    La rapacité structurelle du système militaro-industriel américain, qui « construit l'ennemi » en permanence pour se nourrir, plonge des sociétés entières dans la guerre et la mort et les oripeaux moralisateurs agités pour faire oublier cette triste évidence ne convainquent plus personne. Là aussi, Paris a une importante carte politique à jouer. Cela nous permettrait, dans un même mouvement, de faire valoir auprès de nombre d'États inquiets notre « intelligence du monde » et notre attachement au respect d'une honnêteté intellectuelle minimale dans l'appréciation des situations de crise. Restaurer la légitimité des puissances occidentales, si abîmée depuis au moins 2003, est un immense chantier dont nous devons prendre notre part. Encore une fois, dans cette affaire, nous n'avons aucun intérêt à nous aligner sur un camp contre un autre, mais tout à gagner à faire valoir la richesse et la diversité de nos liens historiques avec toutes les puissances du Levant, et à porter une démarche inclusive et pragmatique au service d'un apaisement véritable.

    Paris n'a rien à perdre à une telle approche, y compris en Europe qui, comme d'habitude, ne réagit pas ou à peine, alors qu'il est plus que temps pour elle de lancer enfin un projet ambitieux de défense commune autour des trois principaux États qui en ont encore les moyens militaires et les capacités industrielles et peuvent faire école : France, Allemagne et Grande-Bretagne.

    Pourparlers inclusifs

    Il n'est pas si difficile de provoquer un changement important de vision et d'ouvrir des espaces de manœuvre inédits. Il faut juste cesser de s'enferrer dans des égarements indéfendables, changer résolument de braquet intellectuel, en finir avec toute posture dogmatique et proposer de tenir rapidement, à Paris et à huis clos, des pourparlers inédits et inclusifs sur la Syrie. Ceux qui ne voudront pas en être s'excluront du jeu et s'en repentiront. Il faut lancer cette initiative, dans la mesure du possible, en alliance avec Washington et Moscou et en lien avec le processus d'Astana, et appeler Damas, Téhéran, Ankara, Riyad, Doha et consorts à y participer dans le respect d'un postulat cardinal : celui de la conservation du caractère unitaire de l'État syrien. Si les Syriens (comme les Irakiens) en effet doivent rester maîtres du sort de leur pays, il est irréaliste et dangereux d'imaginer le faire sans que les puissances intervenantes aient leur mot à dire.

    Vouloir que tout le monde se parle, alors que nous ne sommes plus pris au sérieux en Syrie car réduits à notre intervention militaire – illégale et illégitime –, peut paraître naïf ou présomptueux. Mais c'est précisément dans cette neutralité bienveillante, constructive et réaliste que la France a une valeur ajoutée à démontrer. Ce qui est naïf (ou d'un cynisme indéfendable), c'est de croire, après plus de 6 ans d'une suite d'erreurs de jugement aux conséquences humaines tragiques, que l'on puisse obtenir un résultat autre que formel en persistant à ignorer le réel et les acteurs majeurs. Notre aveuglement consenti et entêté prolonge inutilement le martyre du peuple syrien et celui des Irakiens qui n'ont que trop souffert de nos utopies politiques infantiles.

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 20 juin 2017)

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  • Comment la diplomatie française est devenue atlantiste...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Hadrien Desuin au Figaro Vox à l'occasion de la sortie de son essai La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie.(Cerf, 2017). Géopoliticien, ancien élève de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, Hadrien Desuin est un collaborateur régulier de la revue Conflits

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    Du gaullisme au néo-conservatisme, comment la diplomatie française est devenue atlantiste

    FIGAROVOX. - Qu'est-ce que «l'atlantisme»? Une suprématie ou une soumission? Peut-on aussi l'entendre comme une coopération d'égaux?

    Hadrien DESUIN. - L'atlantisme est un courant de pensée très ancien. Dès la Première Guerre Mondiale, des personnalités politiques comme Léon Bourgeois prônent la mise en place d'une diplomatie à l'américaine, ce que Pierre Hassner a appelé «wilsonisme botté». Léon Bourgeois fut le premier président de la SDN en 1919. Le Président Wilson, fils de pasteur presbytérien de Virginie, voulait en finir avec la vieille diplomatie européenne. Selon lui le droit et la morale devaient remplacer les notions d'équilibre des forces et de concert des Nations. Avec le traité de Versailles imposé à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie, il proposait à l'ancien monde une évangélisation démocratique sous garantie américaine. Avec les résultats que l'on sait.

    Dans la relation transatlantique, il faut, au-delà des grands discours, mesurer le rapport de forces entre alliés. L'Amérique n'est certes plus l'hyperpuissance des années 90. Elle n'en reste pas moins la première puissance au monde et son budget militaire est encore supérieur à la totalité de ses concurrents ou partenaires. Elle finance à 70% la défense européenne grâce à l'OTAN. Il n'y a donc pas d'égalité dans les rapports transatlantiques. Les puissances européennes sont largement morcelées et disproportionnées. L'Europe de la défense, dépendante de Bruxelles est congelée à l'état embryonnaire depuis dix ans. Sur le continent européen, seules les armées françaises et britanniques sont encore «autonomes», la Turquie étant un cas à part.

    L'OTAN cadre donc les rapports euro-atlantistes. Héritage de la guerre froide, cette alliance militaire dirigée par les États-Unis contre le bloc soviétique s'est maintenue voire renforcée par des opérations partout dans le monde depuis 1999. Or l'OTAN est restée sous commandement américain. Instrument de tutelle militaire sur ses alliés européens qui sont en première ligne, l'OTAN est aussi une tête de pont américaine sur le continent mondial qu'est l'Eurasie. Elle contient la puissance ré-émergente russe.

    Suprématie ou soumission sont des termes un peu polémiques. Ils ne reflètent pas complètement la réalité parce qu'il y a toujours une part de dialogue entre alliés. C'est une vassalité douce et tranquille. La suprématie américaine est acceptée bon gré mal gré, on n'y fait presque plus attention. Avec Donald Trump cette relation transatlantique déséquilibrée apparaît cruellement à nos yeux parce que le président américain ne se donne même pas la peine de consulter ses alliés. Les atlantistes Français sont dès lors dans une situation encore plus délicate qu'à l'époque de Bush junior. Le parti atlantiste a pris une première claque avec l'élection de Trump. Et une seconde avec le retrait américain de l'accord de Paris sur le climat. En général, les atlantistes sont plus à l'aise avec le parti démocrate. Lequel prend plus de gants pour exercer son leadership.

    Comment, traditionnellement, se caractérisait la position diplomatique de la France?

    Grande puissance européenne, la France avait toujours su jouer des rivalités des grandes puissances pour tenir son rang de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. C'était le sens des ouvertures de De Gaulle vers l'URSS ou vers la Chine mais aussi ce qu'on appelait le Tiers-Monde. Ce qui a changé au cours de la décennie 2007-2017, c'est l'absorption pleine et entière (hors nucléaire) dans les structures militaires de l'OTAN. Le bouclier antimissile américain en Europe de l'Est diminue parallèlement l'intérêt de notre force de frappe. Parfois, la France a tellement voulu jouer les bons élèves de Washington, qu'elle a dépassé le maître et contribué à placer des pays comme la Libye ou la Syrie dans des situations analogues à l'Irak post 2003.

    Le général de Gaulle avait décidé de quitter en 1966 les structures militaires intégrées de l'alliance après des années de discussions assez vives sur la direction politique de cette alliance. Autrement dit, la France quittait le noyau dur de l'OTAN ayant constaté que le directoire tripartite de 1949 composé des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France n'existait pas. Il profite de l'émancipation nucléaire et coloniale de la France pour faire un pas de côté par rapport à l'alliance atlantique. La France est de nouveau indépendante.

    Au sommet de l'OTAN de Strasbourg-Kehl de 2009, Nicolas Sarkozy accepte de réintégrer le comité militaire intégré en échange de quelques postes d'officiers généraux. Le pilier européen de l'OTAN qui était présenté comme la condition préalable à cet accord n'a jamais été sérieusement garanti. Il s'agissait d'assumer et d'officialiser une réintégration qui s'était progressivement reconstituée de facto depuis le bombardement de Belgrade.

    Existe-il un néo-conservatisme à la française? De quand date-t-il? Peut-on percevoir une continuité dans les affaires internationales entre Nicolas Sarkozy et François Hollande?

    En 2012, il n'y a pas eu d'alternance en politique étrangère. Le passage de relais entre Alain Juppé et Laurent Fabius a été très fluide. Un grand Moyen-Orient démocratique devait forcément surgir des Printemps arabes.

    Le néo-conservatisme à la française est un mouvement bien connu. Jean Birnbaum dans Les Maoccidents (éd. Stock) a très bien décrit l'origine de la chose. Ses membres les plus célèbres sont Bernard-Henri Lévy, Bernard Kouchner ou André Glucksman. Beaucoup sont d'anciens maoïstes qui ont fait leurs premières armes contre l'URSS dans les années 70 et 80. Ils en veulent à Moscou d'avoir trahi leurs idéaux de jeunesse. Ils ont définitivement rallié la bannière américaine dans les années 90 pensant qu'elle serait l'amorce d'une mondialisation démocratique et cosmopolite. Venus de la gauche et du monde associatif, ils ont soutenu George W. Bush en 2003 en Irak à rebours de l'opinion publique de l'époque. Il s'agissait selon eux d'une guerre humanitaire qui devait délivrer le peuple irakien de la dictature de Saddam Hussein. Dix ans plus tard, malgré un bilan désastreux, ils ont remporté la bataille des idées et surtout des places. Les atlantistes sont très présents dans les différentes directions de planification et de réflexions stratégiques au Quai d'Orsay ou au ministère des Armées. Le principal think tank «néo-cons» est d'ailleurs la fondation pour la recherche stratégique (FRS) qui est sous tutelle financière de l'État. Le journaliste Vincent Jauvert a dressé la liste de «la secte» néo-conservatrice dans son best-seller La face cachée du Quai d'Orsay (éd.Robert Laffont). Thérèse Delpech, qui fut son égérie jusqu'à son décès est probablement celle qui a fait le pont avec la maison mère américaine.

    Emmanuel Macron a reçu en grande pompe Vladimir Poutine cette semaine. Que vous inspire ce virage dans les affaires étrangères françaises? Espérez-vous un retour du gaullisme chez le nouveau président?

    Il est encore trop tôt pour parler de virage dans la politique extérieure française. Les nominations de Jean-Yves Le Drian au Quai d'Orsay et dans une certaine mesure de Sylvie Goulard aux Armées sont plutôt de bons signes. La première visite d'un chef d'État a été réservée à Vladimir Poutine dans le cadre somptueux de Versailles. Il s'agissait de tourner la page de cinq ans de relations très dégradées avec Moscou, ce qui a été plutôt réussi d'un point de vue symbolique. Reste désormais à passer aux actes: en finir avec les sanctions économiques et coopérer enfin avec la Russie contre Daech et Al Qaïda en Syrie.

    À l'ENA, Emmanuel Macron a gardé le souvenir du discours de Dominique de Villepin à l'ONU en 2003, dont on dit qu'il a beaucoup influé le candidat. Sans doute que l'atlantisme à outrance, celui qui a conduit la France dans les aventures libyennes et syriennes sera tempéré. Encore qu'il ait repris à son compte l'idée d'un bombardement automatique et d'une ligne rouge en cas d'usage d'armes chimiques. Nous verrons bien ce qu'il en sera lorsque les djihadistes d'Idlib repasseront à l'acte.

    Je ne crois pas à un retour au gaullisme car il faudrait une personnalité suffisamment forte et légitime pour ressortir des structures intégrées de l'OTAN et donner à l'Europe une direction inter-gouvernementale et non pas fédérale. Or les Français sont fatigués et résignés. Le pays est financièrement exsangue. Ils ont plus ou moins intériorisé l'auto-dissolution stratégique de notre pays.

    Le projet d'une Europe de la défense prend peu à peu forme: percevez-vous ces propositions comme bénéfiques pour les affaires étrangères de la France?

    Le mythe de l'Europe de la défense est tenace. Il y a bien quelques budgets pour faire des formations ici ou là, quelques accords techniques de partage des infrastructures et des matériels, mais aucune guerre n'a été menée par l'Union Européenne. D'un point de vue opératif c'est le néant et ça le restera. La France est la seule en Europe à sauter comme un cabri et à crier «l'Europe de la défense, l'Europe de la défense, l'Europe de la défense!» Les Allemands comme ses voisins de l'Est préféreront toujours la tutelle américaine à la tutelle européenne dans un continent qui désarme depuis 30 ans. Pour eux l'Europe de la défense existe déjà, elle s'appelle l'OTAN. De Gaulle l'a malheureusement constaté dès 1963.

    Dans un contexte très tendu d'opposition avec Donald Trump, ils développent l'idée d'une OTAN émancipée de l'Amérique plutôt que d'une Europe de la Défense. Ce qui est un non-sens. L'Allemagne reste quadrillée de bases américaines. Angela Merkel fait le dos rond pendant sa campagne électorale. Elle craint par-dessus tout un retrait américain. Elle n'hésitera pas à mettre la main au portefeuille pour s'en prémunir.

    Vous démontrez l'imposture de la notion oxymorique de «guerre humanitaire» de Bernard Kouchner. Est-ce à dire que la diplomatie doit se passer complètement de la morale?

    Absolument. Les expressions comme «soldats de la paix» prêtent à confusion. Un soldat fait la guerre. Son objectif est de détruire l'ennemi. Un diplomate doit négocier avec l'adversaire. Il ne sert à rien de pérorer entre amis sur la grandeur de ses idéaux. Ce n'est pas un prophète ou un humanitaire qui appelle les populations à s'aimer les uns les autres.

    Une intervention militaire doit être possible uniquement dans le cadre de résolutions du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Ce conseil oblige à une négociation entre les grandes puissances. C'est une garantie pour préserver les équilibres du monde et un garde-fou contre la politique des bonnes intentions. Lesquelles mènent le plus souvent à la catastrophe, non seulement militaire mais aussi humanitaire. Il suffit pour s'en rendre compte de regarder l'état de l'ex-Yougoslavie, de la Somalie, de l'Afghanistan et bien sûr de l'Irak.

    Vous dîtes que la France renonce à ses intérêts politiques pour des intérêts financiers notamment avec les pétromonarchies du Golfe qui nourrissent un islam radical. Mais n'est-ce pas la preuve d'un réalisme dépassionné?

    Le réalisme est dépassionné par définition. Mais c'est justement au nom de ce réalisme que la coopération financière avec les pétromonarchies du Golfe doit être réévaluée. À court terme, on peut espérer des rentrées d'argent, encore qu'il s'agisse surtout de promesses de contrats plus que de signatures fermes. À long terme, est-il responsable de renforcer à ce point des monarchies théocratiques qui propagent un islamisme rétrograde à travers le monde? Il y a une façade que les émirats présentent à l'occident et puis il y a les soutiens plus discrets, salafistes ou fréristes, qu'ils financent en Europe et ailleurs. Les émirs jouent aux despotes éclairés. En réalité, ils sont dans une surenchère hypocrite avec des mouvements islamistes qui les dépassent.

    Hadrien Desuin, propos recueilli par Eloi Thiboud (Figaro Vox, 2 juin 2017)

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  • Quand Natacha Polony s'intéresse au Siècle et au groupe de Bilderberg...

    Fondatrice du Comité Orwell, Natacha Polony livre sur son site son analyse sur les groupes d'influence idéologique discrets mais puissants que sont, chacun à leur niveau, le Siècle et le groupe Bilderberg... Un éclairage utile, de la part d'une journaliste connue du grand public, sur ces réseaux de l'hyperclasse, dont la critique restait confinée, jusqu'à il y a peu, aux marges du système politico-médiatique...

     

                                      
                                    Natacha Polony sur le groupe Bilderberg et le... par News360x

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  • L'Amérique perdue...

    Les éditions Xénia viennent de publier un essai de Paul Craig Roberts intitulé L'Amérique perdue. Journaliste et économiste, Paul Craig Roberts a exercé des responsabilités au Congrès des États-Unis ainsi qu'au sein de l'administration Reagan. Il est devenu par la suite un adversaire résolu des néo-conservateurs.

     

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    Les Etats-Unis où je suis né n'existent plus.» Ainsi commence ce réquisitoire époustouflant ! Depuis l'ère Bush et l'effondrement de l'URSS, les Etats-Unis se sont proclamés gendarme du monde et se sont lancés dans une course effrénée à la domination globale. Nombre de peuples, dont les Européens, en ont payé le prix. Mais quelles en furent les conséquences pour l'Amérique elle-même ? Et comment a-t-on pu en arriver au désastre des années Obama ? Un démontage du système "de l'intérieur" par un authentique conservateur américain, lucide et cultivé. Où l'on découvre que les Américains auront été les premières victimes de leur propre Empire. L'Amérique perdue rassemble les essais les plus importants de Paul Craig Roberts sur les événements américains et internationaux. Cet ouvrage de référence propose un éclairage marquant et original sur les enjeux globaux de ces dernières années présentés du point de vue de l'"autre Amérique", celle que les médias s'emploient à ignorer."

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  • La France, terre de mission américaine...

    Les éditions Vendémiaire viennent de publier un essai de Jean-Marie Autran intitulé La France, terre de mission américaine. Spécialiste de l’histoire religieuse contemporaine, Jean-Marie Autran est chercheur au sein de l'Université de Bordeaux.

     

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    " La Guerre froide a-t-elle été aussi une guerre sainte ?

    Dans une Europe dévastée, le plan Marshall lancé par le président Harry Truman avait pour but la reconstruction et le redressement d’un partenaire précieux pour l’économie américaine. Ce qu’on sait moins, et que des archives déclassées nous permettent pour la première fois de mesurer, c’est que cet énorme effort financier s’est doublé d’une « diplomatie de la foi » elle aussi mise en œuvre depuis Washington : une entreprise de grande envergure, à destination principalement de la France, considérée outre-atlantique comme une terre païenne à reconquérir.

    C’est cette guerre psychologique, voulue par le président des États-Unis, appuyée par les services secrets et portée par des missionnaires évangéliques, mormons, adventistes ou témoins de Jéhovah qui est ici retracée. L’histoire d’une lutte acharnée pour exporter l’American way of life. Et celle d’une résistance : au total, la croisade contre le marxisme ne connut pas, en France du moins, le succès escompté. "

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