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  • Raphaël Glucksmann, l’atlanto-mondialiste qui se rêve à l’Élysée...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Camille Galic, cueilli sur le site de Polémia et consacré au parcours de Raphaël Glucksmann, l'homme qui veut succéder à Macron en 2027...

     

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    Raphaël Glucksmann, l’atlanto-mondialiste qui se rêve à l’Élysée

    Le 7 octobre, en pleine crise gouvernementale, Raphaël Glucksmann, conducator de Place Publique, était reçu à Matignon par Sébastien Lecornu avec toute la pompe requise, à l’instar des autres chefs des « grands » partis (à l’exception de La France insoumise et du Rassemblement national, non invités car favorables à une nouvelle dissolution) et l’on évoquait sa présence à un poste prestigieux dans le gouvernement en formation. Au même moment, une avalanche de sondages sur le premier tour de la prochaine présidentielle lui prédisait 14 à 16 % des suffrages. Ce qui ferait de lui, certes très loin de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella, crédités par tous les instituts de 33 à 35 % des voix, un sérieux candidat pour le second tour puisque, au premier, son score dépasserait celui de Bruno Retailleau et de Gabriel Attal et le placerait au niveau de Jean-Luc Mélenchon ou de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe. Il lui suffirait donc de rameuter suffisamment de bobos, de gogos et même d’aristos et de cocos pour se poser en barrage contre le « fascisme », et l’emporter avec l’aide des médias qui lui sont tout acquis.

    Une Place Publique bien dépeuplée

    Mais qu’est donc Place Publique, dite PP et revendiquant dix mille adhérents ? Une resucée de « Nuit debout », mais propre sur elle et débarrassée de ses oripeaux et de ses arguments trop antifas. Selon son fondateur et ses groupies (Aziliz Gouez, Caroline Kamal, Jérôme Karsenti, Thierry Kuhn, Jo Spiegel, André Aahiud, etc.), le parti articulé « autour de quatre urgences : écologique, démocratique, sociale et européenne », a vocation à se structurer sur tout le territoire français et au-delà, à travers l’Europe, à multiplier les réunions publiques, à contrer les lobbies et à bouleverser le champ politique.

    Pour se consacrer à ce vaste programme, Raphaël Glucksmann avait, du reste, théâtralement renoncé, le 29 novembre 2018, à participer sur France Inter au Grand Face à face dont il était un habitué — et où il fut remplacé par Gilles Finchelstein.
    Néanmoins, pour ce qui est de bouleverser le champ politique, le but fut raté : associée au Parti socialiste, PP n’obtint que deux sièges lors des élections européennes de 2019, dont un, bien sûr, pour son leader. Auxquelles les élections européennes de 2024 ne furent guère plus favorables puisque, toujours associée au PS, seuls trois sièges lui furent attribués, malgré un indécent soutien médiatique. Dû essentiellement au copinage, mais aussi à son adhésion forcenée aux thèses ukrainiennes, à son refus de condamner les atrocités commises par Tsahal dans la bande de Gaza ou la colonisation à marche forcée de la Cisjordanie, et à ses positions ultralibérales sur la tsunamigration.

    Raphaël Glucksmann avait en effet défendu la création de voies d’immigration légales en Europe, proposant le développement de quotas basés sur les besoins économiques des États et la nécessité de « répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs », quitte à faire baisser les salaires. Et tant pis pour les travailleurs européens, dont se fiche d’ailleurs l’État profond américain — initiateur du wokisme — dont Glucksmann est le commis-voyageur.
    Ce que pressent une partie de l’électorat, puisque Place Publique, bien que ralliée au Nouveau Front populaire, ne réussit à faire élire, aux législatives anticipées de juillet 2024, qu’un député, Aurélien Rousseau, éphémère ministre de la Santé dans le gouvernement Borne, après avoir dirigé l’Agence régionale de santé d’Île-de-France — alors même que son épouse Marguerite Cazeneuve bossait pour un laboratoire pharmaceutique, ce qui posait un problème d’éthique.

    Trois eurodéputés, deux sénateurs, un seul député national et 8 % seulement des voix le 28 septembre pour le candidat de Place Publique, éliminé lors de la législative partielle dans la 5e circonscription de l’étranger. Autant dire qu’en soi, ce parti ne pèse rien. Mais il peut compter sur la médiaklatura française comme anglo-saxonne pour faire mousser cet « aventurier des temps modernes » — cf. Courrier international.

    Petit-fils d’un agent de Staline

    Comme nul ne l’ignore, l’avantageux Raphaël est le fils du défunt maoïste puis néo-philosophe André Glucksmann, l’un des idéologues de Mai 68 avec ses acolytes Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner, avant de verser dans le néo-conservatisme à l’instar des trotskistes américains Richard Perle, Caspar Weinberger ou Paul Wolfowitz, les boutefeux des guerres contre l’Irak sous les deux présidences Bush.
    Et ses aïeux sont tout aussi intéressants. Sa grand-mère maternelle, la future philosophe Josette Colombel, issue d’une famille d’extrême gauche mais mariée à un militant de l’Action française qu’elle trompa allègrement, adhéra au Parti communiste en 1943 avant de créer, avec Jeannette Vermeersch, l’épouse de Maurice Thorez, l’Union des femmes françaises, puis quitta le PCF en 1968 pour se rapprocher de Jean-Paul Sartre et lancer le Secours rouge, rival vite oublié du Secours populaire.

    Quant à son grand-père paternel, Rubin Glucksmann, né austro-hongrois dans l’actuelle Ukraine et agent de renseignement du GRU (renseignement militaire soviétique), il gagna la France en 1935, mais continua ses activités pour le Komintern au sein de la Wostwag, qui livrait du matériel aux républicains espagnols. C’est d’ailleurs en l’honneur du Petit Père des peuples que ce stalinien d’élite donna Joseph comme premier prénom à son fils André.

    On comprend qu’issu d’une telle lignée, Raphaël proclame dans son pamphlet Génération Gueule de bois. Manuel de lutte contre les réacs (Allary Éditions, 2015) : « Nous sommes tous des flics juifs arabo-martiniquais, dessinateurs libertaires, prophètes clients de supérette kasher, Clarissa, Stéphane, Ahmed, Yoav ou Franck. » Et qu’il rêve du jour où « les communautés nationales, ethniques ou religieuses [vont] se dissoudre dans une acculturation planétaire émancipatrice, les individus se débarrasser des contraintes et des carcans, des églises et des partis, du temps et de l’espace, pour former une société globale libre et pacifiée » (1).

    C’est donc à bon droit que Le Monde pouvait écrire le 21 mars 2014, non sans cruauté : « La révolution, c’est son rayon […] À 34 ans, Raphaël Glucksmann a fait des soulèvements nationaux son fonds de commerce. Après la Géorgie, c’est en Ukraine qu’il conseille les leaders pro-Europe […] S’il devait définir sa fonction aujourd’hui, il dirait “consultant en révolution”. “Mais ça n’existe pas” […] Se mobiliser pour une cause française, ce serait déchoir ? “Ça ne m’a jamais fait vibrer de manifester pour les retraites”, répond-il. »
    Une phrase que l’intéressé regrette amèrement aujourd’hui…

    Mai 68, naissance de la société black-blanc-beur

    Né en 1979, le « fils Glucks » entre dans la carrière politique en 2004 en coréalisant avec quelques potes, dont David Hazan et Michel Hazanavicius (futur récipiendaire d’un Oscar pour le film The Artist), Tuez-les tous !, un documentaire frénétiquement antifrançais sur le Rwanda, où, à son initiative, l’Union des étudiants juifs de France organise dans la foulée des voyages d’études. L’année suivante, il lance de nouveaux voyages d’études, cette fois pour « sauver la culture tchétchène » menacée par le bulldozer russe. Voyages financés, selon l’AFP du 21 juillet 2005, par « des donations privées (Fondation Soros notamment) et subventions publiques (mairie de Paris, région Île-de-France) », car l’objectif est de « former une élite à la démocratie », comme l’ont fait les ONG américaines. Parallèlement, il contribue à la revue Le Meilleur des mondes, émanation du très atlantiste Cercle de l’Oratoire.

    Puis, avec son père, il signe Mai 68 expliqué à Nicolas Sarkozy (Denoël, 2008), où il proclame que, « sans son slogan le plus fou, “Nous sommes tous des juifs allemands !”, jamais [Nicolas Sarkozy] n’aurait pu être président de la République ». Dans Le Point, il confirme à ceux qui en douteraient que « 68 est une assomption du déracinement qui a donné la société “black-blanc-beur”, multiculturelle et ouverte dans laquelle nous vivons. Qu’est-ce qui symbolise mieux l’abolition des frontières que le juif errant ? »

    En Géorgie, Birkin arme absolue contre Poutine

    C’est justement pendant l’été 2008, quand le très américanolâtre président géorgien Mikheil Saakachvili lance une attaque contre l’Ossétie du Sud voisine, restée fidèle à Moscou, que la révolution devient réellement « son fonds de commerce ». Bernard-Henri Lévy le presse de partir, lui aussi, à Tbilissi, ce qui, dit-il, va « déclencher un virage radical dans [s]on existence ». Très bien accueilli par le gouvernement Saakachvili, formé de son propre aveu de « jeunes gens dont la double nationalité américaine, anglaise, fait ressembler Tbilissi à une Babel occidentale plantée au cœur du Caucase », il multiplie les initiatives pour narguer les Russes et ancrer les Géorgiens dans l’Occident. Par exemple, « un concert géant près de la frontière abkhaze avec Youssou N’Dour, MC Solaar et Jane Birkin, amie de la famille » — cf. Le Monde du 5 octobre 2011.
    Birkin contre Poutine, il fallait y penser !

    Mais il n’y a pas que la chansonnette et le rap dans la vie. Entre-temps, Raphaël Glucksmann, qui fréquente assidûment la jet-set tbilissienne, a épousé en 2009 une étoile de la nomenklatura locale, Ekaterina, dite Eka, Zgouladzé. Depuis 2004, Eka, qui a fait ses études outre-Atlantique, est au service de l’antenne géorgienne de la Millennium Challenge Corporation (MCC), un fonds de développement américain fondé par George W. Bush en 2002, conçu par le National Security Council et soutenu par sa directrice d’alors, Condoleezza Rice (plus tard patronne de la diplomatie états-unienne de 2005 à 2009, sous le second mandat du même Bush). Mais voici bientôt Mme Glucksmann bombardée vice-ministre de l’Intérieur de Géorgie, qu’elle travaille assidûment à faire intégrer à l’OTAN.

    Ukraine : grandeur et décadence d’une princesse

    Las, les élections législatives de 2012 puis la présidentielle de 2013 sont fatales au clan (ou au gang, tant la Géorgie est mise au pillage) de Saakachvili. Au grand dam de son conseiller spécial qui, dans Libération (du 20 avril 2015), reconnaîtra avec une certaine naïveté : « On n’a rien vu venir. On s’adressait aux citoyens comme à des actionnaires d’une entreprise nationale alors que nos adversaires parlaient à leur âme. »
    Toutefois, une nouvelle aire de jeux s’offre bientôt au couple : l’Ukraine, où se multiplient les manifs de l’Euromaïdan pour l’adhésion à l’Union européenne et contre le président en place Viktor Ianoukovitch, trop proche du Kremlin. Fin 2013, Raphaël se rue à Kiev où il devient l’intime et le conseiller politique richement rémunéré du maire Vitali Klitschko, un ancien boxeur, puis de la blonde Ioulia Timochenko, ancien Premier ministre. Son obsession : convaincre les oligarques ukrainiens que, « s’ils veulent prouver qu’ils sont devenus pro-européens, ils doivent aider les autres (Biélorusses, Russes, Géorgiens) à faire leur révolution », déclare-t-il dans Le Monde du 21 mars 2014.
    De son côté, son épouse renonce sans états d’âme à la nationalité géorgienne pour être à nouveau nommée vice-ministre de l’Intérieur… mais cette fois en Ukraine, dans le second gouvernement Iatseniouk !

    Ekaterina Zgouladzé, qui se décrivait elle-même dans Le Figaro du 20 juin 2011 comme une patriote géorgienne et, surtout, « une princesse au comportement impeccable », n’en est pas à une contradiction près. Elle qui avait juré, en prenant ses fonctions à Kiev, de se vouer corps et âme à la lutte contre la corruption est arrêtée en décembre 2015 à l’aéroport international de Kiev-Boryspil, avec des valises pleines de billets — entre dix et quatorze millions de dollars qui, selon Vasyl Gritsak, le chef des services secrets ukrainiens (SBU), auraient été détournés des sommes allouées à la réforme… de la police, dont elle était justement chargée !

    Léa Salamé : quel bonheur d’avoir un père (et une sœur) !

    Le scandale épargne Raphaël Glucksmann, divorcé en 2014, rentré seul à Paris et toujours très présent dans les médias, cette fois pour son idylle avec Hala, dite Léa Salamé, étoile montante de l’audiovisuel d’État croisée dans l’émission On n’est pas couché — ça ne s’invente pas.

    Mais ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Comme Raphaël est « fils de », Léa est « fille de », et tous deux appartiennent à la fine fleur du cosmopolitisme à la sauce ketchup.
    Par sa mère arménienne, la Beyrouthine Léa, évidemment inscrite gamine à l’École alsacienne, où elle côtoie tous les rejetons des membres du « Siècle », la côterie « au cœur du pouvoir » décrite par Emmanuel Ratier, est issue de la dynastie Boghossian, opulents diamantaires et joailliers ayant pignon sur avenue chic de Rio à Bruxelles, où la famille a racheté le château du baron Empain. Par son père Ghassan, de confession grecque-catholique, diplômé de multiples universités dont la Sorbonne et l’université américaine de Beyrouth, ministre libanais de la Culture de 2000 à 2003 dans le gouvernement du richissime Rafiq Hariri (logeur et bienfaiteur à Paris du couple Chirac après le double mandat de celui-ci), puis derechef à partir de janvier 2025 dans le gouvernement de Nawaf Salam, elle est introduite dans tous les cénacles internationaux.

    Professeur d’université, politologue et surtout lobbyiste d’élite, Ghassan Salamé, ancien Rockefeller Fellow en relations internationales, ancien guest scholar de la Brookings Institution de Washington (émanation du Council on Foreign Relations et lieu de rencontre des démocrates mondialistes), ancien conseiller spécial du Ghanéen Kofi Annan, alors président de l’ONU, puis envoyé spécial de l’ONU en Irak, ce diable d’homme trouve le temps d’enseigner au CNRS, à Paris-I et à Sciences Po Paris, où, rappelait Emmanuel Ratier, « il deviendra, en novembre 2008, le premier “joint professor” entre Sciences Po et la Columbia University dans le cadre du programme “Alliance”. Depuis septembre 2010, il dirige la Paris School of International Affairs de Sciences Po (financée par la Fondation MacArthur à hauteur de 80 000 dollars), où les cours sont dispensés en anglais et où la quasi-totalité des étudiants sont étrangers, car le programme ambitionne de former les élites mondialisées des pays émergents. »

    On ne s’étonnera donc pas de liens si étroits entre Salamé père et le multimilliardaire George Soros, que ce dernier l’imposa à la direction de l’Open Society, sa fondation prétendument humanitaire, très active désormais dans l’accueil aux migrants, et comme président du conseil d’administration de l’International Crisis Group, basé à Bruxelles. Lobby mondialiste où siégeaient notamment Javier Solana, ancien secrétaire général de l’OTAN, et le général Wesley Clark, né Kanne, commandant suprême des forces alliées de l’OTAN en Europe lors de l’agression contre la Yougoslavie au printemps 1999 — c’est à cet officier qu’on doit la fameuse phrase prononcée en 2004 : « Il ne doit plus y avoir de place en Europe pour les peuples non métissés. Les peuples non mélangés appartiennent aux idées du XIXe siècle. » Une prédiction hélas en bonne voie de réalisation.

    Et comme si cela ne suffisait pas, Louma, la sœur de Léa, a épousé en juillet 2011 le comte Raphaël de Montferrand, fils de l’ambassadeur de France Bernard de Faubournet de Montferrand, ce dernier ancien conseiller diplomatique du Premier ministre Édouard Balladur, puis directeur de cabinet du ministre de la Coopération Michel Aurillac, et bien évidemment membre, lui aussi, du Siècle.
    Après la « princesse » Eka Zgouladzé, la sœur d’une comtesse. On voit que Glucksmann choisit bien ses compagnes.

    “En marche”… vers la présidence ?

    Et quand ses amours avec la seconde font accéder le petit-fils d’un agent communiste à la haute aristocratie, puisque le beau-père de Louma préside depuis 2013 l’influente Société des Cincinnati de France, regroupant les nobles descendants du marquis de Lafayette et de ses amis venus, à partir de 1777, épauler les insurgents américains contre le colonisateur anglais, société qui refusa toujours d’intégrer le parvenu Valéry Giscard d‘Estaing, c’est encore plus profitable.
    Comme le sont, de l’autre côté du prisme, les gros titres des magazines people, très lus par « la ménagère de plus de 50 ans », consacrés à l’attelage Raphaël-Léa, si glamour. Surtout depuis que, heureux hasard, Salamé s’est vu offrir, en septembre dernier, par Delphine Ernotte, patronne de la télévision d’État, ce graal audiovisuel qu’est la présentation du journal vespéral de France 2. Où elle a d’ailleurs commencé en fanfare en confondant, à l’occasion du procès Sarkozy, Claude Guéant et Henri Guaino. Sans doute cette ancienne étudiante à l’université de New York connaît-elle mieux l’Establishment de la côte Est.

    La visibilité de sa compagne et son aura personnelle suffiront-elles à permettre au commis-voyageur de la nouvelle révolution permanente made in US de conquérir l’Élysée lors de la prochaine présidentielle ? C’est à l’évidence son objectif, mais ses électeurs potentiels feraient bien de méditer le jugement définitif porté sur lui par François Asselineau le 1er mai 2024 : « Glucksmann est le candidat quasi officiel de l’oligarchie euro-atlantiste. Il est mentionné tous les jours de façon très positive, alors que tout le monde sait que c’est un agent américain. […] Il a été le collaborateur de l’ancien président géorgien Mikheil Saakachvili, lui-même agent de la CIA, et qui est aujourd’hui en prison. Si cela ne vous suffit pas, il suffit d’écouter ce qu’il défend. Glucksmann soutient tous les intérêts géopolitiques américains. »

    Voici prévenu le peuple souverain. Si, par malheur, le « fils Glucks » succédait à Macron, la France, déjà protectorat américain grâce au « Mozart de la finance » qui brada tant de nos « pépites » industrielles à des trusts états-uniens, serait réduite à l’état de simple colonie.

    Camille Galic (Polémia, 15 octobre 2025)

     

    Note :

    (1) Comme beaucoup d’autres dans cet article, cette citation est tirée des remarquables portraits que le très regretté Emmanuel Ratier, disparu le 19 août 2015 à l’âge de 57 ans, consacra dans sa lettre confidentielle Faits et Documents à Raphaël Glucksmann (nos 408, 409, 414 et 420) et à sa compagne Léa Salamé (nos 389, 409, 413 et 416 de F&D). Dix ans après la disparition de notre confrère et ami, Faits et Documents reste, comme ses livres, dont les deux tomes de Au cœur du pouvoir, annuaire très commenté des membres du Siècle paru aux éditions Facta, une inestimable mine de renseignements pillée par tous les journalistes, quelle que soit leur couleur politique.

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  • Les néoconservateurs, une élite impériale...

    Les éditions Géopolitique profonde viennent de publier un court essai de Laurent Ozon intitulé Les néoconservateurs, une élite impériale.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est déjà l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

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    " Vous avez forcément déjà entendu le vocable « néocon » dans une conférence, un entretien, un article ou un livre au cours de ces dernières années. Il est de ces mots qui se répandent d'autant plus facilement que nul n'en possède une définition exacte. Celui-ci sert souvent à désigner des acteurs aux contours mal déterminés, exerçant des pouvoirs mal définis pour des objectifs largement incompréhensibles, même si les commentateurs politiques s'accordent sur le fait qu'il s'agit là d'un réseau de pouvoir incitant les États-Unis à une politique de leadership mondial assumée et brutale.

    Depuis le début du second mandat de Donald J. Trump et ses tentatives maladroites pour mettre fin au conflit en Ukraine, on constate que le réseau néocon n'est pas seulement actif à partir des États-Unis et qu'il exerce une influence lourde sur la politique de l'Union européenne et de la France. Et plus troublant encore, on observe qu'il semble capable, à partir de là, de contester la politique du gouvernement légalement élu par les citoyens des États-Unis, lorsqu'il juge cela nécessaire.

    Il est temps d'éclaircir ce qui pousse les peuples européens à consentir à une politique ayant détruit de nombreux États du Proche et du Moyen-Orient, fait des millions de morts et jeté près de 40 millions de réfugiés sur les routes et dans nos pays. Il est temps de comprendre la nature de ces forces qui nous poussent à une guerre contre la Russie, ou à subir sans réaction, une politique de prédation et d'humiliation au profit des États-Unis d'Amérique depuis des décennies.

    Par cet essai, Laurent Ozon espère contribuer à l'ouverture d'un débat public sur les « néoconservateurs », à la lumière de leur histoire, de leurs intellectuels clés et des effets de leurs actions. Un débat sans lequel nous risquons fort de continuer à subir des politiques, des réseaux et des intérêts étrangers qui nous détruisent."

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  • 250 ans de guerres secrètes de l'Amérique...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Raphaël Ramos intitulé La puissance et l'ombre - 250 ans de guerres secrètes. Docteur en histoire et chercheur associé à l'Université Paul-Valéry Montpellier 3, Raphaël Ramos est spécialiste de l'histoire du renseignement et de la politique de sécurité nationale des États-Unis. Il est membre de la rédaction d'Intelligence Online.

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    " FBI, CIA, NSA, mais aussi DIA, DNI, NRO, NGA... Comment ces agences de renseignement sont-elles nées ? Comment leur pouvoir s'est il imposé ? Comment ont-elles mis sous surveillance le monde entier ? Voici, de la déclaration d'Indépendance à la guerre au Proche-Orient, 250 ans d'histoire du renseignement américain. De la guerre de Sécession à l'attaque sur Pearl Harbor, du fiasco de la baie des Cochons à l'élimination réussie de Ben Laden, de la méfiance des Pères fondateurs vis-à-vis du gouvernement jusqu'aux théories conspirationnistes entourant le Deep State, le renseignement a toujours été, pour les Américains, ce « mal nécessaire » devenu une clé et un symbole de leur puissance. Au pays de la liberté, comment légitimer la surveillance intérieure ? Comment justifier la manipulation extérieure ? Raphaël Ramos explore cette part d'ombre de l'Amérique, analyse la montée en puissance du renseignement américain, cartographie ses acteurs, raconte ses actions clandestines, démêle le vrai du faux et dément les idées reçues. Il démontre, aussi, le rôle central du pouvoir politique qui commande aux agences et les emploie, aux États-Unis comme aux confins du monde, pour servir sa quête d'hégémonie et ses rêves d'empire. Une grande fresque historique. Une autre histoire de l'Amérique. Docteur en histoire et chercheur associé à l'Université Paul-Valéry Montpellier 3, Raphaël Ramos est spécialiste de l'histoire du renseignement et de la politique de sécurité nationale des États-Unis. Membre de la rédaction d'Intelligence Online, il a notamment publié Une chimère américaine. Genèse de la communauté du renseignement des États-Unis, de la CIA à la NSA. "

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  • L’Europe sans bouclier : comment les États-Unis exploitent sa faiblesse géopolitique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Diego Marenaci, cueilli sur Euro-Synergies et consacré à la faiblesse géopolitique de l'Europe. Journaliste indépendant, Diego Marenaci est diplômé en Sciences Politiques et Relations Internationales.

     

    Bouclier brisé - Matériaux - Throne: Kingdom at War - Guide, la  description, l'aide pour le jeu / Version française

     

    L’Europe sans bouclier : comment les États-Unis exploitent sa faiblesse géopolitique

    Les négociations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis sous l’administration Trump représentent un cas emblématique du déficit de projection stratégique de l’UE sur le plan géopolitique. Face à la menace de droits de douane américains, Bruxelles a opté pour une approche défensive, marquée par la volonté de contenir l’affrontement plutôt que de l’orienter. Cette attitude a mis en évidence trois limites structurelles: le manque d’unité politique entre les États membres, l’incapacité à exercer une pression symétrique sur Washington, et une dépendance générale au marché américain dans des secteurs clés.

    Plutôt que de répondre avec un plan d'action autonome, l’UE a fini par accepter des conditions imposées, sacrifiant une partie de sa crédibilité internationale en tant qu’acteur systémique. Cet épisode remet en question la cohérence entre son poids économique et son influence géopolitique effective, relançant le débat sur la capacité réelle de l’Union à s’affirmer comme puissance régulatrice et non seulement normative.

    Fragmentation européenne: une limite systémique

    La réaction des États membres à l’imposition des droits de douane américains a révélé le manque de cohésion interne. L’Allemagne, principal exportateur d'automobiles vers les États-Unis, a adopté une ligne souple pour protéger sa base manufacturière. La France, au contraire, a prôné une approche plus assertive, mettant en garde contre le risque d’un précédent déstabilisant pour l’ensemble du système commercial multilatéral. L’Italie a alterné déclarations ambiguës et positions tactiques. Ces divergences ont miné la crédibilité de négociation de la Commission européenne, entravant l’élaboration d’une ligne commune.

    Comme l’a souligné le Financial Times, ce désalignement a contraint Bruxelles à agir avec prudence, sacrifiant la force et la clarté de la négociation au nom d’une unité politique fragile. L’accord qui en a résulté est apparu davantage comme une synthèse des compromis internes à l’Union que comme une stratégie tournée vers l’extérieur.

    Ces fractures politiques et stratégiques ont été habilement exploitées par Washington, qui a su jouer sur les intérêts divergents pour obtenir des concessions significatives. L’absence de leadership partagé, conjuguée à l’absence d’un mécanisme décisionnel rapide et efficace en matière de politique étrangère et commerciale, a empêché l’Union de transformer sa puissance économique en influence géopolitique concrète.

    L’asymétrie structurelle des relations transatlantiques

    La négociation a également mis en lumière l’asymétrie structurelle qui caractérise les relations transatlantiques. Les États-Unis continuent à exercer une supériorité stratégique multidimensionnelle, fondée sur la primauté militaire, la domination de leurs chaînes de valeur mondiales et une grande capacité de pression diplomatique. L’UE, au contraire, demeure un acteur fonctionnellement dépendant : sur le plan énergétique, industriel et sécuritaire. La négociation ne s’est pas réduite à une simple question commerciale: l’Europe s’est vue imposer une série d’engagements géostratégiques, parmi lesquels l’achat de gaz, de pétrole et de puces pour l’IA pour une valeur d’environ 750 milliards de dollars, en plus de 600 milliards de dollars d’investissements européens aux États-Unis, et l’achat potentiel d’équipements militaires américains.

    L’UE apparaît ainsi dépourvue de « bouclier stratégique » autonome: comme l’a observé le commissaire européen au commerce Maroš Šefčovič, l’accord a relancé l’idée selon laquelle « il ne s’agit pas seulement de commerce, mais aussi de sécurité, de l’Ukraine, de l’actuelle volatilité géopolitique ». Cette réflexion suggère que l’Union aurait pu négocier différemment si elle n’avait pas ressenti le besoin du soutien américain pour la défense de Kiev.

    Ces clauses extra-commerciales renforcent une position subordonnée de l’UE, désamorçant les leviers traditionnellement disponibles et confirmant son éloignement d’une véritable autonomie stratégique. L’Europe reste donc plus réactive que proactive, incapable de se tailler un rôle central dans les transformations de l’ordre mondial.

    Un accord instable et désavantageux

    L’accord commercial signé il y a quelques semaines repose sur une réduction partielle des droits de douane américains sur certains produits européens, en contrepartie de concessions structurelles de l’UE dans les domaines énergétique, industriel et réglementaire. Il s’agit d’un compromis déséquilibré et voué à l’échec, construit sur un équilibre précaire et dépourvu de garanties contraignantes.

    Les droits de douane américains restent en vigueur sur des secteurs stratégiques comme l’acier et l’automobile, tandis que l’UE s’est engagée à accroître l’importation de GNL en provenance des États-Unis et à adapter certaines normes environnementales afin de faciliter les exportations américaines vers le Vieux Continent. Tout cela se fait sans mécanisme efficace de vérification ou de révision éventuelle de l’accord. L’accord ressemble plus à une trêve temporaire qu’à un partenariat stable: un choix tactique qui permet de gagner du temps politique, mais qui ne résout pas les problèmes structurels de la relation. Le risque est que l’accord soit renégocié unilatéralement par Washington dès que les équilibres internes et externes le permettront.

    L’autonomie stratégique européenne : une promesse non tenue

    Ces dernières années, Bruxelles a fait de l’autonomie stratégique l’un des piliers rhétoriques de sa politique étrangère, commerciale et de défense. Pourtant, la crise des droits de douane a mis en évidence l’écart profond entre la dimension symbolique de cette ambition et la réalité des rapports de force. En l’absence de politique industrielle commune, de capacité militaire autonome et d’instruments économiques de dissuasion, l’Union a adopté une posture attentiste et conciliante.

    L’accord commercial a confirmé la centralité géopolitique des États-Unis dans le système européen, rendant manifeste la difficulté de l’UE à concevoir et mettre en œuvre une stratégie de long terme qui ne dépende pas d’un soutien extérieur. La promesse d’autonomie reste donc un horizon théorique, plus qu’une réalité opérationnelle.

    À la lumière de ces dynamiques, l’épisode représente plus qu’un simple revers diplomatique : il est le symptôme d’une crise d’efficacité stratégique. Si l’Union européenne entend se positionner comme un acteur géopolitique autonome, elle devra se doter non seulement d’une vision partagée, mais aussi des outils matériels, institutionnels et politiques nécessaires pour la traduire en réalité. Sinon, elle continuera à osciller entre des ambitions affichées et une subordination systémique.

    Diego Marenaci (Euro-Synergies, 9 septembre 2025)

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  • États-Unis et Chine: une concurrence, deux mondes...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Andrés Berazategui cueilli sur le site d'Euro-Synergies et consacré à la différence en matière d'approche stratégique qui existe entre la Chine et les États-Unis...

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    États-Unis et Chine: une concurrence, deux mondes

    La concurrence entre les États-Unis et la Chine met en évidence différentes manières de planifier des stratégies et d'agir. La pensée stratégique, étant quelque chose de complexe, révèle également que les contextes culturels qui sous-tendent les décisions des acteurs internationaux peuvent être très différents. En effet, la stratégie est planifiée en vue d'atteindre des objectifs à l'aide d'un ensemble de moyens utilisés de manière rationnelle. Or, la rationalité des acteurs, c'est-à-dire leur capacité à calculer et à évaluer de manière réfléchie l'utilisation des moyens permettant d'atteindre ces objectifs, n'est pas nécessairement la même chez tous, car les rationalités peuvent être conditionnées par des contextes culturels différents. Par exemple, l'immolation personnelle pour commettre un attentat peut être un moyen parfaitement rationnel pour un certain acteur, alors que pour un autre, c'est tout le contraire. Sans aller jusqu'à cet extrême, nous pensons qu'il est possible d'observer une différence de mentalité dans les stratégies des États-Unis et de la Chine, les deux plus grandes puissances actuelles.

    Ce n'est plus un secret pour personne que les États-Unis et la Chine sont en concurrence dans de nombreux domaines de la politique internationale. Citons quelques-uns des thèmes les plus importants : la rivalité dans le commerce international ; les différents discours utilisés par les États-Unis et la Chine pour justifier leurs actions ; la présence militaire du géant asiatique au-delà de ses frontières et en particulier dans la mer de Chine méridionale ; les tensions permanentes autour de Taïwan ; l'alliance de plus en plus étroite entre la Chine et la Russie ; l'activité croissante dans l'espace extra-atmosphérique ; les accusations relatives à la cybersécurité ; les campagnes de « désinformation » ; la concurrence pour les ressources — notamment les minéraux et les métaux critiques — ; les développements en matière de biotechnologie, de semi-conducteurs, d'intelligence artificielle...

    Cependant, les deux pays présentent des différences notables dans la manière dont ils planifient leurs stratégies et défendent leurs intérêts. Même s'il n'a pas été le premier à le remarquer, il convient de rappeler ce qu'a dit Henry Kissinger à propos des différences entre la Chine et l'Occident. Il a illustré son propos en donnant l'exemple des « jeux respectifs auxquels chaque civilisation s'est adonnée » : le wei ki (plus connu sous le nom de go en Occident) en Chine et les échecs dans le monde occidental. Kissinger explique que dans le wei ki, l'idée d'encerclement stratégique est fondamentale. En effet, le nom du jeu peut se traduire par quelque chose comme « jeu de pièces environnantes ».

    Kissinger poursuit : « Les joueurs placent à tour de rôle les pierres à n'importe quel endroit de la grille, créant ainsi des positions de force et s'efforçant en même temps d'encercler et de capturer les pierres de l'adversaire ». Il souligne également comment, au fur et à mesure des mouvements des pièces, les équilibres se modifient progressivement jusqu'à ce que, vers la fin de la partie, « le plateau se remplisse de zones de forces qui s'entrelacent partiellement ». Le wei ki cherche à encercler les pièces de l'adversaire en occupant le plus grand nombre possible d'espaces vides. Le but du jeu n'est pas de « manger des pièces », mais d'obtenir la domination stratégique du plateau en acculant l'adversaire tout au long de la partie, jusqu'à ce qu'il n'ait plus aucune possibilité de faire des mouvements productifs ». Pour sa part, le jeu d'échecs est différent. Kissinger nous dit que, dans ce jeu, on recherche la victoire totale. Et c'est vrai, dans le jeu d'échecs, l'objectif « est le mat, placer le roi adverse dans une position où il ne peut plus bouger sans être détruit ». L'interaction des pièces est directe : elles cherchent à s'éliminer pour occuper des cases bien délimitées. Les pièces se mangent et sont retirées du plateau, épuisant ainsi l'adversaire et orientant les efforts vers l'encerclement de la pièce principale, le roi, jusqu'à ce que, comme nous l'avons dit, celui-ci ne puisse plus bouger sans être détruit.

    Dans le wei ki, on cherche à encercler et à contourner, on fait appel à la flexibilité, à l'exploration des espaces sur l'échiquier en essayant d'occuper ses vides : le wei ki a une conception du temps plus liée à des développements fluides et rythmés. La rationalité dans les échecs se manifeste différemment: il s'agit de dominer la zone centrale du plateau, car c'est son « centre de gravité ». Les joueurs cherchent à « tuer » les pièces adverses en les mangeant et en les remplaçant par leurs propres pièces. Aux échecs, on s'affronte pièce par pièce, on cherche donc à être décisif. Une pièce qui est mangée reste à l'extérieur et le temps est mesuré avec plus de précision, car l'élimination d'une pièce ne se fait pas par un détour (tâche qui prend un certain temps), mais elle est mangée à un moment précis, localisable avec exactitude.

    Ce n'est pas un hasard si, d'un point de vue militaire, les plus grands stratèges des deux cultures sont si différents. Sun Tzu et Clausewitz illustrent clairement les différences que nous avons relevées ici, car ils s'appuient tous deux sur des rationalités analogues à celles que nous avons exposées en parlant des jeux.

    Sun Tzu explique qu'il faut essayer de subordonner la volonté de l'ennemi, mais si possible sans combattre. Sa maxime selon laquelle « l'art suprême de la guerre consiste à soumettre l'ennemi sans livrer bataille » est bien connue. Sun Tzu recherche ce que l'on pourrait définir comme une patience stratégique, étroitement liée à la notion d'un temps qui s'écoule et se régule au fur et à mesure que ses propres mouvements et ceux de l'ennemi se produisent. C'est pourquoi les questions immatérielles revêtent une telle importance pour le stratège chinois. Si l'idéal ultime est de soumettre sans livrer bataille, on comprend que Sun Tzu accorde autant d'importance à des choses telles que connaître l'ennemi ou recourir au mensonge et à la tromperie. Pour l'Orient, la bataille est très coûteuse en hommes et en ressources, c'est pourquoi il vaut mieux essayer de l'éviter et n'y recourir que lorsqu'il n'y a pas d'autre alternative.

    Clausewitz est tout à fait différent, tout comme le reste des stratèges militaires classiques occidentaux. Pour commencer, pour le Prussien, la bataille est cruciale. De plus, l'idéal n'est pas d'éviter les batailles, mais au contraire d'essayer d'en trouver une qui soit décisive. L'objectif de la guerre est de vaincre l'ennemi par la force, car la guerre est avant tout un acte de violence physique. C'est pourquoi Clausewitz accorde une grande importance aux variables matérielles, temporelles et spatiales qui peuvent favoriser au mieux les performances au combat. Dans la pensée stratégique militaire occidentale, la confrontation, la force et l'anéantissement de l'ennemi sont fondamentaux.

    Si nous appliquons cette analyse à la concurrence actuelle entre la Chine et les États-Unis, nous constatons que les schémas de pensée que nous avons exposés se retrouvent dans la manière dont les deux puissances gèrent leurs géostratégies respectives. La Chine cherche principalement à promouvoir des intérêts mutuellement avantageux avec d'autres acteurs — afin de les convaincre qu'il est profitable de s'entendre avec elle —, tout en recourant au soft power pour se présenter comme une puissance bienveillante et diplomatique qui ne recherche que la prospérité commune.

    Les mesures coercitives sont généralement des derniers recours que la Chine met en œuvre de manière indirecte et à des degrés d'intensité variables en fonction du contexte. La projection du géant asiatique sur la mer de Chine méridionale ressemble à un coup de wei ki : il occupe des espaces « vides » (de souveraineté pratique relative ou contestée) en construisant des îles artificielles qui s'articulent autour d'une « ligne de neuf points » qui entoure l'espace qu'il entend dominer. La construction de ces îles est menée de manière si soutenue et ferme qu'elle laisse peu de place aux manœuvres politiques des États de la région. Dans le même temps, la Chine, à travers son initiative « Belt and Road », déploie sa puissance sur une vaste zone géographique en générant des investissements et des intérêts communs avec des acteurs qui, en principe, bénéficient du projet. Avec l'initiative « Belt and Road », la Chine étend à long terme son influence et son commerce en attirant un grand nombre de pays avec de bons dividendes.

    Les actions américaines, en revanche, sont clairement différentes. Les États-Unis mettent toujours l'accent sur le hard power, les actions directes et même les menaces publiques. Sa stratégie pour la région indo-pacifique, principal espace de concurrence avec Pékin, consiste généralement en une combinaison d'accords en matière de sécurité et de renseignement avec les pays de la région (AUKUS, QUAD, Five Eyes, ou accords bilatéraux de défense avec le Japon, la Corée du Sud, les Philippines) et de sanctions économiques et de restrictions technologiques à l'égard de la Chine. Les États-Unis s'opposent explicitement à la Chine, au point que la reconnaissance de cette dernière comme principale menace pour les intérêts mondiaux des États-Unis est un point de convergence fondamental entre les partis démocrate et républicain. Le fait que Donald Trump se soit montré un peu plus ouvert au dialogue avec Xi Jinping ne change rien à l'équation, selon nous. La concurrence stratégique entre les deux pays est là pour durer. Chacun agira selon sa stratégie, sa vision du monde et ses valeurs. En définitive, selon son propre esprit.

    Andrés Berazategui (Euro-Synergies, 5 septembre 2025)

     

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  • Les Occupants...

    Les éditions La Découverte viennent de publier une étude historique de Michael Lucken intitulé Les Occupants - Les Américains au Japon après la Seconde Guerre mondiale. Historien spécialiste du Japon contemporain et professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) , Michael Lucken a notamment publié Les Japonais et la Guerre, 1937 - 1952 (Fayard, 2013) et Le Japon grec - Culture et possession (Gallimard, 2019).

     

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    " En l'espace de six ans, entre 1945 et 1952, le général MacArthur et les forces sous son commandement ont réussi à désarmer le Japon et à en faire un allié fidèle, tout en implantant sur son territoire des bases militaires qui assurent aujourd'hui encore aux Etats-Unis une mainmise sur la région. Cette passionnante enquête nous plonge dans une histoire méconnue en Europe : l'occupation américaine du Japon après la Seconde Guerre mondiale.
    Une occupation militaire mais également politique, idéologique et psychologique. Dès qu'il fut clair que les Japonais avaient accepté leur défaite, au lendemain des bombardements de Hiroshima et de Nagasaki, les dirigeants américains ont entrepris une politique de transformation des mentalités en activant tous les leviers à leur disposition : les institutions, l'enseignement, la recherche, les médias, le sport, les arts...
    En examinant la redoutable cohérence idéologique du pragmatisme américain, Michael Lucken montre comment les Etats-Unis ont orienté les élites japonaises dans un sens favorable à leurs propres intérêts géostratégiques dans le Pacifique et éclaire ainsi les fondements de l'ordre mondial contemporain. Mais il analyse aussi avec une remarquable finesse les réactions de la société nippone, qui s'est adaptée à la nouvelle discipline imposée par l'occupant tout en développant dans les années d'après guerre diverses formes de résistance. "

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