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Points de vue - Page 418

  • Libye : ni BHL, ni Munich...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Ludovic Maubreuil consacré à la guerre de Libye, cueilli sur le site de Causeur, la revue d'Elisabeth Lévy. Ludovic Maubreuil, qui est l'auteur récent d'un Bréviaire de cinéphilie dissidente, tient, par ailleurs, la chronique "Cinéma" dans le magazine Eléments.

     

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    Libye : ni BHL, ni Munich

    Ce conflit n'est juste pas le nôtre

    Pas facile de faire entendre une voix qui ne donne ni dans le trémolo martial béhachélien ni dans le chuchotis de couard autarcique, autrement dit une voix qui ose admettre qu’elle ne parle pas au nom de la Raison, de la Morale et du Progrès réunis, mais qui pour autant ne rechigne pas à prendre parti.

    Prendre parti dans un conflit qui n’est pas le nôtre, cela suppose une certaine pudeur et un certain style, cela suppose surtout de savoir qui nous sommes, quelles sont nos valeurs et quelle est notre cohérence, une question d’identité en somme, n’ayons pas peur des gros mots. Kadhafi n’est-il donc un dictateur que depuis le début de ce mois ? N’avait-il participé à aucun attentat ni jamais emprisonné aucun opposant du temps où il était reçu, et avec tous les honneurs, en France ? Il ne s’agit pas ici de protéger des civils affolés et des insurgés désorganisés − mais au sein desquels des hommes remarquables existent puisque BHL les a remarqués −, de les soustraire à la folie meurtrière de fous surarmés soutenant le Fou suprême, il ne s’agit pas de laisser tout un peuple mourir sous les balles d’un clan mafieux, il s’agit de comprendre qu’il s’agit là d’une guerre civile, que les « milices » qui soutiennent Kadhafi font partie du peuple libyen, qu’on le veuille ou non, et que ceux qui veulent le renverser ne sont pas nécessairement, par ce simple projet, des démocrates modérés propres sur eux. Le principe des frappes aériennes exclusives est donc au mieux un mensonge, au pire une illusion.

    Une fois de plus cependant, sans pudeur et sans style, l’universalisme occidental, drapé dans ses principes intangibles mais n’intervenant jamais que là où ses intérêts économiques sont en péril, vient faire la leçon, comme s’il lui revenait de droit de stopper net, en tous lieux, le sang et les larmes.

    Alors, aider à renverser Kadhafi, pourquoi pas, mais pour aider qui ? L’idée que tout peuple soit épris de liberté est une belle idée, mais le fait qu’il puisse devenir républicain ou démocrate parce qu’il s’est libéré de l’oppression n’est qu’une croyance occidentale, voire un leurre savamment entretenu. Il ne suffit pas de renverser les tyrans, il faut encore que le peuple qui y parvient en fasse une histoire personnelle, qu’à travers les mythes, les exploits et les faits ordinaires de sa révolte, il conquière son propre destin, et de massacres en réconciliations, s’arme pour la suite. Il y a diverses façons d’aider celui qui est en train d’écrire son propre récit, mais lui tenir la main en jouant les matamores est une lourde responsabilité qui peut conduire ensuite aux troubles identitaires, au suivisme comme à la rancœur.

    Il est pas interdit d’entendre ceux qui, parmi les révoltés libyens, refusent l’aide occidentale ; il n’est pas inutile de comprendre le positionnement de la Ligue arabe ; il n’est pas scandaleux d’écouter l’Allemagne dont la logique n’est pas moins économiste que ceux qui, aujourd’hui, se font les hérauts de ce peuple-là, tout en détournant les yeux d’autres qui, ailleurs, sont tout aussi à feu et à sang. C’est la cohérence qui nous sauvera des pièges conjoints de l’ingérence emphatique et de la faiblesse munichoise. Nous ne sommes pas la source de tous les maux comme tant de professionnels du ressentiment voudraient nous le faire croire, mais nous ne sommes pas davantage la résolution inespérée du moindre conflit.

    Comment devenir une voix singulière qui ne serait le porte-parole d’aucune faction ni d’aucun empire, être sans crainte un recours opportun, savoir sans honte se tenir en retrait ? La meilleure façon de trouver sa place est encore de n’avoir plus peur de tenir son rang. Embarrassées et irrésolues, la France comme l’Europe ne savent plus qui elles sont, et de ce fait alternent la frilosité et l’emportement, n’hésitant plus qu’entre deux versions, deux pôles qui les nient : tantôt conglomérats de communautés monades, tantôt championnes de l’universalisme abstrait.

    Quand donc mènerons-nous à bien notre propre révolution ?

    Ludovic Maubreuil (Causeur, 12 avril 2011)

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  • Que fait la France en Côte d'Ivoire ?...

    Bernard Lugan, africaniste réputé, directeur de la revue L'Afrique réelle, donne à Realpolitik.tv son point de vue sur la situation en Côte d'Ivoire suite à la capture de Laurent Gbabo.

     


    Point sur la Côte d'Ivoire, par Bernard Lugan... par realpolitiktv

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  • Vers une insurrection des différences ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Christopher Gérard consacré à l'essai d'Hervé Juvin, Le renversement du monde, et au roman de Jean Raspail, Le Camp des Saints. Christopher Gérard, ancien directeur de la revue d'études polythéiste Antaios, est l'auteur de plusieurs essais, ainsi que de romans : Le songe d'Empédocle (L'Age d'Homme, 2003), Maugis (L'Age d'Homme, 2005) et La porte Louise (L'Age d'Homme, 2010).

     

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    Vers une insurrection des différences ?

    "N’est homme de culture que celui qui fait passer la vie de son ennemi après sa foi ou les siens. " Hervé Juvin

     

    Deux livres bien différents, un essai d’une rare densité et un roman prophétique, illustrent avec courage et pertinence le basculement du monde auquel les Européens assistent les bras croisés, comme sidérés par un étrange sentiment de dépossession.

    Aux yeux de l’économiste Hervé Juvin la récente crise financière se révèle avant tout morale et politique, puisqu’elle sanctionne des nations anesthésiées par la théologie de la croissance infinie, privées de réelle souveraineté et dociles aux diktats de Wall Street : c’est ce qu’ il appelle le renversement du monde. Dans Le Camp des Saints, roman prophétique publié pour la première fois en 1973, Jean Raspail décrit la liquéfaction d’un peuple soumis à une rapide colonisation de peuplement et qui se résigne à un changement de population aux allures de cataclysme.

    Tous deux, l’intellectuel et l’artiste, trouvent les mots justes pour poser un diagnostic clair sur l’aveuglement d’Européens fatigués de faire l’histoire et qui croient qu’il suffira de payer pour jouir encore d’une paix que nul ne compte plus acheter.

    L’artiste - et de quelle ampleur ! – propose un conte : un matin, une flottille de navires chargés d’un million de miséreux venus du Gange accoste dans le Midi de la France. Faible et pitoyable, cette avant-garde d’autres flottes déjà en route espère avoir atteint la Terre promise. Que feront les Français, que le monde entier observe et juge ? En vingt-quatre heures, le sort de l’Occident est joué. Une sorte de tragédie classique aux personnages hauts en couleurs, comme toujours chez ce sorcier de Jean Raspail. Avec quel brio, avec quelle douloureuse jubilation, l’écrivain analyse à la loupe le lâche abandon d’une civilisation qui accepte d’être submergée. Livre visionnaire, et qui scandalisa les belles âmes dès 1973,  Le Camp des Saints serait impubliable aujourd’hui à cause des lois qui cadenassent la liberté d’expression, d’autant que, dans une préface intitulée Big Other, Raspail met le doigt là où cela fait mal : d’ici une trentaine d’années, si les flux migratoires ne cessent de s’amplifier, une bonne moitié de la population active des villes d’Europe devrait être extra-européenne. Jour après jour, ce basculement démographique, cette mutation anthropologique deviennent une probabilité, un héritage que nous laisserons à nos descendants. D’ici 2050, les Européens de souche, aujourd’hui majoritaires, pourraient se retrouver en minorité sur leur propre sol. Ce que Hervé Juvin exprime quant à lui de la sorte, sans fards : « ceux qui y sont ne sont pas ceux qui y seront ». Cette réalité se trouve niée au nom d’une utopie mixomane faisant du métissage rédempteur – l’ouverture à l’Autre - le dogme central d’un humanisme transgénique. Car, comme le précise Raspail dans préface, Big Other veille : « le Fils unique de la Pensée dominante, comme le Christ est le Fils de Dieu et procède du Saint-Esprit. Il s’insinue dans les consciences. Il circonvient les âmes charitables. Il sème le doute chez les plus lucides. Rien ne lui échappe. (…) Sa parole est souveraine. Et le bon peuple suit, hypnotisé, anesthésié, gavé comme une oie de certitudes angéliques… » Au nom d’une escroquerie historico-sémantique, voilà donc l’Europe et ses racines niées avec un acharnement pathologique, comme si le sacro-saint métissage avait pris la place dans notre imaginaire déliquescent de l’ancien complexe de supériorité …

    Quoique différent, le propos d’ H. Juvin rejoint l’apocalypse de Jean. Pour cet économiste à la solide culture historique et philosophique, le krach de 2008 constitue la première phase d’une révolution et la fin d’un conte de fées, celui d’une unification planétaire sous l’égide de l’individualisme marchand. Aux sources du désastre, la croyance que l’économie constitue le destin et l’oubli de l’antique règle d’airain des civilisations classiques, énoncée il y a vingt-cinq siècles par Héraclite : « Le conflit est le père de toutes choses ». La négation ou le refoulement par des intelligences atrophiées des antagonismes fondateurs désarme et asservit les peuples ahuris par un catéchisme mondialiste seriné sur tous les tons par des myriades d’experts, de technocrates, et de politiciens naïfs ou stipendiés. Ses dogmes ? Le marché comme horizon indépassable (« il Mercato ha sempre raggione »), la croissance infinie comme seul avenir concevable, la singularité comme obstacle au doux commerce et, partant, la nécessaire déconstruction des mœurs et des héritages comme panacée. Bref, l’économisme contre la civilisation. Ou le formatage des âmes, des corps et des esprits par un crédit comparable au Dieu de Pascal, dont le centre est partout, et la circonférence nulle part, comme tactique de contrôle des masses, plus efficace que les mises au pas totalitaires. La liquidation (Juvin parle aussi de gazéification) des sociétés humaines « par l’utopie des droits de l’homme, par l’effacement des frontières et la négation des identités ». Juvin fait d’ailleurs remarquer que seule l’Europe, par un masochisme qui lui est propre, refuse d’accorder son système économique à ses valeurs ancestrales, au contraire de l’Inde ou de la Chine, atelier et banque du monde (OPA en cours) qui ne tourne pas le dos à son héritage confucéen. Même la Russie de Poutine, sinistrée par des fous sanguinaires puis par des pirates sans scrupules, suit désormais ses propres pas, et redécouvre sans complexe son héritage orthodoxe et eurasien. Seule l’Europe accepte de se laisser occuper, espionner, rançonner, et déposséder de son héritage au nom d’une prétendue gouvernance, terme ambigu qui tend à usurper la place de démocratie, sans doute suspect d’ethnocentrisme en raison de ses origines helléniques. Seule l’Europe admet de voir systématiquement critiquées par les idéologues du sans-frontiérisme (Big Other) sa souveraineté, sa légitimité et son unité millénaire. Seule l’Europe se complaît dans cet état d’apesanteur né d’une fuite du réel, d’une amnésie programmée notamment par des escouades de pédocrates gagnés aux dogmes égalitaires autant que travaillés par un ahurissant complexe de haine de soi, opportunément grimée en amour de l’Autre, version postmoderne du Veau d’Or, devant lequel se prosternent nos élites. Ni les Américains du Nord, ni les Chinois, ni les Mahométans n’entendent nier leur identité avec pareil zèle. Face au retour d’empires autocentrés, qui savent déjà que la frontière et la discrimination constituent des conditions de survie, les Européens continuent de nier la prépondérance de cette triade fondamentale: le sang, le sol et l’esprit. Négation de l’histoire au profit d’abstraites constructions juridiques, négation de la géographie par un étouffant conformisme qui interdit de désigner les menaces, et enfin négation des racines spirituelles au nom d’un nihilisme satisfait. Big Other veille. Décérébré, extrait de force de toutes ses déterminations, le citoyen cède la place à l’homme de marché, zombie inculte, ignorant et amnésique; désarmé et captif d’une bulle empoisonnée, le voilà asservi : telle est la mutation anthropologique du néo-libéralisme, qui dissout les liens religieux, ethniques et familiaux au profit d’un dogme unique, celui de l’intérêt individuel (et immédiat) comme seule priorité acceptable par la doxa dominante, celle des usuriers et des marchands d’illusions irénistes (« l’abondance, c’est la paix »). Avec lucidité, Juvin commente cette métamorphose : « le nouveau projet libéral mondialiste conduit au dépassement des structures collectives au nom des droits de l’homme, devenus les droits de l’individu absolu, c’est-à-dire la capacité illimitée de l’individu à se désengager, à se délier, à se défaire de la relation avec les autres, avec la nature et avec lui-même. » Ou, presque lyrique : « Non, les hommes ne sont pas les mêmes, et nous n’en avons pas fini avec la terre qui est sous nos pieds, avec la couleur de la peau et la langue de nos rêves*. (…) Non, nous n’en avons pas fini avec la puissance, le pouvoir et l’ennemi ».

    Alors que, dans Le Camp des Saints,  Raspail décrit avec brio la résistance d’une phalange de résistants qui meurent avec panache (le syndrome « casoar et gants blancs »), Juvin propose des pistes pour sortir de la crise et préparer l’insurrection des différences ou le retour du divers. Tout d’abord un travail pédagogique de réveil à l’histoire, de retour au réel (sang, sol et esprit tous trois équilibrés pour éviter le péril totalitaire, qui réduit souvent la triade à un couple bancal), de rétablissement des limites, des portes et des distinctions (à commencer par celle, vitale, entre l’ami et l’ennemi). Bref, un retour au politique ; une exaltation de la diversité réelle et non fantasmée : « si le monde est fini, compté, et petit, la politique redevient l’effet de la puissance, et le fondement de la société politique est la survie de ses membres, à côté, ou bien contre, celle des autres. »

    Juvin plaide aussi pour une décolonisation de l’Europe sous peine de voir un jour s’éteindre un type d’homme, en rappelant que l’immigration incontrôlée qui modifie le visage de nos villes n’a jamais fait l’objet d’un choix démocratique, puisque décidée d’en haut au nom d’un économisme à courte vue qui peut se traduire en langue cynique par  « il faut des esclaves pour que la plantation prospère ».

    Il en appelle au retour des frontières comme limites bien plus que comme barrières (l’autarcie absolue étant un fantasme), à la proximité culturelle et économique comme critère de choix politique, à rebours des modes et des utopies vénéneuses.

    Esprits libres, Raspail et Juvin nous exhortent à décoloniser notre imaginaire et à nous réapproprier notre légitime volonté d’être et de durer.

     

    Christopher Gérard

     

    Publié dans La Libre Belgique le 15 mars 2011

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  • Liberté d'expression ?...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un entretien avec Dominique Jamet, réalisé par le site Enquête&débat. Journaliste, essayiste et romancier - on lui doit notamment Un petit parisien (Livre de poche, 2001), Notre après-guerre (Livre de poche, 2005) ou Un traître (Livre de poche, 2011) - , Dominique Jamet est un subtil dialecticien qui s'exprime ici sur la liberté d'expression et d'opinion.

     


    Interview de Dominique Jamet sur la liberté... par enquete-debat

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  • Le bruit des baskets...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de François Taillandier parue dans le quotidien L'Humanité. Auteur de plusieurs essais, comme Les parents lâcheurs (Rocher, 2001), François Taillandier est aussi romancier et est, notamment, l'auteur d'une magnifique fresque romanesque en cinq volumes, intitulée La grande intrigue, parue chez Stock (mais en cours de publication en poche dans la collection Folio), que nous vous recommandons.

     

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    Le bruit des baskets

    Était-ce pour l’anniversaire de sa mort ? Dimanche, à la supérette G 20 de mon quartier, une radio rediffusait le Bruit des bottes, de Jean Ferrat, chanson écrite aux alentours de 1980. Ferrat alertait sur la possibilité d’un coup d’État fasciste, en cas, par exemple, d’arrivée de la gauche au pouvoir. Beaucoup, dont j’étais, partageaient cette crainte, que les faits semblaient justifier : il y avait les précédents de la Grèce, du Chili et d’une bonne partie de l’Amérique latine, où les régimes à képis étaient soutenus à bout de bras par les mêmes Etats-Unis qui avaient martyrisé le Vietnam.

    L’histoire a des cheminements imprévus : trente ans plus tard, il reste à constater que nous étions menacés par tout, sauf par cela. Comme Pasolini l’avait pressenti, le capitalisme multinational a rompu les amarres avec les formes anciennes de domination. L’acceptation empressée des revendications strictement sociétales, la promotion d’un nouvel individualisme hédoniste, la concurrence mondiale du travail, l’endettement permanent et encouragé, s’ajoutant aux désillusions du communisme réel, lui ont fourni des masses atomisées, soumises, peu capables d’une contestation structurée du système. Je ne sais quel ploutocrate américain proclamait récemment : «La lutte des classes existe, et nous sommes en train de la gagner.» Ces gens-là ont compris que la séduction est plus efficace que la violence pour asservir les peuples.

    Il doit être désormais entendu que nos gouvernants nous aiment et ne veulent que nous protéger. Et quand ils se rendent invisibles, c’est pour ne pas être importuns. Les mouchards sont technologiques, le flicage confié au code-barres et à la puce, la traçabilité numérisée ; le collectivisme est celui des marques ; l’enrégimentement est festif. Les ennemis désignés du système sont les fumeurs persistants, les virus virtuels, les misogynes s’il en reste, les déchets non triés et les tapis-puzzles à base de formamide. La propagande organisée n’incite qu’à la consommation, le seul impératif social est de « mangerbouger ». Le bruit des baskets a succédé à celui des bottes. Tout le monde ou presque en redemande.

    Certes, il subsiste quelques « fachos ». Et aussi quelques révolutionnaires. Doctes et médias ont trouvé la parade en les regroupant sous l’appellation infamante de « populistes ». On n’aura même pas besoin de leur faire du mal.

    François Taillandier (L'Humanité, 17 mars 2011)

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  • De l'antiracisme militant aux délocalisations...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte intéressant cueilli sur le blog de Maxime Tandonnet. Maxime Tandonnet est un haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, conseiller à l'Elysée et auteur de plusieurs essais, notamment : Le Grand bazar ou l'Europe face à l'immigration (L'Harmattan, 2001) ; Migrations, la nouvelle vague (L'Harmattan, 2003) ; Le défi de l'immigration : la vérité, les solutions (François-Xavier de Guibert, 2004) ; Migration : sortir du chaos (Flammarion, 2006) ; et Géopolitique des migrations : la crise des frontières (Ellipses, 2007).

     

     

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    De l'antiracisme militant aux délocalisations

    Une grande association antiraciste a développé une technique de testing sur le marché des locations d’appartement, destinée à débusquer les auteurs de discrimination (le fait de refuser à une personne originaire de l’immigration un logement après l’avoir reconnu disponible auprès d’une « personne blanche » (sic). Le mode d’emploi de ces testings est accessible à tout un chacun sur son site internet. « La personne blanche appelle une agence immobilière. Avant de téléphoner, elle met en marche le dictaphone…L’appel de la personne blanche est capital. Le but de cet appel est de savoir quels appartements sont disponibles…Ensuite, c’est au tour de la personne de couleur qui appelle l’agence immobilière. Il ne faut surtout pas qu’elle oublie de se présenter, il y va de la réussite du testing (elle peut prendre un accent prononcé par exemple…) » L’objectif de cette pratique est de pousser des personnes – souvent des employés d’agence immobilière – à commettre un grave délit passible de peines de prison, celui de racisme, puis à les dénoncer aux autorités et les envoyer devant le juge.

    Quel ordre moral est-il assez puissant pour couvrir, banaliser, justifier de telles pratiques qui eussent été jugées indignes en toute autre circonstances ?

    Les associations antiracistes ont obtenu la condamnation d’un préfet, pour avoir exprimé un lien entre délinquance et gens du voyage ; de la société l’Oréal, au grand dam de ses dirigeants, à une forte amende le 6 juillet 2007 ; elles poursuivent en ce moment la société Banania. Mais elles ne dédaignent pas mettre en cause de personnes représentatives des milieux les plus modestes : une dame de quatre-vingt dix ans condamnée pour n’avoir pas loué son appartement, deux maires de petits villages de Savoie, pour s’être opposés à la vente de maisons à des ressortissants étrangers, une habitante des Vosges pour avoir refusé d’ouvrir son gîte rural à des femmes voilées…

    Or, la grande cause de l’antiracisme militant n’est pas toujours complètement désintéressée. Elle donne lieu à l’essor d’un business rémunérateur. Le climat de pression morale qui pèse sur le monde des affaires, engendre un foisonnement de « sociétés de conseil en diversité ». Ces cabinets vendent aux entreprises leur  expérience (dixit) dans la lutte contre le racisme et organisent des formations professionnelles dans ce domaine. André T*** consultant propose ainsi « une méthodologie en cinq axes pour mettre en place une politique de non-discrimination à l’embauche ». Les associations antiracistes sont la plaque tournante de cette activité, disposent parfois de leurs propres agences de conseil et de formation, qui interviennent en partenariat de grands groupes de gestion des ressources humaines. Ces cabinets de conseil en diversité louent chèrement leurs compétences : plus d’un millier d’euros par jour pour un « expert en diversité » mis à disposition d’une entreprise.

    Un climat de chantage, de suspicion, de crainte se développe : tu payes ou je t’envoie devant le juge !

    La condamnation de l’Oréal pour discrimination raciale fait tenir au PDG de cette société, par réaction, des propos qui sont clairement inadmissibles du point de vue du principe d’égalité :

    - « Qu’est-ce que fait L’Oréal en matière de diversité et est-ce mesurable ?

    - Nous employons en France plus de 40 nationalités. En 2006, nous avons recruté 423 cadres et une centaine était d’origine étrangère. La loi nous interdit de compter le nombre de personnes issues de la diversité soit par leur nom, soit par le lieu de résidence. Mais aujourd’hui, lorsque nous rencontrons un candidat qui a un prénom d’origine étrangère, il a plus de chance d’être recruté que celui qui porte un prénom français de souche» (interview au journal le Monde le 12 juillet 2007).

    Il faut dire qu’une partie du monde économique et financier, au fond, y trouve son compte. L’air du temps antiraciste sert à bien des égards, de la part de certaines entreprises,  de leurre, de rideau de fumée destiné à détourner l’attention des pratiques de licenciements massifs ou de délocalisations à l’étranger. Ainsi le groupe Y, véritable champion incontesté de la lutte contre les discriminations au niveau de l’entreprise, signataire de la « charte de la diversité » procède en parallèle à une politique de délocalisation massive. Sur 200 00 emplois, son PDG annonce en 2006 la délocalisation au Maroc de 1 500 postes après avoir délocalisé 3 000 en Inde. Les gains obtenus ? 72 millions d’euros par an. Entreprise modèle, bien-pensante, exemplaire en façade, Sainte nitouche de la diversité, on en oublierait presque l’autre Y, le vrai, celui des milliers de licenciements et emplois délocalisés. Quant au chantre de l’anti-discrimination, l’ancien PDG de Renault, et ancien président de la HALDE, véritable professeur de morale antiraciste, il est responsable de la délocalisation à l’étranger des deux-tiers des emplois du constructeur automobile dans les années 1992-2005.

    Tout se passe comme si le matraquage antiraciste avait pour objectif essentiel, non de lutter contre le vrai racisme, c’est-à-dire la croyance en l’inégalité des races, ce qui serait une juste et noble cause, mais de créer un rideau de fumée bienpensant destiné à couvrir la destruction massive d’emplois industriels en France depuis plusieurs décennies.

    Maxime TANDONNET (Blog de Maxime Tandonnet, 28 mars 2011)

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