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Points de vue - Page 421

  • "Une guerre civile, pas une insurrection générale contre un dictateur"...

    Nous avons cueilli sur l'excellent blog Secret défense, tenu par Jean-Dominique Merchet, journaliste à Marianne, cette analyse éclairante de Patrick Haimzadeh, auteur d'un essai récemment publié chez Jean-Claude Lattès et consacré à la Libye.

     

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    Patrick Haimzadeh est l'un des rares spécialistes français de la Libye, pays où il a été en poste, à l'ambassade de France de 2001 à 2004. Ancien lieutenant colonel de l'armée de l'air, arabisant, il a servi dans de nombreux pays arabes ainsi qu'aux Nations-Unies. Il vient de publier un livre, facile d'accès et bien documenté "Au coeur de la Libye de Kadhafi" (Editions Jean-Claude Lattès, 200 pages, 15 euros). Patrick Haimzadeh a bien voulu répondre à nos questions.

    Kadhafi ne tombe pas aussi vite que certains l'espéraient au début de l'intervention militaire. Cela vous surprend-il ?

    Kadhafi résiste en effet plus que certains voulaient bien le penser. J'ai toujours dit, et écrit, que Kadhafi avait les moyens de résister. Ceux qui pensaient le contraire n'avaient aucune connaissance du terrain  et se sont laissés intoxiquer par les propagandes du CNT, d'al-Jazira et de BHL, consensuellement relayées par les médias et les politiques français. A vouloir confondre nos désirs avec les réalités du terrain, nous en sommes arrivés à surestimer la capacité des insurgés à l'emporter militairement et à sous-estimer la capacité de résistance du clan Kadhafi.
     
    Kadhafi résiste non seulement parce qu'il disposait de gardes prétoriennes plutôt bien équipées et entraînées au regard des standards locaux mais parce qu'il disposait et dispose encore d'une base sociale non négligeable au sein de la population, en particulier les populations originaires du Fezzan (Sud) qui ne se sont jamais soulevées mais aussi de certaines populations de Tripolitaine (Ouest).

    Depuis 42 ans, Kadhafi a mis en place en effet  un système de compromission et de rétribution généralisé qui, bon an mal, s'est révélé d'une grande efficacité. Il dispose toujours d'immenses capacités de rétribution des fidèles. Sans rentrer dans le détail de la structure sociale libyenne et des tribus que je décris en détail dans mon ouvrage, je dirai qu'en Libye, le niveau local est à prendre en considération en premier lieu. Ainsi, il est illusoire de penser que les habitants de Cyrénaïque iront porter la guerre et "libérer" les populations de l'Ouest. D'une manière générale les insurgés seront extrêmement réticents à faire des incursions en armes sur des territoires qui ne sont pas les leurs, en particulier s'il s'agit de territoires fidèles ou favorables à Kadhafi.

    Comment qualifieriez vous cette guerre ?

    Depuis début mars, il s'agit d'une guerre civile et non d'une insurrection générale d'un peuple contre un dictateur.

    Quelle était selon vous la bonne stratégie à adopter ?

    L'entrée en guerre sans analyse préalable, ou plutôt sur la base d'analyses erronées, sans plan B, sans idée claire de l'effet final recherché - le but de guerre n'a jamais été clair : protection des populations ou chute du régime - sachant que ce deuxième but n'est pas inscrit dans la résolution 1973 -  et sur la base d'une manipulation, volontaire ou non, consistant à nous faire croire à l'imminence d'un bain de sang en Cyrénaïque, cette entrée en guerre portait dès le départ les germes des "déconvenues" à venir.

    La décision d'entrer en guerre est la décision la plus grave qui soit pour un Etat qui doit se poser la question si cette entrée en guerre est la solution la plus adaptée et conforme aux intérêts supérieurs de notre pays. Entre ne rien faire et bombarder existait toute une palette de moyens à commencer par l'engagement de négociations et l'exercice de pressions pour obtenir un cessez le feu et la préservation des acquis pour les zones déjà libérées, y compris en leur fournissant équipements et conseils ce qui a été fait par exemple avec succès à Misrata. Un certain nombre de Libyens des deux camps, y compris certains proches de Kadhafi,  étaient d'accord pour négocier. Entretenir le CNT dans la certitude qu'il pouvait l'emporter militairement grâce à des bombardements a conforté les plus extrémistes des insurgés dans leur refus de toute concession avant le départ de Kadhafi du pays. Condition irréaliste justement au regard de la psychologie et du passé du dictateur.

    Maintenant que nous sommes en guerre, que doit-on et que peut-on faire ?

    Comme nous avons choisi d'exclure dès le départ tout recours à une intervention terrestre et qu'il n'existe pas dans l'histoire de l'arme aérienne de précédent de la chute d'un régime uniquement obtenue par des bombardements, la situation actuelle était largement prévisible dès le départ. Il faut bien comprendre qu'il n'y aura pas de solution militaire à cette guerre civile car une guerre civile est toujours une tragédie qui laissera des traces sur la société libyenne. La solution passera par un accord entre Libyens pour poser les bases de la reconstruction d'un futur "vivre ensemble" libyen. En tuant ses proches et des membres de sa famille nous avons conforté Kadhafi dans sa volonté de se battre. Les bombardements de ses résidences et de celles de ses proches étaient des erreurs stratégiques qui se sont révélées contreproductives.Tuer des enfants innocents au prétexte de protection des populations civiles constitue en outre une violation de la résolution 1973 et une faute morale.
     
    Une solution pourrait consister à faire pression sur les deux parties pour obtenir un cessez le feu et déclarer que l'objectif de "protection des populations civiles" stipulé par la résolution 1973 est atteint. Les zones libérées conserveraient leur autonomie sous protection internationale, comme cela a été le cas pour les Kurdes d'Irak entre 1991 et 2003, et un processus de transition politique serait mis en place dans les zones sous contrôle de Kadhafi avec garantie que l'unité du pays ne soit pas remise en question. L'idée d'une Libye fédérale ou confédérale devra faire son chemin car elle est la plus conforme à l'histoire, à la culture et aux aspirations des Libyens.

    Que représente les insurgés ?  

    Les insurgés représentent un peu plus d'un tiers de la population libyenne : la Cyrénaïque, la ville de Misrata et une grande partie du Djébel Néfoussa qui comprend des tribus berbères et quelques tribus arabes.  Dans le reste de la Tripolitaine et dans le Fezzan (grand sud) environ 75% de la population est attentiste et le reste soutient plus ou moins activement le régime.

    Peut-on imaginer ce que sera une Libye après Kadhafi ?

    Parler de la Libye post-Kadhafi alors que l'on ne connait pas encore les conditions de sortie de guerre est prématuré. Ce qui est sûr c'est que tout sera à reconstruire dans ce pays où Kadhafi a empêché l'émergence de toute vie ou structure politique et étatique depuis plus de 42 ans. Le pays dispose d'énormes atouts que sont ses ressources pétrolières et quelques technocrates relativement bien formés. Les difficultés seront néanmoins énormes du fait des disparités et des particularismes régionaux et locaux qui seront difficilement compatibles avec l'établissement d'un pouvoir central fort. Une solution fédérale, voire confédérale avec des dévolutions de pouvoirs forts au niveau local est la mieux à même de satisfaire les aspirations du peuple libyen. Les Libyens sont en outre très fiers de leur indépendance et verront d'un mauvais œil toute ingérence étrangère dans leurs affaires intérieures.

     
    Enfin, les séquelles de la guerre civile seront là pour longtemps. Quand j'étais en Libye, les gens se renvoyaient encore parfois de vieilles accusations d'actes de "collaboration" auxquels leurs grands ou arrières grands-parents se seraient livrés avec l'occupant italien dans les années 20...

    Patrick Haimzadeh (Propos recueillis par Jean-Dominique Merchet pour Secret défense, 7 juillet 2011)

     

     

     

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  • La pensée unique contre-attaque !...

    Nous avons cueilli sur le Blog gaulliste libre un texte de Laurent Pinsolle consacré aux réactions furieuses des libres-échangistes et autres défenseurs du système face à l'offensive résolue des économistes et intellectuels hétérodoxes. Les premiers craquements...

     

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    Protectionnisme, euro, démondialisation : la pensée unique contre-attaque

    Alors que les intellectuels alternatifs amènent le débat économique sur tous les fronts (sortie de l’euro, protectionnisme, démondialisation), les tenants de l’ordre établi, néolibéral et monétariste, se crispent et refusent de débattre, préférant la caricature et l’outrance à la confrontation des idées.

    Les caricatures du politiquement correct

    Outre une interview de Christian Noyer dans le Figaro, c’est le Monde (qui avait, il est vrai, accueilli une interview de Jacques Sapir), qui mène la charge avec pas moins de trois papiers : une tribune d’Alain Faujas, qui fait du protectionnisme une « ligne Maginot », une autre, d’un professeur de Sciences Po, Zaki Laïdi, qui dénonce « l’absurde démondialisation » et un entretien avec Pascal Lamy pour qui « la démondialisation est réactionnaire ».

    Christian Noyer affirme qu’une « réduction modeste des revenus permet d’obtenir les mêmes effets économiques qu’une dévaluation importante ». Non seulement cela est malhonnête puisque les deux doivent être équivalentes, mais cela montre aussi que les salaires vont devoir baisser. La comparaison entre la zone euro et les Etats-Unis est d’une sacrée mauvaise foi. Enfin, il refuse tout plan B. En revanche, il faut noter la justesse des questions de Jean-Pierre Robin.

    Pascal Lamy ne fait pas dans la dentelle et ose affirmer que la compétitivité salariale indue n’est « pas évidente » tout en évoquant des écarts de salaires allant de 1 à 8 entre France et Chine du fait de la hausse des salaires chinois. Il faut noter qu’il minore volontairement les écarts (qui vont de 1 à 30 en Asie et de 1 à 10 en Europe). Le directeur de recherche de Sciences Po n’est pas moins caricatural en invoquant un « autocentrage économique » rappelant l’Albanie…

    Il évoque le cas de l’Iphone, dont 4% de la valeur ajoutée est réalisée en Chine pour affirmer que les chiffres ne veulent rien dire, feignant d’ignorer que les composants issus des autres pays ont bien été importés dans un premier temps. ! Il ose même affirmer que « en achetant plus d’Airbus, on ne protège pas nécessairement plus l’emploi européen » ce qui est faux puisque 10% des composants de Boeing sont européens, contre 50% pour ceux d’Airbus (et il faut y ajouter le montage).

    Le débat interdit

    Ce qui est assez impressionnant, c’est la faiblesse de l’argumentation des défenseurs de la pensée unique. Quand ils ne réfutent pas tout simplement les chiffres du commerce extérieur, ils recourent à la caricature pour dénigrer tous ceux qui remettent en cause les dogmes libre-échangistes ou européistes. Pire, ils disent tout et son contraire, comme Christian Noyer qui affirme bien miraculeusement qu’une réduction modeste des revenus équivaut à une dévaluation importante.

    Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir des intellectuels de tous bords qui défendent ces idées, y compris des prix Nobel comme Paul Krugman, Joseph Stiglitz, Maurice Allais ou Amartya Sen. En France, des intellectuels de gauche (Jacques Sapir, Emmanuel Todd, Frédéric Lordon) comme de droite (Jean-Luc Gréau, Alain Cotta, Jean-Jacques Rosa, Gérard Lafay) remettent en cause la libéralisation excessive ou le choix d’une monnaie unique en Europe.

    En outre, il devrait tout de même être possible de débattre du degré de libéralisation du commerce. Tous les pays sont un peu protectionnistes et cela ne devrait pas être un drame que de dire qu’il en faut davantage. Personne ne propose l’autarcie, même les plus radicaux. Il est tout de même normal de débattre démocratiquement des grands choix économiques. La crispation des grands partis et de nombreux médias sur la question est franchement révoltante.

    Naturellement, les défenseurs de la pensée unique ne manquent pas une occasion de citer Marine Le Pen pour discréditer les idées alternatives. Cela fait plus peur que Paul Krugman ou Jospeh Stiglitz… Il serait temps de pouvoir avoir un débat sérieux sur ces questions.

    Laurent Pinsolle (Blog gaulliste libre, 5 juillet 2011)

     
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  • Préférence nationale ?...

    Vous pouvez visionner ci-dessous une chronique d'Eric Zemmour, sur RTL, consacrée à la préférence nationale. Le débat est lancé en Grande-Bretagne. Et en France ?...

     


    Eric Zemmour : "Grande-Bretagne/France : le... par rtl-fr

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  • Vers un nouvel ordre géopolitique et économique mondial ?...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un exposé d'Hervé Juvin, qui brosse en moins de quinze minutes, d'une manière brillante, un panorama des enjeux essentiels de l'avenir...

     


    Hervé JUVIN – Colloque Xerfi : Quelle place pour... par GroupeXerfi

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  • Les apprentis illusionistes et la guerre...

    Vous pouvez lire ci-dessous un article d'Alain Kermarec publié initialement sur Polémia et consacré à l'entreprise de dissolution des Etats-nations européens...

     

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    Les apprentis illusionistes et la guerre

    DSK était le candidat idéal de l’illusion centre-gauche-droite modérée: directeur du FMI, il aurait su protéger les français devant les attaques financières qui secouent l’Europe. Homme de gauche, il aurait eu de la compassion pour les plus démunis, les laisses pour compte du désengagement de l’Etat, de la dissolution de l’appareil productif dans la globalisation accélérée des marches. Technicien habile de la finance transnationale, soutenu par l’ensemble de la classe politique et médiatique bien pensante, sa candidature et sa victoire étaient annoncées. L’opinion libérée d’un choix moral trop lourd, les français pouvait vaquer à leurs occupations dans l’espoir que « les choses » tiendraient encore le temps d’un quinquennat DSK. Cet espoir est aujourd’hui dissipé. La gauche, choquée pour le compte, cherche encore ses mots pour tenter de surmonter la fracassante perte d’une illusion qui justifiait sa présence sur la scène de l’imaginaire politique. [Note de Métapo infos : les derniers rebondissements en date ne remettent pas en cause cette analyse. Quelles que soient les suites de l'affaire, Dominique Strauss-Kahn a perdu son statu de candidat crédible...] Exit la gauche... qui, de toute façon, n’existait plus depuis que Mitterrand réussi admirablement sa double mission de la priver de toute substance vivante et d’installer une nouvelle pyramide du pouvoir en sol français ...

    Faute d’une base électorale fidélisée, faute d’une véritable volonté de perpétuer le sens fondamental de l’action gaulliste, la droite conventionnelle chiraquienne autour de Dominique de Villepin entretient un discours flou et attentiste. Sœur Anne...

    Le reste des composantes politiques a volé en éclat. Une myriade de second rôles sans présence ni registre se dispute les dernières répliques d’un théâtre de l’absurde. Par la force de l’attraction hypnotique du vide, ils convergent vers un centre ou l’illusion esthétique d’une juste mesure consensuelle pourrait se trouver. Ils rêvent d’une politia modérée, harmonique, libérale, éclairée et, bien sûr, européenne ! Il faudra plus d’une décennie à ces seconds rôles pour recoller les morceaux ou assembler une mosaïque cohérente. D’autant qu’ils font tous, qu’ils en soient ou non conscients, l’impasse sur le réel. Un réel qui échappe a leurs acuité mentale, un réel qui semble dépasser les bornes de leurs observations, un réel dont ils se détournent par lâcheté, aveuglement, ambition personnelle, naïveté ou courte vue morbide.

    De quel réel s’agit-il ? Celui de l’objet même de toute pensée politique digne de ce nom : l’aménagement souverain d’un destin et d’une identité humaine, individuelle et collective, historiquement inscrite dans son contexte culturel, économique et géographique. Aucun, parmi ces apprentis illusionnistes, ne fait sérieusement référence à ce destin, à cette identité encore moins à son contexte historique et géographique. La réalité humaine ne semble pas les intéresser. Faut-il donc faire pour eux l’état des lieux de ce contexte culturel, économique et géographique hors duquel aucun destin humain n’est envisageable ? De quelle stupeur sont-ils donc frappés? N’ont-ils donc pas encore saisi que c’est d’une guerre dont il s’agit ? Une guerre dont l’enjeu n’est autre que la destruction irréversible des fondements sociologiques, psychologiques et économiques de leur état nation?

    Guerre culturelle: dissociation du réel ; promotion de la pulsion comme nouvelle valeur culturelle-marchande ; schize de l’appareil psychique des citoyens

    Depuis les années 60 cette guerre n’a de cesse de promouvoir la pulsion en ultime espace libérateur. L’artillerie médiatique structurée par des puissances financières transnationales (radio, télé, journaux, ainsi que les groupes liés aux activités culturelles et éducatives) ordonnent les grandes campagnes de libération de la pulsion. Le pulsionnel agissant en deçà du seuil de la conscience raisonnée, il devient aisé de manipuler le contexte culturel et d’extraire toute forme de résistance, toute forme de conscience de soi constructive ancrée dans l’appropriation du réel. Le résultat de cette guerre est aujourd’hui visible dans la destruction de la cellule familiale, le saccage de l’éducation, la confusion et la disparition progressive des genres, la promotion d’une homosexualité régnante, la généralisation de la pornographie, des drogues ainsi que l’éradication de tout repère identitaire fiable. Les atteintes portées à la construction d’une conscience de soi solide sont d’autant plus désastreuses qu’elles privent la vie culturelle de toute forme de temporalité historique et de destin. Car un destin individuel et collectif se construit, en conscience, par un dialogue créatif entre raison et réalité ; entre les instances individuelles et collectives de l’identité humaine, et jamais dans l’illusion stérile de la pulsion narcissique-hédoniste promue en mode de vie...

    Guerre économique: avènement de l’économie du casino

    La destruction d’un état nation passe également par la destruction de son appareil productif, sans lequel aucun destin souverain n’est possible. Le démantèlement de cet appareil productif constitue d’une part un appauvrissement considérable des ressources nationales et d’autre part, il déchire le tissue et le lien social. Nous avons, d’un côté, la création d’une classe croissante de citoyens paupérisés, marginalisés, désactivés, désespérés et humiliés. Le désengagement de l’état vis à vis des laissés pour compte de la mondialisation rend leur situation encore plus précaire et insupportable. Qui s’en inquiète ? D’un autre côté, nous assistons à la création d’une super classe d’élite transnationale associée aux institutions mondialisantes et leurs atouts industriels qui imposent aux populations locales les règles du jeu de la nouvelle économie : celle du casino transnational et de l’endettement local. Le destin brisé et l’effondrement de grands pays européens, Grèce, Espagne, Italie, Portugal, Irlande, devraient pourtant alerter toute conscience éveillée. Silence étrange de la sphère politico-médiatique …

    Guerre géographique: dissolution des territoires par abolition des frontières géographiques, déplacement et brassage des populations, désappropriation de tout patrimoine économique et cultuel, instauration d’un état de guerre permanent.

    Depuis une décennie, la stratégie mondialiste, satisfaite de la désagrégation quasi complète des états-nations européens, a amorcé son ultime stratégie : guerre militaire et destruction des territoires. Iraq, Afghanistan, Yémen, Libye, bientôt Syrie, Pakistan, avec l’Iran en ligne de mire. La doctrine du « Grand Chessboard » de Brezinski (1), principal instructeur du Président Obama (2), est appliquée à la lettre. Que la France ait engagé, sans consultation de l’opinion française, son appareil militaire dans l’engrenage libyen bafoue tout concept de souveraineté nationale, constitue un acte anti-démocratique lugubre et indique clairement que le gouvernement français, serviteur zélé de la doctrine Brezinski, n’a que faire ni de la vie ni du destin du peuple français !

    Que la conscience politico-médiatique doite- centre-gauche-verte ni ne s’alarme devant le caractère illégal du conflit libyen ni ne se mobilise pour désengager leur pays d’une politique qui les mène tout droit à une faillite économique accompagnée d’une guerre militaire de grande ampleur a de quoi sidérer !

    Nous vivons aujourd’hui la période historique la plus cruciale de notre pays. Nous nous trouvons face à une alternative radicale : choix d’une action politique centrée sur la nécessaire réappropriation d’une identité liée à un destin économique, culturel et géographique clairement revendiqué, ou complète dissolution dans la refonte géopolitique militaire globale souhaitée par les élites de l’Ordre Mondial. La doctrine Breszinski ne nous laisse d’autres choix. Le temps presse…

    Alain Kermarec (Polémia, 21 juin 2011)

    Notes :

    1) Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard : American primacy and its geostrategic impertives

    2) Webster G.Tarpley, Obama a post modern coup. Tarpley.net

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  • La démondialisation, un concept réactionnaire ?...

    "La démondialisation est un concept réactionnaire" déclare Pascal Lamy, directeur de l'Organisation mondiale du commerce dans le Monde daté du 1er juillet 2011. Le petit soldat du mondialisme prendrait-il peur ? Pourtant, comme l'explique avec brio Hervé Juvin, nous ne couperons pas à un débat sérieux sur le protectionnisme...

     

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    Du contrôle des échanges au choix du consommateur

    La France est-elle encore une entité stratégique ? L’Union européenne a-t-elle quelques chances d’en constituer une ? Au moment où la multiplication de ses engagements militaires hors frontières pose question à la France, au moment où la perspective de consolidation politique de l’Union européenne semble incertaine, sinon condamnée, la question ne peut plus être évitée. La présentation, jeudi matin 16 juin, à la Maison de l’Amérique latine, d’un sondage réalisé par l’IFOP à l’initiative de Philippe Murer (1), avec notamment Emmanuel Todd, Jacques Sapir et Jean-Luc Gréau, a donné un tour économique et politique précis à la question ; la France, ou l’Europe, sont-elles encore en état de décider de leurs échanges avec l’extérieur ? Si le propre de tout système vivant est bien de gérer ses échanges, c’est-à-dire de prendre de l’extérieur ce qui le nourrit, l’enrichit et le conforte dans son être, de rejeter à l’extérieur ce qui le menace, l’appauvrit ou le contamine, le constat est sévère ; l’Union européenne n’a pas été le moyen pour les peuples européens de s’approprier leur destin, elle a été le moyen de les déposséder, et d’abord en substituant les comités et les experts au débat public et à la volonté collective exprimée par le principe majoritaire. L’histoire du principe de la préférence communautaire, d’abord favorable aux échanges entre pays et régions d’Europe, progressivement vidé de tout sens par la multiplication des accords assurant à des pays extérieurs des conditions  analogues d’accès au marché européen, est significative. L’histoire de l’ouverture aux mouvements de capitaux étrangers est tout aussi significative, le sommet étant atteint par la politique de placement des titres de l’Etat français par l’Agence France-Trésor auprès des investisseurs étrangers, aujourd’hui détenteurs de plus de 70 % de la dette publique, ce qui rend la France plus dépendante que toute autre du bon vouloir des agences de notation. L’histoire des abandons successifs qui ont permis d’ouvrir à tout vent l’espace Schengen, les renoncements progressifs au contrôle et à la gestion des populations résidant à l’intérieur de l’Union européenne, écrivent un autre chapitre de la haine des peuples par ceux qui assoient leur pouvoir sur une dissolution des Nations qui rétablit l’esclavage, qui autorise le trafic des êtres humains comme celui des terres ou de la vie, et qui les mettra à l’abri de la justice, de la colère, ou de la vengeance.

    Le sondage IFOP publié ce jeudi 16 juin marque un moment majeur de la conscience française ; sera-t-il manqué comme tant d’autres l’ont été ? Successivement, la campagne et le débat sur le  traité de Maastricht, le débat et le refus de la Constitution européenne, donnaient au gouvernement de la France la légitimité d’un ressaisissement, et à l’Union européenne, la chance d’un questionnement. La crise des dettes souveraines, dont on ne dira jamais assez combien elle est une opportunité stratégique essentielle pour ceux qui ne veulent pas d’une Europe forte, pour ceux qui veulent laisser l’Europe dans la situation coloniale qui est la sienne depuis 1945, pour ceux qui veulent affermer l’Europe à leurs intérêts et à leurs manœuvres, est une occasion analogue. Si le propre de l’humanité est bien de se constituer en sociétés politiques, singulières, autonomes, diverses, les moyens de cette singularité, de cette autonomie et de cette diversité résident d’abord dans les frontières, matérielles ou morales, qu’elles savent établir et gérer pour s’affirmer dans leur être. Les illusions de la dissolution des entités nationales dans le grand tout mondialisé, et du local dans le marché global, se dissipent à mesure que le spectre de la misère et celui du manque reviennent nous hanter. Et les Français, à plus de 70 %, tous partis et tendances politiques confondus, veulent que s’ouvre le débat sur le protectionnisme. Leur message est clair, il interpelle tous les partis. Pourront-ils s’y dérober, et d’abord ceux qui sont prompts à donner des leçons de démocratie aux autres ? La question à laquelle ils doivent répondre n’est pas celle de la politique idéale des échanges et du commerce extérieur ; la question des Français est celle du moment. Faut-il, alors que tous les pays développés se dirigent vers la croissance zéro, alors que des populations entières vont vivre des baisses de pouvoir d’achat de 10, de 20 ou de 30 % dans les prochaines années, notamment par suppression de services publics qui constituent une part importante du capital collectif européen, alors que les suppressions d’activités industrielles correspondent de plus en plus souvent à la disparition totale du pouvoir faire et du savoir faire, faut-il vraiment aller plus loin dans l’ouverture, dans le désarmement commercial et financier, dans le refus de définir nos intérêts stratégiques et de leur donner la priorité sur tout le reste ? Plus loin dans les mensonges de la concurrence et dans les illusions du sans-frontiérisme ? Plus loin dans la naïveté devant une Chine qui contrôle 75 % de son économie par l’Etat, instrument du parti, devant des Etats-Unis qui n’ont jamais transigé dès que leur intérêt national est en jeu ?

    Les fondements du débat sont limpides. Le pouvoir de l’Union européenne est d’abord celui du premier marché du monde ; l’Union sait le faire valoir, par ses normes et ses règles ; le consommateur informé de la provenance des biens et services qu’il achète saura faire valoir sa préférence pour les entreprises qui respectent l’intérêt collectif, européen ou national. Chacun sait, ou devrait savoir, que les modalités du contrôle des échanges de biens, de services et de capitaux sont complexes. Chacun sait que la hausse des tarifs douaniers remettrait en cause la doxa établie, les ayatollahs de l’OMC et leurs complices de la Commission européenne elle-même, sans parler de leurs maîtres de Washington, mais aussi le pouvoir d’achat des Européens. Chacun a bien compris que les maîtres des marchés sauront employer tous les détours de la calomnie, de l’amalgame et de la falsification pour tenter de disqualifier la volonté populaire. Car celle-ci est explicite, et massive, certes pas sur les modalités du contrôle des échanges, certes pas sur son extension et son niveau, mais sur l’urgence du débat à ce sujet. Et ceux qui n’ont à opposer à l’opinion que les dogmes de leurs intérêts doivent y réfléchir ; refuser le débat, c’est le contraindre à se dérouler ailleurs, autrement, et par d’autres moyens. L’extrémisme des libre-échangistes qui font un dogme d’une pratique économique parmi d’autres, est la vraie menace que dénoncent les Français. Souhaitons-leur de pouvoir s’informer, pour comprendre, et pour choisir. Le temps du débat est venu. Honnête, ouvert et libre, il prévient celui de la colère.

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 16 juin 2011)

    1 – Le sondage est consultable sur le site de l’IFOP, ou sur www.protectionnisme.eu

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