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Points de vue - Page 415

  • "Le pluralisme est étranger à l'ADN de la gauche"...

    Vous pouvez visionner ci-dessous une partie de l'entretien accordé par Elisabeth Lévy à la revue Médias, dirigée par Robert Ménard.

     


    Elisabeth Lévy : "Le pluralisme est étranger à... par revue-medias

    "Élisabeth Lévy en agace plus d’un : elle n’est jamais tout à fait là où on l’attend. Et réclame « le droit à la nuance » quand d’autres préfèrent brandir la morale. De quoi exaspérer ces indignés partis en chasse de la petite bande de « réacs » qui, avec elle, propageraient de mauvaises idées."

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  • Le protectionnisme plebiscité par les Français !

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de l'économiste Jacques Sapir, publiée sur le site Pour un protectionnisme européen, consacrée aux résultats sans appel d'un sondage de l'IFOP, réalisé au mois de mai 2011, dans lequel un échantillon représentatif de Français répond à des questions concernant le protectionnisme, le libre-échange et la mondialisation. Intéressant !

     

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    Friedrich List, théoricien du protectionnisme

     

     

    Le protectionnisme plebiscité par les Français
     
    L’identification des méfaits du libre-échange sur l’économie française apparaît à une grande majorité de français, à tel point que l’on peut parler d’une prise de conscience massive, dépassant les cadres des partis politiques, et exprimées par quasiment la totalité des couches de la société. L’ancienne opposition entre diplômes et non-diplômés qui avait été mise en avant lors du référendum de 2005 n’existe plus.
    Le peuple français oscille entre révolte et résignation, tel est le premier enseignement de ce sondage.
    • Ainsi 48% des réponses indiquent que les personnes interrogées sont « révoltées » par la situation économique de la France tandis que 30% d’entre elles sont « résignées ». On ne trouve que 14% de confiants et d’enthousiastes.
    • Les catégories sociales où le sentiment de révolte prédomine sont les ouvriers (64%), suivis des artisans et petits commerçants (55%) et des employés (52%). Le sentiment de révolte est le plus faible pour les professions libérales et cadres supérieurs, mais il atteint néanmoins 36%.


    I. Un regard critique et argumenté sur la mondialisation et le libre-échange.

    La question principale porte sur l’appréciation de l’ouverture des frontières aux marchandises de pays comme la Chine et l’Inde et globalement aux pays émergents. Les résultats témoignent d’un rejet massif de la mondialisation.

    Un jugement négatif est partagé par 73% des réponses en ce qui concerne les déficits publics, 78% en ce qui concerne le niveau des salaires et 84% en ce qui concerne l’emploi.

    Notons aussi que le pourcentage de réponses indiquant que ces conséquences ont pu être positives voire très positives n’est que de 7%, soit 12 fois moins que le pourcentage estimant que les conséquences sont négatives voire très négatives.

    Ce jugement est sans appel. Sur les trois grandes questions qui concernent l’économie, l’emploi, les salaires et les déficits, il se trouve une écrasante majorité de français pour considérer que l’ouverture de l’économie a eu des conséquences néfastes. Très clairement, la « mondialisation heureuse » n’existe que dans certains journaux ou sous certaines plumes.


     

    Cette ouverture est aussi considérée comme une mauvaise chose pour les pays développés en général (52%) et pour la France en particulier (57%). C’est aussi une mauvaise chose pour la sécurité des produits distribués en France (71%), pour les salariés (72%) et pour l’environnement (73%). La conscience des résultats négatifs de l’ouverture ne se limite donc pas à la question sociale. Elle touche aussi massivement la question de la sécurité des produits de consommation (et la sécurité alimentaire) ainsi que l’environnement. La prise de conscience qu’il y a une contradiction radicale entre le libre-échange et la préservation de l’environnement apparaît particulièrement massive.

    Quand on demande aux personnes interrogées de se projeter dans le futur, elles sont 75% à répondre que l’ouverture aura des conséquences négatives sur l’emploi dans les dix années à venir. Elles sont donc opposées logiquement à hauteur de 70% à l’absence ou la faiblesse des droits de douane sur les produits provenant des pays émergents, et partisans à 65% d’une hausse de ces droits. Les conséquences d’une politiques protectionnistes sont perçues comme favorables à la protection du savoir faire français (59%), des activités de l’industrie (57%), de l’emploi (55%) et de la croissance (50%).

    Massivement, les personnes interrogées pensent que c’est à l’Europe qu’il revient de mettre en œuvre cette politique protectionniste (80%). Mais, au cas où l’on se heurterait à un refus de nos partenaires européens à appliquer une telle politique, 57% des personnes interrogées répondent qu’il faut que la France fasse cavalier seul. On ne saurait mieux exprimer la formule « avec l’Europe si on le peut, avec la France s’il faut, contre l’Europe si on le doit » !


    II. Un phénomène qui transcende les partis et les positions sociales.

    Cette dernière question est très symptomatique car elle concentre à la fois le problème du protectionnisme et celui d’une possible action unilatérale de la France,

    De manière significative, on ne retrouve cet équilibre que chez les électeurs des Verts. Les électeurs de l’UMP et du PS soutiennent quant à eux de manière importante le principe d’une politique unilatérale (58% et 56%) en dépit des positions proEuropéennes de ces deux partis. Comme on peut s’y attendre, ces positions sont plébiscitées par les personnes qui sont proches du Front de Gauche et du Front National (73% dans les deux cas). Mais, ces résultats s’inscrivent dans une tendance générale. Les chiffres du Front de Gauche et du Front National indiquent qu’ils sont plus dans une position d’influence sur la gauche et la droite modérée que dans une position d’opposition. Les résultats par catégories socioprofessionnelles confirment ce jugement. Si on retrouve 60% d’ouvriers pour considérer que la France devrait appliquer des droits de douane à ses frontières en cas de refus ou d’échec d’une solution concertée européenne, les pourcentages des artisans et petits commerçants (63%), celui des employés (57%), mais aussi – O surprise – ceux des cadres supérieurs et professions libérales (56%) ne sont guère différents.

    Il y a donc une contradiction évidente entre l’électorat et les principaux partis (PS et UMP) sur la question européenne. Par contre, le Front de Gauche et le Front National apparaissent comme bien plus en cohérence avec leurs électeurs. N’en doutons pas : si un référendum devait être organisé demain sur une telle question, il aboutirait au même désaveu de la classe politique, et des grands médias, que celui de 2005. D’ailleurs, 61% des personnes interrogées se prononcent en faveur d’une pétition pour l’organisation d’un débat à l’échelle européenne contre 21% de réponses opposées.

    Ce jugement extrêmement négatif se vérifie si on le ventile par affiliation politique (le pourcentage maximum étant celui des personnes proches du PS avec 90% et le pourcentage minimum celui des personnes proches du MODEM avec 82%). Il en va de même quand on le ventile en fonction du vote pour les candidats de l’élection présidentielle de 2007 (90% des personnes ayant voté pour Ségolène Royal partagent ce jugement négatif contre 86% pour François Bayrou).

    On observe un résultat analogue quant aux conséquences du libre-échange sur le niveau des salaires.Un jugement très négatif est partagé à égalité par les anciens électeurs de Ségolène Royal et de Jean-Marie Le Pen (89%) et ne tombe qu’à 72% avec les électeurs de Nicolas Sarkozy. Les sympathisants du MODEM sont certes les moins convaincus (encore que le pourcentage soit de 72%), mais il est de plus de 80% pour tous les partis de gauche et les Verts et de 86% pour le Front National.

    Enfin, l’impact sur les salariés français de l’ouverture est lui aussi jugé négativement à une très large majorité par les sympathisants de tous les partis et pas les personnes ayant voté pour les cinq candidats pour lesquels les résultats ont été comptabilisés.

    Jamais la divergence entre le discours des états-majors ou des futurs candidats des partis centraux de l’échiquier politique français (PS et UMP) et leurs électeurs n’aura été aussi grande que sur la question des conséquences de la mondialisation.

    Ce protectionnisme les sondés espèrent massivement qu’il pourra se mettre en place à l’échelle européenne. Mais, en même temps, ils ne sont pas dupes. Ils savent pertinemment que la construction européenne est devenue une énorme machine qui produit du règlement mais pas de politique. Alors, face à cette réalité incontournable, ils expriment aussi une forte volonté que ce soit dans le cadre national que soient formulées les solutions.

    Le choix d’une solution unilatérale provoquerait une crise majeure dans l’UE, ce qui est dit et répété là encore par une large partie de la classe politique et des médias. Pourtant, une telle solution semble être acceptée par une large majorité des personnes sondées. Non seulement l’écart entre les partisans et les opposants à une telle solution est considérable (57% contre 31%), mais on ne trouve que 10% du total des personnes interrogées pour dire qu’elles sont tout à fait opposées à une solution unilatérale, autrement dit qu’elles placent l’UE au-dessus des intérêts de la France. Le grand rêve européen, entamé par l’acte unique, s’achève et les Français se réveillent profondément attachés à leur Nation.


    III. Les conséquences politiques.

    La maturité des Français, telle qu’elle se dégage de ce sondage, est assez étonnante. Qu’il s’agisse des causes de la situation économique ou des solutions à y apporter, on trouve dans les réponses la trace d’un argumentaire étoffé.

    Le principal problème vient de la divergence entre les positions politiques affirmées du PS et de l’UMP et le positionnement de leurs électeurs. La contradiction, on l’a déjà dit, est patente et massive. Elle se renforce du fait que 64% des personnes interrogées pensent que la question du protectionnisme devrait être un sujet important lors de la prochaine élection présidentielle. Ils ne sont à l’inverse que 23% à penser que cette question n’est pas vraiment importante et seulement 5% à considérer que l’ouverture économique ne constitue pas un sujet.

    Or, sur ce point, les positions des deux grands partis français sont pour le moins sujettes à caution. Si, à l’UMP, Nicolas Sarkozy avait fait durant sa campagne électorale quelques déclarations laissant à penser qu’il était en faveur d’un certain protectionnisme, elles n’ont pas été suivies d’effets. Au PS on balance entre une référence à des « écluses », voire des droits de douanes (mais uniquement contre des pays ne respectant pas les normes internationales en matière sociale, sanitaire et environnementale) et les déclarations récentes de l’un des candidats potentiels, François Hollande, qui a exclu tout recours au protectionnisme. On constate donc qu’aujourd’hui, tant la pratique des uns que le discours des autres sont à l’opposé de ce que réclament les Français.

    Une telle divergence est suicidaire. Elle l’est pour chacun de ces partis qui prend le risque de passer à côté d’un thème majeur de la future campagne électorale, et ainsi de favoriser les partis qui, eux, sont beaucoup plus en phase avec l’opinion des Français, et en particulier le Front de Gauche et le Front National. Mais, cette divergence est aussi, et même avant tout, suicidaire pour la classe politique et pour la démocratie. Elle contribue à asseoir dans l’opinion l’idée que la classe politique, du moins pour ce qui concerne les « grands partis » a des intérêts et des préoccupations radicalement différents de ceux de la population. La vague populiste qui monte dans notre pays comme dans de nombreux pays d’Europe y trouvera certainement un aliment important, et peut-être même décisif dans les mois qui viennent

    Le bon sens voudrait donc que les « grands partis » se saisissent sérieusement d’une question qui, comme l’indique ce sondage, transcende les partis et les positions sociales. Des réponses fortes et positives doivent y être apportées d’urgence, et l’on ne pourra plus s’abriter derrière l’argument d’une inaction européenne pour justifier sa propre inaction.

    À défaut, il faut s’attendre à une montée en puissance des partis qui, eux, auront compris l’importance de la question du libre-échange et de la mondialisation. Il sera trop tard, au soir d’une élection, de venir le regretter.
     
     
    Jacques Sapir (Pour un protectionnisme européen, 16 juin 2011)


     

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  • La grande infusion...

    Nous vous servons ci-dessous une petite tasse d'infusion préparée par J.H. d'Avirac sur Polémia...

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    DSK : la grande infusion

    La version « infusée » du Journal de la Femme de chambre est à coup sûr plus intéressante que sa version Twitter. Nous proposons ici une petite grille d’analyse un brin iconoclaste mais en phase avec les réflexes et la versatilité de l’Homo consumens, si omniprésent dans nos comportements.

    DSK : l’équivalent pour la gauche « morale » de la crise de la Vache folle pour l’élevage industriel

    Beaucoup de choses ont déjà été dites ou écrites sur l’affaire DSK et son ADN généreusement dispensé ; peu d’hypothèses, en revanche, ont été formulées sur l’effet produit chez « l’électeur consommateur » dans le temps. Dans le bref espace-temps de l’effet de « sidération », les -12 points encaissés par le présumé séducteur au baromètre du Figaro Magazine et le +2 points engrangé par tel ou tel ne sont rien… Ils ne sont rien en regard de l’effet « d’infusion », ô combien plus dévastateur pour la gauche morale et révélateur à long terme.

    Dans un monde où l’on consomme de la politique comme la dernière barquette micro-ondable de lentilles au petit-salé, la crise DSK est à la gauche ce que la crise de la Vache folle fut à la consommation de produits alimentaires : un électrochoc puis une révélation annonciatrice d’une mutation.

    L’évasion du consommateur est la conséquence de la crise de confiance

    Une fois la charge à haut voltage interrompue, nous aurons peut-être l’immense plaisir de déguster une toute nouvelle potion. Le parallèle « alimentaire » peut paraître trivial, mais il se révèle à n’en point douter pertinent car l’esprit de nos concitoyens a été formaté sur ce mode d’implantation des messages et sa désactivation peut-être tout aussi rapide et radicale que sa mobilisation. Demeureront peut-être quelques fâcheuses habitudes, mais l’évasion du consommateur est la conséquence immédiate et définitive de la rupture du contrat de confiance qui le lie à la marque.

    La ménagère sait que les « grands » groupes et les « grandes » marques peuvent mentir

    Retour au supermarché : les deux décennies qui viennent de s’écouler ont fait prendre conscience à la ménagère occidentale que les « grands » groupes et les « grandes » marques pouvaient mentir ; que derrière les emballages pimpants et les artifices marketing se cachaient trop souvent une recherche systématique de la marge brute à court terme ; que dans le sachet de tisane au thym et saveurs provençales pouvaient se cacher le pesticide, l’arôme artificiel, le conservateur et l’ionisation des plantes potentiellement cancérogènes.

    L’infusion socialiste est du même tonneau

    L’infusion socialiste « façon social-démocratie » était bien de ce tonneau : une touche de bons sentiments ; une morale apparemment inoxydable ; une bonne dose d’universalisme ; du cœur à toutes les sauces pour masquer jalousie, ambitions personnelles, absence de repères réels ou de principes et mépris rose/bobo/caviar/intello, le tout dans une crème ultradécadente où les addictions au sexe, à l’alcool et autres babioles deviennent le quotidien d’hommes pressés « aimant plaire »…

    La crise du discours publicitaire

    Retour au supermarché et sur l’extraordinaire mutation générée par les dernières crises alimentaires : notre ménagère de quarante ans s’est bien littéralement métamorphosée. Elle a ouvert les yeux sur un monde où désormais le progrès n’est plus synonyme de bonheur universel. Elle ne croit plus au discours publicitaire, même si ce dernier conserve subliminalement un certain impact. Elle détaille les listes d’ingrédients présentes sur les emballages. Elle veut du naturel sous label. La profusion de pseudo-labels l’oblige à un véritable parcours du combattant, parcours d’experts auquel elle se livre volontiers. Elle se méfie du « global » auquel elle préfère désormais le « local ». Elle demande un projet et une éthique d’entreprise suivis de faits concrets. Elle fonce dans l’ « équitable », le « solidaire », le « français » (cf. la dernière étude du CREDOC qui révèle que 64% des Français sont prêts à payer plus cher pour le « made in France »). On lui disait que la marque était tout, elle n’y croit plus et demande des preuves. Proposez-lui un litre de lait, elle vous demandera la carte d’identité du producteur et la photo de la vache, histoire de vérifier qu’elle n’est pas folle dingue !

    La mutation de l’ « électeur-consommateur »

    Voilà ainsi préfigurée la mutation de l’ « électeur-consommateur ». L’infusion magique dont il est en train de s’imprégner pourrait bien se révéler étonnamment efficace… Une sorte de purge, en somme, évacuant (définitivement ?) la naïveté, la passivité, la mise en scène inquisitoriale des bons contre les méchants ou les mal-pensants, la primauté du melting-pot métisseur sur le très suspect combat de la préservation des identités.

    Tout ceci nous fabrique au bout du compte un consommateur-électeur mature, rebelle, légitimement révolté par ces donneurs de leçons vérolés, qui méprisent l’école de la vie et l’honnête citoyen.

    Pour faire de cette infusion un breuvage explosif, utiliser une théière d’un nouveau genre, véritable machine à faire tomber les masques : un doigt de réinfosphère, une pincée d’humour, de la hauteur, beaucoup de hauteur, du temps, encore du temps ; éloigner les facilités de langage, les récupérations hasardeuses, les tentations du poujadisme à deux balles ; lui préférer les valeurs sûres, les idées à l’endroit, les principes, les ancrages, les origines… bref, de la finesse, de l’excellence et de l’exigence dans un monde de brutes dépressives et dégénérées. A consommer et à faire consommer sans modération car il est des potions qui soulèvent des montagnes.

    J.H. d’Avirac (Polémia, 7 juin 2011)

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  • Intervention en Libye : un cruel révélateur...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial du quotidien Le Monde (dimanche 12 - lundi 13 juin 2011) qui pose quelques bonnes questions sur la défense française et européenne... De renoncements en renoncements, diposerons-nous encore dans quelques années des instruments nécessaires à la souveraineté ?...

     

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    Le cruel révélateur de l'intervention en Libye

    Il ne faudrait pas que l'affaire libyenne dure encore plusieurs mois. Pour le peuple libyen martyrisé par son dictateur, bien sûr. Mais pas seulement. Les lendemains risquent d'être douloureux pour les armées européennes qui participent à cette intervention.

    Trois nations en donnent le tempo : les Etats-Unis, acteur hors catégorie par sa puissance, la France et le Royaume-Uni. Seize autres pays jouent les seconds rôles, pour ne pas dire les figurants.

    Il ne faut pas leur en vouloir, a tenu à dire le secrétaire américain à la défense, Bob Gates, le 9 juin, qui, pour la énième fois, appelait les Européens à "partager le fardeau" de la sécurité mondiale : "Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l'écart, non parce qu'ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu'ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là."

    La France s'est vantée d'avoir été la première à frapper, le 19 mars. Elle fait remarquer à ses alliés plus frileux qu'elle assume ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Nos avions et nos bateaux sont partis à l'heure, avec des hommes prêts à servir, disent les chefs militaires. Mais demain, préviennent-ils, ce sera une autre affaire. Ainsi, comme l'admettent sans fard les responsables de la marine nationale, si le porte-avions Charles-de-Gaulle est engagé en Libye jusqu'à la fin de 2011, il devra s'arrêter totalement en 2012.

    Car les armées européennes, pourtant ultramodernes et ultra-coûteuses, ne savent plus durer. Les Rafale français dépendent des ravitailleurs américains. Les F16 danois n'ont plus de munitions après deux mois de frappes. Les Typhoon britanniques n'ont pas assez de pilotes qualifiés. Plus traumatisant pour cette grande puissance maritime, une bonne part de ses navires actuellement au combat dans le monde sont voués à la casse dans le cadre de la réforme budgétaire en cours.

    L'Irak (pour le Royaume-Uni), l'Afghanistan, le Liban, les conflits africains, ont placé aux limites de leurs capacités de déploiement des appareils militaires soumis aux sévères cures d'amaigrissement de l'après-guerre froide.

    Derrière, les entrepôts sont vides. L'effort du moment, très important, entame la préparation de l'avenir, comme le coureur finit par consommer sa masse musculaire. Le hiatus entre les ambitions affichées et les moyens de les réaliser est donc cruellement mis à nu.

    A l'aube de la campagne présidentielle, les responsables militaires ne se privent donc pas d'interpeller la nation. C'est, si l'on ose dire, de bonne guerre pour tenter d'obtenir des moyens d'action plus consistants et convaincants.

    Mais, au-delà de ce classique plaidoyer pro domo, des questions cruciales sont posées : la France veut-elle conserver un modèle d'armée cohérent et complet ? Est-elle prête à en payer le prix ? Quelle indépendance stratégique entend-elle défendre ? Faute de réponses sérieuses, les ambitions affichées sur la scène mondiale ne feront pas longtemps illusion.

    Le Monde (12-13 juin 2011)

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  • Quand les chinois construisent l'Europe...

     Vous pouvez visionner ci-dessous sur Realpolitik.tv un entretien avec Hervé Juvin sur la menace que les entreprises chinoises font peser sur l'Europe et son modèle social à construire. Clair et percutant ! 

     


    Hervé Juvin : quand les Chinois construisent... par realpolitiktv

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  • Les intermittents du chaos...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Claude Bourrinet publié sur Voxnr et consacré aux bons petits soldats du système que sont intermittents du spectacles ou autres clowns transgressifs et artistes de rue décalés...

     

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    Les intermittents du chaos

    Jeudi 9 juin, Quimper. Le spectacle n’annonçait réjouissant. Pensez-donc : des clowns ! Les collégiens s’en pourléchaient le zygomatique. Le titre de la prestation était bien en anglais : Christmas Forever, mais bah ! il ne faut pas être plus royaliste que le roi… Drôle de nom, quand même, pour une troupe italienne : Tony Clifton Circus. Mais re-bah !, Johnny est bien considéré comme un chanteur national. Et puis, nos pré-ados en ont eu plein les mirettes : d’abord une grosse limousine noire qui se gare.

    Mais voilà comment un témoin, le principal du collège, raconte la suite : « On a eu affaire à quelque chose de totalement surréaliste et d'invraisemblable. Subitement, la troupe a commencé à balancer des paquets de cigarettes dans la foule alors que nous nous battons toute l'année contre le tabac. Une poupée gonflable a fait son apparition puis un homme complètement dénudé. C'était de la provocation. Les élèves étaient atterrés et choqués. Ce spectacle n'avait pas sa place dans une cour de récréation. »

    Les réactions ont été, et tant mieux !, très virulentes, de la part des parents, des autorités, et la reprise du « spectacle » a été annulée.

    A vrai dire, c’est la surprise qui est surprenante. Certains coins de France sont tellement habitués à ce genre de plaisanteries de mauvais goût qu’on n’y fait même plus attention. La presse, d’ailleurs, s’empresse d’applaudir à des performances festives qui « décoiffent », font « penser », « font table rase des préjugés », « animent les rues trop tristes » etc. Toute la topique du libéralisme potache et cucul y passe. Et nous sommes contraints, comme pour l’art contemporain, d’acquiescer, sous peine d’être taxés d’ « archaïques », d’ « incultes », de « réacs », voire de « cons ». On nous dit que c’est le monde d’aujourd’hui. On veut bien le croire.

    A quoi servent donc ce qu’on a l’habitude d’appeler les « intermittents du spectacle » - terme trop large, auquel qu’il vaut mieux, en l’occurrence, adjoindre la précision « de rue » ?

    Il faut se défaire de préjugés culturels, historiques et politiques.
    Le premier discours attendu, pour celui qui a encore une vision du théâtre marquée par l’après-guerre, serait celui de la Culture, de l’humanisme militant, de l’éveil du peuple par la transmission de la beauté et du savoir. Cette ligne est directement héritière de la génération de Jean Vilar, qui plaçait haut le métier d’artiste. Mais il faut se résigner à constater l’émergence d’un autre type de spectacle, qui relève de l’entertainement, du divertissement, parfois prétentieux lorsqu’il dérive vers l’agit prop. , ainsi qu’il s’avère avec le théâtre de rue, souvent de médiocre prestation. Et quand s’y mêle un discours idéologique, il est plaqué sur les poncifs de la nouvelle classe moyenne. Dans le fond, la rhétorique et l’éthos des luttes d’intermittents épousent la vision libérale mondialiste. Les nouveaux héros sont les sans papiers, les journalistes, les ONG, les sidéens, les homosexuels etc. La dialectique du réel est remplacée par une approche compassionnelle, droitdel’hommiste, où la victime a toujours raison. Dans les pratiques culturelles, le livre et la tradition (celle de la classe ouvrière) sont passés à la trappe de la néophilie, et les nouveaux moyens de communication, l’information par réseaux, la posture « rebelle » sont des marqueurs obligés. Les valeurs libertaires, contestataires ont été retournées comme des gants pour servir à la déterritorialisation, au déracinement, à l’émergence des flux marchands. L’intermittent du spectacle moderne est ignorant au sens classique, mais empli de vents médiatiques. Au lieu de lorgner sur Moscou ou Pékin, il a pour New York ou la Californie une préférence marquée. Il aime la langue anglaise, les goûts esthétiques anglo-saxons.
    La haine des intermittents du spectacle pour les nationalismes (sauf certains) ou tout simplement les frontières, le patriotisme, les traditions, le passé, relève d’une mentalité complètement attachée à l’idéologie marchande contemporaine, jusqu’à lier flux des choses et flux des hommes, nomadisme et liberté absolue.

    Il faut dire que la société marchande est friande d’un fait culturel qui lui rend tant service. Le nombre d’entreprises culturelles a subi une augmentation spectaculaire : de 1996 à 2003, par exemple, elle a été de 42% (jusqu’en 1999, le rythme annuel a été de 3%, puis à partir de 2000 de 6,5%, le spectacle vivant a crû de 54% de 1996 à 2000, contre 28% pour l’audiovisuel.
    Ce phénomène s’explique par ce que Philippe Muray nomme l’assomption de l’homo festivus. Les festivals se sont multipliés, les villes et les départements, les régions ont voulu attirer un public varié, souvent estivant. C’est là un secteur économique non négligeable, qui nourrit l’argumentaire des « luttermittents ». Ces entreprises hautement commerciales véhiculent un message très clair, tout à fait compatible avec la société libérale : il faut détruire le vieux monde, instaurer celui du jouir immédiat, de l’éternel présent, disloquer par des mises en situations décalées, « déjantées », les certitudes habituelles, les valeurs traditionnelles, et, comme l’explique bien Muray, occuper le territoire urbain pour le rendre invivable (qui a fréquenté un festival de spectacle de rue sait de quoi je parle). Derrière le paravent « ludique » (mot tarte à la crème, s’il en est) se dissimule une stratégie idéologique extrêmement élaborée, le pendant de celle des entreprises Walt Disney, dont l’alpha et l’oméga est de convaincre qu’il suffit de peu (de « délire ») pour rendre la société de consommation formidable. Les faux airs rebelles, qui s’attaquent surtout aux « beaufs », et réjouissent les ados en leur faisant croire qu’ils s’engagent, malgré leur superficialité stupéfiante, donnent un crédit fallacieux à ce business déstabilisant. Et quand bien même on voudrait, par mauvaise foi, que certains spectacles soient, comme l’était l’agitation soixanthuitarde, « subversifs », il suffit de rappeler que de nombreuses communes ou départements, qui ne sont bien sûr pas révolutionnaires, mais qui obéissent à des objectifs clientélistes ou électoraux, tombant ainsi dans le pire snobisme, financent généreusement ces agressions contre le bon goût et la société. Nous en sommes là : bêtise ou cynisme, militantisme ou intérêt, les autorités de notre pays contribuent à défaire ce que des siècles ont construit, dédaignant par ailleurs des types de spectacles autrement plus valorisants, mais qui ont le malheur, à leurs yeux, d’être « ennuyeux ». A moins qu’on ne reprenne Carmen et Le Cid pour en faire des plaisanteries d’après soûlerie de fin de semaine.

    Il faut dire que cette « esthétique » est parfaitement adéquate avec les réquisits du nouveau capitalisme. La « praxis » professionnel des intermittents correspond étonnamment aux nouveaux rapports sociaux-économiques. Le personnage romantique du saltimbanque a été remplacé par le travailleur créatif et flexible, emblème du management issu des années 70. La création artistique est en effet revendiquée par le nouveau capitalisme, soit dans le domaine productif, soit dans le domaine sociétal. Elle irrigue par la publicité hédoniste, ludique, l’imaginaire des consommateurs, et l’art « contemporain », sous toutes ses formes, lui offre des thématiques idoines.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 12 juin 2011)

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