Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Géopolitique - Page 38

  • Rwanda : l'histoire truquée....

    A l'heure où les médias répercutent  sans la moindre gêne les accusations délirantes du sympathique Paul Kagamé, dictateur du Rwanda depuis 20 ans, à l'encontre de la France, Julien Teil et Paul-Éric Blanrue reviennent dans leur documentaire Rwanda, l'histoire truquée sur la genèse de la guerre civile rwandaise des années 1990-1994 ainsi que sur les responsables et les bénéficiaires des massacres qui ont suivi...

     

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Géopolitique, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • La vraie cause de la crise ukrainienne : la guerre économique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son site J'ai tout compris et consacré aux causes de la crise ukrainienne.

     

    Obama Barroso.jpg

    Vraie cause de la crise ukrainienne : la guerre économique

    Les sanctions économiques stupides contre la Russie prises par les USA et l’Union européenne sont une énorme erreur qui va d’abord nuire à l’Europe et surtout… à la France. Elles sont un moyen pour Washington de casser le lien économique euro-russe en construction. Voilà les vraies raisons, économiques, de la crise ukrainienne, provoquée par l’Occident (USA et EU soumise) à son bénéfice.  

    Les sanctions anti-russes (complètement contraires au droit international, par ailleurs) nuisent d’abord à l’économie russe, qui souffre de son manque de diversification et de sa trop grande dépendance du secteur énergétique pétrogazier, en favorisant une fuite des capitaux russes. La Banque centrale russe a déjà enregistré 50 milliards de dollars d’actifs désertant Moscou. (1)

     Les États-Unis poussent à l’accord de libre-échange avec l’UE, accord inégal qui les favorisera grandement, et que la Commission européenne n’ose pas contrecarrer. Leur but est d’éviter à tout prix  une zone de libre échange euro-russe incluant l’Ukraine, et la naissance d’un espace économique continental euro-russe qui pourrait marginaliser et affaiblir la position économique dominante américaine.

    L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, concocté par la Commission européenne sans mandat clair, fut la provocation  qui déclencha la crise actuelle (voir autres articles de ce blog). Cet accord était économiquement irréalisable, invivable, l’Ukraine n’étant même pas au niveau économique d’un pays émergent. Il violait des conventions passées entre la Russie et l’Ukraine. La crise fut déclenchée lorsque, sous pression du Kremlin, l’ancien pouvoir de Kiev revint en arrière et renonça à l’accord proposé par Bruxelles. Le nouveau pouvoir ukrainien russophobe par idéologie (illégitime au regard du droit international puisque issu d’un coup d’État) entend reprendre cet accord absurde avec l’UE. Les mesures russes de rétorsion contre l’Ukraine (fin du tarif gazier préférentiel et facturations rétroactives) semblent peut-être dures mais elles sont conformes à toutes les pratiques commerciales internationales, par exemple celles qui ont toujours été pratiquées par l’Opep – Organisation des pays exportateurs de pétrole.

    Petit rappel historique : début 2012, une zone de libre échange euro-russe avait été programmée par Paris et Moscou, avec l’accord du gouvernement Sarkozy et du Kremlin, incluant l’Ukraine et la Communauté des États indépendants (CEI). Berlin était d’accord, vu que l’Allemagne est dépendante du gaz russe et investit énormément en Russie. Mais Washington et Londres étaient très inquiets, vieux réflexe géopolitique anglo-saxon. D’autant plus que la France avait passé des accords d’exportation de navires militaires de type BPC Mistral avec la marine russe, ce qui constitue pour l’Otan une entorse aux règles implicites, une ligne rouge à ne pas franchir.

    La Russie était d’accord pour entrer dans l’Organisation mondiale du commerce en échange d’un partenariat privilégié avec l’UE.  Cet objectif est inacceptable pour Washington : en effet, les Américains exigent la signature de l’accord (inégal) de libre échange avec l’UE qui favorise tous leurs intérêts.

    En décembre 2012, Manuel Barroso, président de la Commission européenne,  a rejeté la proposition de M. Poutine d’une zone de libre-échange euro-russe incluant l’Ukraine ; puis, il a proposé  à l’Ukraine de s’associer à l’UE pour une future adhésion, solution qu’il savait impossible. Mais Manuel Barroso, outrepassant ses fonctions et violant juridiquement son mandat, est-il un simple agent de Washington ? N’aurait-t-il pas volontairement provoqué la crise, afin de briser dans l’œuf une union économique euro-russe ?  

    Les intérêts économiques européens en Russie  dépassent de très loin ceux des USA, ce qui dérange ces derniers. La moitié des investissements en Russie sont européens. Même proportion pour les exportations russes.

    Les sanctions contre Moscou, décidées en fait à Washington et à Bruxelles – l’UE jouant le rôle peu reluisant de filiale des USA –  vont d’abord nuire aux investissements européens et français en Russie et à leurs exportations industrielles et de services. Les sanctions anti-russes risquent de mettre en péril non seulement les importations vitales de gaz russe mais de nombreuses participations françaises dans l’économie russe : industries ferroviaire, automobile, pharmaceutique, travaux publics, luxe, viticulture, aéronautique, agro-alimentaire, grande distribution, défense. Au moment même où la France a un besoin vital d’exporter pour rééquilibrer sa balance des paiements déficitaire et créer des emplois.

    Le gouvernement socialiste français, dont la diplomatie est dirigée par l’atlantiste Laurent Fabius (qui n’a pas de doctrine précise à part la vacuité des ”Droits de l’homme”) a enterré la position gaullienne et indépendante de la France. Il s’est aligné, contre les intérêts de la France et de l’Europe (la vraie, pas celle de l’UE) sur la position de Washington. En réalité, Washington et l’UE ont instrumentalisé l’Ukraine au seul bénéfice des intérêts économiques américains.

    Il existe un autre aspect fondamental : tout se passe, par ces sanctions économiques anti russes,  comme si Washington voulait créer une crise des approvisionnements gaziers russe en Europe, afin d’y substituer les exportations américaines de gaz de schiste liquéfié, nouvelle source d’énergie extrêmement juteuse pour l’économie américaine. 

     D’un point de vue géostratégique, l’axe Paris-Berlin-Moscou est le cauchemar  des milieux atlantistes, ainsi que son corollaire, un espace économique de complémentarité mutuelle ”eurosibérien”, ainsi qu’une coopération militaro-industrielle franco-russe. Le président russe a eu le tort pour Washington de vouloir esquisser cette politique.

    C’est pourquoi la crise ukrainienne – latente depuis longtemps – a été instrumentalisée, entretenue, amplifiée par les réseaux washingtoniens (2) pour tuer dans l’œuf un grand partenariat économique et stratégique euro-russe. Pour découpler l’Europe de la Fédération de Russie.

    N’en voulons pas aux USA et ne sombrons pas dans l’anti-américanisme dogmatique. Ils jouent leur carte dans le poker mondial. Seuls responsables : les Européens, qui sont trop mous, faibles, pusillanimes pour défendre leurs intérêts, qui laissent la Commission européenne  décider – illégalement – à leur place.  De Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

     Mais il n’est pas évident que cette stratégie de la tension avec la Russie et que cette réactivation de la guerre froide soient dans l’intérêt des USA eux-mêmes.  Car cette russophobie – qui prend prétexte du prétendu ”impérialisme” de M. Poutine (3), cette désignation implicite de la Russie comme ennemi principal ne sont pas intelligentes à long terme pour les Etats-Unis. Pour eux, le principal défi au XXIe siècle est la Chine, sur les plans économique, géopolitique et stratégique globaux. Pékin se frotte les mains de cette crise, en spectateur amusé.

    Dans l’idéal, il reviendrait à la France et à l’Allemagne (négligeant le Royaume–Uni aligné sur les USA et la Pologne aveuglée par une russophobie émotionnelle et contre-productive) de négocier, seules, avec Moscou, un compromis sur la crise ukrainienne. En passant par dessus la technocratie bruxelloise qui usurpe la diplomatie européenne et qui, comme toujours, marque des buts contre le camp européen. On peut toujours rêver.   

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 20 avril 2014)

    Notes :

    1. AFP, 15/04/2014

    2. Barack Obama, qui est un président faible de caractère et indécis, ne voulait plus impliquer son pays dans les affaires européennes et russes, préférant se tourner vers l’Asie. Ce qui était réaliste. Mais il a dû s’incliner devant les lobbies qui ont toujours  dirigé la politique étrangère américaine, souvent plus pour le pire que pour le meilleur.

    3. ”Impérialisme” minuscule face aux interventions armées des USA et de l’Otan (mais toujours pour la bonne cause) depuis la fin de l’URSS.

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Les grands théoriciens de la géopolitique...

    Les éditions des Presses universitaires de France publient cette semaine un essai de Louis Florian intitulé Les grands théoriciens de la géopolitique. Agrégé d’histoire, Florian Louis enseigne l’histoire, la géographie et la géopolitique en classes préparatoires aux grandes écoles et est déjà l’auteur avec Tancrède Josseran et Frédéric Pichon de Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Puf, 2012).

     

    Grands théoriciens de la géopolitique.jpg

    "La géopolitique a une histoire. Faite d’audaces théoriques et de vives controverses, celle-ci n’avait jamais été retracée dans son intégralité. C’est désormais chose faite grâce à cet ouvrage qui en dresse la généalogie intellectuelle en s’attachant à l’œuvre de ceux qui, depuis les fondateurs (Ratzel, Mahan, Mackinder, Spykman) jusqu’aux auteurs les plus contemporains (Huntington, Nye, Lacoste, Luttwak), ont contribué à en infléchir le cours. C’est également l’occasion de mettre en lumière l’apport déterminant quoique largement ignoré d’auteurs comme Jean Gottmann ou Carl Schmitt, et d’introduire le lecteur francophone aux dernières tendances de la discipline (critical geopolitics anglo-saxonne).
    Plus qu’une simple galerie de portraits, c’est donc un véritable panorama critique de l’histoire des idées géopolitiques qui est ici proposé. Grâce à de nombreux extraits traduits pour la première fois en français, ce sont tous les concepts cruciaux de la discipline qui se trouvent explicités et mis en perspective : Heartland, Rimland, Lebensraum, Grossraum, etc. Il en ressort le visage inédit d’une discipline dont le foisonnement n’a d’égal que la diversité."

    Au sommaire :

    Introduction : Pour une histoire critique des idées géopolitiques

    I – Le précurseur – Friedrich Ratzel

    II – Le sea power – Alfred Mahan

    III – Le Heartland – Halford Mackinder

    IV – Le Rimland – Nicholas Spykman

    V – Le monde post-étatique – Carl Schmitt

    VI – Une école française de géopolitique ? – Reclus, Vidal, Ancel…

    VII – Le grand échiquier – Zbigniew Brzezinski

    VIII – Le choc des civilisations – Samuel Huntington

    IX – De la géopolitique à la géo-économie – Edward Luttwak

    X – Le soft power – Joseph Nye

    XI – Penser les guerres du XXIe siècle – Keegan, Walzer, Petraeus…

    XII – La géopolitique critique – Gearóid Ó Tuathail
    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Livres 0 commentaire Pin it!
  • La guerre contre la Russie dans sa dimension idéologique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Douguine, cueilli sur le site The Fourth Political Theory et consacré à la crise entre l'Occident et la Russie sur la question de l'Ukraine et de la Crimée... Théoricien russe du néo-eurasisme et géopolitologue influent et lu dans les cercles du pouvoir moscovites, Alexandre Douguine a vu un de ses essais La quatrième théorie politique récemment publié en France aux éditions Ars magna.

     

    douguine.jpg

    La guerre contre la Russie dans sa dimension idéologique

    La guerre à venir comme concept

    La guerre contre la Russie est actuellement la problématique la plus discutée en Occident. Il ne s’agit encore que d’une suggestion et d’une possibilité. Cela peut devenir une réalité en fonction des décisions prises par les différentes parties impliquées dans le conflit ukrainien (Moscou, Washington, Kiev, Bruxelles). Je n’entends pas discuter ici tous les aspects de ce conflit ainsi que son histoire. J’aimerais proposer à la place une analyse de ses racines idéologiques profondes. Ma vision des principaux événements s’appuie sur la Quatrième Théorie Politique dont j’ai exposé les principes dans mon ouvrage du même nom (publié en français aux éditions Ars Magna). Je ne vais ainsi pas étudier la guerre de l’Occident contre la Russie en évaluant ses risques, dangers, problèmes, coûts et conséquences mais plutôt sa signification idéologique à l’échelle du monde. Je vais ainsi réfléchir sur le sens d’une telle guerre et non sur la guerre elle-même (réelle ou virtuelle).

    L’essence du libéralisme

    L’Occident moderne ne connaît qu’une seule et unique idéologie dominante : le libéralisme. Il en  existe  bien  des  formes  aux  nombreuses  nuances  mais  l’essence  demeure  toujours identique. La structure interne fondamentale du libéralisme est composée des principes axiomatiques suivants :

    -Individualisme anthropologique (l’individu est la mesure de toute chose) ;

    -Progressisme (le monde se dirige vers un futur meilleur, le passé est toujours pire que présent) ;

    -Technocratie  (le  développement  technologique  et  sa  performance  effective  sont  perçuscomme les meilleurs outils pour juger de la nature d’une société) ;

    -Eurocentrisme (les sociétés euro-américaines sont considérées comme l’unité de mesure fondamentale pour le reste de l’humanité) ;

    -L’économie  comme  destin  (l’économie  basée  sur  le  libre  marché  est  l’unique  modèle économique valable, toutes les autres alternatives sont à réformer ou à détruire) ;

    -La démocratie comme règne des minorités (qui se défendent contre la majorité qui serait toujours prompte à dégénérer en totalitarisme ou en « populisme ») ;

    -La  classe  moyenne  est  le  seul  acteur  social  existant  et  devient  la  norme  universelle(indépendamment du fait que la personne ait déjà atteint ce statut ou soit sur le point de l’atteindre) ;

    -Un monde unique, mondialisme (les êtres humains sont essentiellement identiques. Il ne peut exister  que  des  différences  individuelles.  Le  monde  devrait  être  unifié  sur  une  base individualiste : cosmopolitisme, citoyenneté mondiale).

    Telles sont les valeurs centrales du libéralisme, qui n’est qu’une des trois tendances nées de la philosophie des Lumières, aux côtés du communisme et du fascisme, qui ont proposé des interprétations alternatives de l’esprit authentique de la Modernité. Au cours du XXème siècle, le libéralisme a vaincu ses deux rivaux et acquis, après 1991, le rôle d’unique idéologie dominante à l’échelle mondiale. Au Royaume du libéralisme, la seule liberté de choix était entre le libéralisme de gauche ou d’extrême gauche ou bien entre le libéralisme de droite ou d’extrême droite. Le libéralisme agissait ainsi comme le système opérationnel des societés occidentales et de toutes les sociétés placées sous l’influence de l’Occident. Le libéralisme est ainsi devenu à partir d’un certain moment le dénominateur commun à tout discours politiquement correct, le critère permettant de distinguer les discours acceptés par l’idéologie dominante de ceux rejetés dans la marginalité. La sagesse populaire est elle-même devenue libérale.

    Sur un plan géopolitique, le libéralisme s’est inscrit dans un modèle américano-centré où les anglo-saxons constituaient le coeur et où l’OTAN, le partenariat atlantiste entre l’Europe et l’Amérique, représentait le noyau stratégique du système de sécurité mondiale. La sécurité du monde était assimilée à la sécurité de l’Occident et, en dernière instance, à la sécurité de l’Amérique. Le libéralisme n’est ainsi pas qu’un pouvoir idéologique mais également un pouvoir politique, militaire et stratégique. L’OTAN est profondément libéral. Il défend les sociétés libérales. Il combat pour le libéralisme.

    Le libéralisme comme nihilisme

    Un élément de l’idéologie libérale est responsable de sa crise actuelle. Le libéralisme est profondément nihiliste dans ses fondements mêmes. L’ensemble des valeurs défendues par le libéralisme est lié à l’idée centrale de liberté, de libération. Cependant, la liberté dans la vision libérale est essentiellement une catégorie négative : on exige d’être libre par rapport à (John Suart Mill), et non pas d’être libre pour. Cela n’est pas un point secondaire, il s’agit de l’essence même du libéralisme.

    Le libéralisme est une lutte contre toute forme d’identité collective, contre tout type de valeurs, projets, stratégies, buts et fins qui s’établiraient sur une base collectiviste, ou à tout le moins non-individualiste. C’est la raison pour laquelle l’un des plus importants théoriciens du libéralisme, Karl Popper (suivant Friedrich van Hayek), affirme dans son important livre « La société ouverte et ses ennemis » (considéré par George Soros comme sa bible personnel) que les libéraux doivent combattre toute idéologie ou philosophie politique (de Platon et Aristote à  Hegel  et  Marx)  qui  proposerait  aux  sociétés  humaines  un  but  commun,  une  valeur commune, un sens commun. Tout but, toute valeur, tout sens doit être, dans la société libérale (la « société ouverte »), strictement individuel. Les ennemis de la « société ouverte » (toute la société occidentale post-guerre froide qui est considérée comme la norme de référence pour le reste du monde est précisément ce modèle libéral de société ouverte) sont ainsi faciles à identifier. Les ennemis principaux sont le communisme et le fascisme qui sont tous deux issus de la philosophie des Lumières et basés sur un concept fondateur non-individuel : la classe dans le marxisme, la race dans le national-socialisme, l’Etat national dans le fascisme. Le sens du combat libéral contre les alternatives modernes (fascisme ou communisme) est par ailleurs assez évident. Les libéraux prétendent libérer la société du fascisme et du communisme, des deux versions majeures du totalitarisme (explicitement non-individualiste). Le combat du libéralisme pour la liquidation des sociétés non-libérales est assez significatif : le libéralisme acquiert son sens par l’existence même d’idéologies qui se refusent à admettre l’individu comme valeur suprême. Il apparaît clairement contre quoi le combat a lieu, de quoi il faut se libérer. Le fait que la liberté telle que la conçoivent les libéraux est essentiellement une catégorie négative n’est ici pas clairement perçu. L’ennemi est ici et maintenant. Ce fait réel donne au libéralisme son contenu concret. Il est des sociétés « non ouvertes » et leur existence même suffit à justifier le processus de libération.

    La période unipolaire : la menace d’implosion

    En 1991, la chute de l’URSS, le dernier opposant au libéralisme occidental, a amené certains idéologues occidentaux à proclamer la fin de l’Histoire (p. ex : Francis Fukuyama). Assez logiquement : il n’y avait plus d’ennemi direct de la « société ouverte » et donc plus d’histoire au sens de la modernité, à savoir une lutte entre trois idéologies politiques (libéralisme, communisme, fascisme) pour l’héritage des Lumières. En termes stratégiques, ce fut le moment unipolaire (Charles Krauthammer). Cette période (1991-2014, avec en point d’orgue les attaques de Ben Laden sur le World Trade Center) fut réellement la période de domination mondiale du libéralisme. Les axiomes du libéralisme étaient acceptés par les principaux acteurs  géopolitiques,  y  compris  la  Chine  (dans  son  économie)  et  la  Russie  (dans  son idéologie, son économie et son système politique). Il y avait alors des libéraux, des libéraux en devenir, des « pas assez » libéraux et ainsi de suite. Les exceptions réelles et explicites étaient rares (Iran, Corée du Nord). Le monde devint libéral par ses axiomes idéologiques.

    Cela a été précisément le moment le plus important dans l’histoire du libéralisme. Il a vaincu ses ennemis mais les a en même temps perdus. Le libéralisme est essentiellement une libération, une lutte contre ce qui n’est (pas encore ou pas du tout) libéral. Le libéralisme a ainsi acquis son contenu, sa signification réelle par ses ennemis. Lorsque le choix porte entre la  non-liberté  (représentée  par  une  société  totalitaire  donnée)  et  la  liberté,  beaucoup choisissent la liberté sans se demander sur quoi porte cette liberté. Lorsque des sociétés non- libérales existent, le libéralisme est positif. Il commence à manifester son essence négative qu’après sa victoire.

    Après sa victoire en 1991, le libéralisme est entré dans sa phase implosive. Il est resté seul, sans ennemi à combattre, après avoir vaincu le communisme et le fascisme. Ce fut alors le moment pour débuter une lutte interne, une purge au sein même des sociétés libérales pour les débarrasser de tout élément non-libéral (le sexisme et les inégalités entre les sexes, le politiquement incorrect, toute dimension non-libérale qui imprègne des institutions comme l’Etat, l’Eglise et ainsi de suite). Le libéralisme a un besoin permanent d’ennemis pour s’en libérer. Autrement, il perd son contenu, son nihilisme implicite devient trop évident. Le triomphe absolu du libéralisme est sa mort.

    C’est tout le sens idéologique de la crise financière du début des années 2000 et de 2008. Les succès et non les échecs de cette nouvelle économie totalement financiarisée (le turbocapitalisme selon G. Luttwak) sont responsable de son effondrement. La liberté de faire tout ce qu’il vous plaît – mais uniquement au niveau individuel – provoque l’implosion de la personnalité. L’humain passe dans le monde de l’infra-humain, dans le domaine infra- individuel. Il rencontre là la virtualité. Être libéré de tout est un rêve infra-individuel ; c’est l’évaporation de l’humain. L’Empire du Néant est le dernier mot de la victoire totale du libéralisme. Le post-modernisme prépare le terrain de ce cycle infini de non-sens auto- référencé et post-historique.

    L’Occident en quête de l’Ennemi

    Vous  pourriez  vous  demander  maintenant :  mais  en  quoi  tout  ceci  concerne  la  guerre (présumée) à venir contre la Russie ? Je suis à présent prêt à répondre.

    Le libéralisme l’a emporté au niveau mondial. C’est un fait depuis 1991. Et il a commencé immédiatement à imploser. Il est arrivé à son stade terminal et a commencé à se liquider lui- même. L’immigration de masse, le choc des cultures et des civilisations, la crise financière, le terrorisme virtuel, la montée de l’ethnisme sont les marques d’un chaos qui s’approche. Ce chaos met en danger l’ordre, n’importe quel type d’ordre dont l’ordre libéral lui-même. Plus le libéralisme s’impose, plus il s’approche de sa fin, et donc de la fin du monde présent. Nous avons ici affaire à l’essence nihiliste de la philosophie libérale, où le néant apparaît comme le principe ontologique interne à la « liberté par rapport à ». L’anthropologue allemand Arnold Gehlen a justement défini l’homme comme une créature déficiente (Mängelwesen). L’homme en lui-même n’est rien. Tout ce qui compose son identité est issu de la société, de l’histoire, du peuple, de la politique. L’homme serait confronté au néant s’il retournait à sa pure essence. Cet abîme est dissimulé derrière des débris fragmentés de sentiments, des pensées vagues, des désirs obscurs. Derrière le voile fin de la virtualité des émotions infra-humaines ne se trouve qu’une pure obscurité. Ainsi, la découverte explicite du fondement nihiliste de la nature humaine  est  la  dernière  réalisation  du  libéralisme,  mais  aussi  son  ultime.  Cela  signifie également la fin pour ceux qui utilisent le libéralisme dans leur propre intérêt, qui sont les bénéficiaires   de   l’expansion   libérale,   les   maîtres   de   la   mondialisation.   Tout   ordre s’effondrerait devant un nihilisme aussi impérieux. L’ordre libéral également.

    Les bénéficiaires du libéralisme ont ainsi besoin de prendre un certain recul afin de sauver leur domination. Le libéralisme doit acquérir son sens en affrontant à nouveau une société non-libérale. Faire un pas en arrière est l’unique façon de sauver les restes de l’ordre, de sauver le libéralisme de lui-même. La Russie de Poutine apparaît alors à l’horizon. Ni antilibérale, ni totalitaire, ni nationaliste, ni communiste, mais plutôt pas encore assez libérale, pas totalement libéral-démocrate, insuffisamment cosmopolite, pas assez radicalement anti- communiste. Mais sur la voie de devenir libérale, pas à pas, dans un processus gramscien d’ajustement de l’hégémonie (Transformismo). Dans l’agenda mondial du libéralisme (USA, OTAN), il y a un besoin d’un nouvel acteur, d’une Russie qui justifierait l’ordre dans le camp libéral, qui aiderait à mobiliser l’Occident en train de s’effondrer en raison de ses problèmes internes, qui repousserait l’irruption inévitable du nihilisme interne du libéralisme, le sauvant ainsi de sa logique fin apocalyptique. C’est pourquoi tous ces gens ont un besoin impérieux de Poutine, de la Russie, de la guerre. C’est la seule manière de prévenir le chaos en Occident et de sauver les restes de son ordre. Le rôle idéologique de la Russie est de justifier l’existence du libéralisme, car la Russie est l’ennemi qui donne un sens au combat pour la « société ouverte », qui l’aide à se consolider et à s’affirmer.

    L’Islam radical (Al-Qaeda) était l’autre candidat pour ce rôle mais un tel ennemi manquait d’envergure.  Il  a  été  utilisé  à  un  niveau  uniquement  local.  Il  a  permis  de  justifier l’intervention en Afghanistan, l’occupation de l’Irak, le renversement de Kadhafi, et la provocation de la guerre civile en Syrie. L’islam radical était cependant trop faible et idéologiquement primitif pour constituer le défi réel dont les libéraux ont besoin. La Russie – ennemi géopolitique traditionnel des anglo-saxons – est un adversaire bien plus sérieux. Elle répond correctement à toutes les exigences : l’histoire et la mémoire de la guerre froide sont encore présentes dans les esprits et la haine de la Russie peut se susciter à l’aide de moyens relativement faibles. Pour cette raison, je pense que la guerre contre la Russie est possible. Elle est idéologiquement nécessaire en tant que moyen ultime de repousser l’implosion finale de l’Occident libéral. Un pas en arrière.

    Sauver l’ordre libéral

    En regardant les différents niveaux du concept de « guerre contre la Russie », je suis à même de soulever différents points.

    1) La guerre contre la Russie aide à différer le désordre général au niveau mondial. La majorité  des  pays  participant  à  l’économie  libérale,  qui  partagent  les  axiomes  et  les institutions de la démocratie libérale et qui dépendent ou sous directement contrôlés par les Etats-Unis ou l’OTAN pourront une nouvelle fois s’unir sous la bannière de l’Occident libéral dans son combat contre le non-libéral Poutine. Cette guerre servira à réaffirmer le libéralisme comme une identité positive au moment même où cette identité se dissout en raison de son essence nihiliste.

    2) La guerre contre la Russie renforcera l’OTAN et surtout ses membres européens qui seront obligés encore une fois de considérer que l’hyperpuissance américaine est positive et utile plutôt que d’y voir un reste obsolète de la guerre froide. Dans la peur de l’arrivée des méchants Russes, les Européens se sentiront à nouveau loyaux envers leur sauveur états- unien. Le rôle des Etats-Unis au sein de l’OTAN en sera d’autant plus renforcé.

    3) L’UE est en train de s’effondrer. La menace générale représentée par la Russie pourrait prévenir une éventuelle scission en mobilisant les peuples pour leur faire défendre encore une fois leurs libertés et leurs valeurs menacées par l’Empire de Poutine.

    4) L’Ukraine et la junte de Kiev ont besoin de la guerre pour justifier et couvrir toutes les forfaitures commises au niveau juridique et constitutionnel, pour suspendre la démocratie (qui entraverait leur domination dans les districts du sud-est majoritairement pro-russes) et pour installer un ordre nationaliste par des moyens extrêmes.

    Le seul pays qui ne souhaite pas la guerre est la Russie. Cependant, Poutine ne peut laisser un gouvernement radicalement anti-russe gouverner un pays dont la moitié de la population est russe et qui est composé de nombreuses zones pro-russes. S’il laissait faire, il en serait fini de lui sur la scène internationale comme sur la scène de la politique intérieure. Il accepte donc la guerre à contrecœur. Une fois entrée en guerre, il n’y aura d’autre solution pour la Russie que la victoire. Je n’aime pas spéculer sur les aspects stratégiques de la guerre. Je laisse ça à des experts qualifiés. Je voudrais formuler plusieurs idées concernant la dimension idéologique de cette guerre.

    La représentation de Poutine

    Cette guerre contre la Russie est le dernier effort pour sauver le libéralisme de l’implosion. En ce sens, les libéraux doivent définir idéologiquement la Russie de Poutine comme l’ennemie de  la  société  ouverte.  Il  n’existe  que  trois  entrées  dans  le  dictionnaire  des  idéologies modernes : le libéralisme, le communisme et le fascisme (nazisme). Il est assez clair que le libéralisme est représenté par tout sauf la Russie (Etats-Unis, OTAN, Euromaïdan, la junte de Kiev).  Il  reste  donc  le  communisme  et  le  fascisme.  Ainsi  Poutine  est  un  Soviet,  un communiste  du  KGB.  Cette  image  sera  vendue  à  la  frange  la  plus  stupide  du  public occidental. Certains aspects de la réaction patriotique de la population ukrainienne pro-russe et anti-banderiste pourront cependant confirmer cette idée (défense des monuments de Lénine, des portraits de Staline et de la mémoire de la seconde guerre mondiale). Le nazisme et le fascisme sont trop éloignés de Poutine et de la Russie moderne, mais le nationalisme et l’impérialisme russes seront invoqués dans la construction de l’image du grand Satan. Ainsi Poutine est nationaliste, fasciste et impérialiste. Cela fonctionnera sur d’autres occidentaux. Poutine peut aussi être les deux à la fois, communiste et fasciste en même temps, il sera ainsi dépeint comme un national-bolcheviste (mais cela sera un peu compliqué à vendre au public occidental post-moderne complètement ignorant). En réalité, il est évident que Poutine n’est rien de tout cela, ni communiste, ni fasciste, ni les deux. Il est politiquement réaliste (au sens que ce terme a dans les relations internationales, c’est pourquoi il apprécie Kissinger et que Kissinger l’apprécie en retour). Il n’a aucune idéologie d’aucune sorte. Mais il sera obligé de composer avec sa représentation idéologique. Il n’a pas le choix car telles sont les règles du jeu. Au cours de la guerre, Poutine fera l’objet de représentations et c’est là l’aspect le plus intéressant et passionné de la situation.

    Les  libéraux  vont  principalement  tenter  de  définir  Poutine  idéologiquement  comme  une ombre du passé, un vampire « qui parfois revient ». C’est la véritable raison du recul visant à prévenir l’implosion finale du libéralisme. Le message principal sera que le libéralisme est réellement en vie et plein de force car il y a encore quelque chose dans le monde dont nous devons  nous  libérer.  La  Russie  deviendra  l’objet  de  la  libération.  Le  but  est  de  libérer l’Ukraine (et l’Europe, voire l’humanité) de la Russie et à la fin de libérer la Russie elle- même de son identité non-libérale. Ainsi nous avons l’Ennemi. Un tel ennemi donne au libéralisme une raison d’exister encore. La Russie est ainsi le défi que le passé pré-libéral jette au présent libéral. Sans un tel défi, il n’y a plus de vie dans le libéralisme, plus d’ordre dans le monde, tout se dissout et implose. Avec un tel défi, le géant décadent du mondialisme acquiert une vigueur nouvelle. La Russie est là pour sauver les libéraux.

    A cette fin, la Russie doit idéologiquement être représentée comme quelque chose de pré- libérale. Il doit s’agir d’une Russie communiste, fasciste ou au moins national-bolcheviste. C’est la règle idéologique. Au-delà de combattre la Russie ou de juste considérer la possibilité de la combattre, il existe une tâche plus profonde qui consiste à qualifier idéologiquement la Russie. Cela se fera de l’intérieur et de l’extérieur. Ils essaieront de contraindre la Russie à accepter le communisme ou le nationalisme ou bien traiteront la Russie comme si elle était communiste ou nationaliste. C’est le jeu de la représentation.

    La Russie post-libérale : la première guerre de la Quatrième Théorie Politique

    En conclusion, je propose ce qui suit.

    Nous devons consciencieusement combattre toute tentative visant à représenter la Russie comme une puissance pré-libérale. Nous ne devons pas laisser les libéraux se sauver de leur fin qui s’approche fatalement. Nous ne devons pas retarder cette fin mais l’accélérer. A cette fin, nous devons présenter la Russie non comme une entité pré-libérale mais comme une force révolutionnaire post-libérale combattant en faveur d’un futur alternatif pour tous les peuples de la planète. La guerre russe ne se fera pas pour les intérêts nationaux russes mais pour le monde multipolaire juste, pour la dignité authentique et la véritable liberté positive, non pas la liberté « par rapport à » mais la liberté « pour ». Dans cette guerre, la Russie deviendra le modèle de la défense de la Tradition, des valeurs conservatrices organiques et de la libération réelle de la société ouverte et de ses bénéficiaires : l’oligarchie financière mondiale. Cette guerre n’est pas contre les Ukrainiens ou une partie des Ukrainiens, ni contre l’Europe. C’est une guerre contre le (dés)ordre libéral mondial et nous n’allons pas sauver le libéralisme mais l’abattre une fois pour toutes. La Modernité était fausse pour l’essentiel. Nous sommes au stade terminal de la Modernité. Cela signifie la fin réelle de ceux qui ont fait de la Modernité leur propre destin ou qui l’ont inconsciemment laissé faire. En revanche, cela sera un nouveau commencement pour ceux qui sont du côté de la vérité éternelle de la Tradition, de la Foi, de l’essence humaine spirituelle et immortelle.  Le combat le plus important actuellement est le combat pour la Quatrième Théorie Politique. C’est l’arme qui nous permettra d’empêcher que l’on représente Poutine comme les libéraux le voudraient. A l’aide de cette arme, nous pourrons réaffirmer que la Russie est la première puissance idéologique post-libérale combattant contre le libéralisme nihiliste pour le salut d’un futur ouvert, multipolaire et réellement libre.

    Alexandre Douguine (The fourth political theory, 12 mars 2014)

     

     

    La guerre à venir comme concept

    La guerre contre la Russie est actuellement la problématique la plus discutée en Occident. Il ne s’agit encore que d’une suggestion et d’une possibilité. Cela peut devenir une réalité en fonction des décisions prises par les différentes parties impliquées dans le conflit ukrainien (Moscou, Washington, Kiev, Bruxelles). Je n’entends pas discuter ici tous les aspects de ce conflit ainsi que son histoire. J’aimerais proposer à la place une analyse de ses racines idéologiques profondes. Ma vision des principaux événements s’appuie sur la Quatrième Théorie Politique dont j’ai exposé les principes dans mon ouvrage du même nom (publié en français aux éditions Ars Magna). Je ne vais ainsi pas étudier la guerre de l’Occident contre la Russie en évaluant ses risques, dangers, problèmes, coûts et conséquences mais plutôt sa signification idéologique à l’échelle du monde. Je vais ainsi réfléchir sur le sens d’une telle guerre et non sur la guerre elle-même (réelle ou virtuelle).

    L’essence du libéralisme

    L’Occident moderne ne connaît qu’une seule et unique idéologie dominante : le libéralisme. Il en  existe  bien  des  formes  aux  nombreuses  nuances  mais  l’essence  demeure  toujours identique. La structure interne fondamentale du libéralisme est composée des principes axiomatiques suivants :

    • -Individualisme anthropologique (l’individu est la mesure de toute chose) ;
    • -Progressisme (le monde se dirige vers un futur meilleur, le passé est toujours pire que présent) ;
    • -Technocratie  (le  développement  technologique  et  sa  performance  effective  sont  perçuscomme les meilleurs outils pour juger de la nature d’une société) ;
    • -Eurocentrisme (les sociétés euro-américaines sont considérées comme l’unité de mesurefondamentale pour le reste de l’humanité) ;
    • -L’économie  comme  destin  (l’économie  basée  sur  le  libre  marché  est  l’unique  modèleéconomique valable, toutes les autres alternatives sont à réformer ou à détruire) ;
    • -La démocratie comme règne des minorités (qui se défendent contre la majorité qui seraittoujours prompte à dégénérer en totalitarisme ou en « populisme ») ;
    • -La  classe  moyenne  est  le  seul  acteur  social  existant  et  devient  la  norme  universelle(indépendamment du fait que la personne ait déjà atteint ce statut ou soit sur le point de l’atteindre) ;
    • -Un monde unique, mondialisme (les êtres humains sont essentiellement identiques. Il ne peut exister  que  des  différences  individuelles.  Le  monde  devrait  être  unifié  sur  une  baseindividualiste : cosmopolitisme, citoyenneté mondiale).

    Telles sont les valeurs centrales du libéralisme, qui n’est qu’une des trois tendances nées de la philosophie des Lumières, aux côtés du communisme et du fascisme, qui ont proposé des interprétations alternatives de l’esprit authentique de la Modernité. Au cours du XXème siècle, le libéralisme a vaincu ses deux rivaux et acquis, après 1991, le rôle d’unique idéologie dominante à l’échelle mondiale. Au Royaume du libéralisme, la seule liberté de choix était entre le libéralisme de gauche ou d’extrême gauche ou bien entre le libéralisme de droite ou d’extrême droite. Le libéralisme agissait ainsi comme le système opérationnel des societies occidentales et de toutes les sociétés placées sous l’influence de l’Occident. Le libéralisme est ainsi devenu à partir d’un certain moment le dénominateur commun à tout discours politiquement correct, le critère permettant de distinguer les discours acceptés par l’idéologie dominante de ceux rejetés dans la marginalité. La sagesse populaire est elle-même devenue libérale.

    Sur un plan géopolitique, le libéralisme s’est inscrit dans un modèle américano-centré où les anglo-saxons constituaient le coeur et où l’OTAN, le partenariat atlantiste entre l’Europe et l’Amérique, représentait le noyau stratégique du système de sécurité mondiale. La sécurité du monde était assimilée à la sécurité de l’Occident et, en dernière instance, à la sécurité de l’Amérique. Le libéralisme n’est ainsi pas qu’un pouvoir idéologique mais également un pouvoir politique, militaire et stratégique. L’OTAN est profondément libéral. Il défend les sociétés libérales. Il combat pour le libéralisme.

    Le libéralisme comme nihilisme

    Un élément de l’idéologie libérale est responsable de sa crise actuelle. Le libéralisme est profondément nihiliste dans ses fondements mêmes. L’ensemble des valeurs défendues par le libéralisme est lié à l’idée centrale de liberté, de libération. Cependant, la liberté dans la vision libérale est essentiellement une catégorie négative : on exige d’être libre par rapport à (John Suart Mill), et non pas d’être libre pour. Cela n’est pas un point secondaire, il s’agit de l’essence même du libéralisme.

    Le libéralisme est une lutte contre toute forme d’identité collective, contre tout type de valeurs, projets, stratégies, buts et fins qui s’établiraient sur une base collectiviste, ou à tout le moins non-individualiste. C’est la raison pour laquelle l’un des plus importants théoriciens du libéralisme, Karl Popper (suivant Friedrich van Hayek), affirme dans son important livre « La société ouverte et ses ennemis » (considéré par George Soros comme sa bible personnel) que les libéraux doivent combattre toute idéologie ou philosophie politique (de Platon et Aristoteà  Hegel  et  Marx)  qui  proposerait  aux  sociétés  humaines  un  but  commun,  une  valeur commune, un sens commun. Tout but, toute valeur, tout sens doit être, dans la société libérale (la « société ouverte »), strictement individuel. Les ennemis de la « société ouverte » (toute la société occidentale post-guerre froide qui est considérée comme la norme de référence pour le reste du monde est précisément ce modèle libéral de société ouverte) sont ainsi faciles à identifier. Les ennemis principaux sont le communisme et le fascisme qui sont tous deux issus de la philosophie des Lumières et basés sur un concept fondateur non-individuel : la classe dans le marxisme, la race dans le national-socialisme, l’Etat national dans le fascisme. Le sens du combat libéral contre les alternatives modernes (fascisme ou communisme) est par ailleurs assez évident. Les libéraux prétendent libérer la société du fascisme et du communisme, des deux versions majeures du totalitarisme (explicitement non-individualiste). Le combat du libéralisme pour la liquidation des sociétés non-libérales est assez significatif : le libéralisme acquiert son sens par l’existence même d’idéologies qui se refusent à admettre l’individu comme valeur suprême. Il apparaît clairement contre quoi le combat a lieu, de quoi il faut se libérer. Le fait que la liberté telle que la conçoivent les libéraux est essentiellement une catégorie négative n’est ici pas clairement perçu. L’ennemi est ici et maintenant. Ce fait réel donne au libéralisme son contenu concret. Il est des sociétés « non ouvertes » et leur existence même suffit à justifier le processus de libération.

    La période unipolaire : la menace d’implosion

    En 1991, la chute de l’URSS, le dernier opposant au libéralisme occidental, a amené certains idéologues occidentaux à proclamer la fin de l’Histoire (p. ex : Francis Fukuyama). Assez logiquement : il n’y avait plus d’ennemi direct de la « société ouverte » et donc plus d’histoire au sens de la modernité, à savoir une lutte entre trois idéologies politiques (libéralisme, communisme, fascisme) pour l’héritage des Lumières. En termes stratégiques, ce fut le moment unipolaire (Charles Krauthammer). Cette période (1991-2014, avec en point d’orgue les attaques de Ben Laden sur le World Trade Center) fut réellement la période de domination mondiale du libéralisme. Les axiomes du libéralisme étaient acceptés par les principaux acteurs  géopolitiques,  y  compris  la  Chine  (dans  son  économie)  et  la  Russie  (dans  son idéologie, son économie et son système politique). Il y avait alors des libéraux, des libéraux en devenir, des « pas assez » libéraux et ainsi de suite. Les exceptions réelles et explicites étaient rares (Iran, Corée du Nord). Le monde devint libéral par ses axiomes idéologiques.

    Cela a été précisément le moment le plus important dans l’histoire du libéralisme. Il a vaincu ses ennemis mais les a en même temps perdus. Le libéralisme est essentiellement une libération, une lutte contre ce qui n’est (pas encore ou pas du tout) libéral. Le libéralisme a ainsi acquis son contenu, sa signification réelle par ses ennemis. Lorsque le choix porte entre la  non-liberté  (représentée  par  une  société  totalitaire  donnée)  et  la  liberté,  beaucoup choisissent la liberté sans se demander sur quoi porte cette liberté. Lorsque des sociétés non- libérales existent, le libéralisme est positif. Il commence à manifester son essence négative qu’après sa victoire.

    Après sa victoire en 1991, le libéralisme est entré dans sa phase implosive. Il est resté seul, sans ennemi à combattre, après avoir vaincu le communisme et le fascisme. Ce fut alors le moment pour débuter une lutte interne, une purge au sein même des sociétés libérales pour les débarrasser de tout élément non-libéral (le sexisme et les inégalités entre les sexes, le politiquement incorrect, toute dimension non-libérale qui imprègne des institutions comme l’Etat, l’Eglise et ainsi de suite). Le libéralisme a un besoin permanent d’ennemis pour s’en libérer. Autrement, il perd son contenu, son nihilisme implicite devient trop évident. Le triomphe absolu du libéralisme est sa mort.

    C’est tout le sens idéologique de la crise financière du début des années 2000 et de 2008. Les succès et non les échecs de cette nouvelle économie totalement financiarisée (le turbocapitalisme selon G. Lytwak) sont responsable de son effondrement. La liberté de faire tout ce qu’il vous plaît – mais uniquement au niveau individuel – provoque l’implosion de la personnalité. L’humain passe dans le monde de l’infra-humain, dans le domaine infra- individuel. Il rencontre là la virtualité. Être libéré de tout est un rêve infra-individuel ; c’est l’évaporation de l’humain. L’Empire du Néant est le dernier mot de la victoire totale du libéralisme. Le post-modernisme prépare le terrain de ce cycle infini de non-sens auto- référencé et post-historique.

    L’Occident en quête de l’Ennemi

    Vous  pourriez  vous  demander  maintenant :  mais  en  quoi  tout  ceci  concerne  la  guerre (présumée) à venir contre la Russie ? Je suis à présent prêt à répondre.

    Le libéralisme l’a emporté au niveau mondial. C’est un fait depuis 1991. Et il a commencé immédiatement à imploser. Il est arrivé à son stade terminal et a commencé à se liquider lui- même. L’immigration de masse, le choc des cultures et des civilisations, la crise financière, le terrorisme virtuel, la montée de l’ethnisme sont les marques d’un chaos qui s’approche. Ce chaos met en danger l’ordre, n’importe quel type d’ordre dont l’ordre libéral lui-même. Plus le libéralisme s’impose, plus il s’approche de sa fin, et donc de la fin du monde présent. Nous avons ici affaire à l’essence nihiliste de la philosophie libérale, où le néant apparaît comme le principe ontologique interne à la « liberté par rapport à ». L’anthropologue allemand Arnold Gehlen a justement défini l’homme comme une créature déficiente (Mängelwesen). L’homme en lui-même n’est rien. Tout ce qui compose son identité est issu de la société, de l’histoire, du peuple, de la politique. L’homme serait confronté au néant s’il retournait à sa pure essence. Cet abîme est dissimulé derrière des débris fragmentés de sentiments, des pensées vagues, des désirs obscurs. Derrière le voile fin de la virtualité des émotions infra-humaines ne se trouve qu’une pure obscurité. Ainsi, la découverte explicite du fondement nihiliste de la nature humaine  est  la  dernière  réalisation  du  libéralisme,  mais  aussi  son  ultime.  Cela  signifie également la fin pour ceux qui utilisent le libéralisme dans leur propre intérêt, qui sont les bénéficiaires   de   l’expansion   libérale,   les   maîtres   de   la   mondialisation.   Tout   ordre s’effondrerait devant un nihilisme aussi impérieux. L’ordre libéral également.

    Les bénéficiaires du libéralisme ont ainsi besoin de prendre un certain recul afin de sauver leur domination. Le libéralisme doit acquérir son sens en affrontant à nouveau une société non-libérale. Faire un pas en arrière est l’unique façon de sauver les restes de l’ordre, de sauver le libéralisme de lui-même. La Russie de Poutine apparaît alors à l’horizon. Ni antilibérale, ni totalitaire, ni nationaliste, ni communiste, mais plutôt pas encore assez libérale, pas totalement libéral-démocrate, insuffisamment cosmopolite, pas assez radicalement anti- communiste. Mais sur la voie de devenir libérale, pas à pas, dans un processus gramscien d’ajustement de l’hégémonie (Transformismo). Dans l’agenda mondial du libéralisme (USA, OTAN), il y a un besoin d’un nouvel acteur, d’une Russie qui justifierait l’ordre dans le camp libéral, qui aiderait à mobiliser l’Occident en train de s’effondrer en raison de ses problèmes internes, qui repousserait l’irruption inévitable du nihilisme interne du libéralisme, le sauvant ainsi de sa logique fin apocalyptique. C’est pourquoi tous ces gens ont un besoin impérieux de Poutine, de la Russie, de la guerre. C’est la seule manière de prévenir le chaos en Occident et de sauver les restes de son ordre. Le rôle idéologique de la Russie est de justifier l’existence du libéralisme, car la Russie est l’ennemi qui donne un sens au combat pour la « société ouverte », qui l’aide à se consolider et à s’affirmer.

    L’Islam radical (Al-Qaeda) était l’autre candidat pour ce rôle mais un tel ennemi manquait d’envergure.  Il  a  été  utilisé  à  un  niveau  uniquement  local.  Il  a  permis  de  justifier l’intervention en Afghanistan, l’occupation de l’Irak, le renversement de Kadhafi, et la provocation de la guerre civile en Syrie. L’islam radical était cependant trop faible et idéologiquement primitif pour constituer le défi réel dont les libéraux ont besoin. La Russie – ennemi géopolitique traditionnel des anglo-saxons – est un adversaire bien plus sérieux. Elle répond correctement à toutes les exigences : l’histoire et la mémoire de la guerre froide sont encore présentes dans les esprits et la haine de la Russie peut se susciter à l’aide de moyens relativement faibles. Pour cette raison, je pense que la guerre contre la Russie est possible. Elle est idéologiquement nécessaire en tant que moyen ultime de repousser l’implosion finale de l’Occident libéral. Un pas en arrière.

    Sauver l’ordre libéral

    En regardant les différents niveaux du concept de « guerre contre la Russie », je suis à même de soulever différents points.

    1) La guerre contre la Russie aide à différer le désordre général au niveau mondial. La majorité  des  pays  participant  à  l’économie  libérale,  qui  partagent  les  axiomes  et  les institutions de la démocratie libérale et qui dépendent ou sous directement contrôlés par les Etats-Unis ou l’OTAN pourront une nouvelle fois s’unir sous la bannière de l’Occident libéral dans son combat contre le non-libéral Poutine. Cette guerre servira à réaffirmer le libéralisme comme une identité positive au moment même où cette identité se dissout en raison de son essence nihiliste.

    2) La guerre contre la Russie renforcera l’OTAN et surtout ses membres européens qui seront obligés encore une fois de considérer que l’hyperpuissance américaine est positive et utile plutôt que d’y voir un reste obsolète de la guerre froide. Dans la peur de l’arrivée des méchants Russes, les Européens se sentiront à nouveau loyaux envers leur sauveur états- unien. Le rôle des Etats-Unis au sein de l’OTAN en sera d’autant plus renforcé.

    3) L’UE est en train de s’effondrer. La menace générale représentée par la Russie pourrait prévenir une éventuelle scission en mobilisant les peuples pour leur faire défendre encore une fois leurs libertés et leurs valeurs menacées par l’Empire de Poutine.

    4) L’Ukraine et la junte de Kiev ont besoin de la guerre pour justifier et couvrir toutes les forfaitures commises au niveau juridique et constitutionnel, pour suspendre la démocratie (qui entraverait leur domination dans les districts du sud-est majoritairement pro-russes) et pour installer un ordre nationaliste par des moyens extrêmes.

    Le seul pays qui ne souhaite pas la guerre est la Russie. Cependant, Poutine ne peut laisser un gouvernement radicalement anti-russe gouverner un pays dont la moitié de la population est russe et qui est composé de nombreuses zones pro-russes. S’il laissait faire, il en serait fini de lui sur la scène internationale comme sur la scène de la politique intérieure. Il accepte donc la guerre à contrecœur. Une fois entrée en guerre, il n’y aura d’autre solution pour la Russie que la victoire. Je n’aime pas spéculer sur les aspects stratégiques de la guerre. Je laisse ça à des experts qualifiés. Je voudrais formuler plusieurs idées concernant la dimension idéologique de cette guerre.

    La représentation de Poutine

    Cette guerre contre la Russie est le dernier effort pour sauver le libéralisme de l’implosion. En ce sens, les libéraux doivent définir idéologiquement la Russie de Poutine comme l’ennemie de  la  société  ouverte.  Il  n’existe  que  trois  entrées  dans  le  dictionnaire  des  idéologies modernes : le libéralisme, le communisme et le fascisme (nazisme). Il est assez clair que le libéralisme est représenté par tout sauf la Russie (Etats-Unis, OTAN, Euromaïdan, la junte de Kiev).  Il  reste  donc  le  communisme  et  le  fascisme.  Ainsi  Poutine  est  un  Soviet,  un communiste  du  KGB.  Cette  image  sera  vendue  à  la  frange  la  plus  stupide  du  public occidental. Certains aspects de la réaction patriotique de la population ukrainienne pro-russe et anti-banderiste pourront cependant confirmer cette idée (défense des monuments de Lénine, des portraits de Staline et de la mémoire de la seconde guerre mondiale). Le nazisme et le fascisme sont trop éloignés de Poutine et de la Russie moderne, mais le nationalisme et l’impérialisme russes seront invoqués dans la construction de l’image du grand Satan. Ainsi Poutine est nationaliste, fasciste et impérialiste. Cela fonctionnera sur d’autres occidentaux. Poutine peut aussi être les deux à la fois, communiste et fasciste en même temps, il sera ainsi dépeint comme un national-bolcheviste (mais cela sera un peu compliqué à vendre au public occidental post-moderne complètement ignorant). En réalité, il est évident que Poutine n’est rien de tout cela, ni communiste, ni fasciste, ni les deux. Il est politiquement réaliste (au sens que ce terme a dans les relations internationales, c’est pourquoi il apprécie Kissinger et que Kissinger l’apprécie en retour). Il n’a aucune idéologie d’aucune sorte. Mais il sera obligé de composer avec sa représentation idéologique. Il n’a pas le choix car telles sont les règles du jeu. Au cours de la guerre, Poutine fera l’objet de représentations et c’est là l’aspect le plus intéressant et passionné de la situation.

    Les  libéraux  vont  principalement  tenter  de  définir  Poutine  idéologiquement  comme  une ombre du passé, un vampire « qui parfois revient ». C’est la véritable raison du recul visant à prévenir l’implosion finale du libéralisme. Le message principal sera que le libéralisme est réellement en vie et plein de force car il y a encore quelque chose dans le monde dont nous devons  nous  libérer.  La  Russie  deviendra  l’objet  de  la  libération.  Le  but  est  de  libérer l’Ukraine (et l’Europe, voire l’humanité) de la Russie et à la fin de libérer la Russie elle- même de son identité non-libérale. Ainsi nous avons l’Ennemi. Un tel ennemi donne au libéralisme une raison d’exister encore. La Russie est ainsi le défi que le passé pré-libéral jette au présent libéral. Sans un tel défi, il n’y a plus de vie dans le libéralisme, plus d’ordre dans le monde, tout se dissout et implose. Avec un tel défi, le géant décadent du mondialisme acquiert une vigueur nouvelle. La Russie est là pour sauver les libéraux.

    A cette fin, la Russie doit idéologiquement être représentée comme quelque chose de pré- libérale. Il doit s’agir d’une Russie communiste, fasciste ou au moins national-bolcheviste. C’est la règle idéologique. Au-delà de combattre la Russie ou de juste considérer la possibilité de la combattre, il existe une tâche plus profonde qui consiste à qualifier idéologiquement la Russie. Cela se fera de l’intérieur et de l’extérieur. Ils essaieront de contraindre la Russie à accepter le communisme ou le nationalisme ou bien traiteront la Russie comme si elle était communiste ou nationaliste. C’est le jeu de la représentation.

    La Russie post-libérale : la première guerre de la Quatrième Théorie Politique

    En conclusion, je propose ce qui suit.

    Nous devons consciencieusement combattre toute tentative visant à représenter la Russie comme une puissance pré-libérale. Nous ne devons pas laisser les libéraux se sauver de leur fin qui s’approche fatalement. Nous ne devons pas retarder cette fin mais l’accélérer. A cette fin, nous devons présenter la Russie non comme une entité pré-libérale mais comme une force révolutionnaire post-libérale combattant en faveur d’un futur alternatif pour tous les peuples de la planète. La guerre russe ne se fera pas pour les intérêts nationaux russes mais pour le monde multipolaire juste, pour la dignité authentique et la véritable liberté positive, non pas la liberté « par rapport à » mais la liberté « pour ». Dans cette guerre, la Russie deviendra le modèle de la défense de la Tradition, des valeurs conservatrices organiques et de la libération réelle de la société ouverte et de ses bénéficiaires : l’oligarchie financière mondiale. Cette guerre n’est pas contre les Ukrainiens ou une partie des Ukrainiens, ni contre l’Europe. C’est une guerre contre le (dés)ordre libéral mondial et nous n’allons pas sauver le libéralisme mais l’abattre une fois pour toutes. La Modernité était fausse pour l’essentiel. Nous sommes au stade terminal de la Modernité. Cela signifie la fin réelle de ceux qui ont fait de la Modernité leur propre destin ou qui l’ont inconsciemment laissé faire. En revanche, cela sera un nouveau commencement pour ceux qui sont du côté de la vérité éternelle de la Tradition, de la Foi, de l’essence humaine spirituelle et immortelle.  Le combat le plus important actuellement est le combat pour la Quatrième Théorie Politique. C’est l’arme qui nous permettra d’empêcher que l’on représente Poutine comme les libéraux le voudraient. A l’aide de cette arme, nous pourrons réaffirmer que la Russie est la première puissance idéologique post-libérale combattant contre le libéralisme nihiliste pour le salut d’un futur ouvert, multipolaire et réellement libre.

    - See more at: http://www.4pt.su/fr/content/la-guerre-contre-la-russie-dans-sa-dimension-ideologique#sthash.6SKwphT6.dpuf
    Lien permanent Catégories : Décryptage, En Europe, Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Référendum en Crimée...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue solidement argumenté de Jacques Sapir, cueilli sur son blog  RussEurope et consacré au référendum organisé en Crimée à propos du rattachement à la Russie.

    Référendum Crimée.jpg

    Référendum en Crimée

    Les résultats du référendum ont confirmé la volonté d’une majorité de la population de la Crimée de rejoindre la Russie. Ils ont aussi confirmé l’incapacité des dirigeants, qu’ils soient français ou de l’UE et des Etats-Unis, de saisir la nature de ce vote. On rappelle donc dans le texte qui suit quelques points d’importance.

    1. La Crimée fut attribuée administrativement de la Russie à l’Ukraine dans le cadre de l’URSS en 1954. Ceci ne fit l’objet d’aucun vote des populations concernées. Lors de la dissolution de l’URSS en 1991, il fut admis que la Crimée resterait dans l’Ukraine, moyennant la reconnaissance de son statut de république autonome et le respect de la constitution.

    2. Il y a eu, à la suite de 21 février 2014, une interruption de l’ordre constitutionnel en Ukraine. Ceci est reconnu par les pays occidentaux qui qualifient le gouvernement de « révolutionnaire ». Ceci découle surtout du fait que nulle autorité qualifiée (la Cour Constitutionnelle étant dissoute par le nouveau pouvoir) n’a constaté la vacance du pouvoir. Le nouveau gouvernement est d’ailleurs loin de représenter tous les Ukrainiens, comme on aurait pu s’y attendre logiquement. C’est donc une autorité de fait.

    3. À la suite de cela, les autorités de la République Autonome de Crimée ont considéré que cela créait une nouvelle situation, dans laquelle les droits de la Crimée n’étaient plus garantis, et ont décidé la tenu du référendum du 16 mars. Leur décision est donc une réaction à la rupture de l’ordre constitutionnel à Kiev. Elle n’est ni légale ni illégale dans la mesure où cet ordre constitutionnel n’existe plus. Qualifier le référendum d’illégal du point de vue de la loi ukrainienne est donc une profonde sottise et montre de la part des dirigeants qui utilisent cet argument une incompréhension totale des principes du Droit.

    4. Du point de vue du Droit international, deux principes s’opposent, l’intangibilité des frontières et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si les pays qui aujourd’hui s’opposent au référendum avaient fait pression pour que le gouvernement de Kiev remette son pouvoir à un gouvernement de concorde nationale, réunissant toutes les parties en présence, ils auraient eu quelques droits à faire valoir le principe de l’intangibilité. Mais, ayant choisi de reconnaître unilatéralement un gouvernement ne représentant qu’une partie de la population, ils ne peuvent plus user de cet argument sans contrevenir directement au second argument, celui sur le droit des peuples. L’argument d’une illégalité du point de vue du droit international tombe alors de lui-même en raison de la carence des pays soulevant cet argument à faire valoir la nécessité d’un gouvernement de concorde national en Ukraine qui seul, avec une assemblée constituante, aurait été en mesure d’offrir une issue légale à cette crise.

    5. Dans ces conditions, la seule position possible était de demander la présence d’observateurs officiels pour ce référendum. Cela ne semble pas avoir été fait. Les observateurs (députés du Parlement Européen) présents le sont donc en leur nom personnel. Ils disent ne rien avoir vu de scandaleux. Cela laisse cependant planer un doute sur les conditions de tenue du scrutin, mais ce doute provenant de l’attitude même des pays occidentaux, il doit profiter aux autorités de la République Autonome de Crimée. Ce vote, dans les faits, semble s’être tenu dans les conditions habituelles pour l’Ukraine.

    6. On notera dans le cas de la France que les dirigeants qui aujourd’hui contestent le référendum en Ukraine sont ceux qui n’ont pas voulu reconnaître le résultat du référendum de 2005 et l’ont remplacé par un traité (le Traité de Lisbonne) qui ne fut pas présenté au peuple. Ces mêmes dirigeants on accepté le referendum séparant Mayotte des Comores et rattachant cette île à la France. Ces deux faits soulignent que la légitimité de la position de ces dirigeants sur la question du référendum de Crimée pourrait être facilement mise en doute.

    7. Il convient maintenant de regarder l’avenir. Il ne fait guère de doute que la Russie reconnaîtra le référendum, même si – en théorie – elle peut toujours refuser l’adhésion de la Crimée. Le problème qui va être posé dans les semaines qui viennent est celui des provinces de l’Est de l’Ukraine ou des incidents mortels se multiplient. Toute tentative d’imposer une solution par la force risque de conduire à la guerre civile. Il est donc urgent que toutes les parties prenantes à cette crise, et ceci vaut pour les pays européens comme pour la Russie, exercent une pression conjointe sur les autorités de Kiev pour qu’elles constituent un gouvernement de concorde nationale réunissant tous les partis, pour qu’elles désarment les groupes extrémistes et qu’elles mettent sur pied les élections à une assemblée constituante. La signature de tout accord international par ce gouvernement ne saurait engager que lui-même. L’Union Européenne irait contre le droit si elle signait avec lui un quelconque traité.

    Jacques Sapir (RussEurope, 16 mars 2014)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La Russie est prête pour la guerre économique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Moreau, cueilli sur le site Realpolitik.tv et consacré aux menaces de sanctions de l'Occident contre la Russie. Saint-Cyrien et ancien officier parachutiste, Xavier Moreau est l'auteur de La nouvelle grande Russie (Ellipses, 2012).

     

    bhl-sur-les-barricades.jpg

    BHL, spécialiste des photos bidonnées, prend la pose sur une barricade désertée de la Place Maïdan

     

    La Russie est prête pour la guerre économique

    Les différents ministères et structures économiques russes, potentiellement concernés par de lourdes sanctions économiques, ont été mobilisés pour préparer une riposte massive le cas échéant. La décision russe d’intégrer la Crimée est désormais irrévocable. Avec la quasi-totalité de la population russe et des forces politiques derrière lui, Vladimir Poutine s’apprête à affronter un occident divisé, appauvri et contesté au sein même des nations qui le composent.

    La riposte russe sera totale en effet :
    - ventes des bons du trésor des pays sanctionnant ;
    - non remboursement des prêts contractés par la Russie ou par les entreprises russes ;
    - confiscation des actifs occidentaux ;
    - achat de devises asiatiques en remplacement des devises occidentales ;
    - fin du commerce avec l’occident et virage asiatique vers la Chine et la Corée du Sud qui ont déjà été contactées dans ce sens et seront les premiers bénéficiaires de cette rupture ;
    - fin de l’utilisation du dollar dans les échanges commerciaux.

    Les conséquences de cette riposte représentent une véritable catastrophe potentielle pour les économies européennes, notamment pour l’Allemagne, la Pologne et la France. Il est évident que cette riposte aura également des conséquences dramatiques pour l’économie russe, le temps qu’elle se réoriente massivement vers l’Asie. La différence est, encore une fois, que Vladimir Poutine n’hésitera à en appeler à la solidarité nationale russe, contre le diktat occidental. Les gouvernements ouest-européens ne pourront pas, en revanche, compter sur la compréhension de leur population. En France, les médias “mainstream” ont essuyé leur première défaite face aux médias alternatifs. Décidés à passer sous silence la compromettante conversation de Catherine Ashton, ils ont été contraints au bout de cinq jours – et sous la pression des sites internet alternatifs – d’évoquer le sujet.

    La forces de Vladimir Poutine reposent aujourd’hui sur la confiance qu’il inspire à la population russe, ainsi que sur son trésor de guerre. Ces deux atouts lui permettront d’amortir les conséquences d’une guerre économique, bien mieux que ses adversaires.

    Les États-Unis ont une nouvelle fois sous-estimé la détermination de la Russie. Ils tentent de faire payer aux Européens leur nihilisme stratégique. Il y a tout lieu de croire que les Européens ne vont pas pousser la Russie dans une guerre que leurs économies exsangues, pour la plupart, ne leur permettront pas de mener. La France, plus que toutes les autres nations européennes, doit se libérer du joug malfaisant de Washington. Il est heureux de constater que l’incorruptible Jean-Pierre Chevènement se trouve en première ligne pour rappeler où se situe l’intérêt supérieur de la France, et palier les idioties de l’histrion BHL. Ce dernier s’efforce une nouvelle fois, d’entrainer le gouvernement français dans de nouvelles errances lybiennes, où il ne trouvera que le ridicule qui s’est déjà abattu sur lui en Syrie. À ses côtés, nous trouvons désormais François Fillon, appelé à devenir le candidat souverainiste de l’UMP. Le Front de Gauche a su, dès le début de la crise, définir les enjeux exacts, tout en étant lucide sur les forces en présence. Il en va de même pour le Front National qui se situe dans une ligne purement gaullienne, mettant au centre l’intérêt supérieur de la Nation, en dehors de toute idéologie.

    Le choix de l’Europe, et par conséquent du partenariat russe, contre le choix de l’occident, et par conséquent de l’Union européenne, est désormais un thème qui dépasse les clivages politiques traditionnels. Les Français rejettent massivement l’ingérence nocive des États-Unis dans les affaires européennes, comme ils rejettent totalement son modèle civilisationnel.

    Xavier Moreau

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 1 commentaire Pin it!