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Géopolitique - Page 36

  • Le fantôme de la diplomatie française (2)...

    Vous pouvez découvrir la deuxième partie de l'excellent article de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la diplomatie française.

    Lire la première partie :

    Le fantôme de la diplomatie française (1)

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    Le fantôme de la diplomatie française (2)

    En politique étrangère, le suivisme précipité "pour en être" ne suffit pas. Sur les fronts irakien et syrien ouverts contre Daesh, la France "en est" certes, mais... de quoi au juste ? D'une alliance aléatoire dont certains membres, non des moindres, jouent un jeu si trouble qu'il confine à la trahison ? La question est posée, car la défiance est au cœur même de cette coalition de circonstance et d'affichage.
    Notre crédibilité militaire et politique pâtit de ce vice de fond, face à l'ennemi comme aux yeux de nos propres populations. En bout de ligne, ce sont les Français qui risquent de subir dans leur chair l'impact de cette réduction de l'action diplomatique à des postures martiales. Car nous avons de fait laissé grandir la menace. En niant la gravité de phénomènes politiques et sociaux internes, en faisant mine de croire que l'Afghanistan était sur la voie de la démocratie, que l'Irak se stabilisait, que la démocratie avançait en Libye grâce à notre intervention, que l'Iran renoncerait au nucléaire militaire, que l'on pourrait contenir durablement l'offensive des mouvements djihadistes au Sahel, que l'Occident parviendrait rapidement à retrouver son leadership mondial. Péchant par orgueil, ethnocentrisme et ignorance, saisis de spasmes d'impuissance désordonnés, nous faisons en fait de l'anti-diplomatie.

    Se garder du moralisme

    Notre auto-enfermement dans un moralisme décorrélé du réel nous empêche de penser librement et de définir une vision ambitieuse et des lignes pragmatiques de déploiement de l'action diplomatique qui servent nos intérêts de puissance et d'influence. Il est vrai que ces trois derniers mots, "intérêts", "puissance" et "influence", sentent le soufre. La France, confite dans une grandiloquence abstraite, a peur de son ombre et devient la spectatrice automutilée des vastes mouvements géostratégiques en cours.
    Car le monde réel refuse d'épouser les contours des visions iréniques de nos diplomates. La parole ne fait pas plus advenir la réalité en politique internationale qu'en économie. De même que la danse de la pluie ne suffit pas pour faire venir la croissance, rêver éveillé que Bachar el-Assad "n'en a que pour quelques semaines" ou que la "résistance libyenne modérée" est une réalité politique confine à l'auto-aveuglement ! Il fut pourtant un temps où nous étions moins présomptueux et plus habiles, où la France se gardait bien de soutenir ou de condamner des régimes, se limitant à reconnaître des États. Il faut réapprendre les fondamentaux de l'action diplomatique. Le diplomate n'est pas un grand inquisiteur ni un censeur ; il peut et doit parler à tout le monde, surtout "aux pires" des interlocuteurs, à ceux qui ne pensent pas comme lui. C'est sa raison d'être. Il doit maintenir en toutes circonstances des canaux, officiels ou secrets, de communication et de renseignement avec toutes les parties au conflit. Son pire ennemi est le moralisme au petit pied qui ne fait qu'enkyster les oppositions et isoler ceux qui devront finir par se parler pour que certaines lignes bougent.

    Définir notre objectif

    Une fois ce bon sens diplomatique retrouvé, à nous de structurer une stratégie globale de puissance et d'influence. Lucidité, réalisme, ambition et humanité en sont les pierres angulaires. La capacité d'écoute, le goût de l'autre, la recherche d'effets de longue portée, le déploiement sans états d'âme de notre capacité de nuisance ou de bienveillance et l'édification de liens et de réseaux dans la durée sont ses tenons et mortaises. Certes, la France n'est plus une grande puissance, mais son histoire politique, militaire et culturelle lui offre l'opportunité d'un rôle unique et indispensable dans la comédie pathétique du monde et de ses jeux de puissance.
    Cette stratégie suppose la définition d'un objectif à long terme (en langage militaire, un "effet final recherché" - EFR) et d'un faisceau de manœuvres tactiques de moyen et court terme autour de "lignes d'opérations" (militaire, diplomatique, médiatique, culturelle, normative, économique, financière, scientifique, éducative, industrielle, etc.) visant à l'atteindre.
    Pour la France, l'EFR peut être ambitieux mais raisonnablement atteignable : forger et conserver un positionnement de médiateur incontournable et recherché sur l'ensemble des points majeurs de conflit et de crise, faire jeu égal avec Berlin en Europe, être en capacité de peser sur le cours des choses et de faire avancer, y compris lorsqu'ils ne se rencontrent pas, nos intérêts (économiques et militaires) et nos principes politiques. Cela suppose évidemment que l'on renonce au rôle de pédant professeur en maturité démocratique que ses élèves turbulents n'écoutent plus depuis longtemps.

    Se tourner vers la Russie

    Nous devons ensuite identifier des points d'appui majeurs pour le déploiement de cette stratégie. Tout en repensant une politique arabe évanouie, il faut structurer notre nouvelle assise stratégique globale autour d'une relation multicanal soutenue avec l'Iran et la Russie. Contrairement à la doxa ridicule qu'ânonne l'Europe, notamment depuis la crise ukrainienne, ces deux États sont à l'évidence des pivots de croissance et de stabilité déterminants pour nous Français et pour le continent tout entier.
    L'Europe a un besoin stratégique évident de la Russie pour exister vis-à-vis de la Chine et de l'Asie, vis-à-vis de l'Amérique, vis-à-vis du Moyen-Orient, bref, partout. Nous devons donc faire admettre à certains de nos partenaires européens, tels la Pologne ou les pays Baltes, que si nous comprenons évidemment leur relation historique douloureuse avec Moscou, on ne peut pour autant brader les intérêts stratégiques globaux de l'Union en niant par exemple l'appartenance de la Russie à l'ensemble géographique, culturel et religieux européen. Sauf à consentir à l'abaissement politique, économique et stratégique définitif de l'Union européenne au profit des USA, y compris au plan technologique et industriel. N'oublions pas que l'Otan est aussi une vitrine et un véhicule commercial redoutablement efficace pour l'industrie américaine de l'armement.

    Cesser de se tromper sur l'Iran

    Quant à l'Iran, déjà évoqué, cette puissance régionale est en passe de retrouver un rôle global de premier plan. Située à la charnière des mondes indien, chinois et russe, elle est évidemment un tampon essentiel pour l'Occident dans la reconfiguration agressive des équilibres stratégiques du monde, sans même parler de son potentiel économique. Nous l'avons vu, les États-Unis ne s'y trompent pas. Un esprit "complotiste" pourrait même faire remonter à l'invasion américaine de l'Irak en 2003 et au fait de favoriser massivement la mainmise chiite sur le pays l'amorce réelle du basculement stratégique de Washington vers la Perse, dans une tentative de rééquilibrage de sa relation avec l'Arabie saoudite et Israël. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter, la question reste entière. Quoi qu'il en soit, les Américains avancent leurs pions. Le maintien des sanctions est essentiellement dû à leur volonté de lever l'embargo au bon moment, celui où sera atteint un accord stratégique sur le nucléaire monnayé au mieux de leurs intérêts. Pendant ce temps, Téhéran fait monter les enchères, Allemands et Britanniques se placent... et Paris se trompe.

    Augmenter le budget de la défense

    Évidemment, une telle approche diplomatique ne peut réussir qu'appuyée sur un outil militaire fort et son engagement à niveau suffisant pour garantir un effet de crédibilité politique indiscutable. Cela requiert évidemment un renforcement de nos effectifs comme de nos moyens, donc une augmentation du budget de la défense.
    Last but not least, cette nouvelle "intelligence du monde" requiert une action pédagogique résolue et décomplexée vers l'opinion publique nationale pour développer son adhésion à cette diplomatie refondée. Arrêtons de prendre nos concitoyens pour des imbéciles. Expliquons-leur le monde tel qu'il est au lieu de le peindre en rose et d'être sans arrêt démentis ou ridiculisés par les faits. Ils nous en sauront gré.

    Caroline Galactéros ( Le Point, 8 novembre 2014)

     

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  • Le fantôme de la diplomatie française (1)...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la diplomatie française... ou à ce qu'il en reste ! Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre  (Nuvis, 2013).

     

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    Le fantôme de la diplomatie française (1)

    La diplomatie française est introuvable. Dans un contexte international marqué par une grande dangerosité et une forte imprévisibilité, la France est aphone. Elle produit un timide bruit de fond, mais n'invente plus les paroles ni les mélodies du monde. Les guerres dans lesquelles elle se jette imprudemment ne sont que les pointes émergées de frustrations géopolitiques ou culturelles de parties du monde qui refusent l'arasement ou l'indifférenciation. Paris veut ignorer cette réalité et préfère se rassurer dans un alignement naïf et sans contreparties sur les positions américaines... avec des années de retard toutefois. On "fait du George W. Bush" à contretemps alors que les Américains eux-mêmes semblent revenus des outrances vengeresses post 11 Septembre et renoncent à la guerre punitive. Nous faisons de la diplomatie américaine l'étalon de notre propre politique étrangère alors que nous ne sommes pas l'Amérique. Nous n'avons ni son histoire, ni sa géographie, ni sa pratique politique, ni surtout ses intérêts.

    Étonnamment plus royaliste que le roi, le Quai d'Orsay semble dominé par des crypto-néoconservateurs qui sentent la naphtaline et refusent de voir les inflexions géostratégiques considérables opérées par notre "grand allié". L'Amérique nous a pourtant volontiers laissé intervenir en Libye - et aujourd'hui agir au Sahel et en Centrafrique -, puis abandonnés en rase campagne dans nos habits de guerre face à Bachar el-Assad, oubliant la "ligne rouge" des armes chimiques syriennes qu'elle avait elle-même tracée. Humiliée par dix ans de fiascos irakien et afghan hors de prix, elle a fait ses choix. Recentrée massivement vers l'Asie-Pacifique, elle vante désormais en Europe les atouts d'un leadership from behind (qui peut être traduit par "Direction en soutien", NDLR), d'une - very - light footprint ("empreinte légère", NDLR), et recule devant les aléas de nouveaux engagements massifs au sol.

    Surtout, Washington infléchit depuis déjà quelques années sa position vis-à-vis de l'Iran et cherche à hâter un rapprochement économique et politique devenu impérieux et réclamé par les lobbys d'affaires américains. Pendant ce temps, au lieu de nous demander pourquoi la terre entière favorise en sous-main la levée des sanctions contre Téhéran et y envoie ses hommes d'affaires et de réseaux par avions entiers "en avance de phase", nous invoquons la menace d'un Iran nucléaire et faisons pression pour que nos patrons restent l'arme au pied et arrivent bons derniers dans ce nouvel eldorado ! Nous continuons à mépriser ce grand État moderne, faisant mine de croire qu'il veut la bombe non pour sanctuariser son territoire, édifié par le sort du malheureux Irak, mais pour s'en servir contre Israël ou l'Occident !

    Coopération militaro-énergétique

    Pire, dans le conflit qui oppose sunnites et chiites, où nous devrions nous garder de prendre parti, ignorant le vaste mouvement à l'oeuvre en Irak, en Syrie et en Iran, de prise d'ascendant du chiisme, on prend fait et cause pour les sunnites (Saoudiens, Qataris, Syriens ou Libyens) ! On feint de les croire "modérés", alors que l'on sait pertinemment que l'Arabie saoudite a financé larga manu, dès les années 80, la déstabilisation de l'Afghanistan, des Balkans ou de la Tchétchénie par ses escouades de moudjahidine. Notre complaisance pour ces régimes au nom de la coopération militaro-énergétique ou en soutien de notre alliance stratégique avec Israël nous fourvoie. Elle nous éloigne d'une appréhension fine des conflits entre courants de l'islam et des alliances occultes objectives entre certains États. Nous n'osons même pas nommer notre véritable adversaire, le wahhabisme combattant qui diffuse un salafisme dévoyé, et préférons donner des leçons de démocratie à la Russie au lieu de rechercher son appui dans la lutte contre l'islamisme.

    Paris n'a donc pas vu le temps passer ni le monde changer. Notre diplomatie brouillonne et inconséquente semble vouloir oublier son seul geste audacieux, qui avait fait se lever dans le monde arabe un vent d'espoir et de confiance envers la France : le discours de Dominique de Villepin devant le Conseil de sécurité des Nations unies en février 2003. Mais nous n'avons pas su "transformer l'essai". À l'inverse, on fait dans l'allégeance béate aux Américains. Nous partons la fleur au fusil et en première ligne dans la coalition de bric et de broc réunie autour de Washington pour combattre la nouvelle incarnation du Mal : l'État islamique, alors même que notre "grand allié" nous prive de l'avantage de la surprise en prévenant l'adversaire de ses intentions. Le président américain avoue n'avoir "pas de stratégie claire" dans la région, puis confirme qu'il n'enverra pas de troupes au sol dans un tonitruant "No boots on the ground" ("pas de bottes sur le terrain", NDLR) !

    Cette déclaration d'impuissance ahurissante reflète la désorientation profonde des politiques occidentaux qui, non seulement se trompent d'ennemi, mais aussi de cibles ! Persuadés que leurs électeurs ne leur pardonneront pas des pertes humaines, nos politiques veulent les convaincre qu'ils seront défendus sans dommages et jouent avec l'idée de "faire la guerre" depuis les airs ou en misant sur les seules forces spéciales. À moins qu'ils n'aient conscience d'avoir déjà perdu la partie. Ce qui est faux. Nous pouvons l'emporter. Il faut juste rebattre les cartes et jouer nos vrais atouts.

    Caroline Galactéros ( Le Point, 8 novembre 2014) 

     

    Lire la deuxième partie de l'article :

    Le fantôme de la diplomatie française (2)

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  • Ebola, une menace mondiale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur son site Europe solidaire et consacré à l'épidémie de fièvre hémorragique Ebola et à la menace qu'elle représente en particulier pour la France...

     

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    Ebola. Une menace mondiale

    L'extension de plus en plus rapide du virus Ebola, qui a fait et surtout qui fera bien plus de morts que l'Etat islamique, n'avait jusqu'ici inquiété que les pays touchés, mais guère les pays africains voisins et pas du tout les pays dits développés.

    Beaucoup d'émotions et de peur sont générées par le développement récent du soi-disant Etat islamique. Celui-ci a déjà fait des centaines de victimes au Moyen-Orient. Il est probable que la menace s'étendra dans d'autres régions du monde, l'Afrique, l'Europe, l'Amérique. Il est légitime de réagir à cette menace, en s'efforçant de mettre hors d'état de nuire les djihadistes, quel qu'en soit le coût.

    Mais ironiquement, l'extension de plus en plus rapide du virus Ebola, qui a fait et surtout qui fera bien plus de morts que l'Etat islamique, n'avait jusqu'ici inquiété que les pays touchés, mais guère les pays africains voisins et pas du tout les pays dits développés. Cependant le risque est considérable et nul n'y échappera, tant du moins que des vaccins ne seront pas mis au point...ce qui n'est pas près d'être fait..

    Un début de prise de conscience

    Or les esprits sont en train de changer, devant l'ampleur grandissante, quasi exponentielle, que prend l'épidémie. Le Conseil de Sécurité le 18 septembre a publié une Résolution déclarant que celle-ci était devenue une menace à la paix et à la sécurité dans le monde, pouvant si elle n'est pas contenue entrainer des troubles civils, des tensions sociales et une détérioration générale du climat politique mondial. L'ONU indique que un milliard de dollars serait dès aujourd'hui nécessaire pour contenir l'épidémie, sans évidemment préciser d'où ces sommes pourraient provenir. Devant le Conseil de Sécurité, Margaret Chan, Dr. Gen. De l'OMS, avait renforcé le message. Il « s'agit d'une menace à la sécurité des nations, au delà des pays déjà infectés ».

    C'est que les alertes s'accumulent. Les cas connu à la date de cet article dépassent 6.000 et leur nombre double tous les 15 jours. On estime par ailleurs qu'un grand nombre de malades ne sont pas identifiés, pour des raisons diverses. Les US Centers for Disease Control prévoient qu'un million de personnes seront atteintes en Afrique de l'Ouest en janvier prochain (avec une mortalité rappelons-le de 50 à 70%). A partir de là, le virus circulera non-stop dans toute l'Afrique et s'étendra progressivement au reste du monde.

    Des coûts économiques

    Une Mission de l'ONU pour les réponses d'urgence à Ebola (Ebola Emergency Response) qui vient de se réunir à Accra organisera le déploiement de moyens militaires et civiles que viennent de s'engager à fournir les Etats-Unis, la Chine, la France, le Royaume Uni et Cuba. D'autres pays sont en voie de faire de même. C'est que les gouvernements commencent à se rendre compte que tous les pays seront rapidement touchés, non seulement au plan sanitaire, mais compte tenu des conséquences de l'épidémie sur le commerce mondial et sur les circuits financiers.

    Selon la Banque Mondiale, le virus imposera à l'Afrique de l'Ouest des coûts de plusieurs milliards de dollars d'ici 2015. D'ores et déjà, l'activité économique est en récession au Libéria, en Guinée et au Sierra Leone. Ces pays sont gros producteurs de riz. Or à ce jour environ 40% des agriculteurs sont décédés ou ont fui. Le mouvement ne s'arrêtera pas, car Ebola s'étendra nécessairement à d'autres pays.

    En Afrique et hors d'Afrique, les villes mal équipées en terme d'hygiène générale ou surpeuplées seront atteintes. Les voyageurs infectés et non encore détectés comme contagieux disperseront très vite le virus, d'autant plus que, contrairement aux premières affirmations des épidémiologistes, certaines personnes ne manifestent de symptôme que 3 semaines après avoir été atteintes. Que l'une d'entre elle atteignent Calcutta ou Mexico et très vite ces centres urbains deviendront des foyers explosifs d'épidémie.

    Le danger menace les populations des pays riches eux-mêmes, Etats-Unis, Europe. Mais avant cela – et l'argument ne laisse pas indifférents les milieux d'affaire – le commerce international avec l'Inde ou le Brésil sera durement touché, avant que ne le soient les échanges transatlantiques ou inter-européens.

    Prévention et lutte difficiles

    En termes de prévention et de lutte, l'appel aux militaires – merci pour eux – ne suffira pas. Il faudra recruter et former des milliers de nouveaux professionnels de santé, en les dotant de tous les moyens de protection disponibles. Mais les volontaires, compte tenu des risques encourus, ne seront sans doute pas assez nombreux. Dans l'idéal, il faudrait former des dizaines de milliers de personnes potentiellement menacées à se protéger elles-mêmes – ce que dans certains pays, pour des raisons religieuses ou politiques, elles refusent de faire.

    A terme, il faudra prévoir que, même si la prolifération de l'épidémie est ralentie, celle-ci deviendra endémique, notamment en Afrique de l'Ouest. ce qui signifiera que le virus sera présent dans l'ensemble des populations, ne se manifestant que par vagues. En théorie un virus aussi contagieux continue à se répandre jusqu'au moment où toutes les personnes exposées sont mortes ou se sont immunisées spontanément.

    Certains hommes politiques, en Europe, dont l'un très connu en France que nous ne nommerons pas, estiment que le virus est une réaction naturelle à la surpopulation dans certaines zones du monde dont l'Afrique, et qu'il faut laisser faire. Dans les réseaux sociaux se tient un autre discours: tout ceci résulte de campagnes alarmistes montées par les laboratoires de santé (la « big pharma »). On ne nous refera pas le coup de la grippe H5N1, affirment ces bons esprits. Mais lorsque les uns et les autres réalisent qu'eux-mêmes ou leurs intérêts immédiats pourraient être victimes du virus, ils changent de discours.

    Pourquoi alors ne pas investir les milliards qui seront de toutes façons dépensés en conséquence de la pandémie au profit de recherches sur les vaccins. Les spécialistes répondent que, même si certaines souches vaccinales semblent prometteuses, il faudra de nombreux mois avant de les produire et de les diffuser en quantités industrielles. Vacciner 50% de la population pourrait suffire à stopper l'épidémie, mais d'ores et déjà cela voudrait dire vacciner des millions ou dizaines de millions de personnes dans les pays pauvres – ce qui est impossible, ne fut-ce que par les vaccins ne sont pas encore au point.

    Quant à interdire ou fortement limiter les transports aériens, les agents propagateurs de virus les plus actifs, aucun spécialiste ne le conseille. Il en découlerait un blocage généralisé des échanges, dont en tout premier lieu ceux intéressant les personnels de santé. Il en résulte que des modèles de propagation du virus établis récemment montrent qu'en Afrique, les pays les plus à risque sont en Afrique le Ghana et la Gambie, et hors d'Afrique la Belgique, la France et les Etats-Unis.

    Une systémique des virus

    Pour en revenir à notre propos initial, concernant la propagation du virus du djihad dans les pays du Moyen Orient, les spécialistes des épidémies considérées comme des phénomènes systémiques affectant l'ensemble du monde connecté d'aujourd'hui pourront faire d'intéressantes études comparatives. Il en sera de même des spécialistes de la mémétique, ayant déjà démontré que les mêmes, qu'ils soient bénéfiques pour la société ou mortels (tel que l'envie d'égorger un prétendu infidèle) se propagent dans les sociétés anthropotechiques selon des modes viraux très voisins de ceux responsables de la grippe et aujourd'hui d'Ebola. La science a encore beaucoup de choses à apprendre.

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 24 septembre 2014)

     

    Références

    * Résolution 2177 du Conseil de Sécurité http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2177%20%282014%29 18 septembre 2014

    * Communication de l'OMS devant le Conseil de Sécurité http://www.who.int/dg/speeches/2014/security-council-ebola/fr/

    * Mission de l'ONU pour les réponses d'urgence à Ebola http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=48760#.VCLH-hZWKcH

    Modèle pour évaluer les risques d'expansion de l'épidémie http://currents.plos.org/outbreaks/article/assessing-the-international-spreading-risk-associated-with-the-2014-west-african-ebola-outbreak/
    Voir notre article précédent en date du 29/08  http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2014/148/ebola.htm

     

     

     

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  • L'Europe sans puissance : l'heure de vérité ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Xerfi Canal et consacré à l'heure de vérité qui s'approche pour l'Europe quant au choix entre la soumission définitive aux États-Unis et l'indépendance...

     

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  • L'Allemagne dans l'impasse ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Xerfi Canal et consacré à la situation économique de l'Allemagne, piégée dans l'affaire ukrainienne par les Etats-Unis...

     

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  • Ukraine : le dessous des cartes...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le journaliste Jean-Michel Quatrepoint au Figaro et consacré aux dessous de la crise ukrainienne. Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié un essai intitulé Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014).

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    Le président américain Barack Obama et le président ukrainien Petro Porochenko

     

    Ukraine, Poutine, Obama, Merkel : le dessous des cartes

    FigaroVox: Dans votre livre, Le choc des Empires, vous décriviez l'affrontement entre les Etats-Unis, le Chine et l'Allemagne. La situation en Ukraine ne rappelle-t-elle pas davantage la guerre froide?

    Jean-Michel QUATREPOINT: En réalité, on assiste à un choc entre deux blocs: d'un côté, l'Amérique qui veut enrôler l'Europe sous sa bannière, et de l'autre, la Chine et la Russie qui de facto se rapprochent ne serait-ce que parce que les Américains mènent à leur encontre une politique de «containment» depuis 2010. Les Américains veulent imposer leur modèle économique et idéologique: le libre-échange et les droits de l'Homme. Le parti au pouvoir en Chine et les Russes ne veulent pas de ce modèle. Dans ce contexte l'Europe, notamment l'Allemagne, est prise en sandwich. Angela Merkel doit choisir et penche plutôt pour le moment pour les Etats-Unis. Cela signifie qu'à terme, tout le développement qu'elle pouvait espérer grâce à la Russie, va devoir être passé par pertes et profits. De la même façon, tous les projets d'investissement sur les transports , notamment la nouvelle route de la soie ferroviaire entre la Chine et l'Europe via la Russie, risquent d'être remis en cause. Si l'escalade des sanctions se poursuit, les Russes pourraient interdire le survol de la Sibérie pour toutes les compagnies aériennes avec pour conséquence une augmentation des coûts exponentielle et in fine l'affaiblissement économique puis politique de l'Europe. La légère récession qu'a connue l'Allemagne au troisième trimestre est un premier signal alors même que les effets du boycott russe ne se sont pas encore fait sentir.

     

     

    En quoi les enjeux politiques et économiques s'entremêlent-t-ils?

    Aujourd'hui, l'investissement en Allemagne chute pour trois raison. D'abord à cause du coût de l'énergie. L'abandon du nucléaire coûte une fortune au pays et le rend dépendant du gaz russe. Deuxièmement, le coût de la main d'œuvre n'est plus aussi bas qu'il ne l'était, notamment avec la mise en place du smic et troisièmement l'Euro est surévalué par rapport au dollar. En conséquence, les industriels quittent l'Europe et préfèrent investir aux Etats-Unis qui redémarrent économiquement grâce à leur énergie à bas coût (gaz et pétrole de schiste) et sa main d'œuvre meilleur marché. L'Europe en stagnation est dans la situation du Japon dans les années 90-2000. Sa balance commerciale reste excédentaire grâce à l'Allemagne, mais elle vieillit et ne se développe plus. Cela signifie que nous allons perdre notre pouvoir sur la scène internationale.

    Dans ce contexte, les sanctions contre la Russie constitue-t-elle une erreur stratégique?

    Oui, ces sanctions sont contre-productives. Malheureusement, la plupart des pays européens à commencer par les pays de l'Est, préfèrent les Etats-Unis à la Russie. La Pologne, les pays Baltes et la République Tchèque sont viscéralement antirusses et joueront toujours le jeu des Américains car le souvenir de l'occupation par les troupes soviétiques y est encore prégnant. L'Allemagne, elle, est écartelée et tout l'objectif des Américains est de la détacher de la Russie. L'axe entre Paris-Berlin et Moscou pour s'opposer à la guerre en Irak en 2003 est resté dans la mémoire du département d'Etat américain. Les dirigeants américains ont donc décidé de punir la Russie et de ramener l'Allemagne dans leur giron. C'est tout le but du traité transatlantique qui est en fait une grande alliance germano-américaine.

    La France, qui a une tradition de non-alignée, peut-elle jouer un rôle?

    La SFIO n'a malheureusement jamais eu une tradition de non-alignée. La comparaison entre François Hollande et Guy Mollet est cruelle, mais pas dénuée de fondement. Il y a une vocation européano-atlantiste qui est dans les gènes du Parti socialiste. On peut d'ailleurs également déplorer l'abandon de la politique arabe de la France: non que les Israéliens aient toujours tort, mais on ne peut pas les laisser faire n'importe quoi.

    Iriez-vous jusqu'à parler de tournant néo-conservateur de la politique étrangère française?

     

    Oui, ce tournant a d'abord été pris par Alain Juppé lorsqu'il était au quai d'Orsay. Les diplomates français mènent désormais une politique de court terme. Lors des Printemps arabe, jouant aux apprentis sorciers, la France a réagi sur l'instant en se félicitant de la chute des dictateurs, mais sans en mesurer les conséquences, notamment l'arrivée au pouvoir des islamistes qui ont totalement déstabilisé la région. On a également oublié que les régimes autocrates, qui étaient en place, protégeaient les minorités chrétiennes. Pour un chrétien, il valait mieux vivre sous Saddam Hussein qu'aujourd'hui sous le régime chiite. De la première guerre d'Irak de 1991 jusqu'à la guerre en Libye de 2011, les pays occidentaux ont semé le chaos. Certes les dirigeants en place au Moyen-Orient n'étaient pas recommandables, mais au moins ces pays n'étaient pas des champs de ruines. On ne déclenche plus de guerre mondiale, mais on déclenche des guerres civiles avec des centaines de milliers de morts.

    Jean-Michel Quatrepoint (Figarovox, 23 août 2014)

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