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Entretiens - Page 79

  • Quand notre société préfère les victimes aux héros vainqueurs...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque notre époque qui se caractérise par son cultes des victimes et des mémoires souffrantes. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « Les seuls héros qu’on admire aujourd’hui sont ceux qui se font tuer… »

    Naguère, le héros, le combattant, le sage et le saint étaient admirés et donnés en exemple. Aujourd’hui, les victimes semblent avoir pris leur place. Comme expliquer une telle mutation symbolique ?

    Deux causes fondamentales : le discrédit des valeurs héroïques, la montée de l’idéologie victimaire, lacrymale et exhibitionniste.

    Il est clair que les valeurs héroïques sont aujourd’hui perçues comme des valeurs d’une époque que l’idéologie dominante, avant tout hédoniste, individualiste et utilitariste, s’emploie à présenter de façon répulsive. Comme tout ce qui touche à la patrie, elles sont décrétées « ringardes », c’est-à-dire à la fois vieillottes et obsolètes. On admire à la rigueur les héros qui se sont fait tuer (le colonel Beltrame, les soldats français tombés au Sahel), car leur mort a fait d’eux des victimes, mais on se méfie des héros vainqueurs. Trop guerriers dans une époque qui rêve de paix universelle, trop virils à l’époque de la « masculinité toxique » (le « repos du guerrier » ayant déjà été mis hors-la-loi par les pétroleuses du mitou).

    Parallèlement, la sensibilité s’efface, mais la sensiblerie ne cesse de s’étendre. Il y a moins d’un siècle (en France, cette disposition n’a été abolie qu’en juin 1939), les exécutions capitales se faisaient en public, et les parents emmenaient volontiers leurs enfants y assister en raison des vertus “éducatives” du spectacle. Aujourd’hui, la vue d’un pigeon mort traumatise les shampouineuses et les bobos.

    La « lutte-contre-toutes-les discriminations » relève elle aussi de l’idéologie victimaire. Le philosophe Denis Collin y voit à juste titre « un mot d’ordre creux qui sert à passer en contrebande de la camelote frelatée pour le plus grand bénéfice des classes dominantes ». Le tour de passe-passe consiste à confondre discrimination et injustice. Or, il y a des discriminations qui sont parfaitement justes : il est normal, par exemple, qu’un citoyen bénéficie de prérogatives qui ne sont pas accordées aux non-citoyens. Inversement, il y a des injustices qui n’impliquent aucune discrimination de race ou de sexe : les inégalités sociales ne procèdent pas de la discrimination, mais de l’exploitation du travail vivant par un système capitaliste peu regardant sur la source de la plus-value. L’aspiration au « safe place », en « non-mixité sans hommes cis-hétéro et sans personnes blanches », est l’ultime souhait des néoféministes et des indigénistes pour éviter les discriminations. L’idée, importée des États-Unis, est qu’il faut soustraire les victimes potentielles à tout contact avec les méchants aux intentions « pas claires ». On est loin du temps des héros !

    Désormais, dans tel ou tel conflit, au lieu d’analyser les motifs des belligérants, le poids de l’histoire et de la géographie, nos préférences paraissent réservées aux « agressés », négligeant le fait que l’« agresseur » puisse aussi avoir ses raisons. De plus, la compassion est également parfois à géométrie variable, selon la nature de l’agresseur ou de l’agressé. Une nouvelle étape dans le recul du politique ?

    Notons d’abord que la compassion est un sentiment, pas une vertu. Elle « peut devenir vertu, écrit Pierre Manent, si elle est guidée par ces vertus que sont le courage, la justice et la prudence. Sans cette éducation, elle fait plus de mal que de bien ».

    La guerre, comme l’a dit Clausewitz, n’est que la politique poursuivie par d’autres moyens. Or, en politique, il y a aussi des amis et des ennemis. Mais cette distinction n’est pas un critère moral. On savait bien autrefois que dans une guerre, chacun peut avoir ses raisons et que les débordements qu’elle engendre ne sont l’exclusivité d’aucun camp. Le respect du « juste ennemi » (justus hostis) était même le fondement de l’ancien droit des gens. Aujourd’hui, l’interprétation de la guerre est devenue manichéenne : elle est censée relever d’une morale juridique qui s’impose aussi au politique. La « juste cause » (justa causa) a remplacé le « juste ennemi », l’ennemi n’est plus une simple figure de l’adversité, mais l’incarnation du Mal. Les « agressés », comme les victimes, se situent nécessairement du côté du Bien. Bien sûr, comme vous l’avez observé, cette approche ne va pas sans partialité. Quand les victimes sont du côté des « agresseurs », on parle de crimes contre l’humanité ; quand elles sont du côté des agressés, ce sont des « dommages collatéraux ».

    Très logiquement, ce phénomène débouche sur ce que l’on appelle la « compétition victimaire », laquelle se déroule généralement en invoquant la « mémoire ». N’y a-t-il pas dans cette dérive quelque chose de malsain, sinon d’obscène ?

    Ah, la mémoire ! La mémoire de l’esclavage et la mémoire du génocide vendéen, la mémoire des camps, la mémoire des anciens jours, la mémoire des dieux et des héros. Vous observerez d’abord que cette mémoire est toujours subjective, raison pour laquelle elle se distingue fondamentalement de l’histoire, qui vise au contraire à l’objectivité. Tout naturellement, celui qui a beaucoup souffert a tendance à penser que personne ne peut avoir souffert autant que lui. Mais le statut de victime peut aussi s’avérer éminemment rentable : non seulement on est plaint, mais ça rapporte. Il suffit de susciter un sentiment de « culpabilité », d’en appeler à la « repentance » et de demander des « réparations ». Certains lobbies se sont spécialisés dans cette industrie, tels ces mouvements indigénistes qui prétendent parler au nom des « afro-descendants ». La société ne se compose plus de sujets-citoyens mais de victimes qui, tous à qui mieux mieux, demandent réparation pour des dommages souvent imaginaires, et exigent que ceux qui ne pensent pas comme eux soient envoyés devant les tribunaux.

    La mémoire a ses mérites, mais elle peut aussi être encombrante, sinon paralysante. Sans tomber dans l’amnésie volontaire, il faut parfois se décharger l’esprit pour retrouver une certaine « innocence ». Nietzsche faisait de la « plus longue mémoire » le trait caractéristique de l’homme de l’avenir, qui était pour lui le pire des hommes. Il ne conviait pas à cultiver la mémoire, mais la volonté d’agir. « On ne ramène pas les Grecs, mais on peut s’en inspirer », disait-il encore. Heidegger dira après lui à peu près la même chose : il ne faut pas chercher à répéter le passé, et encore moins vouloir s’y réfugier, mais s’inspirer de ceux qui dans le passé ont su créer une culture nouvelle pour apprendre, à leur exemple, à œuvrer en vue d’un nouveau commencement.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 8 janvier 2021)

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  • Une bombe sur la gauche caviar...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Xavier Raufer à Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'affaire Olivier Duhamel et ses ondes de choc au sein de la gauche caviar....

    Criminologue et auteurs de nombreux essais, Xavier Raufer a publié ces dernières années Les nouveaux dangers planétaires (CNRS, 2012) et Criminologie - La dimension stratégique et géopolitique (Eska, 2014) et, tout récemment, Le crime mondialisé (Cerf, 2019).

     

                                            

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  • Immigration : l’Europe submergée ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Jean-Yves Le Gallou, réalisé par Victor Lefebvre pour son émission Sputnik donne la parole et diffusé le 8 janvier 2021 sur Sputnik,  à l'occasion de la sortie de l'ouvrage collectif L'invasion de l'Europe (Via Romana, 2020).  

    Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

                                           

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  • " Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, il est inévitable qu’elle se disloque"...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le triomphe de l'individualisme dans nos sociétés. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « L’individualisme libéral, c’est quand l’État de droit conteste le droit de l’État… »

    , voici quelques semaines, déclarait vouloir lutter contre le « séparatisme musulman ». Christophe Guilluy évoque, dans ses ouvrages, une coupure radicale entre les grands centres urbains et la « France périphérique », tandis que Jérôme Fourquet parle d’une « archipelisation » de la société française. Pourquoi la France semble-t-elle plus divisée que jamais ?

    Les causes sont nombreuses, mais il y en a une qui est essentielle, c’est que nous sommes désormais entrés dans la société des individus.

    Celle-ci trouve son origine dans l’idéologie libérale, historiquement associée à la montée de l’individualisme, puisque ses fondements théoriques postulent un homme dessaisi de ses appartenances, n’ayant à subir en amont de lui-même aucune « fatalité » historique, culturelle, familiale ou sexuelle, cherchant en permanence à maximiser son meilleur intérêt, entièrement privatisé, c’est-à-dire propriétaire de lui-même, titulaire de droits naturels lui permettant de s’émanciper du lien social et donc de se construire lui-même à partir de rien. La poussée individualiste emporte avec elle une valorisation hédoniste de la sphère privée, un désintérêt, voire une hostilité larvée, vis-à-vis des affaires publiques, un désengagement politique, un mépris des « grands récits » passionnels des deux siècles derniers. L’homme n’est plus un héritier : refusant d’être « assigné » à quoi que ce soit, il est « celui » qu’il veut être – ce qui revient à dire qu’il n’y a plus de singularités que subjectivement choisies, et que la passion de la désappartenance en est le moteur. Il en résulte des transformations civilisationnelles capitales, de nature sociologique, politique, anthropologique et surtout juridique.

    La société des individus est aussi la fille de l’idéologie des droits de l’homme, qui fait du sujet de droit un homme en soi, hors-sol, un homme abstrait, de partout et de nulle part. Le premier de ces droits est celui de faire sécession d’avec ses semblables. L’individu, dit Marcel Gauchet, est « le premier acteur social de l’histoire humaine en droit d’ignorer qu’il est en société, au nom même des droits qui lui sont reconnus par la société ».

    Le terme d’individu fait pourtant parfois l’objet d’appréciations laudatives par opposition au collectivisme. C’est une erreur ?

    Ce n’est pas au collectivisme que s’oppose la société des individus – laquelle s’accommode, par ailleurs, fort bien de toutes les formes de conformisme –, mais au commun. Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, plus de sociabilité commune, plus de valeurs partagées, que plus rien ne les réunit, il est inévitable qu’elle se disloque. On peut bien alors en appeler au « vivre ensemble », ce n’est au mieux qu’un vœu pieux.

    L’individu ne doit pas être confondu avec la personne, pas plus qu’on ne doit confondre l’individualisation avec l’individuation, cette dernière définissant la capacité pour une personne de juger de sa situation et d’adopter une conduite autonome responsable. Marcel Gauchet écrit encore, très justement : « Individualiser signifie, du point de vue de la logique collective, décharger les acteurs de l’obligation de produire et d’entretenir le lien de société […] L’individu que l’on peut dire “individualisé” est celui qui se pense spontanément comme existant par lui-même, indépendamment de sa société, alors qu’il n’existe que par elle et en elle. » Une telle société produit les individus qui la produisent, en sorte que nous habitons désormais des « sociétés qui travaillent à fabriquer par le droit des individus sans société ». On ne saurait mieux dire.

    Vous parlez de « transformations capitales ». Lesquelles ?

    La société n’étant plus la réalité première, c’est l’individu qui vient en premier. C’est lui qui fonde le droit, et c’est à partir de lui que le social doit être compris (c’est ce qu’on appelle l’« individualisme méthodologique »). Le « holisme » disparaît. Dans la société des individus, nul ne se sent plus partie d’un tout, que ce tout s’appelle un peuple, une culture ou un pays. La société étant vue comme un assemblage aléatoire d’individus, qui ne s’associent volontairement que pour défendre leurs intérêts (c’est le mythe du contrat social), mais restent toujours potentiellement des rivaux les uns des autres, on perd de vue que ce tout possède des caractéristiques qu’il ne possède que parce que le tout excède les parties qui le composent. C’est ce que voulait dire Margaret Thatcher quand elle prétendait que « la société n’existe pas ». Elle aurait bien pu dire que les forêts n’existent pas, puisqu’elles ne sont jamais qu’une addition d’arbres isolés !

    Dans la société des individus, l’économique remplace le politique, le bien-être remplace le bonheur, la « vie en couple » remplace le mariage, le sociétal remplace le social, le consommateur festif remplace le citoyen. L’individu supplante à la fois les personnes et les masses, l’État de droit conteste le droit de l’État. L’être est rabattu sur l’avoir. Sous l’œil intéressé du capital, le sens de la vie se ramène à se distraire et à consommer : Homo œconomicus et festivus. La religion est perçue comme une opinion parmi d’autres, comme une option strictement individuelle, ce qui rend incompréhensible toute idéologie religieuse qui cherche à convertir, ce que le mot « religion » signifiait dans le passé. Mais je ne fais là qu’esquisser à grands traits une réalité qui demanderait à être examinée plus en détail. C’est une révolution silencieuse qui s’est accomplie sous nos yeux.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 janvier 2021)

     

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  • Loi sécurité globale : quand l'exception devient la règle...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les lois d'exception et, notamment, la dernière en date, la loi "Sécurité globale". Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « Le danger de la loi de “sécurité globale”, c’est que l’exception devienne la règle… »

    Pour ses opposants de droite comme de gauche, la loi sur la « sécurité globale » semble être synonyme d’abandon des réalités réelles en échange d’une sécurité virtuelle. Pensez-vous que le gouvernement en fasse trop ou pas assez ?

    Je pense qu’il faut aborder le problème avec un peu plus de recul. Depuis plusieurs décennies, les dysfonctionnements de la démocratie libérale, dysfonctionnements qui sont à l’origine de la poussée des mouvements populistes, ont entraîné dans la plupart des pays occidentaux une « crise de gouvernabilité » gravissime. La déconnexion entre la classe dirigeante et les peuples, qui se traduit par le discrédit des anciens « partis de gouvernement », inquiète au plus haut point les pouvoirs publics, qui cherchent par tous les moyens à gouverner en se passant du peuple ou à obtenir son consentement autrement que par la voie électorale, qui ne lui garantit plus les résultats escomptés.

    La distraction et la consommation ne suffisent plus lorsque le chômage monte et que la précarité s’accroît, et que la crise politique se double d’une crise sociale et financière, pour ne rien dire de la crise culturelle induite par l’immigration. Il reste alors à contraindre par la peur, dont on sait depuis longtemps qu’elle fait très bien accepter (sinon désirer) la soumission. Je ne suis pas de ces complotistes qui s’imaginent que le terrorisme islamique ou l’épidémie de Covid-19 ont été créés de toutes pièces pour servir de noirs desseins. Je vois très bien, en revanche, combien il est aisé, pour les élites en place, d’instrumentaliser ces circonstances à leur profit afin de porter atteinte aux libertés. Aux États-Unis, le Patriot Act a été adopté pour faire face au terrorisme, après quoi, il a servi à tenir en laisse toute la population. Les lois d’exception finissent par entrer dans le droit commun, ce qui fait que l’exception devient la règle. Le Covid-19 est une maladie bien réelle (elle aura bientôt tué, aux États-Unis, plus de gens que d’Américains durant toute la Seconde Guerre mondiale), mais on ne peut qu’être frappé par le caractère disproportionné de ces mesures d’une ampleur jamais vue adoptées à l’échelle planétaire pour venir à bout d’un virus dont le taux de mortalité ne dépasse pas 0,5 %. En raison de ce que beaucoup de gens perçoivent comme une « dictature sanitaire », la majorité des Français ont, depuis mars dernier, accepté de bouleverser leur vie quotidienne avec une docilité confondante. Les masques qu’ils portent ressemblent de plus en plus à des bâillons.

    On peut penser qu’il n’en sera plus de même lorsqu’on pourra pleinement mesurer les dégâts économiques et sociaux de cette crise sanitaire : les faillites et les dépôts de bilan qui vont se multiplier, l’extinction progressive du commerce traditionnel au profit des grands centres commerciaux et des commandes en ligne, l’effondrement programmé de secteurs professionnels entiers. Ce pourrait même être l’élément déclencheur d’une immense révolte sociale dont les manifestations des gilets jaunes n’auront été qu’un signe avant-coureur. Si tel n’est pas le cas, alors il faudra admettre que rien ne sera « plus comme avant ». Nous entrerons dans un nouveau monde, intégralement fiché-numérisé-connecté.

    Le criminologue Xavier Raufer estime que « les voyous ne s’arrêtent que lorsqu’on les arrête », tandis que Marine Le Pen affirme qu’au lieu de promulguer des « lois d’exception », il faudrait peut-être commencer par appliquer « celles qui sont existantes ». Que vous inspire cette succession ininterrompue de lois sur l’immigration, le terrorisme ou l’insécurité, alors que, sur l’essentiel, rien ne paraît changer ?

    Ils ont l’un et l’autre raison. Xavier Raufer a également raison de dire que, si les Blacks Blocs viennent tout casser dans les manifestations, c’est parce que leur présence convient très bien aux pouvoirs publics qui, dans le cas contraire, auraient tous les moyens de les empêcher de venir, tant ils sont depuis longtemps fichés et répertoriés. Mais on ne peut se borner à dire qu’il suffirait d’arrêter les bandits et d’appliquer les lois. On voit bien, déjà, que la volonté de les appliquer fait défaut, mais on oublie souvent que ce sont les juges du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’homme qui sont les premiers à empêcher ou à freiner leur application. C’est la raison pour laquelle un gouvernement qui déciderait, demain, d’arrêter l’immigration ne pourrait tout simplement pas le faire. Il en ira de même aussi longtemps que l’on n’aura pas dénié toute valeur constitutionnelle à des proclamations déclamatoires du genre de la Déclaration de 1948, et tant que la France n’aura pas fait savoir qu’elle tient les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme pour nulles et non avenues.

    Si le terme de « sécurité globale » peut porter à caution, celui d’« islamo-gauchisme », aujourd’hui très la mode, vous paraît-il approprié ? Recouvre-t-il une réalité tangible ?

    Je suppose qu’avec cette étiquette, on veut désigner la fraction des gens de gauche qui ont pour l’islamisme radical des indulgences coupables. Mais le mot n’en est pas moins mal choisi, et aussi mal formé. D’une part, on ne sait pas très bien si « islamo » vise l’ ou les . D’autre part, le « gauchisme » est un mot-valise insaisissable. Historiquement parlant, il désigne les critiques de gauche du bolchevisme que Lénine, en 1919, déclarait atteints de la « maladie infantile du communiste ». Rappelez-vous qu’en 1968, les communistes se déchaînaient contre les « gauchistes », alors identifiés aux anarchistes, aux trotskistes et aux maoïstes. Par la suite, le « gauchisme » a dérivé jusqu’à s’identifier à l’aile extrémiste des libéraux-libertaires et des adeptes de la « théorie du genre », voire aux dessinateurs de Charlie Hebdo, ce qui ne veut plus rien dire. Christian Estrosi, lui, préfère parler d’« islamo-fascisme », ce qui est encore plus bête.

    L’expression, finalement, ne vaut pas mieux que le « judéo-bolchevisme », l’« hitléro-trotskisme », les « rouges-bruns » ou autres calembredaines qui nous ramènent au bon vieux temps des « vipères lubriques » et des « hyènes dactylographes » (en 1970, la théologienne Dorothee Sölle avait même inventé le « christo-fascisme » !). Dans tous les cas, on est en présence d’étiquettes polémiques reposant sur un procédé classique de transfert de répulsion : il s’agit de discréditer en assimilant à un objet répulsif déjà identifié. C’est à la fois ridicule et enfantin. Le gauchisme est une chose, le fascisme en est une autre, l’islamisme en est une troisième. À vouloir mettre le signe égal entre les mots (« de Gaulle = Hitler », « CRS = SS », etc.), on embrouille seulement les choses au lieu de les éclairer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 4 janvier 2021)

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  • Retrouver la maîtrise des frontières, une nécessité...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Matthieu Bock-Côté à Arthur de Laborde sur Sud Radio dans lequel il évoque la mondialisation comme vecteur du Covid-19, la souveraineté et la maîtrise des frontières. Québécois, Mathieu Bock-Côté est sociologue et chroniqueur et est déjà l'auteur de plusieurs essais comme Le multiculturalisme comme religion politique (Cerf, 2016), Le nouveau régime (Boréal, 2017) ou L'empire du politiquement correct (Cerf, 2019).

     

                                              

     

     

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