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Cinéma / Théatre - Page 4

  • La France de Jean Gabin...

    « Il fallait la gourmande érudition et l'esprit rebelle d'Alain Paucard pour dire qui fut cet immense bonhomme : non seulement une grande figure du cinéma mais un grand personnage de la France. Du temps où il y avait une France. » François Taillandier

     

    Les éditions Xénia viennent de publier un essai d'Alain Paucard intitulé La France de Jean Gabin, préfacé par François Taillandier, l'auteur de la magnifique fresque romanesque en cinq volumes, intitulée La grande intrigue. Président à vie du Club des ronchons, Alain Paucard est un écrivain de nationalité parisienne, à qui l'on doit des essais comme Tartuffe au Bordel (Le dilettante, 2013), La France de Michel Audiard (Xénia, 2013), Paris, c'est foutu ! (Jean-Cyrille Godefroy, 2013), Oui, c'était mieux avant (Jean-Cyrille Godefroy, 2015) ou dernièrement Manuel de résistance à l'art contemporain (Jean-Cyrille Godefroy, 2016).

     

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    " Jean Gabin, c'est une gueule, un grand acteur, un combattant... et aussi un certain visage de la France. Malgré le temps, la société qui change trop vite et le noir et blanc, Gabin est toujours fréquenté et fréquentable. Il y a plusieurs raisons à cela - le talent, la présence qui le sert, les scénarios, les réalisations - mais qui fusionnent en une seule : L'incarnation du cher et vieux pays. - Avec un classement des 5 Gabin préférés de 23 personnalités. "

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  • Le « film préféré des Français »...

    Alors que La grande vadrouille, l'un des plus grands succès du cinéma français, est ressorti en salles cet été, nous reproduisons ci-dessous l'excellent article que Paul Fortune consacre à ce film sur son blog...

    Paul Fortune a récemment publié un excellent récit intitulé Poids lourd, dont nous ne pouvons, à nouveau, que vous recommander la lecture.

     

     

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    Le « film préféré des Français »

    On nous ressort la Grande Vadrouille, plus grand succès cinématographique de tous  les temps en France – du moins c’était le cas jusqu’à l’inexplicable succès de l’inepte pantalonnade des « Ch’tis ». La Grande Vadrouille est, paraît-il, le film préféré des Français. Pour une fois, je veux bien le croire, cette préférence n’ayant rien à voir avec les fameuses « personnalités préférées des Français » qui sont surtout les divers préférés des médias qu’on essaye de nous imposer à toute force dans des buts évidents de grossière propagande multiculturaliste. Cependant, les Français dont il s’agit sont probablement tous nés avant 1970, parce qu’il faut bien regarder les choses en face : la Grande Vadrouille commence à prendre un méchant coup de vieux.

    Certes, tous ceux qui ont pu voir les maintes et maintes rediffusions télévisées du film dans les années 80 lorsqu’ils étaient enfants en conservent un bon souvenir, car c’était une comédie plaisante tenue par l’extraordinaire Louis de Funès, mais je ne suis pas sûr que le film fasse autant d’effet si on le revoit aujourd’hui une fois qu’on a atteint l’âge adulte. En fait, la Grande Vadrouille en dit bien plus long qu’on ne le soupçonne sur la mentalité des Français. Le film en lui-même est une réussite comique portée par le génie de Louis de Funès, dont le duo avec Bourvil – dont j’ai toujours détesté le personnage de demi-débile – fonctionne à merveille. Mais sur le fond, ce film donne une image des Français à laquelle il est peu agréable de s’identifier : deux clowns lâches et râleurs arrivent, par leur ingéniosité, à faire tourner les Allemands en bourriques.

    En réalité, il y a deux publics de la Grande Vadrouille. Le premier, c’est celui des gens qui avaient connu la guerre et l’occupation, et à qui le film disait que finalement, tout ça n’était pas si grave et que s’ils n’avaient pas toujours eu un comportement héroïque, les Français avaient quand même été suffisamment malins pour mettre des bâtons dans les roues des Allemands, lesquels n’étaient après tout que des imbéciles raides et disciplinés. Bref, le film faisait l’unanimité parce qu’il allégeait singulièrement le fardeau de la collaboration et de la lâcheté de pas mal de Français. On préférait se voir en crétins retords plutôt qu’en lâches collaborateurs, la position du héros étant par trop improbable. Les Français aimaient se voir en cons sympathiques, peut-être parce que c’est que la plupart d’entre eux auraient voulu être, sentant bien que le côté sympathique avait probablement parfois fait défaut. Il y aurait long à dire cependant sur un peuple qui se reconnaît aussi bien dans un tel duo de losers.

    Le second public est celui de ceux qui n’ont pas connu la guerre et qui voient surtout une bonne comédie. Ceux-là sont souvent des gamins qui pourtant ne peuvent s’identifier au peu héroïque duo, et dont certain ne manqueront pas de remarquer que les Allemands, même s’ils passent pour des cons, ont quand même les uniformes les plus stylés. La puissance comique de Louis de Funès fait toujours mouche, mais j’ai des doutes quand au personnage malsain dans lequel Bourvil se complaît et sur lequel il a fait une partie de sa carrière, et je crois avoir déjà dit ailleurs combien il me mettait mal à l’aise.

    Le vrai film sur la période, sorte de matrice en négatif sortie dix ans avant, c’est La Traversée de Paris, de Claude Autan-Lara. On y trouve déjà de Funès et Bourvil, mais qui ne se complaisent pas dans leurs rôles tardifs de bouffons. De Funès est un lâche colérique et pingre, Bourvil un trouillard magouilleur peu viril dont la hantise est d’être fait cocu. Le film est emmené par Jean Gabin, sorte d’anarchiste de droite au charisme envahissant qui professe un cynisme déplaisant qui empêche qu’on le trouve vraiment sympathique. La vraie France de l’occupation est là : on y trouve des pleutres occupés de petites affaires égoïstes, dérangés dans leur médiocre survie par un provocateur nanti. Personne n’est épargné dans ce tableau dérangeant d’un Paris dans lequel les Allemands perdent toute bonhomie pour devenir une menace bien réelle qui parcourt la nuit et terrifie au moindre bruit. Film scandaleux dans lequel retentit la fameuse réplique « salauds de pauvres » aux accents céliniens, La Traversée de Paris est toujours mal passée : elle tendait aux Français d’après-guerre un miroir un peu trop net.

    Tout cela ne serait que du cinéma si on ne pouvait y lire le défaitisme contemporain. Il semble que la France ne se soit jamais complètement remise moralement de la défaite et de l’occupation. Il est un peu triste que les Français n’aiment rien tant que de se voir en loosers sympathiques, que ce soit devant La Grande Vadrouille ou face aux postiers alcooliques d’un navet réalisé par un comique de seconde zone.

    La Grande Vadrouille reste un bon film avec des moments comiques inoubliables, et en ces temps d’incertitudes identitaires, je ne doute pas que sa franchouillardise bonhomme fasse salle comble. Cependant, c’est plutôt de l’esprit du Gabin de La Traversée de Paris dont nous avons besoin aujourd’hui que de la crétinerie inoffensive et pathétique de Bourvil.

    Paul Fortune (Blog de Paul Fortune, 17 août 2016)

     
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  • Les filles au Moyen-Age...

    Les éditions Agnès b. viennent de sortir en DVD le film d'Hubert Viel, Les filles au Moyen-Age. Jeune réalisateur, revendiquant l'influence de Rohmer et Godard, Hubert Viel signe avec ce film son deuxième long-métrage.

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la critique que Ludovic Maubreuil a fait du film d'Hubert Viel dans la revue Éléments.

     

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    Les filles du Moyen-Age

    Un gallo-romain lapide une femme adultère qui ne peut réprimer un sourire complice ; Clovis grelotte sous l’eau de son baptême ; Charles VII rechigne face à l’intransigeance de Jeanne d’Arc, la qualifiant de « Mlle Je-sais-tout » etc… Dans Les Filles au Moyen-Age d’Hubert Viel, au fil de saynètes en noir et blanc, six enfants d’aujourd’hui, âgés d’une dizaine d’années, interprètent pour nous quelques pages de l’Histoire de France. D’ordinaire, les films joués entièrement par des enfants suivent une constante, celle du mimétisme avec le monde adulte. Du Bugsy Malone d’Alan Parker (1976) au Big City de Djamel Bensalah (2006), l’objectif consiste toujours à reprendre une à une, et le mieux possible, les mimiques et les postures du genre. En bout de chaîne, on obtient l’exécrable  Enfants de Timpelbach (2007), inscrivant dans son récit même (des enfants laissés à l’abandon devant organiser la vie d’un village), ce souhait d’atteindre la copie conforme. Chez Hubert Viel au contraire, il ne s’agit nullement de singer les grandes personnes, mais bien de laisser libre cours à ces jeux de rôles enfantins (« on dirait qu’on serait ceci, qu’on ferait cela »), où chacun est à la fois le personnage qu’il s’invente et son propre démiurge, où la règle est de jouer ostensiblement à faire semblant. Dans Les Filles du Moyen-Age, on se chamaille et on se réconcilie, on se moque et on se protège, d’une manière si franche et naïve, si puérile en somme, qu’elle en devient intempestive. En laissant la fantaisie, la fraîcheur et l’humour contaminer des figures historiques, on ne sombre pas nécessairement dans la parodie, car on peut ainsi approcher autrement les délicats dilemmes et les émotions fortes d’une époque si souvent caricaturée. Passer outre le pittoresque des conventions, habituels trompe-l’œil d’un Moyen-Age fossilisé, permet d’appréhender le sens profond de ce qui s’est alors joué. La survenue d’une révélation, l’expression d’une influence, la mise en place d’une relation particulière, toutes ces situations d’autant plus inattendues que notre connaissance de cette période s’avère faussée, deviennent manifestes lorsqu’elles sont ainsi relatées par des cœurs simples. 

    Au-delà même de l’intervention d’enfants, le fait de confronter de la sorte notre époque à son passé, incite à voir en ce dernier non pas une somme d’archaïsmes, un florilège de valeurs périmées, mais bien un héritage vivifiant. C’est au beau film de Franck Cassenti, La Chanson de Roland (1978), que Les Filles au Moyen Age fait alors penser. Au XIIe siècle, des comédiens itinérants y relatent à chacune de leurs étapes, le récit épique ayant pris tragiquement fin au Col de Roncevaux. Le film propose ainsi un dialogue fécond entre cette histoire jouée, datant de trois siècles plus tôt, et celle, tout aussi complexe, qui s’écrit sous les yeux de ses interprètes. De même, Hubert Viel, ne versant ni dans le dispositif distancié ni dans la reconstitution, choisit un espace intermédiaire construit autour de mises en abyme éprouvées par les personnages eux-mêmes, lesquels réalisent ainsi les correspondances et les écarts entre ce qu’ils jouent et ce qu’ils vivent. C’est par leur intermédiaire que le spectateur peut entrer en communion avec l’œuvre, accéder à son tour aux relations entre lois pérennes et vérités d’un jour. C’est en cela que l’on peut qualifier Les Filles de cinéma participatif, car il évite aussi bien le regard surplombant, satisfait de la manipulation des signes, que l’expérience immersive, réduite à la fascination des formes

    Dans Les Filles au Moyen-Age, l’Histoire n’est pas jugée linéaire mais cyclique, comme les métaphores du cercle et de la spirale, dans plusieurs séquences, en témoignent. Cette conception périodique des faits et des actes ne nous paraît pas absolument raccord avec l’eschatologie chrétienne et c’est justement l’une des richesses (l’un des paradoxes ?) du film que de mettre en lien le cercle et la croix. Hubert Viel propose un discours résolument chrétien mais délivre une esthétique laissant une grande place à l’effusion païenne, tout particulièrement grâce à ces mouvements de caméra à la fois minutieux et contemplatifs, célébrant la magnificence du paysage sans pour autant perdre de vue le trajet précis de l’individu qui l’arpente, ne se servant ainsi jamais de l’un comme faire-valoir de l’autre. La beauté du film réside justement dans l’évidence avec laquelle les personnages s’inscrivent dans leur écrin naturel, dans la limpidité de leur présence, telle une émanation littérale, au cœur des prairies, des forêts et des rivières qui les entourent.

    Voici donc un film qui parvient, le plus simplement du monde, sans frime ni ruse, à réunir Pan et Jésus. Au temps du cinéma arrogant et technicien qui ne sachant plus que faire de l’un comme l’autre, s’empresse de les oublier, au temps du règne sans partage de l’assèchement naturaliste comme du formalisme ornemental, c’est sans doute ce que l’on peut appeler une bonne nouvelle.

    Ludovic Maubreuil (Eléments n°159, mars - avril 2016)

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  • Au temps de la Nouvelle Vague...

    Les éditions Auda Isarn viennent de publier Au temps de la Nouvelle Vague, un recueil d'articles de Philippe d'Hugues, complétés par une postface de Michel Marmin. Écrivain et historien du cinéma, Philippe d'Hugues est notamment l'auteur de L'envahisseur américain (Favre, 1999), Les écrans de la guerre (De Fallois, 2005), Chronique buissonnière des années 50 (De Fallois, 2008) ou de Les Causeries du dimanche (Auda Isarn, 2013).

     

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    " Que représente aujourd'hui la Nouvelle Vague ? Un chapitre ancien (plus de soixante ans) de l'histoire du cinéma. la plupart des protagonistes ont disparu : Truffaut, Chabrol, Rohmer, Resnais, Demy sont morts depuis plus ou moins longtemps. Sauf Godard. Il ne subsiste aucun autre pionnier essentiel;

    Beaucoup de leurs films s'effacent des mémoires, quand les plus jeunes spectateurs ne les ignorent pas complétement. A l'heure du triomphe technologique, des productions à la Star Wars, que peut signifier la notion de « film d'auteur », leur mot d'ordre et grand cheval de bataille. Leurs premiers essais en noir et blanc, avec des acteurs inconnus, quel peut être leur effet sur le public aujourd'hui ? Le même que celui de Méliès ou Feuillade sur les auteurs de la Nouvelle Vague au moment où ils débutaient.

    C'est dire à quel point on ne se rend plus compte aujourd'hui de l'importance du mouvement qu'ils ont incarné à leur apparition. Et de la sensation que causèrent en leur temps des titres comme Tirez sur le pianiste, Les Bonnes Femmes ou Adieu Philippine, il faut avoir vécu cette période pour s'en faire une idée juste et prendre l'exacte mesure de l'événement. C'est cette atmosphère difficile à imaginer aujourd'hui que restitue le livre de Philippe d'Hugues. Les articles ici rassemblés ont été écrits sur le moment et rendent le mouvement des années 60, à mesure de son déroulement. ils sont le témoignage précieux d'une aventure unique qui, deux générations plus tard, fait rêver les amoureux du cinéma."

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Le cinéma d'Hollywood, vecteur d'influence des Etats-Unis...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au cinéma américain et à son rôle de vecteur d'influence...

     

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    Alain de Benoist : Quand les films de propagande de Daech empruntent les codes hollywoodiens

    Dès 1917, l’industrie hollywoodienne avait été conviée à la Maison-Blanche, histoire de conclure l’alliance entre le “soft power”, le cinéma et le “hard power”, l’invincible armada, afin de promouvoir l’“American way of life” sur l’ensemble de la planète. En 1947, en parallèle au plan Marshall, il était prévu que les écrans français soient grands ouverts au cinéma américain. On se trompe ?

    Vous faites allusion aux accords Blum-Byrnes signés, le 28 mai 1946, par Léon Blum et Jean Monnet du côté français, et par le secrétaire d’État américain James F. Byrnes. En échange de l’effacement d’une partie de la dette française envers les États-Unis, ces accords mettaient fin au régime d’interdiction des films américains décrété en 1939 et resté en place après la Libération. Supprimant toute préférence nationale, ils prévoyaient que les salles de cinéma ne pourraient plus programmer exclusivement des films français que quatre semaines par trimestre, les États-Unis – qui disposaient alors de plus de 2.000 films qu’ils voulaient écouler sur le marché européen – pouvant envahir les salles tout le reste du temps. « Le résultat auquel nous venons d’aboutir, déclara Léon Blum, accroîtra encore la reconnaissance que le peuple français doit et porte au peuple américain. » Les résultats se firent immédiatement sentir : en 1948, les films américains représentaient déjà 43,6 % de l’audience des films projetés sur les écrans.

    Les accords en question furent très vite perçus comme un moyen, pour les Américains, de diffuser les valeurs qui leur sont propres. De grands réalisateurs comme Marcel Carné ou Jacques Becker n’hésitèrent pas à parler de « bradage du cinéma français », et un Comité de défense du cinéma français (CDCF) fut fondé par Claude Autant-Lara. C’est d’ailleurs à la même époque, le 25 octobre 1946, que fut créé le Centre national de la cinématographie (CNC), dont la mission explicite était de protéger la création française en la finançant de manière autonome à partir d’une taxe sur les billets. En 1948, suite à la mobilisation des professionnels (le 4 janvier, une manifestation avait réuni plus de dix mille cinéastes, acteurs et techniciens), il fut finalement convenu de fixer à 121 le contingent annuel de films américains. Mais ceux-ci absorberont à eux seuls la quasi-totalité du temps normalement réservé à tous les films étrangers. Depuis, Hollywood déverse régulièrement sa production sur nos écrans, pour le pire comme pour le meilleur. Et désormais, bien souvent, les titres des films américains ne sont même plus traduits en français.

    Hubert Védrine assurait, récemment, que si les États-Unis avaient gagné la guerre froide contre l’URSS, c’était surtout grâce à Mickey et à Elvis Presley. Le glamour californien plus fort que la rugosité du KGB ?

    N’exagérons rien. Les chefs-d’œuvre de Vsevolod Poudovkine, Sergueï Eisenstein ou Alexandre Dovjenko ne le cèdent en rien à ceux d’un D.W. Griffith, d’un John Ford ou d’un Raoul Walsh ! Disons plutôt que les Américains, pour qui le cinématographe ne relève pas tant de la culture que du seul divertissement, ont très tôt compris que leurs films constituaient un vecteur d’influence essentiel, surtout quand ils sont tournés de telle manière qu’ils indiquent au spectateur comment interpréter les images. La manipulation s’appuie sur l’identification aux protagonistes, le comportement des personnages secondaires, le rapport aux objets, la façon de se tenir et de se parler. Elle s’exerce, bien sûr, sur le marché intérieur (95 % des spectateurs américains n’ont jamais vu de leur vie un film non américain), mais plus encore à l’extérieur, où le mode de vie américain, du fait de son omniprésence sur les écrans, est implicitement présenté comme le meilleur et le plus normal qui soit.

    Aujourd’hui, plus personne à Hollywood ne croit qu’un film doit être de qualité pour rapporter de l’argent. Les blockbusters rapportent d’ailleurs beaucoup plus par leurs produits dérivés que par le nombre d’entrées en salles qu’ils peuvent engranger. Dans un essai récent, Thibault Isabel a très finement analysé la façon dont les films américains à base d’images de synthèse, de décors numériques et d’effets spéciaux titanesques équivalent à un harcèlement visuel, du fait d’une nervosité narrative et d’un montage saccadé où les plans se succèdent plus qu’ils ne s’enchaînent et où la vitesse « ne laisse rien subsister hormis la sensation de l’instant », produisant dans l’esprit du spectateur un ahurissement de type hystérique. Cette frénésie visuelle a pour avantage d’inhiber toute défense immunitaire, en l’occurrence toute forme d’esprit critique, en sorte que le message idéologique est distillé de façon sous-jacente, ce qui facilite son intériorisation. Qui est encore capable, par exemple, d’analyser le contenu idéologique du Réveil de la force, dernier épisode de Star Wars (un milliard de dollars de recettes en douze jours d’exploitation, record historique !) ?

    Aujourd’hui, seule la France résiste en Europe, grâce (ou à cause) du système d’avance sur recettes, tandis qu’en Italie et en Angleterre (pour ne citer que ces deux pays), c’est le trou noir. On s’égare ?

    C’est vrai que, grâce au CNC et à son système d’avances sur recettes, le cinéma français tire plutôt mieux son épingle du jeu que celui des autres pays européens – ce qui lui permet de sortir à la fois de bons films et nombre de navets. Mais le cinéma français s’américanise lui aussi peu à peu. Et il n’est pas le seul. Pour ne prendre qu’un exemple auquel on pense rarement, voyez les films de propagande de l’État islamique. On y retrouve le même style frénétique, le même manichéisme, le même mélange de virtuosité technique, d’esthétisme kitsch et de violence pure que dans la plupart des films vidéo ou des films d’action hollywoodiens (tel le ridicule 300 de Zack Snyder, grotesque caricature de la bataille des Thermopyles). Du Luc Besson ou du Quentin Tarantino en version djihadiste ! Spectacle édifiant.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 mars 2016)

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  • Leni Riefenstahl, la cinéaste d'Hitler...

    Les éditions Tallandier publient cette semaine Leni Riefenstahl, la cinéaste d'Hitler, une biographie signée par Jérôme Bimbenet. Historien du cinéma, Jérôme Bimbenet est notamment l'auteur de Histoire et cinéma (Armand Colin, 2007).

     

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    " Danseuse, actrice fétiche des films de montagne, cinéaste révolutionnaire, photographe remarquable, plongeuse hors pair, Leni Riefenstahl (1902-2003) est, aux yeux du monde, la cinéaste qui s’est fourvoyée en se mettant au service du nazisme.

    En 1932, sa rencontre avec Adolf Hitler change son destin. C’est un coup de foudre réciproque. Dès son accession au pouvoir, elle accepte la direction artistique du film du Congrès du Parti nazi à Nuremberg en 1934, Le Triomphe de la volonté, l’archétype du film de propagande. Puis elle réalise en 1936 le film officiel des Jeux olympiques, Les Dieux du stade, qui devient un succès mondial.

    Après la guerre, échappant à la dénazification, Leni Riefenstahl est souvent détestée. Néanmoins, son héritage est immense et les plus grands cinéastes, de Steven Spielberg à George Lucas, reconnaissent aujourd’hui son influence. Seuls l’art et l’esthétique ont compté pour elle, et c’est bien ce reproche qui encombre sa mémoire et obscurcit sa postérité.

    Sans l’aduler ni la condamner, Jérôme Bimbenet perce le mystère de la « douce amie du Führer » qui n’a jamais connu la moindre once de remords, de compassion, de culpabilité ou de conscience politique. Jusqu’à la fin, quand on l’interrogera sur sa responsabilité, elle ne cessera de répondre : « Où est ma faute ? » "

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