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Cinéma / Théatre - Page 7

  • Le cinéma peut-il aider à aimer la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné par Arnaud Guyot-Jeannin à Zentropa et consacré au cinéma français. Cinéphile, critique à Spectacle du Monde et grand amateur de cinéma populaire français, Arnaud Guyot-Jeannin a récemment publié Les visages du cinéma - 35 portraits non-conformistes (Xénia, 2012).

     

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    Le cinéma peut-il aider à aimer la France ?

    Le cinéma peut-il aider à aimer la France ? Ce ne certes pas son rôle, mais cela pourrait-il au moins être l’une de ses fonctions ?

    Arnaud Guyot-Jeannin :  Le cinéma a permis d’aimer la France en la filmant au fond des yeux durant des lustres. Dans un ordre croissant sur le plan chronologique, il faut citer des films très différents qui caractérisent la francité comme Hôtel du Nord de Marcel Carné (1938), Goupi Mains rouges de Jacques Becker (1943), Le Trésor de Cantenac de Sacha Guitry (1950), La Vérité d’Henri-Georges Clouzot (1960), Baisés volés (1968) et Domicile Conjugal (1970) de François Truffaut, auxquels s’ajoutent ceux de Claude Sautet, Claude Chabrol, et Éric Rohmer dans un registre plus élitiste. Entre-temps, il est important de mentionner Julien Duvivier, Claude Autant-Lara, Jean Delannoy, Henry Verneuil, Denis de la Patellière, Georges Lautner, José Giovanni, Robert Enrico, Yves Boisset, Jacques Deray, Pierre-Granier-Deferre, Édouard Molinaro, Jean Yanne, Philippe de Broca et Pascal Thomas. Deux mentions spéciales : l’une pour André Hunebelle qui fit tourner plusieurs films d’aventure – le plus souvent historiques et/ou fantastiques – à Jean Marais, dans lesquels la France renouait avec sa geste héroïque, élégante et brave : Le Bossu (1959), Le Capitan (1960), Les Mystères de Paris (1962), Fantômas (1964) etc. L’autre pour Gilles Grangier qui tourna des films qui alliaient la légèreté drolatique à la solidité populaire : Au pt’it zouave (1950), Le cave se rebiffe (1961) et Le gentleman d’Epsom (1962). Plus Français que Grangier tu meurs ! En évoquant Grangier, Verneuil et Lautner notamment, on pense avec nostalgie aux dialogues de Michel Audiard et d’Albert Simonin dit Monsieur Albert. Des cadors du verbe et de la syntaxe parigote!

    Toujours très enracinées dans le terreau régional et national, les comédies crues et sombres de Joël Séria (Les Galettes de Pont Aven, 1975 etc), avec le prince de la truculence française Jean-Pierre Marielle, ne doivent pas être oubliées. De même que les comédies burlesques d’Yves Robert avec Philippe Noiret comme, par exemple, Alexandre le Bienheureux (1968) ou avec Pierre Richard et Jean Rochefort comme Le grand Blond avec une chaussure noire (1972). À ne pas omettre non plus, certaines comédies sous-estimées de Jean Girault avec le plus grand acteur comique français de tous les temps, Louis de Funès : Pouïc-Pouïc (1963), Le Gendarme de Saint-Tropez (1964), Jo (1965) etc. La France et les Français ont bien changé depuis la sortie des films de Jean Girault. Tant que la France sera déracinée – mais le déracinement excède ses frontières –, ravagée à la fois par le matérialisme consumériste et le cosmopolitisme bobo, elle sera rendue amnésique à sa propre histoire et à son mode de vie différencié que viendra confirmer la décadence de notre propre cinématographe.

    La France contemporaine n’est plus celle de Jean Gabin et de Michel Audiard. Tenant compte d’un visage modifié par quelques décennies d’immigration de masse, quels pourraient être leurs équivalents à venir ? Robert Guédiguian ou Jean Becker ? Ou les deux à la fois ? Sans compter les autres, dont les noms ne sont peut-être pas encore connus ?

    Arnaud Guyot-Jeannin : Guédiguian, c’est l’anti-Becker. Ce metteur en scène réalise des films de cocos pour les bobos. Son cinéma est celui du Front de gauche. Mais, il est surtout totalement fantasmé. Il idéalise la classe ouvrière qui dans la réalité est moins sympathique et conviviale que celle qu’il filme. Réformiste et embourgeoisée, elle est attachée à travailler, produire et consommer plus. Guédiguian fait ainsi l’impasse sur l’aliénation par le travail dans l’entreprise de nos jours. Il exalte un travail humain et solidaire qui redonne toute sa fierté à un homme devenu un simple rouage du système turbo-capitaliste. Des films comme Marie-Jo et ses deux amours (2001) et Les neiges du Kilimandjaro (2011) sont d’une platitude sociale et sentimentale à pleurer. Si Jean-Pierre Daroussin joue ses personnages avec sa justesse coutumière, cette pauvre Ariane Ascaride nous impose son néant existentiel et son physique commun comme pour mieux faire ressortir artificiellement qu’elle vit dans une réalité pure et dure, mais toujours ensoleillée, naturelle et socialisée. Les commentaires du cru sont d’ailleurs globalement irrévérencieux. Les habitants de l’Estaque ne goûtent guère cette bouillabaisse arméno-marseillaise.

    Quant au polar historique L’Armée du crime (2009), il s’agit d’un film présentant avantageusement le réseau Manouchian, composé de communistes étrangers. Guédiguian nous le fait passer pour « héroïque et patriote », alors qu’il pratiquait un terrorisme aveugle et tirait ses ordres de Moscou. Guédiguian ne sait ni transposer, ni sublimer la réalité de la résistance à l’écran comme Melville l’avait fait efficacement dans L’Armée des ombres (1969). Seul beau film de Guédiguian : celui sur François Mitterrand, Le Promeneur du Champ de Mars (2004) avec le toujours remarquable Michel Bouquet. Un hymne paradoxal à la France ! C’est justement de ce cinéma très français que nous entretiennent les films de Jean Becker. Fils du grand Jacques et probe artisan, Becker est véritablement le dernier résistant du cinéma français. Les enfants du Marais (1999), Deux jours à tuer (2008), La tête en friche (2010), Bienvenue parmi nous (2011) et surtout ses Effroyables jardins (2002) sont quelques-uns des films enracinés, poétiques et rafraîchissants que Becker a réalisés avec toute son âme française pour notre plus grand bonheur. Souvent derrière les carences ou la fêlure de ses personnages se cachent des qualités humaines insoupçonnées qui surgissent bravement avec une émotion toujours contenue. D’une plus jeune génération et dans une veine très différente, Lucas Belvaux m’épate, d’autant plus qu’il s’améliore de film en film (Rapt, 2009 ; 38 témoins, 2012). Il arrive aussi que tel ou tel metteur en scène fasse un ou deux bons films comme Philippe Harel, Yves Angelo ou François Dupeyron. Même Jacques Audiard, dont le cinéma m’indispose, a réalisé un excellent Héros très discret (1996). C’est très peu, trop peu…

    S’il fallait sélectionner quelques films éminemment français, quel serait votre palmarès ?

    Arnaud Guyot-Jeannin :  Je vais m’en tenir à une dizaine en précisant que la tâche est rude et que la liste est le reflet d’une grande part de subjectivité. Autant le premier film de la liste est vraiment mon préféré de toute l’histoire du cinéma – c’est d’ailleurs aussi le cas des Français d’après les sondages qui se succèdent depuis sa sortie –, autant les autres films sont classés dans le désordre.

    1. Les Enfants du Paradis de Marcel Carné (1945) : le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre d’une poésie à couper le souffle.

    2. Le Procès de Jeanne d’Arc de Robert Bresson (1962).

    3. Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer (1968).

    4. La Bête humaine de Jean Renoir (1938).

    5. La Grande illusion de Jean Renoir (1937).

    6. Le Doulos (1962) de Jean-Pierre Melville (mais, mon cœur balance avec Le deuxième souffle,1966 ; Le Samouraï, 1967 ; Le Cercle rouge, 1970) qui sont des films plus français qu’on ne le dit généralement. Dans son Dictionnaire du cinéma consacré aux réalisateurs, Jean Tulard résume en une formule limpide ce qui caractérise le cinéma de Melville : « Il a parfaitement assimilé la leçon des Américains, mais a su rester français ».

    7. La 317e section de Pierre Schoendoerffer (1965).

    8. Le Crabe Tambour de Pierre Schoendoerffer (1976).

    9. Les Choses de la vie de Claude Sautet (1970) (mais il faudrait quasiment citer tous les films du metteur en scène).

    10. Que la bête meure de Claude Chabrol (1969).

    Arnaud Guyot-Jeannin (Zentropa, 19 juin 2013)

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  • Un grand film de droite ?...

    Dans le flot des films de divertissement qui se bousculent sur les écrans de cinéma, il est possible de dénicher ici ou là une pépite. Ainsi, dans cet article cueilli sur Causeur, Ludovic Maubreuil, dont on peut régulièrement lire les articles consacrés au cinéma dans la revue Eléments, nous explique pourquoi le film Jack, le chasseur de géant mérite d'être vu.

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    Jack, le chasseur de géant, un grand film de droite ?

    Si Jack, le chasseur de géants est de droite, ce n’est pour commencer pas celle que l’on peut qualifier de libérale-conservatrice et qui « ne se définit plus que comme force de conservation des avantages acquis par les classes dominantes »1. Sa transposition cinématographique est le héros impavide, peu porté sur la compassion qui vient toujours à bout de déclassés et dégénérés en tout genre, afin que ses contemporains puissent continuer à se la couler douce.
    Cette droite-là et ce type de héros-là se bornent à demeurer la force d’appoint des sociétés capitalistes, œuvrant pour que chacun continue d’y consommer en paix. Le film de Bryan Singer, malgré son titre, ne valide nullement ce schéma mais il ne fonctionne pas davantage comme ces films d’aventures qu’on pourrait considérer cette fois comme « de gauche », du moins la gauche dans sa version sociale-démocrate. La victoire y est obtenue par l’entremise d’antihéros instables, atteints de divers complexes, mais secondés brillamment par les fiers représentants de diverses minorités, dont la solidarité est idéalement agissante (sur ce point, le dernier exemple en date est certainement Battleship de Peter Berg).
    C’est une toute autre formule qui est ici à l’honneur, car c’est bien l’association de la fille du Roi, d’un chevalier et d’un pauvre paysan qui vient à bout de l’ennemi, triade qui illustre parfaitement ce qu’était la droite à son origine, et qu’elle a depuis si souvent renié, soit une opposition radicale à l’individualisme comme à l’utilitarisme des Lumières, réalisée, toujours selon les mots d’Alain de Benoist, par « l’union naturelle de l’aristocratie et du peuple contre leur ennemi commun : la bourgeoisie »2… C’est bien de cette droite-là, chevaleresque et désintéressée, ayant le sens de l’honneur et l’esprit du sacrifice, que Jack, le chasseur de géants, nous conte l’histoire !
    Désintéressée car lorsqu’il découvre ébloui les trésors des géants, Jack est bien davantage dans la contemplation de leur beauté que dans le désir de leur possession.
    Sens de l’honneur et esprit de sacrifice de même, car le chevalier Elmont, après avoir accompli sa mission consistant à retrouver la princesse capturée, tiendra au mépris de toute prudence, à rester seul dans le pays des géants, afin de venger l’honneur de son roi. Ce roi qui suscitera d’ailleurs un peu plus tard l’admiration de son armée, en combattant à ses côtés alors que tout semble perdu.
    Un roi ni grotesque ni sanguinaire, ni sénile ni indifférent, prêt à sacrifier sa fille pour sauver le royaume, mais prêt aussi à mourir pour défendre celui-ci, un roi à qui l’on reste fidèle sans hésitation, en bref un roi comme on n’en fait plus, tout particulièrement au cinéma où les tyrans succèdent aux monarques déchus…
    Ce qui cimente cette attitude héroïque, c’est à la fois le tribut payé à l’Histoire et un sens aigu de la hiérarchie. La droite a en effet souvent tendance à idéaliser le passé, à pleurer les mondes perdus, à célébrer le temps d’avant, à témoigner de ce que les traditions oubliées ont permis de fonder. C’est le sens du prologue sous la forme d’une légende racontée à la princesse et à Jack enfants, celle du roi Erik qui forgera leur caractère audacieux mais se révélera plus tard véridique, faisant même dire à un personnage cette phrase typiquement de droite : « à partir de maintenant, comprenez que ce que vous ont raconté vos pères était vrai ! ». Le film exalte de la même façon la relation maître-élève, laquelle préside à l’articulation de l’autorité et de la transmission, reconfigurée à tout instant selon les mérites de chacun.
    Ainsi le chevalier accepte-t-il, sans jalousie hors de propos, l’ascendant de Jack après que celui ait tué un géant, tandis que ce dernier reconnaît, sans honte inappropriée, l’expérience et la bravoure du chevalier quand il s’agit d’affronter les hommes.
    L’absence de ressentiment entre ces deux personnages est d’ailleurs tout à fait inhabituelle à une époque où l’équipée n’a plus grand sens, humiliations et compétitions formant, en bonne logique libérale, la base de la plupart des récits d’initiation. Une autre phrase vient alors illustrer que c’est bien par l’acceptation de l’ordre pyramidal entre les êtres qu’on accède à la liberté : « il y a quelqu’un derrière moi… » est ainsi employée au début du film par Jack lorsqu’il repousse avec difficulté des brigands importunant une femme (qui s’avère être la princesse) et que ceux-ci soudain s’agenouillent. Jack comprend qu’il est impossible qu’ils s’inclinent devant lui, en effet la garde est arrivée dans son dos. Plus tard, ce sera le chevalier Elmont qui voyant les géants, en plein cœur de la bataille, mettre un genou à terre, se fera la même remarque ; derrière lui une force plus grande encore sera apparue.
    Avec son respect scrupuleux de la hiérarchie et son admiration pour le panache des formes passées, la droite a fort logiquement la passion des signes distinctifs et des attributs glorieux (le chevalier remet à Jack une plaque en argent signifiant qu’il fait partie des leurs), professant un fétichisme certain pour l’objet en tant que relique ou talisman : c’est tout le sens de cette couronne qui a le pouvoir de faire plier les géants. Ils ne peuvent en effet renier ce symbole qui oblige, ce signe qui fait sens, sans se renier eux-mêmes. Nous ne sommes pas là devant le mirage qui berne la raison, comme dans Oz où le héros met en déroute ses ennemis par une entourloupe (celle d’une projection monumentale de son visage sur un écran de fumée), mais bien face à la puissance irrationnelle, et donc rituelle, d’un objet sacré.
    Mais alors, si l’on suit le raisonnement jusqu’au bout, les géants seraient-ils donc des bourgeois ? Ils le sont en effet et cela est clairement démontré par les trésors qu’ils entassent, sans autre but que leur accumulation, sans savoir jouir d’eux autrement que par leur quantité, laissant en particulier muette la harpe d’or ! Le bourgeois qui thésaurise, comme le disait Emmanuel Mounier, est bien « cet homme qui ne se meut que parmi des choses, et des choses utilisables, destituées de leur mystère »3.
    Contre leur conception du monde, le film de Bryan Singer identifie clairement ses valeurs. Il dénonce ceux qui n’agissent qu’en fonction de leur seul intérêt, comme le conseiller Roderick qui, coiffé de la couronne magique, utilise le pouvoir des géants à son unique profit. Et il glorifie ceux qui vouent leur existence à ce qui la dépasse, tel Jack se servant au contraire de la couronne pour chasser les géants, lesquels menacent à ses yeux l’essentiel : l’harmonie du royaume qui l’a vu naître. C’est surtout en cela finalement que Jack, le chasseur de géants est un grand film de droite.

    Ludovic Maubreuil (Causeur, 20 avril 2013)


    Notes :

    1. Alain de Benoist, Mémoire vive, Editions de Fallois, 2012.
    2. Entretien in Eléments n°118, 2005
    3. Écrits sur le personnalisme (1949), Editions du seuil, 2000
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  • Les visages du cinéma...

    Les éditions Xénia viennent de publier Les visages du cinéma - 35 portraits non-conformistes, un recueil de textes d'Arnaud Guyot-Jeannin. Collaborateur de nombreuses revues, dont Le Spectacle du Monde, et animateur du Libre journal des enjeux actuels sur Radio-Courtoisie, Arnaud Guyot-Jeannin est un passionné de cinéma et de littérature depuis toujours.

     

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    "Cet ouvrage est un recueil des portraits, au nombre de 35, que l’auteur a donnés au Spectacle du Monde entre janvier 2003 et avril 2011, florilège où comédiens et comédiennes se taillent la part du lion (25 sur 35).
    S’y adjoignent 3 acteurs-réalisateurs, 6 metteurs en scène et 1 scénariste.
    Sur les 35 artistes rassemblés, 25 appartiennent au cinéma français, 10 au domaine anglo-saxon. Tous se situent dans la période qui va de la Nouvelle Vague à nos jours,. Sous l’apparente disparité de l’ensemble, on finit par pressentir qu’il existe une cohérence secrète. Si — pour s’en tenir aux comédiens de chez nous — Louis de Funès voisine avec Michel Bouquet, Jean-Pierre Marielle avec Bruno Cremer, Claude Rich avec Poelvoorde, Catherine Frot avec Isabelle Carré, c’est que ces acteurs si dissemblables appartiennent à un cinéma qui est à la fois populaire et de qualité, et que tous ont en commun d’être de probes artisans, soucieux de plaire au plus vaste public mais se tenant par convenance à l’écart du cirque médiatique, pensant que l’art n’a pas d’autre but que lui-même et, contrairement à tant d’autres, répugnant à le mettre au service d’une cause quelconque.
    Guyot-Jeannin a pensé à l’amateur du cinéma d’outre-Atlantique en incluant d’éminents metteurs en scène et acteurs d'Hollywood : De Palma, Oliver Stone, Clint Eastwood, Mel Gibson, Sean Connery, Andy Garcia, Charlotte Rampling, Catherine Zeta-Jones et Sharon Stone."

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  • Je vous trouve très conformiste...

    Les éditions Vendémiaires, dont il faut suivre la production, viennent de publier, sous la plume de Pierre Bas, un essai intitulé Je vous trouve très conformiste - Panorama impertinent du cinéma français. Pierre Bas, qui a suivi des études d'analyse du film et une formation de scénariste, est critique de cinéma.

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    "En réalité, les scénaristes, les cinéastes et les producteurs de films français se sont approprié une vérité bien simple : les spectateurs appartiennent tous à des catégories sociologiques reconnues ; il suffit d'adapter le produit aux attentes de ces différentes catégories, et l'audience suivra. Film "pique nique" flattant le goût des citadins pour un retour à la nature qui est aussi un retour aux valeurs, film "France d'autrefois" retraçant les turpitudes de l'histoire nationale, film de prestige nous rappelant les oeuvres classiques que nous avons respectueusement étudiées à l'école, film "choral" mettant en scène un groupe porteur de différences qui ne sont jamais insurmontables (toujours, la solidarité prime), film bonne conscience véhiculant un message fraternel (qu'il s'agisse de s'apitoyer sur le sort des immigrés clandestins, des sans-abris ou des femmes de ménage), film "fait divers" destiné à épouvanter le bourgeois en jetant l'éclairage sur le monstre qui sommeille en lui (ou à côté de lui), film "républicain" tentant de tirer les leçons des scandales politiques dont nous sommes abreuvés, film "bobo" mettant l'accent sur les errances sentimentale et sexuelles d'hyperprivilégiés vivant en autarcie dans des quartiers résidentiels, film de banlieue oscillant entre le cynisme et la leçon d'espoir, films "assistance publique" où l'on fait le tour des maux qui guettent nos sociétés vieillissantes, du cancer à la maladie d'Alzheimer, films conçus et réalisés pour les ados, pour les homosexuels, pour les femmes seules, pour les enfants...
    Un tour d'horizon qui n'oublie personne, le portrait d'une société, la nôtre, qui n'en finit plus de se réfléchir et de s'admirer dans cet autoportrait narcissique."
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  • L'Amérique des frères Coen...

    Les éditions du CNRS publient L'Amérique des frères Coen, un essai de Julie Assouly, qui est maître de conférence en civilisation américaine à l'université d'Artois. Un ouvrage indispensable pour ceux qui ont aimé Fargo, No Country for Old Men ou Burn After Reading...

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    "Les frères Coen, « réalisateur à deux têtes », tandem farouchement inclassable, paire prodigieuse révélée au grand public par Arizona junior (1987), dressent un tableau désopilant de l’Amérique profonde. Comédies, westerns, films noirs : les frères Coen ont subverti les conventions du film de genre pour créer un néo-cinéma ambitieux, nourri de clins d’oeil rétro aux séries B, aux grandes productions hollywoodiennes, au polar, et à la peinture réaliste américaine…

    Julie Assouly nous invite à un voyage passionnant au coeur de cet univers, cernant au plus près la vision coenienne d’une Amérique conçue comme un territoire où se confondent toujours l’histoire, le folklore et la fable. Losers magnifiques, voyous déjantés, hystériques au grand coeur, tueurs psychopathes, profs dépressifs : dans cette comédie humaine où la satire sociale le dispute à l’absurde et au tragique, les deux cinéastes racontent, film après film, les laissés pour compte du rêve américain et la perte d’innocence de la société contemporaine."

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  • Pierre Schoendoerffer, l’honneur comme tragédie...

    Nous reproduisons ci-dessous un bel article de Michel Marmin, cueilli dans la revue le Spectacle du Monde et consacré au cinéaste Pierre Schoendoerffer. 

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    Pierre Schoendoerffer, l’honneur comme tragédie

    Les temps auraient-ils changé ? L’unanimité s’est faite, dans les grands médias de gauche, pour saluer la mémoire de Pierre Schoendoerffer, disparu le 14 mars dernier à l’âge de quatrevingt- trois ans. Aucune réserve, sauf une (sur laquelle nous reviendrons), sous la plume de Jean-François Rauger dans le Monde ; un hommage appuyé de Serge Kaganski, qui salue « sa discrétion médiatique, son port droit et son air sévère, signes de rectitude », dans les Inrocks ; respectueux et avisé salut d’Alain Riou qui, dans CinéObs, n’est manifestement pas du tout gêné d’admettre que Schoendoerffer « était vraiment un homme de droite » ; chapeau bas, même, dans l’Humanité… Il n’est pas jusqu’à François Hollande qui n’ait déclaré que l’auteur de la 317e Section avait « su filmer l’homme au plus près de lui-même dans des situations extrêmes, sans hésiter à mettre sa vie en jeu, pour son pays comme pour son art ». Une déclaration si bien venue que l’on aimerait savoir qui a tenu la plume du candidat socialiste !

    Car enfin, et merci à Alain Riou de l’avoir rappelé, Pierre Schoendoerffer était non seulement un grand cinéaste (et aussi, ne l’oublions pas, un bel écrivain), mais encore un grand cinéaste de droite, le seul en tout cas qui puisse justifier pleinement cette appellation si peu recherchée dans sa profession… L’honneur était le thème obsessionnel et conducteur de son oeuvre, décliné non sur le mode de la leçon de morale, mais sur celui de la tragédie. Il en parlait d’ailleurs avec une extrême pudeur, et plus par soustraction que par affirmation, comme en témoignent ces propos recueillis en 2006 par Christophe Barbier : « L’honneur ? On ne sait peut-être pas ce que c’est, mais le déshonneur, tout le monde connaît, même le voyou sait quand il s’est déshonoré. »

    Pierre Schoendoerffer appartenait à une génération où l’on pouvait encore croire à la vastitude du monde, aux zones blanches sur les planisphères et à la possibilité pour un jeune lecteur de Joseph Kessel ou de Joseph Peyré de se tailler un empire à la mesure de ses rêves d’épopée. Mais c’était déjà trop tard. Il assistera à Diên Biên Phu, en tant qu’opérateur du Service cinématographique des armées (SCA), à l’effondrement de l’empire français et, sans aucune espèce d’arrièrepensée politique d’ailleurs, il fera siennes la douleur, l’amertume et la mélancolie de ceux qui avaient versé leur sang pour lui. Le monde, comme l’avait pressenti Paul Morand, s’était soudainement rétréci. L’air n’y était plus respirable pour ceux qui, tels le héros d’Objectif 500 millions, n’admettaient qu’une humanité peuplée « de rois, de poètes et de capitaines ».

    Il y a à cet égard quelque chose de profondément stendhalien chez Pierre Schoendoerffer, jusque dans sa manière de raconter et de filmer. Après s’être fait les dents sur quelques ouvrages mineurs, il a complètement révolutionné le cinéma avec la 317e Section (1965), tourné avec la complicité de son chef opérateur Raoul Coutard, ancien d’Indochine lui aussi et collaborateur de Jean-Luc Godard. Par la simplicité et l’extrême rigueur de son point de vue – «Mon principe était que la caméra soit un soldat invisible et anonyme, qui ne peut voir que ce qu’un soldat peut voir », dira-t-il aussi à Christophe Barbier –, par la pudeur des moyens employés, par le refus de toute espèce de rhétorique, enfin par l’identification scrupuleuse qu’il a réalisée entre ses deux acteurs, Jacques Perrin et Bruno Cremer, et ses personnages, Pierre Schoendoerffer a signé une oeuvre dont la fraîcheur novatrice reste intacte. C’est aussi la raison pour laquelle la 317e Section est peut-être le seul film de guerre qu’un militaire puisse voir sans sourire ou sans soupirer.

    Curieusement, le film qu’il réalisera l’année suivante, Objectif 500 millions (1966), n’a jamais eu très bonne presse. Dans l’hommage du Monde, Jean-François Rauger le qualifie même de « film de hold-up plaisant mais anodin ». Après la 317e Section, c’est en effet l’impression qu’il avait pu superficiellement donner à l’époque. Mais lorsqu’on le revoit aujourd’hui, ce jugement n’est pas soutenable. L’histoire de cet officier perdu dans les derniers combats de l’Algérie française et qui, après trois ans passés dans les geôles de la République, tente un « gros coup » pour réinventer sa vie dans une Amérique mythique, est une pure tragédie cinématographique. Dès les premières images, le destin du héros est clairement inscrit dans cet océan de tristesse, d’intelligence et d’élégance qu’est le regard de Bruno Cremer : la conscience de l’anéantissement d’un monde de valeurs et de la vanité des utopies régénératrices ne laisse au héros d’autre issue digne de lui que la mort. C’est, selon nous, le chef-d’oeuvre de Pierre Schoendoerffer, aussi serré et aussi noir que les plus beaux films de Jean-Pierre Melville, aussi déchirant que les grands Godard des années 1960. Est-ce le film le plus profondément « de droite » de l’histoire du cinéma français ? Nous le pensons.

    Pierre Schoendoerffer signera en 1967 un admirable documentaire sur la guerre du Vietnam, la Section Anderson, qui lui vaudra un oscar à Hollywood, puis il poursuivra son oeuvre cinématographique en développant les thèmes qu’il avait posés dans la 317e Section et Objectif 500 millions. Malgré la splendeur nostalgique des meilleures séquences du Crabe Tambour (1977), nous oserons dire que jamais le cinéaste ne retrouvera la même hauteur de ton et que son style connaîtra une certaine banalisation, en particulier dans le décevant Diên Biên Phu (1992). Avait-il perdu la main ? On retrouvera alors Pierre Schoendoerffer plutôt dans ses romans, en particulier l’Adieu au roi (1969) dont s’inspirera Francis Ford Coppola pour Apocalypse Now (1979) et que John Milius portera à l’écran sans génie en 1989.

    Michel Marmin (Le Spectacle du Monde, avril 2012)

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