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  • La folie d'Annunzio !...

    Les éditions Buchet-Chastel viennent de publier un ouvrage d'Olivier Tosseri intitulé La folie d'Annunzio - L'affaire de Fiume 1919-1920. Journaliste à Rome, Olivier Tosseri est le correspondants de plusieurs médias français. Sur D'Annunzio à Fiume, on pourra également consulter avec profit l'excellente étude de Claudia Salaris, A la fête de la révolution - Artistes et libertaires avec D'Annunzio à Fiume (Rocher, 2006), ou encore le roman d'Alessandro Barbero, Poète à la barre (Rocher, 2007).

     

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    " Septembre 1919. L'Europe respire à nouveau l'air pur de la paix. Alors que les armes se taisent et que ses frontières sont redessinées par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, en Italie on crie à l'injustice. Un dandy poète soldat, Gabriele D'Annunzio dénonce la "Victoire mutilée" de son pays qui espérait obtenir bien plus de l'effondrement de l'Autriche-Hongrie. Engagé volontaire, le héraut du nationalisme italien est également un héros de guerre par ses actions d'éclat. Il met sa verve, son charisme et sa gloire au service de la cause de Fiume. Ce port de la côte dalmate, peuplé d'Italiens et entouré de Slaves, devient la pierre d'achoppement entre l'Italie et le futur royaume de Yougoslavie. Les grandes puissances refusent de prendre parti et veulent en faire une "ville libre", Gabriele D'Annunzio va la libérer. A la tête d'une poignée de conjurés, de vétérans et de troupes de choc il s'empare de Fiume le 12 septembre 1919. Pas un coup de feu n'a été tiré ni une goutte de sang n'a été versée. C'est le début d'une épopée politique et artistique qui va durer quinze mois. La liste de ceux qui accourent pour y participer ne cesse de s'allonger : futuristes, anarchistes, syndicalistes révolutionnaires, artistes, aventuriers en tout genre. On y parle libération des peuples opprimés et on y vit la libération sexuelle, on pratique le végétarisme et le naturisme en consommant des narcotiques... Le laboratoire du XXe siècle avec ses passions et ses utopies. Sexe, Drogues et Fox Trot. Les Années folles commencent à Fiume. "

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  • Les dirigeants européens sont-ils atteints du syndrome de Stockholm ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du journaliste irlandais Finian Cunningham, cueilli sur Europe solidaire et consacré aux relations des dirigeants européens avec leur "maître" amaéricain...

     

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    Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm

    La situation psychologique connue sous le nom de syndrome de Stockholm, dans laquelle les otages sympathisent de manière irrationnelle avec leurs ravisseurs, pourrait très bien s'appliquer aux dirigeants européens face aux intimidations états-uniennes. Les États-Unis ont toujours été le parti dominant - et dominateur - de la relation transatlantique. Mais les administrations précédentes, à Washington, avaient pris soin de présenter les États européens comme des «partenaires» dans une alliance «apparemment» mutuelle.

    Sous le président Donald Trump, les pressions et les harcèlements dont sont l'objet les Européens mettent en lumière leur véritable statut de simples vassaux de Washington. Prenez le projet Nord Stream 2. Le gazoduc sous-marin d'une longueur de 1 220 km, qui augmentera considérablement la capacité de livraison de gaz en Europe, devrait être achevé d'ici la fin de l'année. Cette nouvelle offre profitera à l'économie de l'Union européenne, en particulier à celle de l'Allemagne, en fournissant du gaz moins cher pour les entreprises et pour le chauffage des logements.

    Eh bien, la semaine dernière, le sénateur américain Ted Cruz a déclaré que son pays avait le pouvoir d'arrêter l'achèvement du projet . Cruz fait partie de la commission des affaires étrangères du Sénat US qui a adopté en juillet dernier un projet de loi imposant des sanctions aux entreprises impliquées dans la construction du pipeline. L'Allemagne, l'Autriche, la France et la Grande Bretagne font partie du consortium de construction, aux côtés de la société russe Gazprom.

    Ironiquement, le projet de loi du Sénat US s'appelle «Protéger la sécurité énergétique de l'Europe». C'est une bien curieuse forme de «protection» lorsque les sanctions appliquées par les USA pourraient priver les entreprises européennes et les consommateurs de gaz à un prix abordable. Cruz, comme le président Trump, a accusé la Russie d'essayer de resserrer son emprise économique sur l'Europe. Plus proche de la vérité et plus cynique, Washington souhaite que l'Europe achète son gaz naturel liquéfié, plus coûteux. Le Texas, la plus grande source de gaz américain, est l'état d'origine de Cruz. Son projet de loi devrait peut-être être renommé «Protection des exportations américaines d'énergie».

    À cela s'ajoute l'imposition plus large, par Washington et l'Europe, de sanctions à l'encontre de la Russie depuis 2014. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier les mesures punitives prises contre Moscou, notamment une prétendue déstabilisation de l'Ukraine et une «annexion» de la Crimée, une ingérence présumée dans les élections et l'affaire Skripal. Cette politique de sanctions a été largement initiée et promue par Washington, suivie servilement par l'Europe.

    La semaine dernière, les représentants de l'UE ont voté en faveur d'une prolongation des sanctions de six mois, alors qu'elles sont beaucoup plus dommageables pour l'économie européenne que pour celles des États-Unis et que les entreprises allemandes, en particulier, s'opposent à l' hostilité économique contre-productive à l'égard de Moscou. L'absence de toute opposition européenne à une ingérence aussi flagrante de la part des États-Unis dans leur prétendue souveraineté et leur indépendance sur des questions d'intérêt vital est tout simplement stupéfiante.

    Un autre exemple frappant est la façon dont l'administration Trump insiste pour que les États européens abandonnent d'importants projets d'investissement avec la société de télécommunication chinoise Huawei pour moderniser les infrastructures de téléphonie mobile et d'Internet. Washington a menacé de sanctions de représailles si l'Europe s'associait à Huawei.

    Les États-Unis ont également averti qu'ils pourraient empêcher le "partage de renseignements" des "alliés" européens sur les risques liés à la sécurité et au terrorisme. Fait-on cela à un "ami" ? Là encore, les dirigeants européens font preuve de la même velléité d'acquiescement, au lieu de s'opposer aux États-Unis pour qu'ils s'occupent de leurs propres affaires.

    L'accord nucléaire conclu entre JCPOA et l'Iran est une autre preuve éclatante de la relation fondamentalement abusive que Washington entretient avec l'Europe. Cette semaine, l'administration Trump a rejeté la proposition française d'étendre une ligne de crédit de 15 milliards de dollars à Téhéran. La proposition française visait à atténuer la pression économique sur l'Iran et à le maintenir dans l'accord nucléaire défaillant. Washington a simplement déclaré qu '"il sanctionnera quiconque achètera du pétrole brut iranien". Il n'y aura pas de dérogations ni d'exceptions aux sanctions américaines. Cela impose à peu près à l'Union européenne d'oublier ses efforts hésitants pour sauver l'accord nucléaire avec l'Iran, dont elle est signataire, aux côtés de la Russie et de la Chine.

    Donc, comme Trump s'est écarté de l'accord, cela signifie, dans sa vision dominatrice, que les Européens doivent également le faire,. De toute évidence, l'UE n'a pas la liberté d'agir indépendamment du diktat américain. Détruire les relations entre l'Europe et l'Iran mettra en péril les intérêts économiques et les préoccupations de sécurité liées aux conflits et à la non-prolifération des armes dans la région. Les préoccupations européennes sont-elles si peu pertinentes pour Washington ?

    Maintenant, accrochez-vous à la formidable double pensée suivante. Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a incité la semaine dernière ses «amis» européens à faire preuve de plus de vigilance pour lutter contre les supposées malignités russes et chinoises. Tenu devant le groupe de réflexion du Royal United Services Institute à Londres, ce discours a été présenté comme le premier discours majeur d'Esper depuis qu'il est devenu chef du Pentagone en juillet. "Il est de plus en plus clair que la Russie et la Chine veulent perturber l'ordre international en obtenant un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité d'autres nations", a-t-il déclaré. «En termes simples, la politique étrangère de la Russie continue de faire fi des normes internationales», a ajouté, sans aucune honte, l'ancien lobbyiste de Raytheon et d'autres fabricants d'armes américains.

    Quelle a été la réponse de l'Europe? Les dirigeants européens et les médias ont-ils éclaté de rire devant une telle absurdité, hypocrisie et inversion accusatoire? Existe-t-il des déclarations officielles ou des éditoriaux sévères invitant le représentant américain du complexe militaro industriel à ne pas insulter la simple intelligence ? La tolérance de l'Europe aux comportements abusifs de son «partenaire» américain est bien un problème de syndrome de Stockholm.

    Bien sûr, parfois les dirigeants européens tels que Merkel ou Macron s'interrogent sur la nécessité de renforcer leur indépendance par rapport à Washington, mais quand les cartes sont minces, ils témoignent tous d'une allégeance méprisable pour la politique américaine, même si cela nuit réellement à leurs intérêts nationaux. Lorsque Trump a recommandé que la Russie soit admise au récent sommet du G7 en France, le mois dernier, le reste du groupe a réagi avec horreur en demandant le maintien de l'exclusion de Moscou. Comment expliquer cette attitude ?

    Des chefs européens pathétiques veulent rester dans un club avec leur plus grand bourreau - Washington - tout en excluant un pays voisin et un partenaire stratégique potentiellement important. Comment peut-on faire plus irrationnel? Les psychologues expliquent le syndrome de Stockholm en tant que «mécanisme d'adaptation» pour traiter les traumatismes. Il est observé parmi les otages, les prisonniers de guerre, les survivants des camps de concentration, les esclaves et les prostituées. La sympathie irrationnelle envers un parti qui inflige des difficultés et des blessures est un moyen de minimiser les traumatismes en semblant adopter les mêmes valeurs. Apparemment, le syndrome peut être traité et guéri. Les victimes doivent être progressivement familiarisées avec la vérité objective de leur situation. L'Europe doit se réveiller de ses illusions sur son «allié américain».

    Finian Cunningham (Europe solidaire, 10 septembre 2019)

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  • Vers un nouveau Yalta...

    Les éditions Sigest viennent de publier un recueil de chroniques de Caroline Galactéros intitulé Vers un nouveau Yalta. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    " Yalta n'est plus. Un nouveau partage du monde est en train de se structurer. La France et l'Europe veulent-elles en être les acteurs ou les spectateurs ? La mise à sac du Moyen-Orient par l'Occident, les défis migratoires, sécuritaires et culturels, l'éclatement des mécanismes multilatéraux, les utopies pacifistes, le terrorisme multicéphale et nos graves incohérences vis-à-vis de l'islamisme radical, mais aussi le réveil des nations et des peuples, l'affirmation de nouvelles puissances ou la résilience d'anciennes que l'on a voulu enterrer trop vite, tous ces processus dessinent des lignes de faille et de crête de la réalité internationale qu'il nous faut d'urgence regarder avec lucidité, pragmatisme et humanité. Pour favoriser l'apaisement du monde, la moraline est inopérante ou franchement contreproductive. Elle n'est même pas un placebo, bien plutôt un diffuseur de violence. Les chroniques et tribunes rassemblées dans cet ouvrage éclairent les principaux évènements internationaux des cinq années passées et dissèquent sans concessions ni dogme la complexité des nouveaux équilibres mondiaux. Elles tracent les contours d'une réforme de la politique étrangère française et les chemins d'alliances souhaitables pour permettre à l'Europe de comprendre enfin que la préservation de la souveraineté de ses membres, loin d'être un handicap singulier, est un atout collectif qui peut peut-être encore la sauver de la double dévoration qui la guette. "

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  • Krach financier à l'horizon ?...

    Le 12 septembre 2019, Pierre Bergerault recevait, sur TV libertés, Bernard Monot, pour évoquer avec lui le krach prévisible à court terme du système financier mondial. Spécialiste des questions économiques et financières, Bernard Monot a travaillé dans de grands organismes financiers et a été député au parlement européen, élu sur la liste du Front national.

                                  

     

     

     

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  • Tombeau de Raoul Ducourneau...

    Les éditions Léo Scheer viennent de publier un nouveau roman de Bruno Lafourcade intitulé Tombeau de Raoul Ducourneau. Écrivain, Bruno Lafourcade a publié ces deux dernières années, deux romans marquants, L'ivraie (Léo Scheer, 2018) et Saint-Marsan (Terres de l'ouest, 2019) ainsi que deux pamphlets, Les nouveaux vertueux (Jean-Dézert, 2017) et Une jeunesse, les dents serrées (Pierre-Guillaume de Roux, 2019). Pour la rentrée, il publie, outre ce roman,  un polar, Le Hussard retrouve ses facultés, aux éditions Auda Isarn.

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    " Ils sont sept : ce sont les Ducourneau, natifs d'un village aquitain. Le roman familial commence avec Raoul, qui va mourir, et avec lui le prolétariat gascon. Raoul, c'était le patriarche, un paysan à l'ancienne, sombre et brutal, que les mutations du monde agricole avaient transformé en ouvrier. Autour de cet astre noir gravitent sa femme et leurs cinq enfants, dont le portrait, mélange de rancoeurs et de sarcasmes, donne à voir un monde rural qui aura eu ses grandeurs et ses faiblesses et qui lentement s'éteint, puisque « tout meurt, même la douleur ». "

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  • De Woodstock à Netflix : les enfants du désir ont peur de mûrir...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à la génération des millennials. Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

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    De Woodstock à Netflix : les enfants du désir ont peur de mûrir

    On peut légitimement se demander pourquoi commémorer le 50e anniversaire de Woodstock, si ce n’est pour se joindre à cette hystérie commémorative de notre époque, où l’on commémore tout et n’importe quoi. L’instant commémoratif, l’ère de la commémoration évoquée par Pierre Nora, s’intégrant parfaitement aux besoins du marché parfois bling bling de la mémoire, fabriquant et cultivant les événements sursignifiés grâce au mélange de rituel et de festif. En effet, on assiste à une privatisation du mémoriel et du qui aboutit non seulement à un délitement d’un cadre unitaire d’appartenance historique et culturel, mais aussi à une cacophonie commémorative, ou « le surmoi commémoratif, le canon ont disparus ». Pour ce qui est des 50 ans de Woodstock dédiée à l’ère du Verseau, s’agit il ici de se réapproprier une mémoire générationnelle, une identité générationnelle sociale et culturelle voir musicale ? Ou tout simplement de faire du profit sur le marché de l’industrie musicale, dans le registre retro des grandes anthologies pop-rock ?

    Cependant, dans ce flou mémoriel, il convient de rappeler que le plus grand concert rock de l’histoire, qui devait se tenir à Woodstock, au lieu de la contre-culture américaine, s’est au bout du compte tenu dans la petite ville de Bethel, à 100 km de Woodstock même. Ce mega-concert , aux allures de grandes messe hippie qui verra défiler les grands noms du rock américain, réunira des quelques 100 000 spectateurs prévus, plus de 500 000 spectateurs, ce qui causera quelques bouchons.
    Avec le spectacle actuel des soirées Rave, des techno et trans party de la new age musique de tribus urbaines contemporaines, qui rassemblent des milliers de fêtards, nous sommes loin du temps des militants « love and peace », des rassemblements hippies colorés, même si des similitudes persistent en matière d’hypnose collective et d’hystérie festive. En dépit d’une dimension mythologique événementielle qui est délibérément entretenue pour des raisons de marketing, une histoire parallèle indésirable et souterraine de ce méga-événement refait toujours surface. En effet la consommation de drogues diverses, dont du LSD, était absolument hors de contrôle.

    A la suite de Woodstock, qui se soldera par 3 morts et qui laissera un goût amer de désorganisation, une autre tentative de bis repetita de mega rock concert se finira tragiquement. Le concert gratuit des Rolling Stones à Altamont en décembre 1969, rassemblera 300 000 personnes à l’Est de San Francisco. Aussi mal organisé que fût Woodstock, le concert termina tragiquement avec la mort Meredith Hunter âgé de 18 ans le poignardé par le service de sécurité musclé des Hells Angels. Plus tard, l’image de marque de des communautés hippies sera ternie par les ravages des drogues dures et l’obscure secte de Charles Manson reconnue coupable de meurtres dans la région de Los Angeles.

    Anatomie de la génération « Netflix and chill »

    Après les générations « bayboomers » hippies, des yuppies des années 80, des bobos (bourgeois-bohèmes), émergera la génération millennials (génération X ou Y), laquelle regroupe des individus nés entre 1980 et 1995, et étant considérée par les historiens américains comme une génération caractérisée par “l’esprit rationnel, l’attitude positive, l’esprit d’équipe et le sacrifice“. Bien sûr, le modèle d’explication générationnelle est souvent limité et réductionniste car il est soumis à la théorie du cycle générationnel selon lequel la société serait divisée en plusieurs phases périodiques de 16 à 20 ans, ce qui explique que le dit modèle est le plus souvent appliqué dans les stratégies marketing. Cependant, ce qui est évident, c’est que cette nouvelle génération est devenue la cible commerciale privilégiée commerciale des nouvelles IT technologies, en particulier en ce qui concerne les générations technophiles férues de nouvelles innovations informatiques.

    En effet, cette génération constitue la plus grande armée de consommateurs de nouveaux gadgets/smarthphone, accepte volontiers les habitudes conformistes de la consommation ostentatoire de marque, ainsi que les valeurs sociales de nouvelle économie de partage type Uber et Airbnb.
    Certains analystes les appellent la génération «Netflix & Chill», parce qu’ils aiment «chiller », se détendre et passer plus de temps libre chez soi à regarder des émissions de divertissement internationales – bingewatcher des séries et films.
    Cette génération privilégie les modes de communication virtuelle, via SMS, WhatsApp, Messenger, Twitter, Instagram, Snapchat… lesquels constituent autant de lieu virtuel de socialisation, au détriment des cafés et des clubs où se retrouvaient les générations passées.
    Selon la sociologue Elizabeth Nolan Brown, les « jeunes citadins professionnels »,”yuccies(Young Urban Professional), les nouveaux free lancers capitalistes combinent les idéaux de la contre-culture et l’esprit d’entreprise de Sillicon Valley. Certains parlent déjà de l’émergence d’un nouveau “capitalisme indie” combinant micro-artisanat et micro-entreprises, éditions limitées, nouveaux modes de consommation et de production, humanisme et écologie avec le capitalisme de réseaux. Cette nouvelle génération s’intègre parfaitement dans la logique postmoderne et marchande du vintage, de l’ironie et du pastiche, mais aussi du marché et des bénéfices réalisés sur fond de contre-culture et de subversions créatives. Elle s’intègre à merveille dans une nouvelle stratégie de marketing de réseau – à travers divers réseaux sociaux, sites Web, blogs, clubs, comme une expérience de marketing de masse.

    Ainsi, la culture « Netflix and chill » est un élément indispensable de ce que Pierre Bourdieu appelle le “capital culturel” de la domination sociale et de la “culture d’entreprise” dans laquelle Thomas Franck s’inscrit dans une nouvelle catégorie de consommatisme branché (culture d’entreprise, contre-culture ).
    La génération millennials, même si elle se déclare apolitique, ne peut échapper à l’héritage libéral de gauche de 68, retouché cependant avec une approche pragmatique et branchée du capitalisme de marché. En dépit de leurs efforts pour être des de « vrais créatifs » soucieux de l’environnement, ils sont devenus un produit culturel un GMO, un mutant générationnel, se situant quelque part entre contre-culture post-68 et pragmatisme postmoderne du marché. Loin des goldenboys des années 80 et 90, ils ont inventé un modèle hybride d’entrepreneuriat créatif, promouvant une sorte de capitalisme à capital humain par la promotion d’une micro-économie reposant sur l’individualisation et la personnalisation les désirs. Gilles Lipovetsky, dans Le bonheur paradoxal, évoque en ce sens le jeu de la personnalisation de la consommation et des désirs induits par l’hyperindividualisation de l’offre. Par exemple, des projets de camions d’affaires alternatifs , les bars a céréales Cereal Killer Cafe à Londres des frères Keery ou les vêtements Picture Organic Clothing avec des matériaux recyclés.

    Contrairement aux générations des années 60 et 70 qui s’opposaient à la société fondée sur la division capitaliste du travail et la société de consommation , la génération millenium, cultive un certain égoïsme pragmatique à l’égard du monde professionnel et de la valeur propriété, bien illustrés par la règle des 4 I: « individualiste, interconnecté, impatient et inventif ».
    A l’opposé de la génération hippie qui vivait volontairement en marge de la société et cultivait des modes de vie communautaires, les millennials ne sont plus imprégnés d’utopies sociales ni d’idéaux politiques révolutionnaires. En effet, alors que les hippies prônaient le retour à la nature et de vie en communautés en s’inspirant du naturalisme de H.G Thoreau, la nouvelle génération, qui consomme volontiers « good food », sensible à la conservation de l’environnement et de la nature, est une grande consommatrice de l’éco-industrie verte et de l’idéologie du développement durable.
    La précarisation sociale et la paupérisation progressive des jeunes en Europe et en Amérique du Nord ont fortement influencé et façonné une génération qui ne cherche pas à changer radicalement le monde mais est plus tentée de trouver de manière pragmatique de nouvelles alternatives et des opportunités professionnelles au sein du système dominant. Jean-Laurent Cassely, qui étudie les phénomènes générationnelles, souligne que les schémas mentaux sont en train de changer et que la rébellion d’aujourd’hui n’a plus d’aspect radical, mais prend une dimension entrepreneuriale. Par exemple, l’ancien slogan 68-huitard situationniste «vivre sans temps mort et jouir sans entraves» n’est pas valable aujourd’hui pour la génération moderne qui poursuit des ambitions professionnelles et entrepreneuriales ».
    Il s’agit d’une “sur-adaptation” des jeunes générations qui changent souvent d’emploi et de secteur sous l’effet de la « disruption » à la fois sociale et économique, en cherchent à réconcilier le monde des affaires et de la consommation avec leurs propres valeurs personnelles. Étant donné l’instabilité du monde du travail et de la précarisation, les nouvelles générations ne croient plus en des projets de carrière sûrs et à long terme, et expérimentent davantage la vie sous forme de projets divers, ce qui pose la question de leur héritage culturel et patrimonial et de leur capacité de transmission de leur capital social aux nouvelles générations, étant donné que la société dans son ensemble ne repose plus sur les possibilités de projection et de prévision à long terme.

    Bien entendu, aujourd’hui, les critères de réussite sociale diffèrent des générations 60 et des années 80. La priorité est donnée à la réalisation de l’autonomie personnelle, à une profession locale et soucieuse de l’environnement, avec un mépris de l’ère postindustrielle des hiérarchies classiques du monde du travail.
    Les générations Woodstock et celles de 68 ont plutôt cherché à changer le monde par l’utopie et la révolution sociale, tandis que les nouvelles générations cherchent à explorer et d’établir de nouveaux équilibres sociaux, tout en gardant une posture pragmatique et politiquement correcte. La question qui se pose pour l’avenir est celle de savoir si la génération actuelle sera capable de relever les nombreux défis sociaux, politiques, identitaires et environnementaux du monde actuel. D’autre part, dans un monde où s’accroit le fossé entre l’oligarchie mondialiste et le peuple de plus en plus pauvre, il faudra beaucoup plus qu’un selfie ou qu’un twitt subversif pour renverser ou inverser l’apathie générationnelle en tant que mode de reproduction passif de l’ordre dominant capitaliste néolibéral.

    Marché du désir et capitalisme addictif

    Le projet contre-culturel plaidé par des théoriciens contestataires, tels Theodore Rosack et Herbert Marcuse, cher aux générations hippies et celles de la Nouvelle gauche de 68, se soldera par une échec, dans la mesure où le discours contestataire d’émancipation et d’autonomie totale sera très vite récupérée par le système dominant, et deviendra paradoxalement une matrice incontournable de l’industrie culturelle abondamment critiquée par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer. Cependant, il convient de constater que ce projet contre-culturel de la nouvelle société émancipatrice est en réalité le produit d’un long processus de déconstruction ontologique et philosophique résultant des Lumières, de la modernité et de la postmodernité contemporaine, qui constituent en fait les principaux leviers de la révolution anthropologique et culturelle du XVIIIe siècle à nos jours…
    Le résultat final d’un tel processus de déconstruction sera l’avènement du règne du « Grand moi » auto-institué et narcissique de la postmodernité, évoqué par Christopher Lasch dans » la culture du narcissisme « avec de la domination de l’individualisme , de l’hypersubjectivisation et l’atomisation sociale.

    Le sociologue Michel Maffesoli évoquera l’émergence de générations d’enfants « éternels » figure de puer eternus – en tant que figure emblématique de la postmodernité qui a remplacé « l’homme mûr », un producteur sérieux et rationnel. Un sorte de « homo novus » postmoderne qui ne veut va mûrir, adepte de la nouvelle idéologie du “jeunisme” qui impose de rester jeune pour toujours, de s’habiller jeune, de penser jeune, de ne pas se référer au passé mais profiter du moment présent. Le culte hippie quelque peu « grunge » de la figure rousseauiste du « bon sauvage » rebelle, a aujourd’hui muté vers le culte jeuniste hipster du “jeune homme branché et hypermobile sur trottinette éléctrique de la nouvelle génération Netflix and Chill.»
    Cependant, il ne faut pas oublier que la nouvelle génération millenials, née dans les années 80 a hérité du lourd fardeau de l’incohérence et de l’infantilisme de ceux qui ont appelé à l’émancipation par rapport à toute forme d’autorité et de tradition. La majorité des émules de la génération hippie et celle de 68, se sont parfaitement intégrés au système capitaliste néolibéral, et sont devenues les chiens de gardes de la pensée unique, et ceux qui hier militaient pour la victoire de l’internationalisme prolétarien prônent aujourd’hui les vertus de la mondialisation néolibérale et l’abolition des frontières.
    En effet, Selon Charles Shaar Murray, « Le chemin qui mène des hippies aux yuppies n’est pas aussi tortueux que beaucoup aiment le croire. Une bonne partie de la vieille rhétorique hippie pourrait parfaitement être reprise par la droite pseudo-libertaire, ce qui s’est d’ailleurs produit. Rejet de l’État, liberté pour chacun de faire ce qu’il veut, cela se traduit très facilement par un yuppisme ‘laisser-faire’. Voilà ce que cette époque nous a légué. » De toute évidence, de nombreux hippies sont devenus des parfaits yuppies dans les années 1980 et chefs d’entreprise, rédacteurs en chef de grands journaux, comme par exemple le grand dirigeant Jerry Rubin ancien hippie, qui est devenu activiste Reaganien et républicain néolibéral convaincu.
    En France, Michel Clouscard a été le principal penseur de cette dynamique de transformation du “capitalisme de la séduction“, voyant dans le mouvement hippie une simple crise interne de la dynamique du capitalisme américain, qui s’est approprié et a recentré les slogans de gauche libérale (individualisme, hédonisme, nomadisme, cosmopolitisme) en les mettant au service de la logique du “marché du désir”, du nouveau capitalisme “libéral-libertaire”.

    Ce “marché du désir ” repose sur un modèle de consommation libidinal et ludique, accompagné d’un discours émancipateur. Ce qu’il faut rappeler, c’est qu’après la seconde guerre mondiale, la nouvelle dynamique du capitalisme à la quête de nouveaux marchés, avec le plan de Marshall dans l’Europe de l’après-guerre entendait créer un “modèle permissif pour le consommateur” tout en restant “répressif pour le producteur”. Puis, sous les auspices de l’industrie de musique pop-rock, un nouveau “marché du désir” émerge, avec la contre-culture hippie, sur fond de psychédélisme, de révolte pacifique sociale et de désobéissance civile. Promouvoir l’hédonisme sans limites et l’expérimentation individuelle, la prétendue libération sexuelle et la consommation massive de stupéfiants devait, à l’aide d’un discours d’émancipation, constituer les nouveaux leviers de l’aliénation comsumériste sociale.

    Un tel processus de dépendance se poursuit aujourd’hui à travers le modèle du “capitalisme addictif ” analysé par Patrick Pharo, qui étudie le phénomène de l’idolâtrie de la technologie, des écrans, la dépendance vis à vis de Facebook, mais aussi la recherche démesurée de l’optimisation et du profit, qui s’inscrivent dans “un processus de dépendance basé sur des désirs et des habitudes générés artificiellement et enracinés dans le mécanisme du désir “. Un processus similaire d’appropriation des désirs est présent dans le rapport salarial contemporain, perçu comme un rapport d’enrôlement du conatus (concept Spinozien qui renvoie à l’idée d’une puissance d’agir qui s’incarne par des désirs, des affects) du travailleur au service de celui du patron, thèse avancée par Frédéric Lordon, dans Capitalisme, désir et servitude – Marx et Spinoza.

    Le panoptique de l’exposition permanente

    On se souvient de Foucault pour lequel la normalité dans les sociétés modernes étaient le principal instrument de répression, alors qu’avec la nouvelle génération, le désir sans limite exalté et sanctifié par le marché, est devenu le principal outil de dressage d’une génération qui ne peut se permettre de ne pas avoir de désir, conformes à l’offre du marche ludique et de l’hyperfestif ou pire se soumettre un impératif de devoir. A l’opposé du Panoptique de Bentham, qui correspondait à une technologie politique de type disciplinaire, la nouvelle génération est a la fois la victime et le ressort actif de la nouvelle société d’exposition evoque par Bernard E. Harcourt. « Elle est le sujet privilégié la partie prenante de l’ère digitale, ou il n’est plus guère besoin de discipliner les individus. Ces derniers exposent volontairement leurs identités sans avoir à intégrer la visibilité d’un pouvoir qui les surveillerait. Ni la surveillance, ni le spectacle donc, mais l’exhibition, l’exposition consciente et volontaire de chacun par le truchement d’interfaces digitales sur Internet et les réseaux sociaux. Nous aurions maintenant affaire à une sorte de « voyeur oligarchique qui profiterait de notre exhibitionnisme ».

    Dans le cas du Big Brother, il s’agissait dans le roman de Orwell d’une dystopie totalitaire où les désirs, la sexualité, les sentiments altruistes et les libertés étaient neutralisés. Dans notre ère digitale au contraire, les individus sont poussés à devenir des « machines numériques désirantes » (Sloterdijk parle d’ « êtres antropotechniques ») en montrant et en partageant leurs préférences personnelles (songeons au « likes » de Facebook, à l’inflation de commentaires et photos postés en ligne). Il ne s’agit donc plus de réprimer les désirs et les passions, mais bien au contraire de les débrider et de les afficher librement et avec notre consentement. C’est un parfait « huit clos » de l’exposition en temps réel, un panoptique de l’exhibition permanente.

    Avec les générations 60 et 68, le système dominant s’efforçait d’infiltrer, de récupérer et de neutraliser les structures de la contre-culture juvénile, en orientant les aspirations radicales vers une tendance à l’hédonisme dissolvant et un nihilisme autodestructeur. Aujourd’hui, face à la crise générationnelle qui est à la fois une crise de transmission et de solidarité générationnelle, avec la nouvelle génération millenials qui est devenue un maillon complaisant de l’autorégulation du système, se pose la question de l’existence et de la pertinence même d’un désir subversif générationnel et de la capacité réactive de résistance anti-systémique, qui semblent disparus ou consommés par le jeu de la déconstruction des grands récits de la modernité.

    En guise de conclusion, malheureusement, les deux générations, celles de Woodstock et celle des millennials, sont finalement le produit d’une conception anthropocentrique du monde et d’un solipsisme social réducteur qui fait du “bonheur et du plaisir personnel” le but ultime de l’existence, ce qui convient parfaitement au marché capitaliste du désir. Cette filiation eudémoniste pose la question de l’existence d’un désir et d’un pouvoir subversif générationnel collectif qui transcenderaient cet individualisme eudémoniste, pour s’efforcer cette fois ci non plus de déconstruire mains de reconstruire un monde livré depuis des décennies à la dévastation ontologique, spirituelle, culturelle, sociale et environnementale. Il faudra relire Albert Camus. « Chaque génération, sans aucun doute, pense qu’elle est condamnée à changer le monde. La mienne sait qu’elle ne le fera plus. Mais sa tâche peut être plus grande. Il s’agit d’empêcher le monde de s’effondrer ».

    Jure Georges Vujic (Polémia, 09 septembre 2019)

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