Suisse : la citadelle en « Camp des saints »
Quand on étudiait encore l’histoire en France, on parlait de « grandes invasions ». Cette période de grande mutation avec la chute de l’empire romain d’occident est qualifiée en Allemagne de « grandes migrations » En fait, il s’agit de déplacements massifs de peuples, poussés par des invasions certes (notamment celles des Huns), celle des peuples qui venaient dans l’empire romain, plus pour se réfugier et s’assimiler que pour le conquérir et le dénaturer. Autres temps, autres mœurs.
L’histoire ne se répète pas, elle bégaye certes, mais les mêmes causes provoquent des conséquences similaires ou comparables. C’est en tout cas, l’avis de nos amis helvètes qui semblent vouloir appliquer le fameux principe de précaution à leurs frontières.
En septembre dernier, l'armée suisse s'est entraînée sur des scénarios de violences civiles liées à l'instabilité économique de l'Europe. Berne s'inquiète ouvertement d'une désorganisation des armées voisines liée à la crise de l'Euro et des mesures d'austérité imposées par Bruxelles qui force les Etats à réduire les budgets destinés à la sécurité (police, gendarmerie, armée.)
Il n’y a pas le feu au lac, mais ça pourrait venir.
Le ministre de la Défense suisse souligne : "Je n'écarte pas la possibilité que nous aurons besoin de l'armée dans les années à venir". "Si un terroriste similaire au norvégien Anders Brievik cible des musulmans, les choses pourraient devenir incroyablement dangereuses très rapidement, ce qui pourrait déclencher des soulèvements généralisés de musulmans à travers toute l'Europe.".
Pour les suisses, le résultat d'une politique financière qui consiste à soutenir en priorité un système bancaire en faillite plutôt que son dispositif de sécurité, représente une mise en danger pour les populations... et les helvètes sont convaincus que les forces de l'ordre des pays voisins n'auront plus les moyens nécessaires de contenir les révoltes si les vagues de protestations sociales se poursuivent en Europe.
Les Suisses qu’on ne prend jamais au dépourvu, s’organisent tranquillement.
L’omerta médiatique en France est totale. Seule BFM Business en parle : « Forte de son armée de 200 000 hommes, elle a organisé du 6 au 21 septembre, un exercice militaire du nom de « Stabilo Due » destiné à vérifier « sa disponibilité opérationnelle » pour faire face au chaos social européen. »
La chaîne américaine CNBC News écrit sur son site Internet, «avec des protestations anti-austérité en Europe, découlant de l'instabilité civile dans les rues d’Athènes et de Madrid, le pays européen, connu pour sa neutralité, prend des mesures de précaution inhabituelles.»
Selon le conseiller aux Etats, Jean-René Fournier (PDC/VS), «sur le fond, il est certes du devoir des responsables de la sécurité de planifier l'engagement de l'armée dans toutes les situations prévisibles, et l'instabilité en Europe en est une. Mais nous n'en sommes pas là, et nos voisins pourraient se sentir blessés.» Le conseiller national UDC, Yvan Perrin, pense au contraire que «si on veut être préparé au pire, il faut bien s'exercer». Et pour le démocrate du centre, nos voisins n'ont aucune raison de s'en offusquer.
Au contraire, du côté de la gauche, on pense que cet exercice est «une grande maladresse vis-à-vis de nos voisins» et que la Suisse «doit se trouver des ennemis», comme le relève le conseiller national jurassien Pierre-Alain Fridez (PS). Interviewé par CNBC, le vice-président des Verts, Joseph Lang, pense que l'armée utilise «les contestations sociales et l'instabilité en Europe» pour se donner «plus de crédibilité». Et peut-être aussi pour justifier l'augmentation de son budget. Comme le rappelle Sonntag, André Blattman prévoit de soumettre en décembre à Ueli Maurer, la création de quatre bataillons de policiers militaires soit un total de 1600 hommes.
Et revoilà le réduit alpin- dont rêvaient les nazis, Hitler ayant par prudence renoncé à envahir un pays neutre surarmé et sans enjeu stratégique. La suisse deviendra-t-elle le « camp des saints » de Jean Raspail ?
Ce qui est sur, c’est que cette inquiétude ne devrait pas être un objet d’ ironie facile mais nous interpeller et même nous inquiéter.