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  • L'héritage païen de la Russie...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier une étude de Francis Conte intitulée L'héritage païen de la Russie - Le paysan et son univers symbolique. Francis Conte, professeur de civilisation russe et directeur de l'UFR d'études slaves à l'université Paris-Sorbonne.

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    " Aujourd'hui libérée du système soviétique, la Russie retrouve son passé et la richesse de la culture du monde paysan, que ni le tsarisme ni le communisme n'ont réussi à faire disparaître. S'appuyant sur des enquêtes effectuées à la fin du siècle dernier (notamment par les ethnographes) et sur le renouveau actuel des recherches, Francis Conte, professeur de civilisation russe et directeur de l'UFR d'études slaves à l'université Paris-Sorbonne, évoque cette mosaïque faite de mythes et de croyances. Par-delà les caricatures du moujik popularisées en Occident, ce livre - qui sera suivi d'un second volume consacré aux représentations de la mort et de l'au-delà - traite du monde alentour : les éléments, la forêt, les animaux, la maison (l'izba) avec lesquels la paysannerie russe a toujours entretenu des relations spécifiques, fondées sur un ordre symbolique transmis par les contes et légendes, mais aussi par les rituels liés aux grands événements de la vie. Cette perception du sacré intimement mêlée à la foi orthodoxe forme une religiosité originale toujours vivace en dépit des ruptures, un " néo-paganisme " singulier qui s'inscrit dans le courant de redécouverte, par les Russes, du sens de leur longue histoire. "

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  • Réindustrialisation : des promesses, toujours des promesses...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Francis Journot, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la question de la réindustrialisation de la France. Francis Journot est entrepreneur et consultant.

     

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    Réindustrialisation de la France: «Faut-il croire les promesses de relance des candidats ?»

    Le premier choc pétrolier qui s'est produit au milieu des années 70, a marqué le début du déclin industriel français. Il sera par ailleurs souvent reproché à Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing d'avoir instauré le regroupement familial alors que le chômage de masse faisait son apparition à la fin de cette période des trente années glorieuses. Le changement de paradigme qui prônait les services, le tourisme et les produits à forte valeur ajoutée au détriment de l'industrie manufacturière des biens de consommation plus courants, relevait d'une méconnaissance des mécanismes économiques et sociaux. L'économie d'un pays est un mécano complexe que l'on doit penser dans son ensemble, nous n'avons pas tenu compte des interdépendances et de fragiles équilibres. Dès lors, un cercle vicieux s'est enclenché : Chômage, déficits puis relèvement des charges et impôts, faillites, disparition de tissus industriels, déficit commercial, pauvreté et minimas sociaux, recul des services publics etc.

    Tantôt par incompétence ou naïveté, parfois par favoritisme ou stratégie excluant une classe ouvrière qui estimait à partir des années 80 que la gauche mitterrandienne et les syndicats l'avaient trahie mais aussi souvent par idéologie mondialiste ou européiste, les présidents et gouvernements qui se succèdent depuis cette période, ont failli à leur tâche qui aurait dû consister à créer avant tout, les conditions susceptibles de favoriser le maintien, la modernisation et le développement de l'industrie. Mais ceux-ci ont livré la France poings et mains liées à sa concurrence en signant une multitude de traités de libre-échange sans en appréhender toute la dimension et les conséquences à terme sur des pans entiers de notre industrie et leurs millions d'ouvriers, cadres et ingénieurs. Pourtant, la désindustrialisation n'était pas une fatalité. La France qui était la première économie de l'un des deux principaux marchés de consommation, aurait pu mieux protéger son industrie manufacturière.

    Alain Juppé, premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, mentor d'Édouard Philippe et de Valérie Pécresse, bradait déjà en 1995 des fleurons industriels pour remplir les caisses de l'État et ramener le déficit à 3 % du PIB ainsi que l'UE l'exigeait. Mais la privatisation de Pechiney ne rapportait que 3,8 Mrds de francs. Usinor-Sacilor n'était vendu que 10 Mrds alors que la sidérurgie nous avait coûté plus de 100 Mrds. Puis la première compagnie maritime française (CGM) était cédée pour 20 millions après que l'État a injecté 1,2 Mrds. Il tentait ensuite en vain de vendre au Sud-Coréen Daewoo, pour 1 franc symbolique, le fleuron technologique Thomson après une recapitalisation de l'État de 11 Mrds de francs. Cette politique s'est poursuivie avec les états généraux de l'industrie de 2010 voulus par Nicolas Sarkozy mais dont les priorités définies ont précipité la chute de certains secteurs industriels. En juillet 2017, l'article «Macron bradera-t-il l'industrie et la France ?» égrenait la liste déjà longue des entreprises sacrifiées par l'ancien ministre de l'économie de François Hollande. Depuis de nombreux autres noms de fleurons industriels ont été ajoutés.

    Emmanuel Macron perpétue la curée entamée il y a près d'un demi-siècle pour aujourd'hui satisfaire à l'écologisme et aux exigences de Bruxelles. Pour exemple, la conversion en quelques années vers l'électrique que l'UE impose à l'industrie automobile. Cette mutation va bientôt détruire cent ou deux cent mille emplois en Europe et pourrait faire disparaître en quelques années ce qui reste de cette industrie en France. Pourtant, l'électricité de notre parc nucléaire qui n'a pas bénéficié des investissements nécessaires, ne pourra pas répondre à l'explosion de la demande. Cela souligne d'autre part, l'irresponsabilité de gouvernements successifs qui ont mis la poussière sous le tapis en préférant respecter au mieux la limite de déficit public de 3 % voulue par Bruxelles au détriment d'une gestion saine garantissant notre sécurité et nos futurs besoins.

    La privatisation d'ENGIE et le projet de démantèlement d'EDF (Hercule) alors que la souveraineté énergétique constitue la principale condition pour créer ou maintenir une industrie manufacturière en France, prouvent qu'il n'y a aucune volonté réelle de réindustrialisation.

    Aujourd'hui tous les candidats à la présidentielle clament qu'il faut réindustrialiser la France. Même Yannick Jadot qui ne s'embarrasse pas de contradictions et dont le parti prône pourtant la décroissance et une multiplication des normes ou taxes qui font fuir les usines, s'y met aussi. Fin 2021, le candidat écologiste s'engageait - «nous allons réindustrialiser la France» - devant des caméras invitées et posant aux côtés d'un industriel troyen qui rétorquait sèchement que plus personne ne croit à ces propos politiciens réitérés depuis plus de 30 ans.

    Tous deux biberonnés à la politique de Thatcher et adeptes du culte européiste et fédéraliste, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, n'ont probablement pas l'intention de réindustrialiser la France d'autant qu'un plan massif serait impossible dans le cadre européen. Faute de pouvoir mener une politique de relance qui ferait croître naturellement l'emploi et le niveau des rémunérations, Valérie Pécresse, nouvelle disciple de Keynes en quête d'électeurs, promet une augmentation de 10 % des salaires, pour selon elle, compenser l'inflation. Oui mais voilà, une augmentation des salaires pourrait aussi constituer un redoutable accélérateur d'inflation, créer du chômage car de nombreuses PME seraient alors mises au tapis et enrichirait surtout la Chine car la plupart de nos biens de consommation sont maintenant importés.

    Emmanuel Macron est entré en fonction en mai 2017 mais l'industrie dont le ministère autrefois prestigieux fut longtemps la clé de voûte de la politique économique, n'a bénéficié d'un secrétariat d'État qu'à partir d'octobre 2018. Valérie Pécresse qui a été formée par Jacques Chirac et Alain Juppé puis a travaillé avec Nicolas Sarkozy, poursuivra certainement la politique de ses mentors. On peut déplorer un suivisme aveugle et indigne d'hommes ou de femmes d'État.

    En cette fin de mandature, les vaines promesses de création d'emplois industriels fusent mais on peut douter que quelques usines modernes dont l'effectif moyen se situerait autour de vingt ou trente personnes, puissent compenser la braderie de groupes comme Alsthom (65 000 salariés), Alcatel (62 000 salariés) ou Technip (37 500 salariés). L'antienne des 30 plans industriels du futur de la France de 2030 ou 2050, resservie lors de chaque élection, ne trompe plus.

    Malgré les circonvolutions et une manipulation des chiffres qui édulcorent la situation économique, Il faut comprendre que la France a quasiment perdu son industrie manufacturière. Il suffit de tenter d'acheter un produit entièrement ou partiellement fabriqué en France pour s'en apercevoir. La prétendue volonté de réindustrialisation ou de relocalisation est davantage un slogan électoral qu'un réel projet. Le ministre de l'économie Bruno Le Maire prétend vouloir rétablir un solde commercial positif en 10 ans mais le dessein d'Emmanuel Macron, depuis son poste de conseiller de François Hollande à l'Élysée en 2012 puis de ministre de l'économie, semble quelque peu différer. Selon une déclaration de l'ex-député LREM Aurélien Taché publiée dans Marianne, «La promesse de Macron d'émancipation par la réussite économique a été broyée par une vision technocratique de l'économie. Et le cerveau de cela, c'est Kohler» (Alexis Kohler est Secrétaire général de la présidence). «Kohler inscrit la France dans un processus de mondialisation néolibérale tel que l'imaginent les cerveaux bruxellois, où les grandes multinationales, pas forcément françaises, se taillent la part du lion.»

    Maintenant, la plupart des écosystèmes industriels français sont détruits et la fabrication des produits est le plus souvent dépendante de chaînes de valeurs mondiales. Des enseignements auparavant dispensés dans des écoles d'ingénieurs ou autres formations spécifiques ne sont plus disponibles. Des savoir-faire transmis de génération en génération, ont progressivement disparu au rythme des départs en retraite et des fermetures d'usines.

    Même lorsque leurs produits sont compétitifs, des PME et ETI de l'industrie peinent à assumer des coûts élevés de formation de plusieurs années sans pour autant avoir la certitude que les employés resteront. Compte tenu de cela, de l'exigence d'une hausse du niveau de qualification, de la difficulté de trouver des candidats mais aussi d'une concurrence exacerbée qui limite les capacités d'investissement dans la formation, le modèle de l'industrie manufacturière des biens de consommation qui procurait des millions d'emplois plus ou moins qualifiés et structurait de nombreux territoires, appartient de plus en plus au passé. Les cruelles images d'ouvriers désespérés devant leurs usines fermées, n'encouragent pas non plus pas une potentielle relève industrielle.

    Aussi convient-il de mettre en œuvre une stratégie efficiente de développement. Certaines de nos propositions exposées en 2016 sur le Figaro dans une analyse économique comptant une douzaine de pages, ne sont plus adaptées car de nombreux équilibres ont été depuis rompus mais d'autres voies sont toujours possibles à condition d'avoir la volonté d'agir. Aujourd'hui, de nombreux emplois sont encore détruits et le déficit commercial annuel français s'aggrave depuis le début des années 2000. Il est passé de 58.5 Mrds au début du quinquennat de Macron à 100 Mrds d'euros à la fin de 2021. Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, englués dans leur dogmatisme et pétris de certitudes, opteront sans aucun doute pour l'immobilisme et se plieront à la politique mortifère dictée par l'Union européenne ainsi que leurs prédécesseurs et eux-mêmes, l'ont toujours fait. On peut craindre qu'ils poursuivent une politique à la petite semaine sans vision d'avenir pour masquer leur impuissance et nous laissent une facture supplémentaire de plusieurs centaines de milliards d'euros.

    Francis Journot (Figaro Vox, 27 janvier 2022)

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  • Les snipers de la semaine... (230)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Radio Courtoisie, François Bousquet sort la sulfateuse et s'occupe de Manuel Valls, le traître absolu...

    Manuel Valls, cinquante nuances de trahison

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    - sur Causeur, Jean-Paul Brighelli dézingue la gauche écolo-gauchiste...

    Qu’est donc la gauche devenue?

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    - sur Stalker, Juan Asensio se paie Michel Houellebecq et son roman anéantir...

    Anéantir de Michel Houellebecq ou le dernier stade du devenir-Ehpad de la littérature française ?

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  • Feu sur la désinformation... (362)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      Joe Biden s'enfonce dans la sénilité et l'outrage, en insultant un journaliste. Les médias relativisent !.
    • 2 - La Charia à Roubaix ?
      Roubaix était autrefois connue pour ses jolies avenues, sa culture populaire et la mythique course cycliste Paris-Roubaix. La ville semble avoir revêtu un tout autre visage : celui de l'islamisme radical et du grand remplacement. Analyse des images du dernier reportage de Zone Interdite...

    • 3 - Revue de presse
    • 4 - Bolloré sur les bancs de l'accusé
      Vincent Bolloré, gérant du groupe Bolloré, est un homme discret. Sans cesse calomnié par les médias de grand chemin, il sort enfin du silence alors qu'il est questionné par une commission sénatoriale. Ce fut une occasion pour ce grand industriel de défendre son groupe et sa carrière, dans une salle qui ne lui était pas acquise.

     

                                             

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  • Le cauchemar consumériste de James Graham Ballard...

    Les éditions Le passager clandestin viennent de publier récemment un essai de Thierry Paquot intitulé James Graham Ballard et le cauchemar consumériste. Philosophe écologiste, spécialiste de l'urbain, Thierry Paquot est déjà l'auteur de nombreux essais, dont Désastres urbains (La Découverte, 2015), La folie des hauteurs - Critique du gratte-ciel (Infolio, 2017) ou Mesure et démesure des villes (CNRS éditions, 2020). 

     

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    " « Les bonnes choses ont toujours un code-barres. »
    James Graham Ballard (1930-2009), écrivain britannique né à Shanghai, est l'une des voix les plus puissantes de la science-fiction. Commençant sa carrière par des récits-catastrophe aux accents écologiques, il passe progressivement à l'anticipation sociale.
    L'ultra-consommation, l'hégémonie de l'automobile, les enclaves résidentielles surveillées, l'emprise de la télévision, la tyrannie de la publicité… En s'appuyant sur les réalités de son époque, Ballard dépeint dans des romans sans concession, parfois violents et dérangeants, les possibles futurs de notre société.
    À l'heure de la publicité ciblée, Thierry Paquot nous montre l'inquiétante actualité d'une œuvre qui décrit avec brio le cauchemar consumériste de nos vies urbaines. "

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  • La mémoire longue : retour sur la question des frontières de l’OTAN...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Héléna Perroud cueilli sur Geopragma et consacré à l'élargissement de l'OTAN face à la Russie. Russophone, agrégée d'allemand, ancienne directrice de l'Institut Français de Saint-Petersbourg et ancienne collaboratrice de Jacques Chirac à l'Elysée, Héléna Perroud a publié un essai intitulé Un Russe nommé Poutine (Le Rocher, 2018).

     

     

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    La mémoire longue : retour sur la question des frontières de l’OTAN      

          Ces dernières semaines, à la faveur des tensions grandissantes de part et d’autre de la frontière entre l’Ukraine et la Russie, il est beaucoup question de malentendus, de promesses non tenues, de trahisons. Du moins c’est ainsi que les autorités russes, Poutine en tête, expliquent leur manque de confiance envers les Européens et les Américains. C’est ainsi qu’ils expliquent la nécessité impérieuse pour eux d’avoir aujourd’hui une garantie écrite sur, entre autres, le non-élargissement des frontières de l’OTAN.

          Quel que soit le regard que l’on porte sur le maintien du président russe à son poste depuis deux décennies, que l’on considère qu’il usurpe le pouvoir en refusant de passer la main ou qu’il l’assume dans une phase de transition, une chose est certaine : il a une connaissance profonde des dossiers et surtout la mémoire des hommes et des situations qu’aucun de ses homologues occidentaux ne peut avoir. Que l’on y songe ; depuis 2000 Poutine a eu comme interlocuteurs cinq présidents américains, quatre présidents français, trois chanceliers allemands… Et, malgré les assurances et les engagements des uns et des autres, depuis qu’il est aux affaires, il a été le témoin de quatre vagues d’élargissement de l’OTAN sur le continent européen. En 2004 les trois pays baltes, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie ; en 2009 l’Albanie et la Croatie ; en 2017 le Monténégro et en 2020 la Macédoine du Nord. Avant cela, alors qu’il était à la tête du FSB, il avait vu en mars 1999 les premières adhésions à l’OTAN de pays autrefois membres du Pacte de Varsovie : la République tchèque, la Hongrie et la Pologne.

          Il est intéressant de revenir sur les engagements pris par les Américains et les Européens à l’époque charnière de la réunification des deux Allemagne et de la chute de l’URSS. Les images d’archives du début des années 1990 sont très fréquemment montrées ces dernières semaines à la télévision russe. L’opinion russe est nourrie de ces événements. Les dirigeants du pays s’y réfèrent sans cesse ; derniers en date, les propos de Poutine sur ce sujet, en réponse à une journaliste de Sky News lors de sa conférence de presse annuelle du 23 décembre dernier, circulent beaucoup sur les réseaux sociaux. « Vous, Occidentaux, vous nous avez abreuvés de belles paroles », dit-il en substance, « et n’avez tenu aucun de vos engagements. C’est pourquoi nous exigeons maintenant et sans délai un engagement écrit ».

          Les propos « historiques » les plus connus sur le non-élargissement de l’OTAN à l’Est sont ceux de James Baker, secrétaire d’État américain auprès de George Bush père. Lors d’une entrevue avec Gorbatchev à Moscou le 9 février 1990 il avait dit ceci (source : procès-verbal de la rencontre) : « Nous comprenons que non seulement pour l’URSS mais aussi pour les autres pays européens il est important d’avoir des garanties que, si les États-Unis conservent leur présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, la présence militaire de l’OTAN ne se déplacera pas d’un pouce en direction de l’Est. Nous considérons que des consultations et des discussions dans le cadre du format « deux plus quatre » doivent garantir qu’une Allemagne réunifiée n’entraînera pas un élargissement vers l’Est de l’organisation militaire de l’OTAN. »

          Le lendemain le chancelier Kohl rendait visite à Gorbatchev pour essayer de persuader les Soviétiques de ne pas faire obstacle à une réunification rapide de l’Allemagne. En tête à tête il avait affirmé à son homologue russe (source : archives russes sur « Gorbatchev et la question allemande ») : « Nous estimons que l’OTAN ne doit pas étendre sa sphère d’influence. Il faut trouver là une régulation raisonnable. Je comprends les enjeux en termes de sécurité de l’Union Soviétique et j’ai bien conscience que vous, Monsieur le Secrétaire général, et les autorités soviétiques vous allez devoir expliquer tout ce qui est en train de se passer de manière précise à la population de l’URSS. »

          Quelques mois plus tard, le 25 mai 1990 le président Mitterrand rencontrait en tête à tête son homologue russe et faisait part de la même compréhension à l’égard des impératifs de sécurité de ce qu’était encore à l’époque l’URSS (même source que précédemment) : « Bien sûr se pose la question des alliances. J’aimerai savoir ce que vous pensez de l’avenir de l’OTAN et du Pacte de Varsovie. Personnellement je ne vois aucune possibilité d’interdire à l’Allemagne de faire son choix une fois qu’elle sera réunifiée et aura pleinement retrouvé sa souveraineté. Toutefois il est indispensable d’exiger d’elle des garanties avant que cela ne se produise. Je pense qu’une fois le processus de réunification achevé personne ne pourra interdire à l’Allemagne d’aller au bout de ses intentions… J’ai parfaitement conscience que la réunification de l’Allemagne, son adhésion à l’OTAN vous créent de très grands problèmes. J’ai moi aussi des difficultés à cet égard mais d’une autre nature. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de créer les conditions de votre sécurité et les conditions de la sécurité de l’Europe dans son ensemble. C’est cet objectif que je poursuis en proposant mon idée de confédération européenne. Elle rejoint votre concept d’édification de la maison commune européenne…. Il ne faut rien entreprendre qui puisse non seulement isoler l’URSS, mais qui puisse lui donner le sentiment que l’on cherche à l’isoler. Je souligne qu’à la fin des fins la question de l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN n’est pas archi urgente. D’autant que la RFA est déjà membre de l’OTAN. »

          On connaît la suite des événements. A l’automne 1994, les États-Unis choisissaient une tout autre voie. Le 29 septembre 1994, lors d’un déjeuner informel entre Bill Clinton et Boris Eltsine, en visite aux États-Unis, le président américain dit sans ambages à son invité russe : « L’OTAN va s’étendre mais les délais ne sont pas fixés pour le moment. Nous voulons continuer à avancer. Mais pour rien au monde je n’utiliserai ce processus contre vous. L’élargissement de l’OTAN n’est pas dirigé contre la Russie… Je ne veux pas que vous pensiez que chaque matin je me réveille avec une seule idée en tête : comment faire adhérer les pays du Pacte de Varsovie à l’OTAN – j’ai une tout autre vision des choses. Je réfléchis à la manière d’utiliser l’élargissement de l’OTAN pour arriver à un niveau de sécurité plus élevé, plus élaboré dans une Europe unifiée et intégrée – cet objectif, je sais que vous le partagez aussi. » (source : James Goldeier : « Promises made, promises broken ? what Yeltsin was told about Nato in 1993 and why it matters » – warontherocks.com 12 juillet 2016)

          Dans un pays qui définit la notion de sécurité comme « absence de danger » (« bezopasnost » en russe), pour qui le danger est donc premier, qui a une mémoire vive des invasions mongoles, napoléoniennes et nazies, dont le budget militaire est aujourd’hui 13 fois inférieur à celui des États-Unis et dont la population est trop peu nombreuse par rapport à sa surface – à peine 146 000 000 habitants pour 25 fois la superficie de la France, en déclin fort ces deux dernières années, et pas seulement sous l’effet de la pandémie, mais pour des raisons structurelles liée à la crise profonde des années 90 – il est certain que l’exigence de garanties est primordiale. Il serait peut-être grand temps de considérer « la menace russe » aussi sous cet angle.

    Héléna Perroud (Geopragma, 24 janvier 2022)

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