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  • Petits éloges de l'ailleurs...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier un recueil de textes et d'articles de Jean Raspail intitulé Petits éloges de l'ailleurs.

    Aventurier, journaliste et romancier inspiré, Jean Raspail, qui est décédé en 2020 à 94 ans, a notamment écrit Le Camp des Saints, grand roman visionnaire sur la menace migratoire, mais aussi Le tam-tam de Jonathan, Sire ou encore La hache des steppes.

     

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    " Au cours des trois dernières décennies, Jean Raspail a énormément écrit dans la presse, - entre autres la presse-magazine -, sur les sujets les plus divers. Méthodique, il prenait soin de conserver chacun de ses articles publiés, qui ont donc été découverts après sa disparition. Petits éloges de l'ailleurs se propose d'offrir au lecteur un vade-mecum de l'essentiel de ces textes d'où se dégagent plusieurs grandes lignes de force : « Politique et société », « Écrivains et Écriture », « Voyages », « Patagonie », « Histoire » ...
    C'est l'occasion séance tenante de repartir en voyage, et au galop,avec les Indiens d'Amérique, de disserter sur certains aspects de la langue française, de s'interroger sur des débats de société, et de rendre hommage à des écrivains et voyageurs au style de vie étincelant qui continuent à fasciner, et qui offrent des horizons inaltérés. "

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  • «L'Union européenne se révèle incapable de défendre ses frontières»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Max-Erwann Gastineau au Figaro Vox et consacré à la protection des frontières de l'Union européenne.  Diplômé en histoire et en science politique, Max-Erwann Gastineau est essayiste et a publié Le Nouveau procès de l'Est (Éditions du Cerf, 2019).

     

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    Construction du mur en Pologne: «L'Union européenne se révèle incapable de défendre ses frontières»

    FIGAROVOX. - Le Parlement polonais a donné vendredi son feu vert définitif au projet gouvernemental de construction d'un mur à la frontière avec la Biélorussie pour empêcher les migrants et les réfugiés de passer en Pologne. Est-ce la seule solution pour ce pays membre de l'Union européenne ?

    Max-Erwann GASTINEAU. - Le 7 octobre dernier, les ministres de l'Intérieur de douze pays membres, dont la Pologne, l'Autriche, le Danemark ou la Grèce, appelaient l'Union européenne à changer radicalement de philosophie en matière migratoire. Appel adressé, sous un double prisme sécuritaire (sécurité culturelle et frontalière), aux commissaires Margaritis Schinas, chargé de la Promotion de notre mode de vie européen, et Ylva Johansson, chargée des Affaires intérieures. En juin 2020, la Commissaire suédoise décrivait comme «crucial d'ouvrir autant de voies de migration légales que possible», et ce pour des raisons d'ordre non seulement humanitaire, afin de contrer le développement des réseaux de passeurs, mais également économique, en vue de répondre au vieillissement de la population européenne : «chaque année, affirmait-elle dans un entretien accordé au journal La Croix, plus de deux millions de migrants rejoignent l'UE légalement. Cela fonctionne très bien, et je voudrais voir cette part augmenter.»

    Prisme culturel et sécuritaire d'un côté ; prisme humanitaire et économique de l'autre… On ne saurait mieux résumer la nature idéologique du mur d'incompréhensions qui, depuis des années, divise l'Europe et soumet ses instances dirigeantes aux pesanteurs d'un «humanitarisme total», selon l'expression ici formulée par Donald Tusk, ancien président du Conseil européen de 2014 à 2019.

    La décision de Varsovie de construire un mur à sa frontière orientale, quelques mois après les débuts de la crise biélorusse, est une réponse à ce mur idéologique, témoin de notre impuissance collective. Elle révèle un terrible échec ; celui de l'Union européenne à réaliser la promesse induite par la création de l'espace Schengen en 1997 : substituer aux frontières intérieures de l'Europe l'institution et la défense de frontières extérieures «communes» aux États membres.

    Si l'Union européenne s'est montrée incapable de défendre ses frontières, et d'apporter une aide matérielle à la Pologne, qui depuis août nous alerte sur la situation migratoire à sa frontière orientale, ce n'est pas en raison d'un défaut de compétences ni même de moyens (le budget de Frontex est passé de 114 millions d'euros en 2015 à 460 millions en 2020 et 544 millions en 2021), bien que l'on puisse juger ces derniers encore insuffisants. Mais en raison d'un défaut de fins, d'accord et de clarté sur les finalités du projet européen.

    Quelles fins l'Union européenne poursuit-elle ? Se pense-t-elle comme une entité politique en devenir, capable d'agir en complément, voire en supplément des États, jusqu'à assumer le corollaire de cette prétention : l'emploi de la contrainte pour défendre ses frontières ? Ou est-elle condamnée à n'être que le dernier visage d'une utopie née après la chute du mur de Berlin, indifférente à l'histoire et à la géographie, purement procédurale, antipolitique, autorégulée par des dispositifs juridiques et techniques, tels que ceux appelés à accélérer l'uniformisation des règles nationales d'asile ou la mise en œuvre de mécanismes de répartition automatique des réfugiés ? Derrière la construction du mur polonais, c'est l'avenir et le sens de la construction européenne qui se jouent.

    Ce mur participera-t-il à régler la crise migratoire ? Est-ce viable ?

    Ce mur ne saurait, à lui seul, répondre au défi migratoire, qui concerne d'ailleurs bien plus le sud - des côtes méditerranéennes espagnoles aux portes maritimes des Balkans - que la frontière orientale polonaise. Il envoie cependant un message clair aux instances européennes et aux États de l'Ouest, en leur rappelant qu'ils ne sauraient plus longtemps réprouver les conséquences de leur apathie.

    En mettant l'UE au pied du mur, le mur polonais pourrait, en outre, ouvrir un espace propice à l'avancement de l'agenda «migratoire» européen. On le voit avec Emmanuel Macron qui, après avoir rencontré le chef de gouvernement hongrois et meilleur allié de la Pologne, Viktor Orban, a annoncé vouloir profiter de la présidence française de l'UE pour organiser «une politique cohérente de maîtrise de nos frontières extérieures».

    La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que l'Union ne financerait pas la construction de barrières aux frontières de l'UE. Comprenez-vous le statu quo de l'Union européenne sur ce sujet ?

    Dans l'Europe des droits de l'homme, la frontière n'est pas une norme mais une anomalie, une sorte de concession faite à la réalité honnie des nations. La fin de non-recevoir opposée par Ursula von der Leyen à la Pologne nous le rappelle avec force : l'UE a moins le souci de protéger ses frontières que de dépassionner la question, via la mise en place d'une meilleure répartition de la «charge» migratoire. Comme si la question était d'abord de parvenir à contenir la colère des peuples et non d'en ralentir la cause : l'intensité des flux migratoires et l'angoisse existentielle qu'elle nourrit, inspirée d'un constat qu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient su poser en 2010, à défaut d'en conjurer les effets : «l'échec du multiculturalisme».

    Le grand philosophe libéral américain, Michael Waltzer, nous prévenait : «abattre les murs de l'État (…) ce n'est pas créer un monde sans mur mais plutôt créer un millier de petites forteresses». La Pologne ne veut pas faire de l'Europe une forteresse ; elle veut éviter de les multiplier. Elle veut échapper au destin multiculturel de l'Ouest, rester une nation libre d'apprécier ce qui distingue l'ici de l'ailleurs. Comment lui reprocher, aujourd'hui, le fait de tirer toutes les conséquences de nos atermoiements passés ?

    Au lieu de promouvoir de nouveaux mécanismes de relocalisation, l'UE doit créer la possibilité de renvoyer les migrants illégaux vers leurs points de départ et d'y traiter leurs demandes d'asile. La différenciation entre les migrants qui ont réellement besoin de protection internationale et les migrants économiques sera cruciale, si l'on veut sauver le droit d'asile de son dévoiement et s'assurer que seuls ceux qui ont réellement besoin de protection entrent sur le territoire européen.

    Les Nations unies ont demandé une action urgente pour sauver des vies et éviter des souffrances à la frontière entre l'UE et la Biélorussie, après la mort de plusieurs demandeurs d'asile. Une intervention de l'UE aurait-elle permis d'éviter ces drames ?

    Difficile de le dire, tant l'impuissance de l'UE est patente. Une chose est sûre : pour éviter de nouveaux drames, nous devrons changer de logiciel. En juin 2018, un accord sur l'immigration conclu par les chefs d'État et de gouvernement avait soutenu l'idée formulée par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCNUR) de créer des «plates-formes de débarquement» hors de l'UE. Une mesure qui rappelle le programme «Operation Sovereign Border» (Opération Frontières souveraines) lancé par l'Australie en 2013. Programme dont l'objectif visait à intercepter les bateaux de migrants voguant à leur péril, pour les conduire dans des centres de transit installés sur les îles voisines de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le tout en échange de contreparties financières, telles que celles aujourd'hui fournies par l'UE à la Turquie, et demain à d'autres pays de transit, tels que l'Iran ou le Pakistan ? La question mérite d'être posée.

    En joignant le geste à la parole, l'Australie a su préserver ses frontières et sauver des vies. L'UE le peut-elle ? Dans des arrêts de mai et de décembre 2020, la Cour de Justice de l'UE (CJUE) condamnait la Hongrie pour remise en cause de la directive «retour», interdisant le refoulement des migrants entrés en situation irrégulière (afin qu'ils puissent faire valoir leur droit à déposer une demande d'asile), et l'institution de zones de transit en Serbie, rendant de fait impossible la protection effective des frontières de l'UE.

    Le primat des droits de l'individu sur les impératifs de souveraineté et de sauvegarde du «droit à l'identité nationale», que le juge hongrois a dernièrement tenté d'opposer au juge européen, est le produit d'un processus historique étranger à la démocratie australienne… Mais pourrons-nous encore longtemps préférer les droits aux murs sans questionner les effets sclérosants de l'extension continue du carcan jurisprudentiel européen ?

    Faut-il renforcer la présence de l'OTAN dans cette partie de l'Europe ?

    Si l'Union européenne veut, demain, exister sur la scène internationale, elle devra se doter d'une pensée géopolitique propre. Pas d'indépendance politique sans autonomie de pensée. Mais y aspire-t-elle seulement ? N'oublions jamais que les États ont la politique de leur géographie et que la nature fondamentalement anarchique du système internationale les invite, en permanence, à maximiser les conditions de leur propre sécurité. Si la Pologne, à l'image d'autres nations de l'Est, comme les nations baltes, n'a aucune raison objective de se priver de la protection américaine que lui fournit l'OTAN, la question se pose différemment pour la France.

    La présence toujours plus forte de l'OTAN à l'est de l'Europe est-elle de nature à renforcer notre sécurité collective ou, au contraire, à force d'insécuriser notre incontournable voisin russe, prépare-t-elle l'avènement de futures crises - énergétiques, migratoires, voire militaires ?

    L'UE doit d'urgence repenser son rapport à l'OTAN et tirer toutes les conséquences que son absence d'autonomie fait peser sur sa sécurité et ses relations extérieures. Mais comme ce sursaut «réaliste» a, dans les faits, peu de chances de se produire, je dirais que seul le retour d'une France forte, capable de développer une diplomatie propre, débarrassée des œillères que lui impose l'atlantisme ordinaire des élites européennes, pourra poser les termes d'une autre voie pour l'Europe dans le rapport plus serein qu'elle doit désormais construire avec ses voisins orientaux.

    «Le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie», déclarait à la conférence des Ambassadeurs d'août 2019 le président Emmanuel Macron. Reste à passer des mots aux actes, comme sur l'immigration.

    Max-Erwann Gastineau, propos recueillis

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  • Le mythe de Thulé...

    Les éditions des Amis de la culture européenne viennent de publier un essai d’Émile Hinnerk intitulé Le mythe de Thulé dans la littérature européenne.

     

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    " Thulé, Hyperborée, Atlantide… Consonances mystérieuses. Elles éveillent les souvenances d’aurores triomphales ou la poésie de crépuscules sans fin. Sonorités hors d’âge, elles évoquent le crépitement des flammes d’un feu dressé dans la nuit des temps. Nous puisons-là aux tréfonds d’un monde blanc, lustral, originel, quasi englouti. Quelques îlots, quelques archipels, quelques terres aux attraits fascinants surgissent encore, conservés par notre mémoire primordiale.

    Ces noms de la géographie mythique européenne se dressent comme des fanaux pour les pèlerins en quête de vérités authentiques. Pour ceux dont la boussole spirituelle indique le Nord, Thulé est la clairière solaire sur le chemin du recours aux forêts. Thulé est une issue du labyrinthe, au terme d’une déambulation initiatique sur des sentes peu fréquentées que Knut Hamsun nommait « chemins où l’herbe repousse ». Thulé est une histoire de Belle au Bois Dormant que l’on se met en demeure d’aller délivrer de sa catalepsie dans l’enchevêtrement du buisson des siècles. Une recherche mue par la nostalgie de la patrie perdue, quand l’origine s’encombre de brumes et se retire. Une saine rébellion, lorsque les scories de la civilisation souillent la pureté des commencements. C’est une réponse fidèle, une constance, face à l’appel insistant de l’Âge d’or que nous transmettent les gouttes de sang pur qui irriguent nos veines. C’est un recours éclairé à l’harmonie et au simple, aux dépens de l’insignifiance et du fallacieux. C’est un retour volontaire instinctif aux sources du chant profond : un Graal païen.

    Peu étonnant, dès lors, que le langage pour décrypter Thulé soit celui de la spiritualité, du mythe et de la métaphysique ; de la poésie, de la littérature et de l’imaginaire à partir d’un socle historique. Thulé hante littéralement l’imaginaire d’une Europe secrète et intime. Thulé – âme de l’Europe – surgit et se manifeste d’âge en âge tel un lancinant leitmotiv musical, pour nous rappeler ce que nous devons redevenir.

    C’est à ce minutieux travail de recherche et d’histoire généalogique que s’est livré Emile Hinnerk dans ce mémoire enfin édité. "

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  • La pensée biopolitique des Grecs...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Guillaume Durocher à Ego Non et consacré à la pensée biopolitique des Grecs. Journaliste et historien d'expression anglaise et française, Guillaume Durocher écrit pour les sites et les revues de la dissidence américaine.

     

                                              

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  • Un manifeste conspirationniste du Comité invisible...

    Les éditions du Seuil viennent de publier un Manifeste conspirationniste qui émane très probablement du Comité invisible. Ce groupe, créé à l'orée des années 2000 et qui appartient à la mouvance d'ultra-gauche, est connu pour être à l'origine de plusieurs textes importants comme L'insurrection qui vient (La Fabrique, 2007) et  A nos amis (La Fabrique, 2014).

     

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    " Le conspirationnisme procède de l'anxiété de l'individu impuissant confronté à l'appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s'adresser à l'anxiété d'où il sourd en produisant de l'intelligibilité historique et indiquer la voie d'une sortie de l'impuissance.
    On peut bien s'épuiser à tenter d'expliquer aux "pauvres en esprit" pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d'anathèmes. C'est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif. La vérité est qu'il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l'ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’œuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l'enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l'accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu'il serait suicidaire de laisser à l'extrême-droite.

    Le Manifeste conspirationniste veut offrir, après deux ans de confusion politique et d'offensive "sanitaire" échevelée, une compréhension historique des événements. Il détaille et illustre onze thèses, qui forment aussi ses onze chapitres :

    1 - La « guerre au virus » est une guerre qui nous est menée.

    2 - Le conspirationnisme est le nom de la conscience qui ne désarme pas.

    3 - L’irréalité que nous vivons n’est pas celle d’une catastrophe qui sidère, mais celle d’un scénario que l’on déroule.

    4 - La contre-révolution de 2020 répond aux soulèvements de 2019.

    5 - La guerre froide n’a jamais pris fin.

    6 - Ce monde est dual, comme le sont ses technologies.

    7 - Le nudge est un nudge.

    8 - L’art de gouverner ne produit que des monstres.

    9 - La vie n’est rien de biologique.

    10 - L’enfer présent n’est que la réalisation du vieux projet positiviste.

    11 - Nous vaincrons parce que nous sommes plus profonds."

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  • Le marketing fossoyeur du politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Henri d'Avirac cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux sondages électoraux, comme symptômes d'une démocratie minée par le marketing politique.

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    Sondages et communication : le marketing fossoyeur du politique

    Sur le front des épidémies, il en est une dont le pic est bien loin d’être atteint : la « diarrhée sondagière »… L’expression est lâchée et avec elle, cette avalanche de commentaires sur la frénétique quête du trône, qui placent en permanence le politique sous monitoring. Les études présenteraient l’immense avantage d’offrir une photographie quasi scientifique de l’opinion, invitant les candidats à intégrer les thèmes porteurs, attisant compétitions, alliances ou renoncements. En bref, un sondage faiseur de rois, de royaumes, d’éléments de langage, priorisant, disqualifiant, à deux doigts de ringardiser définitivement la véritable consultation démocratique.

    Le sondage, thermomètre ou symptôme ?

    Le chiffre, l’échantillon, l’institut impressionnent… un parfum d’objectivité mathématique plane sur les plateaux et dans les rédactions dès lors qu’un patron d’officine, ayant pignon sur rue, nous invite à nous départir des polémiques, du débat politique, pour nous en remettre à la Vérité absolue, livrée par un pourcentage de l’échantillon représentatif.

    Mais qu’en est-il au juste de cette Vérité ? Comme toujours, toute médiation « informe » le réel, une carte aussi fidèle soit-elle n’est jamais le reflet exact du territoire. Une cohorte de biais méthodologiques, volontaires ou non, pollue immanquablement enquêtes d’opinions, études quantitatives ou qualitatives, jusqu’à forger parfois de véritables armes de manipulation massive. Un rappel au décryptage et à la lucidité s’impose donc :

    – Qui a commandité le sondage ? Une première question essentielle car quoi que puisse être l’impératif méthodologique et déontologique du sondeur, les marges de manœuvres du client pour « orienter » l’affaire restent considérables. Prenons la formulation des questions (segmentation du questionnaire, choix des thèmes sur un questionnaire fermé etc.). Éric Zemmour faisait assez justement remarquer que dans les sondages présentant le pouvoir d’achat comme priorité des Français, les autres choix proposés (immigration, insécurité/terrorisme, identité française) faisaient l’objet d’une segmentation génératrice d’un biais majeur. En effet, le bloc pouvoir d’achat ne totaliserait que 45 % face à un bloc identité/sécurité qui regrouperait 59 %… Encore fallait-il les rassembler ! ou émettre à minima cette hypothèse de regroupement des items…

    La plupart des médias s’empresse ainsi de relater cette pseudo vérité influençant de facto l’électeur sensible aux préoccupations des médias dominants et finissant par la rendre auto-réalisatrice.

    – Quel est le cadre méthodologique de l’enquête ? Le commanditaire de l’étude peut aussi, ici ou là, exercer son influence sur le choix de l’échantillon. L’intégrité du sondeur sera sauve si celui-ci exprime simplement le cadre exact de l’enquête et le profil des personnes sondées, ce qui est toujours le cas mais ce que personne ne lit !

    – Vous avez dit redressements ? Un vote réputé « sous-déclaré » comme l’intention de vote pour le RN fera l’objet d’un redressement, c’est-à-dire d’un plus ou moins x % destiné à compenser une réalité cachée (!). Au gré des moments de la vie politique, un commanditaire « orienté » aura intérêt à faire pression sur son prestataire pour renforcer ou rabaisser le score de la formation politique en question, évidemment dans la limite d’un redressement et d’une marge d’erreurs « raisonnables ».

    – Quid du commentaire de l’étude ? Une source inépuisable d’affirmations manipulatoires, sous couvert d’expertise, avec en toile de fond un respect bien naturel dû au client qui ne manquera pas de passer à la moulinette les propos du chargé d’études.

    Halte aux sondages : la prise de consciences des médias

    Souvenons-nous de l’information fracassante (IFOP 2018) selon laquelle 40% des Français seraient favorables à un régime autoritaire… Cette alerte instillée par les commentateurs de tout poil et de tout bord reposait sur une confusion entre « Régime totalitaire » et « autorité de l’Etat » que l’introduction préalable au questionnaire administré (totalement occultée par les commentateurs) levait en grande partie. Ce ne sont là que quelques exemples de dérives assez classiques d’une sondo-médiacratie prétendument affublée des attributs d’une science exacte.

    Il y a depuis peu une timide prise de conscience (réelle ou affichée ?) de quelques médias. Depuis Ouest France jusqu’au journal Le Monde, les rédactions semblent prendre leur distance allant jusqu’à infiltrer dans des enquêtes (IPSOS, IFOP, KANTAR, BVA, Opinion Way, HARRIS, GFK) des reporters maisons, tel Luc Bronner, grand reporter au Monde, pour mettre en lumière les fausses déclarations d’identité des sondés, biaisant la nature de l’échantillon !

    Discrédits méthodologiques, recrutements bidon, clairvoyance tardive (« les sondages participent à la fabrique de l’opinion au détriment d’un vrai débat » nous dit le rédacteur en chef de Ouest France). Ces états d’âme prendront-ils le pas sur l’impérieuse nécessité de vendre du papier ou de faire du clic… Il est permis d’en douter.

    Autre point de vigilance dans le camp des sondeurs qui leur pourrit véritablement la vie au quotidien : l’extrême versatilité de l’électeur/consommateur néophile et éternel insatisfait. Plus il est « millénium » (18-40 ans) et citadin, plus il zappe. Son inconstance déclarative est sa marque de fabrique. Exit donc les baromètres d’opinions fondés sur des blocs stables et homogènes, exit donc les liens forts, les tendances lourdes et la prospective socio-comportementale sur le moyen et long terme : l’Homo-Oeconomicus est devenu liquide dans un monde liquide.

    Savoir aujourd’hui ce que vous voterez demain

    La machine macronienne aura inauguré avant l’élection présidentielle de 2017 la première campagne digitale de l’histoire de notre pays. Héritée des méthodes américaines mises en œuvre sur les campagnes d’Obama en 2007 et 2012, elle s’est fondée sur la constitution de bases de données consultables en temps réel sur les réseaux sociaux et la mise en place de nouveaux logiciels d’analyses du Net. Tout comme dans les concertations citoyennes abusivement qualifiées de démocratie participative, qui consacrent la démission du politique en tant que force de proposition, la formulation d’éléments programmatiques d’un candidat ne dépend plus de ses engagements, de sa vision du monde, mais bien d’un champ d’attentes pré-identifié et calibré en temps réel, qui transforme l’offre politique en offre miroir.

    Des instituts tels BVA travaillant pour l’Elysée planchent non seulement sur le volet enquêtes d’opinion et tendances, ce qui était déjà le cas lors des précédents mandats et peut donc influencer des thématiques de campagne, mais également sur l’approche socio-comportementale en « dynamisant » les éléments de langage issus en première intention du cabinet du Président, à la lumière de tests, de techniques de marketing comportemental jouant ainsi efficacement sur les peurs et le cerveau reptilien de nos concitoyens. La gestion de la crise COVID depuis novembre 2020 en est une superbe illustration, avec en point d’orgue l’annonce inquisitoriale du chef de l’état le 12 juillet 2021, dont le bénéfice politique devrait se confirmer.

    Jouer sur les peurs et déceler aujourd’hui, à grands renforts d’algorithmes, ce que vous consommerez/voterez demain est devenu le privilège d’une certaine élite dans un Monde déjà post démocratique.

    « Un peu moins de tests et un peu plus de testicules »

    Christophe Guilluy nous rappelle que « dans les stratégies électorales, les partis ne s’adressent plus qu’aux catégories supérieures et aux retraités ». Il existe donc un bloc majoritaire non représenté, enfumé par les élites, qui, confortées par les études et une sémantique ciselée, jouent sur les peurs. Peur de la pandémie, peur du retour du fascisme, peur du réchauffement climatique, peur du peuple… Ultime perversion : parvenir à convaincre le peuple qu’il doit avoir peur de lui-même. Désactiver l’électeur au moment de l’élection. Préférer au référendum d’initiative citoyenne, des ersatz de démocratie, des sondages, des concertations avec des participants professionnels tirés au sort ou issus d’associations. Fustiger le populisme trop populeux, trop populaire, imprévisible et anxiogène.

    Prétendre savoir, avant que vous ne choisissiez, ce que vous allez choisir est bien la marque ultime du mépris des peuples, un mépris de sachant, promoteur d’une expertocratie, cynique, à fort relent totalitaire. Invitons les politiques dissidents, désireux de s’opposer à ce marketing stérilisant, à faire leur cette formule inattendue lancée il y a un peu plus de 30 ans par Jacques Lendrevie, éminent professeur de marketing à HEC, à ses étudiants dont j’étais : « Mes chers amis, les études marketing sont vraiment très importantes pour savoir où l’on en est ou pour éventuellement tester un concept, mais pour sortir du lot, il faut parfois un peu moins de tests et un peu plus de testicules ».

    Jean-Henri d'Avirac (Site de la revue Éléments, 17 janvier 2022)

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