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post-démocratie

  • Sus aux dépenses nuisibles !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la nécessaire chasse aux dépenses nuisibles...

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, ainsi que plusieurs essais, dont La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021), Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023) et, dernièrement Occident go home ! - Plaidoyer pour une Europe libre (Via Romana, 2024).

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    Non aux impôts, oui à l’arrêt des dépenses nuisibles !

    Notre classe politique est en émoi : elle vient de découvrir nos déficits publics et notre endettement. Et même M. Attal qui fut pourtant Premier ministre donne maintenant des conseils d’économies et de réformes à son successeur, qu’il n’a lui-même jamais engagées. Car voici ouvert le concours Lépine du déficit : chacun y va de sa solution miracle pour réduire notre dette et nos déficits. Pour la gauche la cause est entendue : il suffit d’augmenter les recettes, de « faire payer les riches » et taxer les superprofits. On connaît la chanson et ses résultats habituels ! Car pour réduire dettes et déficits il faut d’abord arrêter les dépenses nuisibles, au lieu d’augmenter les impôts et les taxes. Mais pour cela il faut disposer d’une ressource rare en France : le courage politique.

    L’impasse fiscale

    La prétendue solution fiscale de la gauche butte en effet, dans une économie ouverte, dérégulée et mondialisée comme la nôtre, sur le fait que la richesse et les profits peuvent facilement se délocaliser, sans même évoquer l’impact négatif sur la compétitivité nationale d’une augmentation de la pression fiscale ou sociale. Mais la gauche ne comprend rien à l’économie politique.

    En Occident, les acteurs de marché ont en effet acquis la capacité de menacer de retirer leurs capitaux si les États ne font pas en sorte de rendre leurs investissements plus profitables. C’est ce que le sociologue allemand de l’économie Wolfgang Streeck appelle « la crise fiscale de l’État » qui frappe les pays occidentaux[1].

    Fatalement, le levier fiscal conduit alors à concentrer la taxation non pas sur « les plus riches », mais sur les entités ne disposant pas du pouvoir de relocaliser à leur gré leurs actifs : PME, classes moyennes, retraités, petits épargnants, propriétés immobilières, héritiers, automobilistes, consommateurs locaux principalement. Donc, en réalité, sur le plus grand nombre.

    Le gouvernement Barnier semble d’ailleurs déjà tombé dans ce piège puisque, après avoir annoncé un prélèvement exceptionnel et limité sur certains contribuables aisés et sur certains profits, il annonce maintenant une assise fiscale plus large, puis finalement d’autres taxations plus ou moins déguisées.

    Non à la facilité !

    Il est toujours plus facile, en effet, de créer ou d’augmenter une taxe que de diminuer une dépense publique, comme l’a expliqué l’économiste libéral Milton Friedman.

    Selon lui, toute dépense publique implique trois catégories de bénéficiaires très conscients de leur solidarité d’intérêt : les politiques qui l’engagent et en tirent de la notoriété, les bureaucraties qui sont payées pour la conduire et les groupes qui récupèrent à la fin de la manne publique.

    Il s’agit d’une alliance extrêmement solide car les bénéficiaires d’une dépense publique sont bien identifiés, alors que ceux qui la financent sont dilués parmi les contribuables ou les prêteurs. C’est pourquoi Milton Friedman avait intitulé son essai, paru en 1984, La Tyrannie du statu quo[2].

    La « tyrannie du statu quo » s’appuie donc sur le fait qu’il est plus douloureux politiquement de réduire une dépense publique – car on doit s’attaquer frontalement à des bénéficiaires motivés pour conserver leurs acquis – que d’augmenter un impôt ou une dette.

    La spécificité française

    Malheureusement, notre pays a la particularité en Europe de cumuler une fiscalité élevée, une dette publique élevée, des dépenses publiques élevées et une insatisfaction publique élevée vis-à-vis de services publics qui vont se dégradant (école, hôpitaux, infrastructures, notamment).

    Comme le relève André-Victor Robert dans son essai La France au bord de l’abîme, à la différence de ses voisins, notre pays a financé ses dépenses publiques à la fois par l’impôt et par l’endettement, et cela dans des proportions inégalées. Comme l’écrit l’auteur, « on ne pouvait pratiquement pas faire pire ; c’était presque inconcevable d’atteindre un résultat aussi calamiteux et pourtant nos dirigeants l’ont fait[3] ».

    Si l’on ajoute le fait que le solde primaire[4] de nos finances publiques est nettement moins bon que celui de nos voisins, malgré un niveau élevé de prélèvements obligatoires, « la France est à la merci d’une remontée des taux d’intérêt qui l’exposerait à un risque de défaut de sa dette souveraine[5] ».

    Il est donc clair que de mauvais choix ont été faits en matière de finances publiques en France : bravo, les Mozart de la finance ! Le dernier budget excédentaire remonte à 1974, il est en quasi-équilibre en 1980 (avant la victoire de la gauche) ; et en 1980 la dette publique ne représentait que 16,7 % du PIB en France…

    Si l’on ne change pas de trajectoire, il ne restera plus que la spoliation des propriétaires (leur faire payer un loyer fictif, comme certains le préconisent) et des épargnants (comme cela s’est passé à Chypre) pour faire face au service de la dette.

    Les bonnes et les mauvaises dépenses

    L’équilibre des finances publiques ne peut donc se limiter à une question de ressources : il faut prioritairement réduire les dépenses. Oui, mais lesquelles ?

    Contrairement à ce que prétendent certains libéraux fanatiques, toute dépense publique n’est pas nécessairement mauvaise en soi, car l’action publique ne se réduit pas à une simple question de coût. Toute dette n’est pas nécessairement une calamité, si elle reste raisonnable. Et le marché n’est pas la solution à tout.

    Il faut donc distinguer les bonnes dépenses publiques des mauvaises, les dépenses nuisibles.

    Une dépense qui augmente la productivité, la sécurité, l’indépendance de la nation, ou qui sert à financer des infrastructures constitue une dépense publique utile. Et financer des investissements productifs par un emprunt est une bonne solution dans une période de haute conjoncture. C’est ce que notre pays a fait dans le passé en finançant le nucléaire, le plan Calcul, la recherche, l’industrie d’armement ou son réseau d’autoroutes.

    C’est justement là que se situe aujourd’hui la principale faute de nos gouvernants : la dette a ensuite été mal utilisée, principalement pour soutenir le revenu et l’activité de certains et non pas pour investir dans l’avenir. Globalement, malgré un endettement croissant, la capacité productive de la France n’a quasiment pas augmenté de même que sa productivité, après la crise du Covid, à la différence de nos partenaires européens.

    Sus aux dépenses nuisibles !

    À la racine des déficits publics actuels on trouve donc avant tout aujourd’hui en France des dépenses non pas utiles, comme le prétend la propagande officielle envoyée chaque année aux contribuables, mais nuisibles.

    La question ne se réduit pas à celle de l’inutilité des dépenses en effet ; car, pour un politicien, une dépense publique est toujours utile puisqu’elle permet d’acheter des clientèles même au prix de déficits croissants. C’est ce qui s’est passé depuis les années 80 en France, notamment dans le cadre de la fameuse « politique de la ville ».

    C’est pourquoi, vu de nos partenaires européens, en France c’est « en matière de réformes, on en fait trop peu et trop tard, tandis qu’en arrosage de dépenses publiques, c’est trop long et trop longtemps[6] ».

    Alors, qu’est-ce qu’une dépense publique nuisible ? Une dépense qui débouche sur d’autres dépenses mal maîtrisées, une dépense qui génère de la bureaucratie et du parasitisme, une dépense qui contribue à la déconstruction de notre nation, de notre culture et de notre identité, une dépense qui ne contribue pas à l’amélioration du bien public ni à la croissance économique et sociale.

    Ce type de dépense consomme inutilement des ressources publiques qui pourraient être utilisées à de meilleures fins ou tout simplement supprimées, en réduisant les impôts ; et il provoque au surplus des effets néfastes sur le long terme pour la communauté nationale.

    Le forum que Polémia organise à Paris le 16 novembre prochain – « 3 000 milliards de dette – Ouvrons la chasse aux dépenses nuisibles ! » – abordera justement dans le détail différents exemples de ces dépenses nuisibles à la racine de l’explosion de nos déficits et de notre dette : principalement les dépenses liées à une folle politique migratoire ou à la « politique de la ville », les aides inutilement versées à des États étrangers ou à l’UE, les coûts exorbitants de la prétendue « transition énergétique » et les inépuisables subventions versées aux médias de grand chemin ou aux associations militantes.

    Typologie de la nuisance

    Si cette liste n’a qu’un caractère illustratif et malheureusement non limitatif, elle permet cependant de comprendre ce qui provoque le caractère nuisible d’une dépense.

    Les dépenses nuisibles sont d’abord des dépenses découlant de lubies idéologiques et non pas d’un intérêt public réel.

    Les dépenses évoquées lors du forum du 16 novembre découlent ainsi de l’immigrationnisme, de l’européisme, de l’écologisme, du tiers-mondisme ou de l’atlantisme, tous ces fléaux idéologiques qui nous frappent.

    Globalement, une dépense nuisible poursuit toujours un objectif politiquement correct.

    Or, qu’est-ce que le politiquement correct ? L’idéologie qui préconise la déconstruction de notre civilisation et qui promeut un nouveau totalitarisme.

    Par conséquent, toute dépense qui va dans ce sens est par essence nuisible : comme, par exemple, financer les médias de propagande (afin de rééduquer la population), financer des associations sous prétexte de « lutter contre les discriminations » (afin d’interdire toute critique de l’immigration), prendre en charge en totalité les frais de « transition de genre » pour la Sécurité sociale (alors qu’on veut réduire la prise en charge des affections de longue durée), ou bien financer à prix d’or des consultants extérieurs (pour imposer dans les administrations les modes managériales anglo-saxonnes).

    Les dépenses nuisibles croissent toujours, quelle que soit la conjoncture économique ou budgétaire. Car l’idéologie les sanctuarise, bien que l’enjeu budgétaire soit de taille puisque, en la matière, l’unité de compte est le milliard… Pour cette raison, ces dépenses sont toujours considérées comme prioritaires, car on ne saurait s’arrêter sur le chemin progressiste. Et moins les idéologues réussissent à atteindre leurs objectifs, plus il faut continuer dans la même voie en augmentant les dépenses, les taxes et les contraintes, c’est bien connu.

    Nous en avons un exemple avec nos budgets de l’Éducation nationale, de l’Intérieur et de la Justice, en augmentation continue dans notre pays depuis des années malgré des résultats de moins en moins probants[7]. Ou avec l’aide médicale d’État, sanctuarisée par nos prétendues valeurs d’accueil et bien entendu par la pression militante de la gauche et de milliers d’associations.

    En revanche, nos gouvernants n’ont jamais hésité à réduire les moyens des services régaliens, réputés moins sensibles politiquement, comme ceux du ministère de la Défense, par exemple, devenu la variable budgétaire d’ajustement par excellence. Ou de réduire les effectifs hospitaliers même pendant la crise covidienne…

    Les effets pervers des dépenses nuisibles apparaissent toujours sur le tard : bureaucratie, non-maîtrise des coûts, réduction des libertés, chaos social.

    C’est bien pourquoi elles se développent car les politiciens capitalisent sur les seuls effets d’annonce et se moquent de l’avenir. Les effets pervers seront supportés par la population, pas par les politiciens.

    On peut ainsi présenter le soutien à des activités économiques déclinantes comme une préservation de l’emploi, mais à long terme cela a le plus souvent pour effet nuisible de les dissuader de se rénover. Ou oublier qu’une aide sociale durable contribue aussi à enfermer ses bénéficiaires dans la dépendance. De même, subventionner des associations qui « accueillent » les migrants peut passer pour un objectif humanitaire d’insertion, mais cela revient aussi à encourager la poursuite du chaos migratoire avec l’argent du contribuable.

    Mais le système politique postdémocratique n’en a cure : après lui le déluge !

    Du courage !

    Il faut donc faire preuve de vigilance dans l’analyse de la dépense publique.

    Théoriquement, ce devrait être le rôle du Parlement d’effectuer cette analyse critique ; mais on sait qu’il n’en est rien et qu’au contraire les élus de parlements dominés par la gauche, comme c’est le cas en France depuis les années 80, soutiennent toujours les projets dépensiers les plus démagogiques et les plus à court terme.

    Bref, pour faire la chasse aux nuisibles, il faut du discernement et du courage politique. Pas de chance, c’est encore ce qui manque le plus à nos dirigeants aujourd’hui.

    Alors, pour donner des idées à nos politiques, rendez-vous le 16 novembre prochain au Forum de Polémia : « 3 000 milliards de dette – Ouvrons la chasse aux dépenses nuisibles ! »

    Michel Geoffroy (Polémia, 17 octobre 2024)

     

    Notes

    [1] Pas les BRICS qui savent mettre au pas leurs oligarques…
    [2] Friedman (Milton et Rose), La Tyrannie du statu quo, J.-C. Lattès, 1984.
    [3] Robert (André-Victor), La France au bord de l’abîme – Les chiffres officiels et les comparaisons internationales, L’Artilleur, 2024, 22 euros, p. 344.
    [4] Hors intérêts de la dette.
    [5] Robert (A.-V.), op.cit., p. 131.
    [6] L’Opinion du 9 août 2024.
    [7] Il est vrai que le pouvoir macronien ne doit sa survie qu’aux forces de l’ordre.

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  • Le gouvernement des juges : mythe ou réalité ?...

    Le 17 avril 2023, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Frédéric Rouvillois pour évoquer avec lui son nouvel essai Le gouvernement des juges - Histoire d'un mythe politique (Desclée de Brouwer, 2023).

    Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux disponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010), Être (ou ne pas être) républicain (Cerf, 2015) ou Liquidation - Emmanuel Macron et le saint-simonisme (Cerf, 2020).

    Il a également dirigé avec Olivier Dard et Christophe Boutin, le Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017), le Dictionnaire des populismes (Cerf, 2019) et le Dictionnaire du progressisme (Cerf, 2022).

    Enfin, il a publié récemment un roman, Les fidèles (Pierre-Guillaume de Roux, 2020) et trois polars, Un mauvais maître (La Nouvelle Librairie, 2020), Le Doigt de Dieu (La Nouvelle Librairie, 2021) et Tout le pays est rouge (La Nouvelle Librairie, 2022), avec les mêmes enquêteurs.

     

                                                  

    " Le conflit entre le juge et le peuple serait-il indissociable des systèmes démocratiques modernes ? C’est toute la question posée dans "Le gouvernement des juges" de Frédéric Rouvillois. Le professeur de droit public, spécialiste du droit constitutionnel et des libertés fondamentales, analyse la manière dont l’expression "gouvernement des juges" a été établie et utilisée depuis le début du XXème siècle jusqu’à nos jours. Car au-delà de savoir si l’on a ou pas "un gouvernement des juges", Frédéric Rouvillois insiste, dans cette recherche très documentée, sur l’orientation et l’argumentation essentiellement politiques de ceux qui utilisent la formule. En effet, aux Etats-Unis comme en France, cette dénonciation d’un pouvoir perçu comme antidémocratique et contre-majoritaire émane aussi bien de la gauche que de la droite, suivant les intérêts en jeu. Derrière ce débat, toujours actuel et international, qui s’est mondialisé avec l’essor de la thématique de l’Etat de droit et l’émergence de la notion de post-démocratie, c’est tout simplement l’histoire d’un mythe politique qui est dévoilé dans cet entretien. "

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  • Le gouvernement des juges...

    Les éditions Desclée de Brouwer viennent de publier un essai de Frédéric Rouvillois intitulé Le gouvernement des juges - Histoire d'un mythe politique.

    Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux disponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010), Être (ou ne pas être) républicain (Cerf, 2015) ou Liquidation - Emmanuel Macron et le saint-simonisme (Cerf, 2020).

    Il a également dirigé avec Olivier Dard et Christophe Boutin, le Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017), le Dictionnaire des populismes (Cerf, 2019) et le Dictionnaire du progressisme (Cerf, 2022).

    Enfin, il a publié récemment un roman, Les fidèles (Pierre-Guillaume de Roux, 2020) et trois polars, Un mauvais maître (La Nouvelle Librairie, 2020), Le Doigt de Dieu (La Nouvelle Librairie, 2021) et Tout le pays est rouge (La Nouvelle Librairie, 2022), avec les mêmes enquêteurs.

     

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    " Le conflit entre le juge et le peuple serait-il indissociable des systèmes démocratiques modernes ? C'est toute la question posée dans cet essai, qui analyse la manière dont l'expression « gouvernement des juges » a été établie et utilisée depuis le début du XXe siècle jusqu'à nos jours. Car au-delà de savoir si l'on a ou pas un « gouvernement des juges », Frédéric Rouvillois insiste, dans cette recherche très documentée, sur l'orientation et l'argumentation essentiellement politiques de ceux qui utilisent la formule. En effet, aux États-Unis comme en France, cette dénonciation d'un pouvoir perçu comme antidémocratique et contre-majoritaire émane, au cours du temps, aussi bien de la gauche que de la droite, suivant les intérêts en jeu.Derrière ce débat, toujours actuel et international, qui s'est mondialisé avec l'essor de la thématique de l'État de droit et l'émergence de la notion de post-démocratie, c'est l'histoire d'un mythe politique qui est dévoilée ici. "

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  • Macron et les années 30...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré aux déclarations du Président de la République sur la ressemblance de notre époque avec celle des années 30... Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

     

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    Retour des années 30 ? Macron ne croit pas si bien dire

    Emmanuel Macron est déjà entré en campagne pour les élections européennes. Il a choisi la diabolisation de ses adversaires qui, selon lui, incarneraient « la lèpre nationaliste » ; alors que, lui, représenterait bien entendu le camp « progressiste », celui du Bien.

    Un clip de propagande, financé par le contribuable, valorise ainsi l’Europe de Bruxelles et présente Matteo Salvini et Viktor Orban comme les artisans diaboliques de la désunion européenne.

    Et dans une interview à Ouest France [1] Emmanuel Macron a renchéri : « Le moment que nous vivons ressemble à l’entre-deux-guerres. »

    La ficelle est évidemment un peu grosse et revient à suggérer que ceux que les médias nomment les populistes seraient des fascistes voire des nazis. Et qu’Emmanuel Macron serait un valeureux résistant contre la nouvelle peste brune…

    La réalité est tout autre.

    Un contresens historique

    La leçon d’histoire d’Emmanuel Macron tente de nous faire, ne peut qu’amuser car elle repose sur un grave contresens historique.

    Mais il faut dire qu’en digne représentant de la Davocratie, Emmanuel Macron ne connaît pas l’histoire. Il n’a d’ailleurs que mépris pour « le monde d’avant ». Ce n’est pas de sa faute, car, à l’Ena, on n’enseigne que l’économie et le droit, pas l’histoire ni les humanités.

    Prétendre assimiler au fascisme la révolte des peuples européens contre l’oligarchie mondialiste qui règne à Bruxelles repose sur un total contresens.

    Car, précisément, ceux que l’on désigne aujourd’hui sous le terme de populistes ne veulent pas instaurer la dictature – celle du prolétariat ou celle d’un Chef comme dans les années 30 – mais au contraire restaurer la démocratie.

    Une démocratie que, justement, les oligarchies européennes ont détruite en instaurant la dictature des minorités ainsi que le gouvernement des juges et en transférant la souveraineté des Etats à la bureaucratie mondialiste de l’Union européenne.

    Les progressistes sont en réalité les nouveaux totalitaires

    Quand Emmanuel Macron fait mine de défendre l’Union européenne contre les méchants populistes, en réalité il défend le totalitarisme post-démocratique que la Davocratie a imposé à l’Europe.

    Un nouveau totalitarisme qui consiste à imposer aux peuples des évolutions qu’ils rejettent, notamment s’agissant de l’immigration de peuplement ou de la déconstruction « sociétale » des mœurs et des identités.

    Comme le disait si bien Daniel Cohn Bendit, un fidèle soutien d’Emmanuel Macron : « Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison [2] ».

    On ne saurait mieux démontrer que l’oligarchie mondialiste a la démocratie en horreur.

    Les prétendus progressistes – qui, soit dit en passant, ne cessent de déconstruire l’histoire sociale de l’Europe – sont en réalité les nouveaux totalitaires. Des totalitaires qui veulent museler les peuples européens en imposant partout leur censure et leur propagande.

    Ce sont donc bien eux qu’il faut arrêter et non les populistes !

    En réalité la situation est bien pire que dans les années 30 !

    La référence macronienne à l’entre-deux-guerres comporte cependant une part de vérité, mais pas du tout dans le sens où l’entendent le Président de la République et les médias de propagande à sa dévotion !

    En réalité, la situation actuelle est bien pire que dans les années 30.

    En effet, de nos jours, comme dans les années 30, les régimes parlementaires sont incapables de faire face aux événements : ils sont impuissants face au chômage de masse car ils pratiquent la même politique récessive consistant à augmenter les impôts et à baisser les salaires et les pensions.

    A la différence que, dans les années 30, les frontières existaient encore en Europe alors qu’aujourd’hui on les a détruites au nom du libre-échangisme mondialiste. Mais, comme dans les années 30, la pauvreté et la précarité s’installent partout et les inégalités sociales sont de plus en plus criantes.

    Car, comme dans les années 30, la bourgeoisie et les nouveaux riches méprisent les peuples. Avec cette différence que, dans les années 30, les riches avaient peur de la révolution communiste, alors que de nos jours ils n’ont plus peur de rien et se croient tout permis.

    L’impuissance des régimes parlementaires, comme dans les années 30 !

    Dans les années 30, les régimes parlementaires sont également incapables de résoudre pacifiquement la question des minorités nationales et des réparations de guerre, fruit amer du catastrophique traité de Versailles imposé par les politiciens français et les Etats-Unis, à toute l’Europe.

    Comme de nos jours les gouvernements de l’Union européenne ne savent pas comment faire face aux flux migratoires vers l’Europe ; ni comment résoudre la communautarisation et l’islamisation croissante de la société.

    Dans les années 30, les gouvernements tournent dans le vide car ils sont victimes de l’instabilité parlementaire.

    De nos jours, ils tournent dans le vide car ils ont perdu les moyens de gouverner : ils ont tout abandonné à l’Union Européenne, aux Banques et aux grandes firmes mondiales ! Et comme dans les années 30, la corruption du personnel politique s’amplifie parce que les lobbies dictent leur loi en toute impunité.

    Comme dans les années 30, la crise est morale et politique !

    Comme dans les années 30, l’Europe connaît une profonde crise morale.

    Dans les années 30, la crise résulte de la catastrophe européenne de la Grande Guerre.

    De nos jours elle résulte de l’épuisement du cycle libéral-libertaire qui débouche sur un profond nihilisme et sur l’effondrement individualiste de la société.

    Comme dans les années 30, la violence politique et sociale ne cesse d’augmenter. On a même vu un ministre de l’Intérieur [3] affirmer, le jour de son départ, que la situation serait incontrôlable d’ici 5 ans ! Ou un chef d’Etat major des Armées avertir que si les banlieues de l’immigration s’embrasaient, les Armées n’auraient pas les moyens d’y faire face [4].

    Mais à quoi sert donc l’Etat ?

    Comme dans les années 30, la défiance vis-à-vis des gouvernants de plus en plus illégitimes, car ils ne protègent plus les peuples, ne cesse d’augmenter. Le pays réel s’éloigne donc de plus en plus du pays légal.

    Une analogie trompeuse

    Alors Emmanuel Macron a raison mais malgré lui : la situation rappelle en effet, mais en bien pire, celle de l’entre-deux-guerres en Europe.

    Mais Emmanuel Macron nous trompe sur le sens de son action : il n’incarne pas en effet ceux qui résistent au chaos qui vient, mais au contraire ceux qui le provoquent par leur aveuglement idéologique libéral, libertaire et mondialiste et par leur autisme. Notamment par leur refus d’écouter ce grand cri de douleur européen qu’est le populisme.

    Comme hier, les politiciens refusent d’écouter la misère des peuples et leur aspiration à retrouver leur fierté nationale.

    Comme dans les années 30, les Français attendent aujourd’hui des hommes politiques qui soient à la hauteur des heures décisives que l’Europe et la France vont devoir affronter.

    Mais on sait déjà, hélas, qu’Emmanuel Macron, Jupiter fatigué, ne sera pas au rendez-vous de cette histoire qui vient.

    Michel Geoffroy (Polémia, 5 novembre 2018)

     

    Notes :

    [1] Le 31 octobre 2018

    [2] Le Figaro.fr du 5 juillet 2016

    [3] Gérard Collomb

    [4] Selon Philippe de Villiers , le 2 novembre 2018 à l’émission Les terriens du samedi,  l’ancien chef d’état major des armées aurait averti le président de la république « Si ça pète dans les banlieues, on n’est pas capable de faire face, on n’a pas les moyens de faire face, on n’a pas les hommes. »

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  • La Post-démocratie, une démocratie sans liberté ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Metamag et consacré à la question de la post-démocratie.

     

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    La Post-démocratie, une démocratie sans liberté ?

    La montée du populisme, l’hyper libéralisme, la désinformation et les manipulations électorales sont les questions abordées par les derniers best-sellers politiques internationaux comme How Democracies Die (« Comment les démocraties meurent ? ») de Steven Levitsky et Daniel Ziblatt; How Democracy Ends (« Comment les démocraties se terminent ? ») de David Runciman ou le seul ouvrage déjà traduit en français, Le peuple contre la démocratie de Yascha Mounk [L’Observatoire, Paris 2018]. Tous ces ouvrages sont imprégnés de pessimisme sur l’avenir du pire système politique, à l’exception de tous les autres, comme Churchill le définissait. En France, au contraire, nos universitaires organiques continuent d’animer des séminaires sur la démocratie.

    Le dernier rapport de Freedom House qui analyse les données de 195 pays pour évaluer leur état de santé démocratique, souligne que 2017 a marqué 12 années consécutives de détérioration globale de l’intégrité des processus électoraux en raison de facteurs tels que l’argent excédentaire dans les campagnes ou la manipulation médiatique. Selon Freedom House, l’année dernière, dans 71 pays, les droits politiques et civils et les libertés publiques ont été réduits et seulement 35 ont été améliorés. Depuis 2000, au moins 25 pays ont cessé d’être démocratiques. Pendant la guerre froide, les coups d’État ont été responsables de 75% des cas de rupture démocratique, en particulier en Afrique et en Amérique latine. Aujourd’hui, ces méthodes grossières de coup d’état militaire pour capturer le pouvoir avec la violence ont cédé la place à des stratégies beaucoup plus sophistiquées pour déformer ou déformer la volonté populaire au profit des puissants, quitte même parfois à faire revoter les électeurs (idée qui commence à prendre de l’ampleur en Angleterre face au Brexit) ou à ne pas tenir compte de leur vote (le référendum français sur la constitution européenne). Le paradoxe de cette nouvelle voie électorale vers l’autoritarisme est que les nouveaux liberticides utilisent les institutions mêmes de la démocratie de manière graduelle, subtile et même légalement pour l’assassiner.

    À l’ère du numérique, le pouvoir politique dispose désormais de multiples instruments pour dénigrer la volonté populaire sans recourir à la violence, à la répression. Dans sa large gamme d’options, le pouvoir utilise la manipulation des documents de recensement, les scandales créés de toutes pièces par « la transparence », les calendriers électoraux (les législatives post-présidentielles), l’exclusion arbitraire de candidats, le redécoupage des circonscriptions. De fait, le vol électoral parfait est celui qui est perpétré avant que les gens votent.

    Pour les politistes, il n’y a rien à redire à 2017 : les Français se sont librement exprimés, même si au final Emmanuel Macron ne représente que 15 % des inscrits. À l’échelle mondiale, seulement 30% des élections entraînent un changement de gouvernement ou un transfert de pouvoir à l’opposition. Et ce chiffre est encore plus bas dans les pays ayant un passé autoritaire récent. De fait, il n’y a pas un seul autocrate du 21ème siècle qui n’ait appris qu’il est plus facile de rester au pouvoir à travers des « exercices démocratiques », ce qui explique le paradoxe que même s’il y a plus d’élections que jamais, le monde devient moins démocratique.

    Mais fi du processus électoral désormais maîtrisé pour que la populace ne parvienne jamais au pouvoir, la post-démocratie est en train d’opérer une synthèse encore plus radicale celle de l’autoritarisme numérique et de la démocratie libérale utilisant l’intelligence artificielle et les données recueillies pour surveiller et prévenir tout dérapage oppositionnel à la vision mondialiste car le numérique ne promet pas seulement une nouvelle économie  pour réformer le monde, il promet aussi aux gouvernements de lui permettre de mieux comprendre le comportement de ses citoyens pour les surveiller et les contrôler en permanence. Cette nouvelle réalité citoyenne offrirait ainsi aux gouvernants une alternative possible à la démocratie libérale d’hier restée trop gênante parce que source d’oppositions argumentatives. Il ne s’agirait plus d’éduquer mais de formater, à la lettre une éducation non plus critique à la Condorcet mais de la confiance à la Blanquer, soit la confiance en l’autorité immuable de l’administration des choses, prélèvement à la source et contrôle du privé par impôt et compteur link en prime, par solde de toute monnaie papier, par suivi informatique des déplacements et des pensées.

    L’intelligence artificielle permettra aux grands pays économiquement avancés d’enrichir leur citoyenneté sans en perdre le contrôle. Certains pays sont déjà dans cette direction. La Chine, par exemple, a commencé la construction d’un État autoritaire en support numérique, une sorte de nouveau système politique, un système de contrôle social indolore avec l’utilisation d’outils de surveillance perfectionnés comme la reconnaissance faciale qui vise à pouvoir contrôler n’importe quel secteur turbulent de la population. Plusieurs États liés à l’idéologie numérique ont commencé d’ailleurs à imiter le système chinois. Une grande partie du XXe siècle a été définie par la concurrence entre les systèmes sociaux démocratiques, les fascistes et les communistes. On en discute encore en Gaule dans les bibliothèques du Sénat  alors que la synthèse de la démocratie libérale et de l’autoritarisme numérique se déroule sous nos yeux.

    Les gouvernements pourront censurer de manière sélective les problèmes et les comportements sur les réseaux sociaux tout en permettant aux informations nécessaires au développement d’activités productives de circuler librement. Ils mettront ainsi un terme enfin au débat politique réalisant de fait le projet libéral en son essence : la dépolitisation du monde.

    Michel Lhomme (Metamag, 14 septembre 2018)

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  • Interférences, post-vérité et post-démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré aux accusations de la CIA, largement reprises par les médias occidentaux, visant à faire passer l'élection de Donald Trump comme le fruit d'une opération de manipulation russe, orchestrée par Vladimir Poutine... Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information et directeur de recherches à l'IRIS, François Bernard Huyghe vient de publier La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015).

     

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    Interférences, post-vérité et post-démocratie

    Les accusations d'interférence russe dans les élections présidentielles américaines nourrissent un courant qui voudrait encadrer la démocratie au nom du péril démagogique et du du risque d'intoxication sur les réseaux sociaux.

    Selon le Washington Post l'essentiel est dans ces onze lignes : "Nous affirmons que le Président russe Vladimir Poutine a dirigé en 2016 une campagne d'influence contre l'élection présidentielle américaine. Les objectifs de la Russie étaient de saper la confiance publique dans le processus démocratique US, de dénigrer la Secrétaire H. Clinton et d'attenter à sa capacité d'être élue et sa capacité de devenir présidente. Nous affirmons en outre que Putin et le gouvernement russe ont développé une claire préférence nette pour le président-élu Trump. Nous avons une sérieuse assurance en ces affirmations. " Tel serait l'essentiel du rapport des services de renseignement sur la fameuse affaire du piratage russe des élections.
    Mais le même rapport consultable ici des services de renseignement n'apporte aucune preuve "forensique" comme on dit là-bas, c'est-à-dire au sens criminologique, un indice matériel qui permette d'imputer un fait à un auteur par une trace particulière qu'il aurait laissée (comme une empreinte, un enregistrement de sa voix, de l'ADN).

    Simplement cela veut dire :
    Soit que les services de renseignement US déduisent le fait que des ordinateurs du service démocrate ont été piratés par les russes à partir de de considérations générales de vraisemblance (ce serait bien leur style, ce serait bien leur intérêt !) Ou alors d'indices qui seraient faciles à contrefaire (les attaques ont été faites aux heures de bureau moscovites, il y a des bouts de code en cyrillique, cela pourrait provenir d'une adresse IP sur le territoire russe, des agences privées ou publiques soupçonnent des groupes de hackers avec des noms comme fancy bearqui sonnent très russe, etc.)
    Soit les services américains ont des preuves par des agents infiltrés ou par des enregistrements satellite ou leurs propres piratages informatiques qu'au Kremlin, Poutine a commandé cette opération à un service d'État ou à des hackers tolérés par les services d'État. Mais si cette preuve existe, elle ne peut être communiquée au risque de démolir toute l'argumentation : il serait licite de mettre un micro sous le bureau de Poutine pour prouver qu'il cherche à faire tomber H. Clinton et il serait criminel de s'emparer de mails authentiques du parti démocrate prouvant que H. Clinton reçoit les question des journalistes avant d'aller sur un plateau ou qu'elle fréquente des lobbyiste.

    Nous atteignons ici des sommets d'hypocrisie. Sur le fond nul ne doute que Poutine n'ait voulu la peau d'Hillary et vice-versa, ni qu'il existe des services d'espionnage russes, y compris dans le cyberespace, mais nul ne doute non plus que la NSA ait espionné les téléphones de trois présidents français et de Mme Merkel comme elle a consulté les mails de millions de citoyens, y compris Français. Nul ne doute pas que la Russie ne désire interférer dans les élections occidentales, mais nul ne doute pas non plus que les services américains, par leur financement, leurs services leur diplomatie, des Ong amies, leurs médias ou leurs relais idéologiques n'aient essayé d'influencer des centaines d'élection à travers le monde.

    Mais s'il y a eu intrusion électronique (hack) et non fuite de l'intérieur (leak) rien ne prouve que ce soit le fait du gouvernement russe, même si des internautes russes sont éventuellement intervenus. Rien ne prouve que ces documents soient faux (fakes), tout au contraire si la "victime" proclame qu'ils ont été prélevés illégalement, elle avoue qu'ils sont authentiques, sinon il suffirait de les dénoncer comme des forgeries.
    De l'aveu du même rapport, il n'y a aucune preuve que ce soient des services russes qui aient infecté les ordinateurs démocrates (pour mettre sur la place publique des faits scandaleux à la manière d'un journaliste d'investigation), mais il n'y en a pas non plus qu'ils aient perturbé le fonctionnement des machines électorales ou le décompte des voix (choses techniquement impossibles sans se faire prendre par un recompte et il y en a eu).

    On en revient donc au même point :
    Qui que ce soit qui ait fourni des documents à Assange et à Wikileaks qui les a révélés au public, tout repose sur la réceptivité d'une part de l'électorat à ce genre de nouvelles qui confirmait sont opinion sur la "tricheuse" Clinton et ses protections
    Nous ne savons pas de quel poids a pesé cette révélation-là, faite entre beaucoup d'autres (à commencer par celles du FBI lui-même sur les mails de H. Clinton) et ce dans les deux sens (il y a eu aussi des "leaks" sur la sexualité ou les affaires de Trump) sur les électeurs;
    Si des révélations ont eu cette influence c'est à mesure sinon de leur vérité, du moins de leur véracité ou de leur crédibilité, et parce qu'elles répondaient aux attentes d'une partie de l'électorat, notamment celui qui pense précisément que les élites sont complices et que les médias entretiennent dans le déni de la réalité.

    La vraie question n'est pas s'il y a eu piraterie informatique d'un niveau si sophistiqué que seul un État ait pu l'organiser ou si ces révélations sont favorables aux objectifs d'un État (mais si l'on va par là, les prétendues ADM de Saddam Hussein sont un meilleur exemple d'interférence par l'information) l'important est de savoir qui popularise ces contenus et comment le public les reçoit.

    Pendant la guerre froide les États-Unis ont diffusé par leurs radios transmettant au-delà du rideau de fer des nouvelles qui contredisaient les thèses soviétiques. Et cela s'appelait de la diplomatie publique. Durant les guerres de Yougoslavie et du Golfe, profitant des télévisions diffusées par satellite, ils ont imposé largement une vision de la réalité favorable à leurs interventions militaires. Il est fort possible que les Russes exercent une influence sur une fraction de l'opinion occidentale en plusieurs langues et via des médias comme Russia Today ou à travers les réseaux sociaux.
    Il y a des tentatives d'influence dans le sens est-ouest ou ouest-est : c'est indéniable.

    La question est de savoir à quel point une fraction de l'opinion vit dans la méfiance à l'égard du discours d'en haut, dans son propre pays (politiciens, experts, journalistes et tous ceux qui tentent d'imposer une vision de la réalité) et pourquoi elle adhère à un contre-discours sensé venir de l'extérieur. Traiter ces populations comme naïves, refusant d'écouter un discours raisonnable et poursuivant leurs seules passions à l'ère de la post-vérité c'est manifester un mépris de la plèbe ou une volonté de bétonner le débat sur quelques vérités indiscutables opposées à la "post-vérité" (circonstances où les faits objectifs ont moins d'influence que les appels à l'émotion ou aux opinions personnelles). C'est aussi se boucher les yeux sur quelques échecs politiques récents (Brexit, Trump, référendum italien...) en les attribuant à une causalité diabolique (les démagogues qui, devinez quoi, mentent pour raconter au peuple ce qui flatte ses instincts) ou à des traîtres et à des services d'influence étrangers.
    La pente est dangereuse qui mène ainsi à conclure que, pour que le vote du peuple soit valable, il faudrait qu'il soit protégé :
    par des services secrets qui lui révèlent combien des forces étrangères essaient de l'influencer idéologiquement (mais sans révéler comment ils l'ont su, puisque ce sont des services secrets)
    par des experts qui délimitent le cercle du débat raisonnable (en matière d'économie, de santé, de climatologie, de géopolitique) et celui des délires démagogiques
    par des médias qui vérifieraient la véracité du discours public (fact checking), chasseraient les discours de haine et ne mettraient pas toutes les opinions sur le même plan, qui éliminerait les complotistes, par exemple
    si possible par des algorithmes ou des interventions des grands du Net pour purifier la Toile des fakes et rumeurs qui la polluent.
    En somme la seule solution pour échapper aux mauvaises influences et au règne de la post-vérité, ce serait de passer à celui de la post-démocratie ?

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 8 janvier 2017)

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