Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Caroline Galactéros à Thinkerview, consacré à la situation géopolitique et à la menace de guerre... Caroline Galactéros anime GEOPRAGMA, qui veut être le pôle français de géopolitique réaliste.
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Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Caroline Galactéros à Thinkerview, consacré à la situation géopolitique et à la menace de guerre... Caroline Galactéros anime GEOPRAGMA, qui veut être le pôle français de géopolitique réaliste.
Les éditions de l'Onde viennent de publier une étude de Minoru Kitamura et Siyun Lin intitulée La Seconde Guerre sino-japonaise - Faits dérangeants. Docteur en droit et spécialisé dans l'histoire moderne et contemporaine de la Chine, Minoru Kitamura est actuellement professeur émérite à l'Université Ritsumeikan de Kyoto. Docteur en ingénierie et travaillant dans une grande entreprise japonaise, Siyun Lin est d'origine chinoise.
" Cet ouvrage présente une analyse critique de la Seconde Guerre sino-japonaise, abordant des aspects souvent négligés dans les études traditionnelles. Les auteurs explorent les causes profondes du conflit, en mettant en lumière la rivalité historique entre la Chine et le Japon dans leur quête de modernisation et de puissance militaire. Ils révisent la perception habituelle de cette guerre, en présentant le rôle actif de la Chine dans l'escalade du conflit, tout en soulignant les tentatives diplomatiques du Japon pour éviter une guerre prolongée. L'étude s'appuie sur des sources chinoises et japonaises et offre une révision nuancée de cet événement historique complexe. "
Les éditions Auda Isarn viennent de publier le récit de Filippo Tommaso Marinetti intitulé La Bataille de Tripoli. Écrivain, Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) a été le fondateur et le chef de file du futurisme. Il est notamment l'auteur du Manifeste du futurisme (1909) et du roman intitulé Mafarka le futuriste.
" Le 5 octobre 1911, le drapeau italien flottait sur le port ottoman de Tripoli de Barbarie. La guerre italo-turque pour la possession de la Libye avait commencé. Filippo Tommaso Marinetti était du voyage. Agitateur-né, le chef de file du mouvement futuriste ne cachait pas son nationalisme agressif ; au contraire, il le claironnait. « Pour la guerre, seule hygiène du monde et seule morale éducatrice. » C’est en ces mots, qu’on retrouve dans sa préface à La Bataille de Tripoli (en fait, un extrait du manifeste de 1909), que Marinetti exhortait ses compatriotes à se réjouir de partir à la guerre, en artistes et en civilisateurs. C’est aussi dans cet état d’esprit qu’il fit ses bagages et prit le bateau, direction la Libye et le front des troupes italiennes.
« Sa » bataille, Marinetti la livra dans sept articles au journal parisien L’Intransigeant, écrits à chaud et publiés sous forme de feuilleton du 25 au 31 décembre 1911, avant d’être édités aux Edizioni Futuriste di « Poesia » de Milan en 1912. Telle qu’il la raconterait – la chanterait –, la guerre italo-turque se muerait en une guerre encore jamais lue : la première guerre « vraiment futuriste ».
Que Marinetti peigne la beauté des paysages toujours changeants du désert ou qu’il décrive les scènes de guerre auxquelles il assiste, ces pages restituent avec une intensité rare le chaos des batailles vécu de l’intérieur.
(Préface de Laurent Schang.) "
Les éditions de la Nouvelle Librairie, en collaboration avec l'Institut Iliade, viennent de publier un court essai d'Aristide Leucate intitulé Polemos notre père - Connaître la guerre, d’Héraclite à Julien Freund.
Docteur en droit, journaliste et essayiste, Aristide Leucate est déjà l'auteur de Détournement d'héritages - La dérive kleptocratique du monde contemporain (L'Æncre, 2013), d'un Carl Schmitt (Pardès, 2017), d'un Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Dualpha, 2018), de Carl Schmitt et la gauche radicale - Une autre figure de l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2021), d'un Dumézil (Pardès, 2021) et de Aux temps de la justice - En quête des sources pures du droit (La Nouvelle Librairie/Institut Iliade, 2023).
" Vouloir éradiquer la guerre relève du vœu pieux. Aussi doit-on étudier la guerre comme n’importe quel phénomène humain et comprendre ses fondements anthropologiques. Telle est la tâche que s’est assignée Aristide Leucate dans cet essai. S’appuyant sur des penseurs aussi divers que Saint Thomas, Clausewitz, Jünger ou Julien Freund, par exemple, il nous permet d’approcher et de saisir la nature de la guerre, au-delà de toute considération moralisante. "
Les éditions Perrin viennent de publier une étude biographique de Jean Lopez intitulée Heinz Guderian - Le maître des panzers.
Directeur de la rédaction de Guerre & Histoire, Jean Lopez est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire militaire consacrés au conflit germano-soviétique, dont, avec Lasha Otkhmezuri, le remarquable Barbarossa (Passés composés, 2019).
" Guderian : l'homme vêtu de l'uniforme noir des troupes blindées qui a crucifié la France en 1940, à Sedan, avant de marcher sur Moscou. C'est à lui que Hitler doit ses divisions Panzers qui ont fait trembler le monde. C'est vers lui, en 1944, quand tout ira mal, qu'il se tournera à nouveau pour conjurer la défaite.
Visionnaire de la guerre moderne, Guderian était prêt à tout pour conserver le premier rang : il était, par exemple, un menteur, un homme odieux avec ses collègues, égoïste. Mais un maître stratège et un guerrier de premier ordre. Ayant servi le régime le plus criminel qui soit, il s'en tire sans la moindre peine lors des procès de Nuremberg. Cette impunité méritait son enquête.
La vie de cet homme est aussi un fil rouge pour comprendre les illusions d'une Allemagne qui, à deux reprises, a tenté, en vain, de s'élever au rang de première puissance mondiale.
La biographie de référence, fondée sur de nouvelles sources (les 3 000 pages de correspondance de Guderian avec son épouse Margarete écrites entre 1912 et 1948) et une maîtrise totale de la documentation, écrite d'une plume alerte par le meilleur spécialiste. "
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré aux déclarations guerrières du Président de la République. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.
« Hâtez-vous, généreux guerriers… »
Il eut été logique qu’il revêtit un uniforme, tel de Gaulle en 1960, ou se présentât en pull kaki, tel Zelensky depuis trois ans : le 5 mars dernier Emmanuel Macron nous a déclaré que « nous rentrons (sic) dans une nouvelle ère », que « la Russie est devenue au moment où je vous parle et pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe » et que, « quoi qu’il en advienne, il nous faut nous équiper davantage ».
Il nous faut donc accroître notre effort militaire, nous réarmer, nous remilitariser. Soit. Mais les conditions dans lesquelles les modalités de cette remilitarisation sont annoncées surprennent.
1/ Rappelons-nous tout d’abord qu’en juin 2022 le même Macron avait déclaré, en inaugurant le salon de Satory, que « nous allons durablement devoir nous organiser… dans une économie de guerre ». Pourquoi donc tenir en 2025 des propos voisins de ceux de 2022 ? La réponse est évidente : parce que nous ne sommes pas passés en « économie de guerre ». Certes, la production des célèbres canons Caesar a été multipliée par trois, mais il s’agit là d’une brillante exception : aucune commande massive n’a été passée aux entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) et les industriels, ne sachant quand les commandes leur seraient passées, et même si elles le seraient, n’ont pas accru leur outil de production. Le gouvernent n’a-t-il pas voulu faire le nécessaire, ou ne l’a-t-il pas pu ? Et pourquoi le voudrait-il maintenant, ou le pourrait-il ? Le président de la République a, le 17 mars, annoncé l’acquisition de trente Rafale supplémentaires : quand les commandes seront-elles passées ?
C’est que les armes coûtent cher et que nous sommes démunis. E. Macron a présenté comme une grande victoire l’autorisation donnée aux Etats par Ursula von der Leyen d’augmenter, au-delà des limites permises jusqu’alors, leur déficit budgétaire pour financer, dans la limite de 1,5 % du PIB, leurs dépenses militaires. Curieuse victoire : autorisation ou pas, un tel accroissement augmentera une dette qui est dès aujourd’hui explosive. Réjouissons-nous donc comme le ferait un malade qui, alors qu’il a 40 degrés de fièvre, s’entendrait dire pas son médecin qu’un traitement ne lui sera nécessaire que lorsque sa température atteindra 41,5 degrés. Autre « victoire » étonnante : la décision annoncée par la même van der Leyen d’emprunter au niveau communautaire 150 M€ pour allouer des prêts bonifiés aux Etats [1]. Pour s’en réjouir il faut oublier que la France finance 17 % du budget européen, si bien que l’amortissement du nouvel emprunt communautaire se traduira par une augmentation de la contribution de la France à ce budget. Alors qu’un député européen, rapporteur du budget, a récemment remarqué que « nous n’avons toujours pas clarifié comment nous allons rembourser le grand emprunt commun qui a financé le plan de relance post Covid », ajouter une couche d’emprunt communautaire est-il si enthousiasmant ?
Ne se trompe-t-on pas, d’ailleurs, de cible ? Un récent audit [2] indique que « les entreprises… présent(ent) une structure financière et économique plus fragile dans la BITD que dans le reste de l’économie, avec des marges plus faibles, une capacité moindre à créer de la valeur, un endettement plus élevé et une potentielle sous-capitalisation ». Ce ne sont point tant les subventions et prêts qui sont nécessaires que des augmentations de capital. D’où la création par BPI France d’un nouveau fonds spécialisé destiné à accueillir l’épargne des particuliers ; mais, les généreux donataires, qui seront « collés » pendant cinq ans, ne bénéficiant en échange d’aucun avantage fiscal ou autre, on peut craindre que ce nouvel outil ne séduise guère et n’ait que des vertus d’affichage. D’où l’appel adressé aux fonds d’investissement privés afin qu’ils contribuent à l’effort demandé à la nation.
Le problème est que ces fonds interviennent au sein d’un écosystème financier auquel on demande de privilégier les investissements « verts » luttant contre le changement climatique et répondant aux critères ESG [3], et que les bureaucrates et les bonnes consciences ont classé la Défense dans la catégorie des parias. Le sujet est connu depuis longtemps [4] et la Commission comme le gouvernement reconnaissent la nécessité d’agir. Mais les actions concrètes se font attendre. La « taxonomie » qui, comme l’a fait remarquer le Délégué Général à l’Armement, « classe la Défense dans la même catégorie que la pornographie », et les directives européennes incitant les fonds à investir dans des domaines dont la Défense est exclue, n’ont pas été modifiées ; les PME et ETI du secteur qui cherchent à financer leurs besoins en fonds de roulement s’entendent dire par leurs banques qu’elles ne satisfont pas les critères d’investissement responsable ; la BEI (Banque Européenne d’Investissement) envisage d’étendre son champ d’action mais se refuse à financer la fabrication de munitions et armes létales (on se croirait revenu en 1981, lorsque F. Mitterrand inaugurait le salon aéronautique du Bourget après avoir demandé que les avions et hélicoptères soient présentés désarmés). Aussi le « monde de la finance » semble-t-il considérer que les déclarations ne suffisent pas : Euronext a prévenu, à la mi-mars, Airbus, Safran et Thales qu’il allait les exclure du CAC 40 ESG et n’y a renoncé qu’au dernier moment ; Ardian et Eurazeo affirment refuser tout investissement dans la Défense, la seconde se référant explicitement à la problématique ESG. Restent les fonds spécialisés de Tikehau et Weinberg mais ceux-ci n’ont pas attendu ces dernières semaines pour se mobiliser et ne suffiront pas à dégager les sommes nécessaires.
Les conditions financières d’une politique de réarmement ne semblent donc pas réunies aujourd’hui. Mieux vaudrait faire moins d’annonces et de grand-messes et, d’une part supprimer les freins aux investissements dans l’industrie de défense (c’est-à-dire modifier les textes ESG), d’autre part créer les conditions d’un financement durable (c’est-à-dire non pas à contractant de nouvelles dettes, mais en réduisant ou supprimant enfin les dépenses publiques inutiles ou inefficaces – comme nos voisins l’ont fait).
2/ Par ailleurs, il ne suffit pas d’avoir des matériels performants, encore faut-il disposer des personnels pour les utiliser. L’armée peine, aujourd’hui, à fidéliser ceux qui la servent. Que compte-t-on faire pour qu’on y parvienne désormais ?
3/ Le 5 mars dernier, E. Macron a également déclaré que « L’Europe de la Défense, que nous défendons depuis huit ans, devient donc une réalité ». Encore une grande victoire de la France, doit-on comprendre.
Notre pays dispose de nombreux éléments légitimant une place fondamentale dans cette « réalité » encore bien irréelle : une armée de militaires aguerris et maîtrisant les technologies de pointe (sans doute la seule armée digne de ce nom en Europe) ; des industriels de premier plan dans chaque domaine, s’appuyant sur un riche réseau de sous-traitants ; la possession de l’arme nucléaire. On aurait pu penser que la France aurait cherché, pour le bien de l’Europe comme celui du pays, à valoriser ces trois éléments et à faire de la reconnaissance de la préférence communautaire un préalable à toute action de sa part ; il semble qu’elle ait adopté une autre posture et préféré une approche institutionnelle. E. Macron semble chercher à la fois à porter au niveau communautaire les responsabilités aujourd’hui exercées avec efficacité au niveau national et à prendre la tête, avec la Grande-Bretagne, d’un étrange groupement de pays bien incapables d’influer sur le cours des évènements.
Cette approche est particulièrement étonnante pour ce qui concerne l’arme nucléaire, pour laquelle la président a indiqué que, « répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, (il a) décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen ». Depuis l’origine il est acquis – le général de Gaulle l’a dit explicitement – que l’intérêt vital national ne se limite pas aux frontières du pays et prend en compte les menaces pesant sur nos voisins. Mais s’étend-il à l’ensemble du « continent européen » ? Faut-il associer explicitement « nos alliés », et sans doute la Commission, aux décisions ? Suffit-il d’affirmer que « quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du Président de la République, chef des armées », pour échapper à la mécanique communautaire et être en mesure d’agir rapidement ? Pourra-t-on reconnaître qu’on « protège » un pays et lui interdire de « décider » son sort ? Ne sera-t-on pas obligé de formaliser a priori les cas de recours à l’arme nucléaire, alors que l’incertitude sur l’usage de l’arme est une condition de son efficacité, de la dissuasion ? Serait-il normal que nos voisins bénéficient soudain d’un outil financé depuis cinquante ans par les seuls contribuables français ?
Tout cela est bien étonnant, et bien inquiétant.
4/ Certains commentateurs voudraient chanter, comme dans l’opéra Dardanus de Rameau :
« Il est temps de courir aux armes,
Hâtez-vous, généreux guerriers,
Allez, au milieu des alarmes,
Cueillir les plus brillants lauriers ».
Ne faisons pas trop de théâtre : n’oublions pas que dans la vraie vie il y a de vrais soldats et de vraies morts.
N’oublions pas non plus que, si elles ont une frontière à l’Est, l’Europe et en particulier la France ont aussi une frontière au Sud.
Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 30 mars 2025)
Notes :
[1] Ces prêts ne pourront bénéficier qu’à des projets associant plusieurs Etats. Cela laisse augurer de jolis délais pour mettre en œuvre ce programme au bel acronyme : SAFE, pour Security Action for Europe.
[2] Réalisé par le Trésor et l’Observatoire économique de la Défense. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/ea3a6a07-04a8-4ec4-af34-1d066bd794af/files/8293e924-b180-4aa4-9575-06331ed76b0f
[3] Critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
[4] Voir mon article du 20 mai 2024 : https://geopragma.fr/drole-deconomie-de-guerre/