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courage

  • Discours sur le courage...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un court essai de Johann Gottlieb Fichte intitulé Discours sur le courage. Philosophe, Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) est un des grands noms de la pensée allemande et, également, une des figures de proue du nationalisme allemand avec ses Discours à la nation allemande.

     

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    " Dans le panorama de la pensée allemande, Fichte occupe une place à part. Entre Kant, Schelling et Hegel, il a jeté les bases de l'idéalisme allemand et donné des ailes au pangermanisme, surtout dans ses Discours à la nation allemande (1807-1808), d'où est tiré ce volume. Il s'y fait tribun de la nation pour que l'Allemagne soit la tribune des nations. Mais nul besoin d'être un compatriote de Fichte pour y trouver une source d'inspiration. Le propre de ce Discours sur le courage est de se réactualiser en permanence. Fichte ne s'adresse pas seulement à la nouvelle génération qui voit alors le jour outre-Rhin; il écrit pour toutes les nouvelles générations, pour toutes les époques, pour tous les peuples. Le courage est le catalyseur des renaissances, nous exhorte-t-il. Il annonce des aubes nouvelles. Ce livre en est une. "

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  • Un besoin de réenracinement...

    Nous reproduisons ci-dessous un  entretien donné par l'économiste Guillaume Travers au laboratoire d'idées Droite de demain à l'occasion de la publication de ses essais Capitalisme moderne et société de marché : l’Europe sous le règne de la quantité et Économie médiévale et société féodale : un temps de renouveau pour l’Europe aux éditions de La Nouvelle Librairie.

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    Guillaume Travers, « Il y a un double besoin de réenracinement »

    Votre ouvrage traite notamment de l’apparition du capitalisme que vous opposez au féodalisme de l’époque médiévale, quels sont les rouages du système économique féodal ?

    Dans une large mesure, le système féodal est un contre-modèle par rapport au capitalisme libéral que nous connaissons aujourd’hui. Ses caractéristiques principales, que je mets en évidence dans un précédent livre (Économie médiévale et société féodale), sont les suivantes. C’est d’abord un monde de communautés, et non un monde d’individus. Les échanges économiques et les relations sociales sont donc toujours mises au service d’une vision du bien commun ; à l’inverse, notre époque veut laisser libre cours à tous les désirs individuels. Le monde féodal est en outre profondément terrestre, enraciné, et très largement rural. Le grand commerce demeure totalement périphérique ; les multiples communautés locales vivent dans une autarcie relative. Enfin, c’est un monde où la richesse est toujours mise au service de fins jugées plus hautes : le courage militaire, la sagesse religieuse. Les deux figures tutélaires du monde médiéval sont le saint et le chevalier, pas le financier qui accumule de grandes richesses.

    Est-ce que ce n’est pas aussi la montée de l’individualisme qui rend totalement impossible un retour vers une économie du bien commun ?

    Historiquement, le délitement de ce monde féodal est indubitablement lié à la montée de l’individualisme. Entendons-nous sur les mots : par individualisme, je n’entends pas seulement un trait psychologique qui pousse à l’égoïsme, mais une révolution dans la manière de penser l’homme. L’époque moderne est la seule qui en soit venue à considérer que l’individu précède toute communauté, que les appartenances et les enracinements ne sont que secondaires. Est-ce à dire que le retour vers une économie du bien commun soit impossible ? Je ne le crois pas. Il y a certes beaucoup de chemin à parcourir. Mais je crois qu’une série de crises pousseront les individus à recréer des communautés : crise sécuritaire, crise identitaire, crise écologique, etc. 

    Le délitement de la nationalité, du patriotisme, la déconstruction des communautés humaines, ne sont-elles pas aussi responsables des comportements individualistes ?

    C’est le problème de l’œuf et de la poule. Historiquement, les attaches communautaires ont été fortes partout, et d’une grande diversité : communautés de métiers, communautés villageoises et urbaines, confréries religieuses, etc. L’individualisme s’est affirmé contre ces communautés, proclamant qu’elles étaient illégitimes, qu’elles entravaient la « liberté » de l’individu. Mais l’inverse est aussi vrai : au fur et à mesure que ces communautés s’affaiblissent, qu’elles jouent de moins en moins leur rôle organique dans la vie des hommes, alors les individus sont portés à s’en détacher. Mais il me semble que ce processus touche aujourd’hui ses limites : la crise identitaire qui traverse toute l’Europe témoigne d’un besoin d’appartenance, de réaffiliation. Quand nombre de nos contemporains sombrent dans la consommation de masse, et croient s’affirmer en portant un vêtement de telle ou telle marque, ils ne font que témoigner d’un besoin latent d’appartenances plus structurantes. 

    Peut-on réellement retrouver un esprit de vivre selon ses besoins à l’opposée de l’accumulation de richesse ? Au-fond n’est-ce pas tout simplement dans l’ADN de l’Homme de vouloir accumuler, posséder ?

    L’idée selon laquelle l’homme aurait de tout temps été un pur égoïste entravé par les contraintes de la société est le postulat central de la philosophie libérale. La liberté individuelle serait un état originaire, et tout le reste (institutions, traditions, coutumes, etc.) serait purement artificiel : c’est ainsi que l’époque moderne prétend « libérer » l’individu en déconstruisant tous ces héritages. Tout cela est ridicule, dès lors que l’on se tourne vers l’histoire. Pendant la plus grande partie de leur histoire, les hommes ne se sont jamais représentés comme des individus tournés vers leurs seuls intérêts matériels. Cette idée de l’homme préoccupé uniquement par ses intérêts est une création finalement très récente dans l’histoire longue des idées et des mentalités. 

    Le retour vers le localisme est-il le symptôme d’une prise de conscience des dérives d’un néolibéralisme incontrôlable ?

    Je crois que cela témoigne d’un double besoin de réenracinement. On connaît la phrase célèbre de Christopher Lasch, que je crois très juste : « le déracinement déracine tout, sauf le besoin de racines ». Dans un monde où tous les repères ont été déconstruits, délégitimés, il y a un besoin de retrouver du sens. S’enraciner dans une ville, dans un village, prendre part à une communauté, est un moyen de redonner du sens à son quotidien. Acheter en grande surface des légumes importés, ou se les procurer auprès d’un voisin paysan, ce n’est pas la même chose. Derrière le localisme, il y a aussi la prise de conscience des déséquilibres écologiques, qui menacent jusqu’à notre vie. Je ne parle pas tant du réchauffement climatique que de la pollution des sols et des eaux, de la contamination de l’alimentation, des perturbateurs endocriniens, etc. 

    Vous êtes critiques envers le libéralisme dans vos ouvrages, mais n’est-ce pas le système économique le plus égalitaire dans l’accession aux ressources ? Surtout, ne doit-on pas différencier le libéralisme classique du néolibéralisme mondialisé ?

    Sur les différents types de libéralisme, je suis très sceptique. L’un mène nécessairement à l’autre. Une fois que l’on proclame que l’individu est supérieur au collectif, il lui est supérieur en tout. Si on dit que le monde n’est composé que d’individus, alors il est naturel que tout ce qui reste de distinctions soit progressivement balayé : il n’y a plus lieu de faire de différence entre Africains et Européens, car tous ne sont que des individus ; il n’y a plus lieu de faire de différence entre hommes et femmes, car tous ne sont que des individus abstraits, etc. En d’autres termes, la pente du libéral-conservatisme est glissante, et souvent pétrie de contradictions. Ceci dit, être anti-libéral ne veut pas dire que l’on nie tout concept de liberté, bien au contraire. Je pense par exemple que, à l’heure actuelle, tout ce qui relève du petit commerce et de l’artisanat est étouffé par des contraintes qu’il serait bon d’alléger. Mais cela ne fait pas de moi un libéral, en tout cas pas au sens philosophique. 

    Quelles sont les valeurs du féodalisme qui peuvent, selon-vous, inspirer la droite de demain ?

    Un écueil serait de vouloir simplement revenir en arrière, au Moyen-Âge ou à quelque autre époque. La volonté de restaurer le passé, quand bien même elle peut être touchante, est fondamentalement impolitique : cela n’arrivera pas, et s’accrocher à ce rêve est vain. En revanche, les valeurs héritées du passé, les structures mentales, les manières de penser l’homme et la société qui ont été propres au monde féodal peuvent nous inspirer. Je crois qu’il nous faut réapprendre à placer nos intérêts en tant que communautés avant nos intérêts individuels. Cela touche à tous les aspects du quotidien : soutenir les producteurs enracinés contre la grande distribution ou Amazon, etc. Cela signifie aussi renouer avec les valeurs traditionnelles – le courage, etc. – plutôt que de valoriser le seul confort que donne le bien-être matériel. S’il y a une droite de demain, elle ne doit pas être comme une bonne part de la droite actuelle : bien trop souvent une droite bourgeoise, qui préfère le confort au courage, ses intérêts matériels à ce qui n’a pas de prix.

    Guillaume Travers, propos recueillis par Paul Gallard (La Droite de demain, 15 février 2021)

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  • Le courage face au mensonge...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo d'Ego Non qui présente l’œuvre d'Alexandre Solenitsyne au travers du thème du refus du mensonge, qu'il a développé notamment dans son texte Le déclin  du courage.

     

                                             

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  • Soljenitsyne avait tout prévu !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Bilger, cueilli sur Justice au Singulier et consacré au déclin du courage dans la France d'aujourd'hui. Ancien magistrat, Philippe Bilger est notamment l'auteur de récits ou d'essais comme 20 minutes pour la mort (Rocher, 2011) ou Contre la justice laxiste (L'Archipel, 2014).

     

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    Soljenitsyne, vous aviez tout prévu !

    Dans son discours de Harvard en 1978, Alexandre Soljenitsyne (AS) avait énoncé cette pensée forte : "Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l'Occident d'aujourd'hui".

    Qu'aurait-il dit alors de la France de 2020 ?

    On me pardonnera de me glisser tout petit dans l'ombre de ce géant mais cela fait des années que dans toutes mes interventions, spontanément ou en réponse, je souligne que le manque de courage, singulier et/ou collectif, est la plaie fondamentale de notre pays, de ses pouvoirs et de sa démocratie.

    Je laisse évidemment de côté l'admirable courage de nos militaires qui risquent leur vie sur des terrains d'opérations où leur présence est nécessaire et, par décence républicaine, indiscutée.

    Même avec cette exclusion, il reste tant d'exemples de ce déclin pressenti par AS que je vais me livrer à un inventaire disparate mais qui peu ou prou sera à chaque fois caractéristique d'une faillite de cette vertu capitale.

    Un mot sur les mille épisodes de la vie sociale, de la sphère privée où l'invocation de la politesse, de la considération d'autrui et de la tolérance n'est que le masque qui sert à déguiser la faiblesse de la personnalité, son inaptitude à user d'une forme courtoise pour exprimer un fond vigoureux. Il y a une manière, dans nos existences, de dénaturer la courtoisie en la prenant comme prétexte à l'insignifiance.

    Mais le vrai, l'authentique courage est de ne pas hurler avec les loups après ou, avant, quand on est assuré d'un soutien majoritaire.

    Il est de ne pas systématiquement rétracter son opinion, sa conviction de la veille parce que la polémique, aussi injuste qu'elle soit, vous donne mauvaise conscience et qu'on préfère avoir tort avec beaucoup que raison tout seul.

    Il n'est pas d'avoir une liberté à géométrie variable et de l'adapter à la qualité et et à l'importance des contradicteurs, à l'intensité médiatique, à l'emprise de la bienséance, au souci moins de la vérité que de la décence imposée par d'autres.

    Il n'est pas de se sentir tenu par l'obligation impérieuse et lâche, pour justifier l'absence de crachat sur le RN, de révéler qu'on ne votera jamais pour lui ou, pour avoir le droit de parler librement de Vichy, de Pétain et de l'Histoire de cette période - comme Eric Zemmour récemment - de montrer patte blanche en précisant, ce qui va de soi pour lui, qu'on n'est ni négationniste ni révisionniste. Le courage est d'oser exister sans filet de sécurité.

    Le courage n'est pas de flatter la Justice en la persuadant qu'elle a la moindre légitimité pour trancher les controverses historiques en apposant sur elles les gros sabots d'une législation ayant sacrifié les nuances et la complexité.

    Il n'est pas non plus de haïr la personne au lieu de combattre ses idées et de se vautrer dans le sommaire d'un langage appauvri pour massacrer une civilisation du dialogue, de ressasser l'humanisme pour faire l'impasse sur ses exigences concrètes.

    Le courage n'est pas de dévoyer le "en même temps", de le faire passer d'un moyen de plénitude intellectuelle à la déplorable rançon d'un esprit qui ne sait pas assumer ses choix et leurs conséquences.

    Quand le président de la République, effrayé par ce qu'il a pourtant initié ou déclaré - par exemple pour l'écologie avec la convention citoyenne, contre la police lors de l'entretien sur Brut - dès le lendemain cherche à se sauver la mise, il est aux antipodes du courage. Le Beauvau de la sécurité, qui pourtant en soi n'est pas une mauvaise idée, est gâché parce qu'il est gangrené par la repentance.

    Par le désir pusillanime de se renier ou de proposer un événement seulement pour atténuer le choc de la démagogie antérieure.

    Le courage n'est pas non plus de prendre, par démagogie, les communautés les unes après les autres - "les jeunes puis le troisième âge..." - et de remplacer l'adresse à la France unie, aussi difficile que soit un verbe rassembleur, par une exploitation de ses "segments" (selon Arnaud Benedetti).

    L'autorité de l'Etat, impartiale et digne de ce nom est aujourd'hui une immense béance parce que les coups de menton sans effet servent une frilosité politique qui n'a pas à s'accommoder du réel, encore moins à combattre ce qu'il a de pire. Le courage a ceci de douloureusement honorable qu'il discrimine, stigmatise, sanctionne et n'attend pas forcément l'estime. Il est le contraire de ce dans quoi notre France, notre monde aiment se lover : l'éthique verbeuse, l'illusion de l'action.

    Je pourrais continuer à égrener, dans tous ces secteurs, social, politique, médiatique, culturel et judiciaire, les signes d'une démocratie qui non seulement n'essaie même pas, dans une tension éprouvante, de se mettre à la hauteur de cette splendide vertu mais la fuit parce qu'elle exige trop de soi, de nous, de ceux qu'on a élus, de ceux qui nous gouvernent, de celui qui préside.

    Soljenitsyne avait tout prévu et je n'ose imaginer la stupéfaction indignée de ce héros du XXe siècle face à l'état de l'Occident, au délitement de la France. 42 années ont passé depuis son discours de Harvard et son pessimisme d'alors est devenu la lumière sombre de notre temps.

    Faut-il, pour toujours, faire son deuil du courage ?

    Philippe Bilger (Justice au singulier, 13 décembre 2020)

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  • Il est des valeurs supérieures à la vie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur son blog Bonnet d’âne et consacré à l'oubli des valeurs qui dépasse celle de la vie. Normalien et agrégé de lettres, ancien professeur de classes préparatoires, Jean-Paul Brighelli est un polémiste de talent auquel doit déjà plusieurs essais comme La fabrique du crétin (Folio, 2006), A bonne école (Folio, 2007), Tableau noir (Hugo et Cie, 2014), Voltaire et le Jihad (L'Archipel, 2015) ou C'est le français qu'on assassine (Blanche, 2017).

     

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    Cambronne et le dernier carré de la Garde à Waterloo

     

    Et moi, et moi, et moi

    Je ne sais quand la Vie est devenue la valeur suprême. Ce n’était pas le cas certainement durant la dernière guerre, où tant de résistants mettaient la patrie et le combat contre l’occupant bien au-delà de leur conservation propre. La longue paix qu’à peu de choses près a connue l’Europe depuis 1945 est peut-être la cause de cet amollissement progressif — encore que la Guerre froide ait maintenu longtemps l’idéologie de la victoire, devant le souci épidermique.
    Il ne faut peut-être pas remonter au-delà de la chute du Mur, en 1989, pour trouver le point de départ de l’Ego triomphant. Francis Fukuyama avait vu juste sur un point : proclamer, comme il l’a fait, la « fin de l’Histoire » revenait à promouvoir désormais les valeurs du capitalisme triomphant : toujours plus, et tout pour ma gueule.
    C’est à peu près l’époque où l’on a commencé à seriner le refrain désormais familier — « les temps ont changé », leitmotiv de toutes les compromissions, et de toutes les démissions.

    Elle est loin, l’époque où Corneille écrivait dans Horace :
    « Mourir pour le pays est un si digne sort
    Qu’on briguerait en foule une si belle mort ».
    Loin, l’époque où Marie-Joseph Chénier affirmait, dans le Chant du départ :
    « La République nous appelle
    Sachons vaincre ou sachons périr!
    Un Français doit vivre pour elle,
    Pour elle un Français doit mourir. »
    Loin, le champ de bataille de Waterloo, où Cambronne a dit ou n’a pas dit « Merde » au colonel anglais qui lui suggérait de se rendre.
    Et nous nous moquons gentiment (et parfois pas gentiment) de ces Français partis la fleur au fusil en août 14. Etaient-ils bêtes ! Demandez à des étudiants contemporains s’ils supporteraient, comme Jean Moulin, une petite quinzaine avec Klaus Barbie… S’ils pourraient simplement l’envisager…
    Et le Che est vraiment mort pour rien, malgré Carlos Puebla et Nathalie Cardone… D’aucuns l’arborent encore sur leurs tee-shirts, pour mettre au chaud leur cœur de poulet.

    Tous pacifistes désormais. Pacifistes comme Marcel Déat, député SFIO puis chef du Rassemblement National Populaire en 1941, en fuite à Sigmaringen avec le dernier carré des ultra-collaborationnistes, condamné à mort par contumace en 1945 et finissant sa vie en cavale permanente en Italie. Aujourd’hui, tous Déat, tous béats.

    Dans les années 1950-1980, Ian Fleming puis John Le Carré mettent en scène des agents secrets prêts à mourir pour combattre le KGB, qui en avait autant à leur service. Mais c’est loin, tout ça. C’est du cinéma.
    Désormais, la peur de mourir — et même la peur de tomber malade — régit nos existences. Un éternuement est suspect. Votre voisin, hostile au flicage via les portables ou les drones, est suspect. La petite fille qui joue dans la cour de l’école est suspecte. Et dénoncée — parce que pour les dénonciations, nous sommes restés imbattables. À la fin de la guerre la Gestapo ne les lisait même plus — et les forces de l’ordre aujourd’hui protestent devant tous ces bons confinés qui encombrent le 17. En vain.
    Et ce qui m’épate, c’est que ça n’épate personne.

    J’ai déjà parlé, ici-même, de la décision des derniers survivants de la Horde sauvage, qui pourraient se barrer, en vie et les poches pleines, et décident, sur un mot — « Let’s go ! » — d’aller à quatre affronter 500 hommes. Ou de cette réplique de Bogart dans Key Largo, répondant à Lauren Bacall qui lui demande pourquoi il va à la mort : « I have to ». Un homme, un vrai, ça s’oblige.
    Des programmes scolaires repensés dans le sens de la fraternité universelle et du « vivre ensemble » ont éliminé le modèle héroïque. Roland à Roncevaux, choisissant de se battre plutôt que de fuir devant 500 000 Sarrasins, Rodrigue combattant les Maures, Cyrano se jetant dans la bataille à la fin du IVe acte, ou Lord Jim, trébuchant une première fois sur le chemin de la bravoure et de l’honneur, nobody’s perfect, et consacrant le reste de sa vie à restaurer cette self-esteem mise à mal par sa couardise, jusqu’à en mourir — tous aux poubelles de l’Histoire.

    Il est des valeurs supérieures à la vie — d’autant que la valeur en soi de la vie, si brève ou aussi longue soit-elle, n’apparaît guère à un épicurien sûr de lui. La liberté, la nation, l’honneur sont des valeurs. Et, pour un enseignant, la transmission de la culture.
    Et pas n’importe laquelle. La démagogie consistant à inventer une contre-culture, qu’elle vienne des jeunes en général ou des banlieues en particulier, est une fumisterie de premier ordre. Y a-t-il une contre-culture mathématique ? Une contre-langue ?
    Flatter les dérives des uns et des autres participe de la même extinction des valeurs — pendant que les élites, qui reconnaissent fort bien la valeur de l’héritage, inscrivent leur progéniture dans des établissements ultra-traditionnels.

    Les pays qui ont encore des valeurs autres que la vie nous donnent l’exemple — et curieusement, ce sont ceux qui résistent le mieux à l’épidémie en cours. Au Japon, même les voyous ont un code d’honneur qui leur fait se couper le petit doigt pour tenter de racheter leurs fautes. Et encore, c’est une dérive par rapport à l’ancien code samouraï, qui malgré l’ère Meiji et l’américanisation d’après 1945 imprègne leur culture. Les pays qui ont le plus vaillamment résisté à la présente épidémie ont des valeurs communes supérieures à l’idée, souvent exagérée, que chacun se fait de soi et de la valeur de son existence propre.

    Je suis effaré des comportements d’aujourd’hui. Risque zéro ! disent-ils. Mais le risque zéro n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais. Faut-il rester confiné ad vitam aeternam ? Exiger un minimum vital, certes — inutile de mourir pour rien. Exiger des tests, des masques, des savons dans les toilettes des collèges, certainement. Mais…

    Mais se calfeutrer comme des rats ; admettre que l’on vous suive à la trace ; admettre de bon cœur, ou même à contre-cœur, que les plages restent fermées cet été ; suggérer qu’une génération entière n’aille plus en classe avant qu’un vaccin nous prémunisse de tout risque — jusqu’au prochain virus ; tolérer que nos parents âgés meurent solitaires dans les EHPAD, et partent en vrac au cimetière — si vous en êtes là, vous n’êtes même plus des hommes.

    À la fin du très beau film qu’Agustín Díaz Yanes a tiré en 2005 de la série des aventures du capitaine Alatriste d’Arturo Perez-Reverte, le duc d’Enghien — le Grand Condé — propose aux derniers survivants de l’ultime tercio de se retirer dans l’honneur, avec leurs armes et leurs drapeaux, avant la dernière charge. Les éclopés remercient, et refusent — « ese es un tercio español », disent-ils ; et l’honneur, ça oblige. « Oui, mais c’était une autre époque », diront les plus bêlants de mes contemporains. Pff…

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 21 avril 2020)

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  • Sans courage, nous sommes morts !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la présentation par François Bousquet de son ouvrage Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019). Journaliste, essayiste et polémiste talentueux, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015) et La droite buissonnière (Rocher, 2017).

     

                                      

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