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  • Relire Clausewitz et penser la guerre...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Passé présent de TV Libertés, diffusée le 12 mars 2023 dans laquelle Guillaume Fiquet reçoit Pierre Le Vigan pour évoquer la guerre, constante de l'histoire, pensée par Clausewitz, qui plus que jamais se rappelle à nous.

    Philosophe et urbaniste, Pierre Le Vigan, qui vient de publier Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne, est également l'auteur de plusieurs essais comme Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et Le coma français (Perspectives libres, 2023).

     

                                          

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  • Les limites de la guerre...

    Les éditions mare & martin viennent de publier un essai d'Olivier Zajec intitulé Les limites de la guerre - L'approche réaliste des conflits armés au XXIe siècle. Agrégé et docteur en histoire des relations internationales, diplômé de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et de Sciences-Po Paris, Olivier Zajec est professeur en science politique à l’université de Lyon III, où il dirige l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD). Il est déjà l'auteur de Nicholas John Spykman - L'invention de la géopolitique américaine (Presses universitaires de la Sorbonne, 2016).

     

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    " Ukraine, Gaza, Arménie, Yémen, Sahel : sur tous les continents, la société internationale semble de nouveau s’embraser. Bien loin des illusions des années 1990, les spécialistes changent une nouvelle fois de discours : les opérations dites de « stabilisation » sont derrière nous, et le XXIe siècle sera celui du « retour » des conflits armés « majeurs ». Et si la perspective était faussée, la question mal posée ? À travers une réinterprétation des approches réalistes des relations internationales, souvent mal connues en France, Les limites de la guerre réarticule la nature sociale et la fonction politique de l’affrontement militaire, afin d’en ressaisir les balances intérieures, les possibilités de limitation et les effets concrets dans la vie des peuples. En mêlant chapitres théoriques et cas d’études consacrés aux guerres les plus récentes, de l’Afghanistan à l’Ukraine, l’auteur propose une redéfinition de la dialectique guerrière, dans une perspective interactionnelle ressourcée à la lecture croisée d’Aristote, de Clausewitz et de Georg Simmel. "

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  • L’État est-il notre ami ou notre ennemi ?...

    Nous reproduisons ci-dessous la première partie d'un entretien donné par Eric Werner au site de la revue Éléments à l'occasion de la parution de son essai intitulé  Prendre le maquis avec Ernst Jünger - La liberté à l’ère de l’État total (La Nouvelle Librairie, 2023).

    Philosophe politique suisse, alliant clarté et rigueur, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais essentiels comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015) De l'extermination (Thaël, 1993 puis Xénia, 2013) ou dernièrement Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019). Contributeur régulier d'Antipresse, il publie également de courtes chroniques sur l'Avant-blog.

     

     

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    Prendre le maquis avec Éric Werner (1/4) – L’État est-il notre ami ou notre ennemi ?

    ÉLÉMENTS. Difficile de résumer votre œuvre, publiée pour l’essentiel aux éditions L’Âge d’Homme, puis aux éditions Xenia. Le titre de vos livres est puissamment évocateur – j’en cite quelques-uns : L’Avant-guerre civile (1999), L’Après-démocratie (2001) ; La Maison de servitude (2006) ; Douze voyants, Les penseurs de la liberté (2011) ; Le Début de la fin & autres causeries crépusculaires (2012) ; Le Temps d’Antigone (2015) ; Un air de guerre (2016) ; Légitimité de l’autodéfense, Quand peut-on prendre les armes ? (2019) ; Prendre le maquis avec Ernst Jünger, La liberté à l’ère de l’État total (2023). S’en dégage une remarquable cohérence. Peut-on dire que vous êtes d’abord un penseur de la liberté, non pas seulement politique mais aussi existentiel ?

    ÉRIC WERNER : Je ne sais pas si je suis un penseur de la liberté, mais c’est vrai que j’aime la liberté. Et donc je n’aime pas trop ce qui lui porte atteinte : aujourd’hui, par exemple, un certain nombre de lois à juste titre qualifiées de liberticides, comme les lois anti-Covid, antiterroristes, anti-ceci ou cela (elles débarquent en continu). Je suis né sous ce signe, cela fait partie de moi. Mais il faut aussi voir l’envers de la médaille. J’ai retrouvé une lettre de mon père datant de l’année de mes 13 ans (écrite à ses propres parents à lui, mes grands-parents), me décrivant comme « réfractaire à la vie de communauté ». C’est l’envers de la médaille. Je me verrais volontiers un peu plus sociable que je ne le suis : juste un peu. Je ne suis pas exactement un marginal, mais me tiens le plus souvent sur les bords. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je dis « le plus souvent ». Je devrais dire « toujours ». Je ne me suis jamais retrouvé au milieu ! Et je pense que si, par accident, cela devait m’arriver, j’en éprouverais quelque embarras : je ferais mon possible pour regagner les bords. Je dois aussi reconnaître que je ne me suis que très peu investi dans mon activité professionnelle. Je m’en fais parfois le reproche. Tout ce que j’ai fait d’à peu près valable dans la vie, je l’ai fait pendant mes loisirs, en dehors, donc, de ma vie professionnelle. Quand je parle de loisirs, je prends le mot au sens de loisir studieux (en latin otium). Rien à voir, ou à peine, avec la leisure class (pour citer un titre célèbre). Autant dire que je mène une existence anonyme. Je ne l’ai en rien choisie, elle s’est pour l’essentiel créée toute seule. Pour autant elle me convient bien, je ne voudrais pas en mener une autre. Je participe d’une certaine manière à la vie publique en écrivant des textes, mais autant que je puisse en juger mes lecteurs me ressemblent beaucoup : ils se tiennent sur les bords. À partir de là, on comprendrait mal que je ne dise pas du bien de la liberté. Cela étant, je ne l’absolutise pas. Je suis complètement de l’avis de Freud quand il dit (dans Malaise dans la civilisation) que le développement de la civilisation impose à la liberté certaines restrictions. Sauf qu’il dit aussi que si ces restrictions deviennent trop importantes, l’individu aurait de la peine à les supporter. La question, comme toujours, est donc de savoir jusqu’où il ne faut pas aller trop loin. Je navigue à vue. Comme tous ceux de ma génération, j’ai été marqué par la guerre froide et la résistance au totalitarisme, un peu aussi par mai 68. J’ai également eu une éducation protestante. La référence chrétienne reste pour moi importante, mais je ne me définirais pas comme croyant. Je distingue également soigneusement entre le christianisme et les Églises. Pour moi le christianisme n’a pas besoin des Églises pour exister. Il pourrait si nécessaire s’en passer. J’ai relu récemment le beau livre de Christopher Lasch intitulé Le seul vrai paradis, livre qu’on pourrait résumer en disant que la vraie religion réside dans l’acceptation des limites. Je me retrouve bien dans cette pensée des limites (ou de la finitude). Il y a la liberté mais aussi les limites de la liberté. Christopher Lasch rappelle ce que dit Machiavel dit à ce sujet mais aussi des théologiens protestants comme Reinhold Niebuhr.

    ÉLÉMENTS. Certes, mais la liberté tend aujourd’hui à se réduire comme peau de chagrin, en raison des empiètements de l’État, dites-vous. L’État serait-il aujourd’hui l’ennemi prioritaire ? Jadis, on cherchait à s’en emparer (révolutions, insurrections). C’était le but que se fixaient tous les libérateurs et tous les révolutionnaires. Aujourd’hui, à vous lire du moins, on a le sentiment qu’il importe de mettre le plus de distance possible entre l’État et nous… Pourquoi ?

    ÉRIC WERNER : L’État est toujours beaucoup plus fort après une révolution qu’avant. On renvoie ici à Tocqueville et à son livre sur l’Ancien Régime et la Révolution. Il montre bien comment la Révolution française, loin d’affaiblir l’État, a eu au contraire pour effet d’accroître sensiblement la puissance et les droits de l’autorité publique. C’est pourquoi, si l’on aime la liberté, il ne faut pas trop s’occuper de faire la révolution. Une autre raison encore de ne pas s’en occuper est que quelque chose de ce genre n’a que très peu de chance, en 2023, de se concrétiser. L’État est beaucoup trop fort et le peuple de son côté beaucoup trop faible. Il faudrait ici parler du Sud global. Le Sud global est désormais bien implanté dans nos pays (le Nord global), et l’État s’en sert comme force d’appoint dans son rapport de force avec le peuple. Il joue certes avec le feu en le faisant. Mais il n’en a cure, et jusqu’ici au moins cela ne lui a pas trop mal réussi. Si le rapport de force avec le peuple lui est aussi favorable, c’est entre autres et en particulier pour cette raison. À partir de là, que faire ? Je ne suis pas a priori contre l’État. Il y a parfois de bons gouvernements. Ils protègent les frontières, s’occupent du bien commun, etc. En ce cas-là on ne peut naturellement pas être contre l’État. Mais qui prétendrait que l’État, aujourd’hui, protège les frontières, etc. ? Non seulement il ne le fait pas, mais il considère qu’il n’a pas à le faire. C’est, de sa part, complètement assumé (et même théorisé). Et donc, forcément, on est amené à prendre ses distances. Certains vont même plus loin encore et disent qu’ils ne veulent « plus rien à voir avec l’État ». C’est bien sûr illusoire. On ne peut pas « ne plus rien à voir avec l’État ». Mais on peut essayer de réduire sa dépendance. C’est déjà ça. Encore une fois, cela n’a pas de sens, en 2023, de vouloir faire la révolution. Mais entre faire la révolution, d’une part, et ne rien faire du tout de l’autre, l’éventail des possibilités reste assez large.

    ÉLÉMENTS. Allons au cœur des choses : quel est le problème avec l’État ? Celui de ne plus nous protéger, comme vous le dites? Ou pire : de se retourner contre nous ? C’est le pacte cher à Hobbes – obéissance contre protection – qui serait ainsi rompu…

    ÉRIC WERNER : Il faudrait d’abord se demander ce qu’il y a derrière l’État. De quoi l’État est-il le nom ? L’État, on l’a souvent dit, n’est qu’un instrument. L’instrument en lui-même est certes important, mais ce qui compte avant tout c’est l’utilisateur. Louis XIV dit : l’État c’est moi. Qui donc, aujourd’hui, pourrait dire : l’État c’est moi ? Inspirons-nous ici de Zinoviev : L’État, dirions-nous, c’est la suprasociété. La suprasociété s’est appropriée l’État, et donc c’est elle qui pourrait dire : l’État c’est moi. Elle ne le crie naturellement pas sur les toits, mais assurément le pense. Quand donc on parle de l’État, on parle de la suprasociété. Ce n’est pas lui, l’État, qui prend les décisions, mais bien elle, la suprasociété. Lui, l’État, ne fait que les exécuter. C’est une courroie de transmission. À partir de là, il ne faut pas s’étonner si l’État ne protège pas (ou plus) ses citoyens. Effectivement, il n’est pas (ou plus) là pour ça. S’il y a une illusion qu’il convient de dissiper, c’est bien celle selon laquelle l’État aurait cette pensée-là en tête : nous protéger. Elle lui est tout à fait étrangère. L’État se serait-il retourné contre nous ? Une chose en tout cas est sûre, c’est qu’il n’est pas notre ami. Chacun sait qu’il n’en faut pas beaucoup aujourd’hui pour être placé en garde à vue. Les techniques d’humiliation utilisées dans ce cadre-là ont souvent été décrites. Je cite cet exemple mais on pourrait en citer d’autres. Max Weber définit l’État « comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé […] revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ». Il ne dit pas en revanche ce qu’il entend par légitime. Zinoviev relève de son côté qu’il n’est que rarement question chez les criminologues de la criminalité d’État. Comme chacun sait, la police politique et les services spéciaux n’ont que des amis et pas d’ennemis. Voilà, je crois avoir fait le tour du problème. On pourrait aussi parler de la répression en France des manifestations de Gilets jaunes en 2018-2019, mais les spécialistes diraient que je suis hors-sujet.

    ÉLÉMENTS. Le drame de Crépol a révélé quasi à nu les choix de l’État, le « deux poids deux mesures » : d’une part une incapacité à traiter (sinon même un refus) le problème d’une délinquance meurtrière au cœur des territoires perdus ; d’autre part une vélocité à réprimer ceux qui s’y opposent pacifiquement, comme on a pu le voir lors de la manifestation, samedi 25 novembre, dans le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, où une centaine de manifestants qualifiés d’« ultra-droite » a été violemment chargée par les CRS…

    ÉRIC WERNER : Il y a effectivement « deux poids deux mesures », mais cela est normal. Il est normal que l’État traite ses ennemis autrement qu’il ne traite ses amis. Chacun voit bien qui sont les ennemis de l’État, plus exactement encore qui il considère comme étant ses ennemis : on le voit justement à la manière dont il les traite. Ses amis, pareil. Vous dites que l’État refuse de traiter le problème de la délinquance au cœur des territoires perdus. Il faut à mon avis poser le problème autrement. La délinquance est d’abord un outil de pouvoir. L’État fait semblant de la combattre, en réalité il est très content qu’elle existe. Non seulement il ne la combat pas, mais il n’a aucune raison de le faire, car elle lui est d’un bien trop grand rapport. Il faut partir de là. On ne va pas ici énumérer tous les avantages qu’elle lui procure. Mais ils sont nombreux. L’État s’en sert en particulier pour diviser la population (divide ut impera) et ainsi renforcer encore son pouvoir. La délinquance fait également diversion. Quand les gens ont peur (peur pour leur santé en particulier) ils songent moins à critiquer le monde comme il va (et surtout ne va pas). Par ailleurs, l’État peut jouer la comédie du père bienveillant toujours prêt à intervenir pour voler au secours de ses enfants en danger. Et ça marche. En ce sens, les délinquants ne sont en rien des adversaires de l’État, mais au contraire des alliés précieux : l’État aurait peine à s’en passer. Il est donc très normal qu’il les ménage, voire les encourage (ce qu’il fait maintenant presque ouvertement). Les adversaires de l’État ne sont pas les délinquants, mais bien ceux leur tenant tête, par exemple en ayant recours à l’autodéfense. L’État ne laisse rien passer dans ce domaine. Plus fondamentalement encore, les adversaires de l’État, c’est l’ensemble des non-délinquants : comme on le voit avec les lois antiterroristes, qui font de tous les non-délinquants des délinquants potentiels (d’où la légalisation de l’espionnage intérieur). On pense à la loi des suspects sous la Révolution française.

    Une remarque encore à propos de la délinquance. J’utilise ce mot parce que vous-même l’utilisez. Mais il est vague. On a peut-être affaire à des délinquants, mais surtout à des gens qui font la guerre. Dire qu’on se propose de « planter des Blancs », c’est faire la guerre. La guerre est poursuite de la politique par d’autres moyens, dit Clausewitz. On est sur ce créneau-là. L’intention est ici conquérante, c’est un conflit de territoire. On est très au-delà de la délinquance.

    ÉLÉMENTS. Mais alors qui fait la guerre à qui ? Cela devient très compliqué…

    ÉRIC WERNER : Ce qu’il faut éviter surtout de penser c’est que l’État nous aime et nous protège. C’est ce que, sans doute, pensaient les gens qui sont venus manifester à Romans-sur-Isère. Ils ont été très surpris quand ils se sont retrouvés en face de la CRS 8, l’unité d’élite des forces de maintien de l’ordre en France. Certains d’entre eux ont ensuite été condamnés à plusieurs mois de prison ferme (dix pour l’un d’eux), sur réquisition du procureur. Ils ont ainsi appris quelque chose. Qui fait la guerre et à qui, me demandez-vous ? J’aurais envie de répondre : tout le monde aujourd’hui fait la guerre, hormis ceux qui la subissent, autrement dit la population dans son ensemble. Il y a clairement aujourd’hui des gens qui font la guerre : ceux qui veulent « planter les Blancs », par exemple. Eux, incontestablement, font la guerre. Ou alors il faudrait dire que ceux qui crient « Allah Akhbar » ne la font pas. De même, quand les forces de sécurité en France gazent des manifestants pacifiques ou les éborgnent, il est difficile de prétendre que la situation ainsi créée n’ait rien à voir avec la guerre. C’en est une bien réelle, même si les donneurs d’ordre s’épanchent à la télévision sur leurs rêves de concorde et de paix civile. Vous ne vous attendez quand même pas à ce qu’ils disent le contraire. C’est une guerre de l’État contre sa propre population. On dit volontiers que la pire des situations est celle en laquelle on est obligé de se battre sur deux fronts. Il faudrait tout faire pour l’éviter. Sauf qu’une telle situation n’est pas toujours évitable. On ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Schématiquement la situation est la suivante. Nous sommes pris en étau entre l’État total, d’un côté, le Sud profond de l’autre. À partir de là se pose la question de l’ennemi prioritaire. À mon avis il n’y a pas d’ennemi prioritaire. On a affaire à deux ennemis aussi prioritaires l’un que l’autre. C’est ici peut-être que le recours aux forêts peut se révéler utile. Revenons-en à la guerre. Faire la guerre peut vouloir dire livrer bataille, mais aussi le contraire : ne pas livrer bataille. Beaucoup de gens, aujourd’hui, cherchent à livrer bataille, plus exactement acceptent la bataille que leur offre l’État total (en lien ou non avec le Sud global : à Romans-sur-Isère, par exemple, le lien était évident). Le risque, en l’espèce, c’est de prendre dix mois de prison. Mais on peut aussi se retrouver éborgné et/ou handicapé à vie. D’autres conspirent en direct sur Internet, au vu et au su de tous. On peut certes le faire, mais ce n’est pas nécessairement ce que recommanderait « l’homme prudent » (Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 6, 1107 a1). Le recours aux forêts trouve ici sa place. On pourrait aussi parler de retraite flexible. C’est aussi un choix possible. Il tient compte du rapport de force. On préserve ainsi l’avenir.

    ÉLÉMENTS. Revenons-en à la question de la « délinquance ». Vous dites que les gens qui veulent planter les Blancs (et le font) ne sont pas des délinquants mais des gens qui font la guerre, au sens où la guerre est poursuite de la politique par d’autres moyens. Le créneau est politique. Mais n’en est-il pas toujours ainsi ?

    ÉRIC WERNER : Dans son livre sur les hybrides (Théorie des hybrides : Terrorisme et crime organisé, CNRS Éditions, 2017), Jean-François Gayraud relève que les terroristes sont pour la plupart d’anciens délinquants ayant basculé dans la politique. Il utilise l’image du Rubicon. « Nous sommes en présence de gangsters ayant franchi le Rubicon de la politique. » Le mot Rubicon est peut-être excessif. Comme vous le dites très bien, la délinquance à l’état pur n’existe pas. Vous parlez des « territoires perdus ». Les phénomènes de délinquance dans ces territoires ne se comprennent bien que si on les rattache aux particularités propres de ces territoires, particularités les différenciant des autres (non perdus). En soi déjà cela renvoie à la politique. On remarquera par ailleurs que l’ancienne frontière entre guerre et délinquance tend aujourd’hui à devenir très floue. Le directeur de la Police judiciaire parisienne relève ainsi : « Nous assistons à la montée en puissance d’équipes à “tiroirs”, composées de délinquants interchangeables, très jeunes et hyperviolents, qui multiplient les vols par effraction et les braquages à domicile dans les beaux quartiers de Paris, de la banlieue ouest mais aussi de la grande couronne. Issus des cités, armés et éprouvant les pires difficultés à se maîtriser quand la situation dérape, ils s’attaquent à des cibles repérées au préalable par des organisateurs, plus expérimentés et qui restent à distance » (cité in Le Figaro, 7 décembre 2023). Ce sont des scènes de guerre : de « petite guerre », si l’on veut, mais de guerre quand même. Avec en prime une dimension territoriale (ici relevée). Mais il y a le plus et le moins. La ligne de partage, me semble-t-il, passe moins entre la politique et l’absence de politique qu’entre relativement peu de politique, d’une part, et au contraire beaucoup de l’autre. Dans son livre précédemment cité, Jean-François Gayraud parle d’hybridation : les terroristes seraient un mélange de délinquance et de politique. Je me demande en fait si ce n’est pas le contraire exactement qui se produit. Au lieu de parler d’hybridation, il faudrait parler de dés-hybridation. C’est le voyou de banlieue qui est un hybride, non le terroriste. Lorsque le voyou de banlieue se transforme en terroriste, loin de s’hybrider, au contraire il se dés-hybride. La politique a tout envahi. Voilà comment je verrais les choses.  

    ÉLÉMENTS. Le philosophe politique Julien Freund disait qu’on ne choisit pas son ennemi, c’est l’ennemi qui nous choisit. Ce fut manifestement le cas à Crépol. Mais si l’ennemi nous désigne comme étant son ennemi, il nous est interdit de lui retourner la politesse. Justice, presse et politique se pincent le nez pour ne pas avouer l’origine des agresseurs. Bref, on a le droit de dire que ce sont des « barbares », mais pas des Barbaresques, c’est-à-dire des gens originaires d’Afrique du Nord venus « pour tuer du Blanc »…

    ÉRIC WERNER : Le problème que vous posez est celui de la censure. Personnellement je pense qu’il est toujours possible de tourner la censure, étant entendu aussi qu’il est toujours possible aux autorités de faire condamner quelqu’un pour ses écrits si elles le souhaitent vraiment. Les lois actuelles dans ce domaine leur en donnent la possibilité. Ce sont des lois rédigées en termes volontairement imprécis, qu’on peut donc interpréter de façon extensive. Les juges sont rompus à cet exercice. Lois-caoutchouc, ou attrape-tout, comme on voudra. Pour autant, les écrivains ont toujours su écrire entre les lignes, je parle des bons : Machiavel, Montaigne, etc. Le lecteur lui aussi a appris à lire entre les lignes. Le vrai problème, à mon avis, se situe au-delà. Comme l’a bien montré Hannah Arendt dans les Origines du totalitarisme, l’idéologie, en tant que logique de l’idée, est l’équivalent d’une bulle à l’intérieur de laquelle la pensée (en l’espèce, plutôt la non-pensée) enchaîne les idées les unes aux autres : passant des prémisses aux conséquences, de là aux conséquences des conséquences, etc., sans autre souci que celui de la cohérence interne du discours. Elle se coupe ainsi de la réalité. Mais plus encore que cela : lui en substitue une autre à la place, fictive, certes, mais que tout le monde s’imagine être elle la réalité. On l’a vu autrefois avec le marxisme-léninisme, on le voit aujourd’hui avec le wokisme. C’est surtout ça le problème. La censure a beau être ce qu’elle est, elle ne parvient jamais à masquer complètement la réalité. Il y a toujours des échappées. Là, en revanche, il n’y a plus d’échappées. Les gens sont enfermés dans leur bulle sans plus le moindre contact avec la réalité. Sauf que la réalité sait très bien, lorsqu’elle le juge utile, se rappeler à notre bon souvenir : les gens se cassant alors le nez dessus.

    ÉLÉMENTS. Question qui me turlupine : quel est votre rapport aux institutions (et pas seulement à la première d’entre elles : l’État) ? L’un des auteurs chers à votre cœur, Ivan Illich, voyait le mal dans les institutions et dans la première en date d’entre elles en Occident, chronologiquement parlant, l’Église, lui qui était pourtant prêtre. Et vous ?

    ÉRIC WERNER : J’ai longtemps appartenu à la fonction publique en Suisse, et donc je ne vais pas dire du mal des institutions. Je n’ai d’ailleurs pas à m’en plaindre, elles m’ont plutôt bien traité dans la vie. Mais je parle de choses déjà anciennes. Pour le reste, je n’ai que très peu affaire à l’État. Je paye mes impôts, et ça s’arrête là. « Rendez ce qui est à César », etc. Vous me demandez quel est mon rapport aux institutions. Il m’est arrivé une ou deux fois d’adhérer à des associations, mais cela n’a jamais été pour très longtemps. Je suis effectivement, comme le disait mon père, « réfractaire à la vie de communauté ». Mais il m’arrive aussi parfois de penser contre moi-même. Je n’identifie naturellement pas les institutions avec le bien. En ce sens je ne suis pas « romano-canonique » (Pierre Legendre). Mais avec le mal non plus.  Je ne suis pas gnostique. Les institutions ne sont ni le bien ni le mal, mais un mélange des deux, avec tantôt un peu plus de bien que mal, tantôt l’inverse. Aujourd’hui, je dirais, plutôt l’inverse. Je pense en particulier à l’État wokiste. Mais l’État wokiste est un cas extrême. Il n’y a en lui, effectivement, que du mal.

    ÉLÉMENTS. Que faire alors ? Voter ? Mais voter sert-il à quelque chose ? Diriez-vous « Élections, pièges à cons » ?

    ÉRIC WERNER : On associe volontiers les élections et la démocratie, en réalité il peut très bien y avoir des élections sans démocratie. Dans toutes les dictatures, en fait, il y a des élections. Leur raison d’être est assez claire : faire croire, justement, qu’on est en démocratie. En ce sens, elles sont un élément important dans le fonctionnement de la dictature, contribuent utilement à son renforcement. À partir de là on peut se demander si cela sert encore à grand-chose d’aller voter. Il y a le pour et le contre. Certains continuent d’aller voter en prenant en compte l’argument du moindre mal : on vote pour le moins mauvais des candidats (le moins bête, le moins incompétent, le moins inculte, le moins sectaire, le moins corrompu, etc.). J’ai longtemps moi-même été sensible à cet argument : aujourd’hui, beaucoup moins. Il y a un nivellement par le bas qui fait qu’on ne voit plus tellement de différences entre les candidats. Pour autant je continue d’aller voter, en partie par routine, en partie aussi parce que même si les candidats sont tous plus ou moins interchangeables, il n’est pas complètement indifférent que tel parti obtienne plus de suffrages qu’un autre. Cela ne changera bien sûr rien à ce qui va se passer, de toutes les manières les décisions se prennent à un autre niveau, mais, ce qui est compréhensible, les dirigeants préfèrent donner l’impression d’avoir une grande majorité du peuple avec eux plutôt qu’une autre un peu moins grande. Il ne faut donc pas leur donner cette satisfaction. Mais on peut très bien aussi raisonner autrement et dire que toute participation aux élections contribue à les légitimer : ce qu’on aurait de bonnes raisons de trouver regrettable. Il vaudrait donc mieux dans ces conditions s’abstenir. Les deux raisonnements se tiennent.

    ÉLÉMENTS. « Je suis mon propre État », disait Alexandre Zinoviev, cité par vous. N’est-ce pas là une proposition purement autoréférentielle, anarchisante ou libertarienne ?

    ÉRIC WERNER : C’est un oxymore, une figure de style. Mais recelant, me semble-t-il, une part de vérité. Personnellement je suis sur une ligne aristotélicienne, je pense que l’homme est un animal politique. La cité est un fait de nature. Sauf, justement, que la cité, aujourd’hui, est en train de se défaire. Il n’y a plus de cité. On dira qu’il n’en va pas de même de l’État. L’État, au contraire, est plutôt en train de se renforcer. En certains domaines, même (police, services spéciaux), il n’a jamais paru aussi fort. Mais il ne nous protège plus de rien. D’une certaine manière, donc, c’est comme s’il n’existait plus. Ajoutons qu’il est peut-être plus fragile qu’il n’en a l’air. On ne va pas ici se lancer dans des spéculations. Mais l’hypothèse d’une possible disparition de l’État n’a rien en elle-même d’inenvisageable : à la suite, par exemple, d’un collapsus économique, d’une guerre, etc. À ce moment-là, effectivement, il ne reste que l’individu : la multitude des individus. Et donc, comme le dit Zinoviev, chacun est son propre État. La question n’est pas de savoir si cela nous plaît ou non : la question n’est pas là. La question est de savoir si l’on s’adapte ou non à la réalité. Quand il n’y a plus d’État, de facto je suis mon propre État. Soit, dès lors, je m’adapte (« Je suis mon propre État »), soit je ne m’adapte pas, mais alors moi aussi je disparais : normalement c’est ce qui se passe. C’est une question de survie. La thématique du Waldgänger de Jünger doit aussi se comprendre dans cette perspective. Le Waldgänger est une figure de l’après-disparition de l’État.

    ÉLÉMENTS. L’homme peut-il se passer des institutions ? Ou, pour le dire avec Pierre Legendre, que vous citiez, un monde désinstitué est-il pensable ? L’institution, c’est l’instance de médiation. Retirez-la : il n’y a plus rien entre l’homme et l’homme, entre le loup et le loup… N’est-ce pas ce qui nous menace aujourd’hui ?

    ÉRIC WERNER : Encore une fois, je ne suis pas pour un monde désinstitué. Je sais tout ce que la civilisation doit aux institutions. Elles contribuent à l’éducation de l’individu, d’une manière générale à le faire grandir, devenir ce qu’il est. C’est dans le cadre de la famille que l’enfant accède à l’autonomie, apprend par ailleurs à distinguer le vrai du faux, le bien du mal, etc. C’est très bien décrit par les anthropologues, les psychanalystes, etc. Tous insistent sur l’importance de l’autorité dans la construction de soi, au sens où une telle construction ne va pas sans une limitation/stabilisation des pulsions individuelles, limitation/stabilisation elle-même liée à l’existence de contraintes institutionnelles. Sauf que les institutions ne doivent pas devenir à elles-mêmes leur propre fin. C’est une première chose. Ensuite et surtout, il ne faudrait pas que l’institution se retourne contre elle-même en en venant, comme c’est aujourd’hui manifestement le cas, à déconstruire ce qu’elle a su originellement construire et maintenir tout au long des siècles. Car, à ce moment-là, elle devient elle-même une menace. Un monde désinstitué est assurément en soi une menace, mais une institution travaillant ouvertement à l’effacement de la civilisation en est une autre presque plus grave encore. Je vois mal dès lors pourquoi je verserais la moindre larme si l’État wokiste actuel passait un jour à la trappe.

    Eric Werner (Site de la revue Éléments, 14 décembre 2023)

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  • Clausewitz : De la guerre...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la présentation du De la guerre, de Clausewitz, faite par Laurent Schang, le 1er juin 2023, dans le cadre des Jeudis de l'Iliade, à la Nouvelle Librairie.

    Écrivain, chroniqueur et éditeur militaire, Laurent Schang a à son actif plusieurs récits et recueils de nouvelles, comme Le constat d'Occident (Alexipharmaque,2007), Kriegspiel 2014 (Le Mort-qui-Trompe, 2009) ou Le bras droit du monde libre (Alexipharmaque, 2019), et des biographies, telles Maître Morihei Ueshiba (Pygmalion, 2004) ou Von Rundstedt - Le maréchal oublié (Perrin, 2020).

     

    " Monument inachevé et donc infidèle à la pensée de son auteur, Vom Kriege (en français De la guerre) continue, deux siècles après sa rédaction, de plonger ses lecteurs dans des abîmes de réflexion, de l’amateur éclairé à l’expert en stratégie.

    Bien plus qu’un traité destiné aux seuls gens du métier, Vom Kriege élève en effet son sujet, le « phénomène guerre », au niveau philosophique. C’est que chez Clausewitz la psychologie tient une part au moins aussi importante que les considérations tactico-stratégiques.

    Vom Kriege est réputé – à juste titre – pour sa complexité. Mais une complexité que ses exégètes n’ont fait qu’amplifier (quand ce ne sont pas ses traducteurs, parfois fautifs), chacun y allant de son interprétation, selon l’époque ou ce qui lui convenait d’y puiser pour nourrir ses propres théories.
    Alors, Vom Kriege, livre daté ou toujours d’actualité ?"

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  • L'impasse ukrainienne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Immarigeon, cueilli sur le site de la revue Conflits et consacré à l'impasse de la guerre en Ukraine.

    Jean-Philippe Immarigeon est avocat, docteur en droit public, essayiste et historien, il collabore à la Revue Défense Nationale depuis 2001, a publié de nombreux articles et plusieurs essais dont American parano et L’imposture américaine (Bourin, 2006 et 2009), La diagonale de la défaite (Bourin, 2010), et Pour en finir avec la Françamérique (Ellipses, 2012).

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    L'impasse ukrainienne

    Faut-il que l’Ukraine gagne sa guerre contre la Russie ? Cette question peut sembler incongrue, elle est pourtant posée par de nombreux analystes en France, en Asie et même aux États-Unis. On peut ainsi citer un long article publié et mis en ligne récemment par le magazine Harper’s, « Why are we in Ukraine ? » [1].

    Tous tournent autour de l’impasse où les pays de l’OTAN s’engluent aussi sûrement que dans la raspoutiza, que la contre-offensive ukrainienne échoue ou qu’elle réussisse. C’est une sortie diplomatique indépendante du facteur militaire qui est envisagée, c’est ce qu’on obtient également comme réponse lorsqu’on interroge ChatGPT – qui, sauf à être programmé par le FSB sur le narratif russe, est une synthèse de tout ce qui est publié : « Même si une victoire militaire est possible, la solution à la crise en Ukraine ne peut être que politique et doit être basée sur la volonté de toutes les parties concernées de travailler ensemble pour trouver un compromis mutuellement acceptable et respectueux des droits et des intérêts de toutes les parties. »

    Purgeons d’emblée la question : il y a un agresseur, la Russie, et il est vain de se lancer dans une rétrodiction stérile et d’invoquer, comme on dit en droit pénal, une excuse de provocation. Toutes les analyses sérieuses y consacrent pourtant de longs développements au risque de prêter le flanc à des accusations incongrues prétendant éluder tout débat. Sacrifions-y à notre tour et à ce risque, pour rappeler que les Russes avaient prévenu et motivé leur projet, qu’ils ont fait ce qu’ils avaient annoncé, et qu’il n’y avait rien de moins surprenant ni de moins inattendu que cette agression.

    Drang nach Osten

    Il a été sassé et ressassé que la Russie se cabre, depuis la disparition de l’URSS, à chaque avancée de l’OTAN vers ses frontières ; que ni l’Organisation ni les États-Unis n’ont tenu leurs promesses répétées de n’en rien faire ; que cette avancée a été dénoncée comme une faute majeure par les plus brillants stratégistes américains, dont Henry Kissinger ; que la France et l’Allemagne ont elles-mêmes longtemps mis leur veto à l’intégration de l’Ukraine, mais qu’elles ont capitulé lorsque, le 10 novembre 2021, Kiev et Washington ont signé un accord de partenariat ; que Lavrov a proposé le 17 décembre 2021 la tenue d’une conférence sur la sécurité en Europe et deux drafts de négociation, et qu’on l’a envoyé promener ; qu’en conséquence, lors d’une réunion tenue au Kremlin le 21 décembre 2021 et dont la teneur est toujours en ligne sur son site, Poutine a annoncé la suite, et qu’on l’a laissé faire deux mois durant alors que les troupes russes se massaient sur le Don et en Biélorussie.

    Certes on peut, après avoir dénoncé ces dernières décennies l’erreur qui consiste à ne pas tenter de se mettre dans la peau de l’adversaire, s’étonner que les Russes se sentent agressés, qu’ils abordent l’OTAN comme une machine de guerre et non une aimable ONG à but humanitaire, ou qu’ils refusent de voir que les États-Unis sont la puissance du Bien (À Global Force for Good, pour citer un petit clip de l’US Navy). Mais l’article de Harper’s rappelle fort à propos que depuis le Kosovo, la Libye ou la Syrie, notre discours n’est plus crédible. Et ce n’est pas ce que les communistes nommaient dans les années 1950 le revanchisme allemand, qui exsude depuis 18 mois de chacune des interventions de Mme von der Leyen au nom de l’UE, qui est susceptible de les faire changer d’avis. Qu’ils se méprennent sur nos intentions ou qu’ils cèdent au discours de propagande du Kremlin, c’est un fait et ça n’a rien à voir avec un sentiment d’humiliation. La stratégie commence alors par le choix des mots, et il faut prendre les Russes dans les rets de leur propre discours.

    Relire Staline

    La stratégie, ça reste également de la géographie, même à l’heure des espaces fluides, et la géographie c’est savoir lire une carte. On considère que la Russie est un pays à l’échelle d’un continent, mais ça, c’est pour les panneaux Vidal-Lablache accrochés aux classes de notre enfance. C’est une erreur de perspective de lui prêter une profondeur stratégique allant jusqu’à l’Oural et même au-delà, car la ligne ultime de repli n’a pas changé depuis 1812 ou 1941, elle est tracée par la diagonale Saint-Pétersbourg – Smolensk – Voronej – Rostov. Au-delà, la Russie n’existe plus comme puissance.

    C’est cette ligne que trace Staline fin juillet 1942, au lendemain de la chute de Rostov et de la poussée de Manstein vers la Volga et le Caucase, en signant le fameux Ordre n° 227, celui du slogan Plus un pas en arrière qu’a repris Poutine. Cette formule n’est pas un sursaut de vanité, mais une nécessité, et ce texte est un des rares qui décrit sur le moment la situation périlleuse dans laquelle se trouvent à cette date les Alliés sur le Don, dans l’Atlantique, aux portes du Caire ou dans le Pacifique. S’il est impossible de reculer davantage, motive la Stavka, c’est que non seulement nous sommes à un point de rupture au-delà duquel même l’industrie américaine ne pourra rattraper la situation, mais qu’en termes de territoire, c’est la Russie utile qui va disparaître.

    Si l’OTAN, déjà dans les États baltes, demain en Finlande, avance de nouveau après-demain dans le Donbass puis en Biélorussie, cette ligne de repli ultime devient une ligne de front, mettant Saint-Pétersbourg et Volgograd (Leningrad et Stalingrad) à une minute des missiles occidentaux. Le Don ne sera plus ce paisible fleuve intérieur de la littérature et du cinéma russes, mais une coupure d’eau qui marquera la frontière militaire. Or une des grandes obsessions des Russes depuis le XVIIIe siècle est d’avoir des marches stratégiques, de l’espace en-avant – en-arrière ne leur sert à pas grand-chose – indépendamment de l’annexion de territoires, et c’est aussi à cela que servait le Pacte de Varsovie : les perdre serait revenir trois siècles en arrière. Poutine ou pas, ils ne l’accepteront pas, et à leur place nous ne l’accepterions pas. Ne pas le comprendre et même le refuser, c’est prendre notre billet pour dix, vingt, trente ans de guerre. Or plutôt que de tenter d’anticiper la suite, l’après-défaite ou l’après-victoire, plutôt que de définir ce que seraient les conditions d’une victoire et raisonner stratégiquement, nous nous sommes laissés entrainer dans un délire eschatologique par incapacité voire refus de penser cette guerre.

    Le degré zéro de la pensée stratégique

    La guerre d’Ukraine est en ce sens le premier conflit du XXIe siècle, non pas parce que, anticipé comme un cyber-conflit, il se résout en rattenkrieg dans des caves inondées et des faubourgs en ruine, mais parce qu’il a pris la forme d’un conflit civilisationnel, les deux camps s’invectivant dans d’hystériques outrances. À la résurgence de la vieille antienne anti-occidentale de préservation d’une identité slave et au retour de la censure brejnévienne, répondent l’interdiction de solistes ou de sportifs, l’autodafé d’ouvrages coupables d’être les agents propagateurs de visées impériales – malheureux Pouchkine, pauvre Gogol ! – et l’accusation de vouloir détruire la liberté et la démocratie. Mais prêter à Poutine, qui cherche aujourd’hui son armée comme Soubise une lanterne à la main, et à ses généraux la folie d’avoir voulu conquérir et occuper un pays de 40 millions d’habitants avec 200 fois moins de soldats, et au-delà ses voisins jusqu’à la Place de la Concorde comme on s’en inquiète aux terrasses de Saint-Germain-des-Prés, relève d’un ridicule dont on en est certain qu’il ne tuera jamais personne. Les gens du Kremlin sont assurément des fous furieux, certainement pas des débiles [2].

    C’est d’ailleurs étrangement cette absence de perspective d’une guerre de haute intensité qu’on lit dans la Loi de Programmation Militaire discutée actuellement au Parlement. On aurait pu parier à l’avance que, quelque soient le conflit, le lieu et les protagonistes, on nous resservirait le prêt-à-réchauffer d’un nouvel âge de la guerre avec du cyber, du spatial, et le concept fourre-tout d’hybridation. Loin de tirer une quelconque leçon tant de l’échec de Barkhane que du retex du Donbass, le texte ne sert qu’à justifier les choix de ces dernières années et l’apriorisme d’une conflictualité très hollywoodienne, réduisant le nombre de nos avions, de nos blindés et de nos frégates, de ce matériel que Kiev nous réclame à cor et à cri parce que la guerre, ça reste encore et pour longtemps une affaire d’avions, de blindés et de corps-à-corps, pas de drones ni de numérisation.

    De Munich à Munich

    La France est en outre à côté de la plaque par incapacité à prendre parti et à choisir le seul camp envisageable : le sien. Elle surjoue la solidarité atlantiste, faisant passer les revendications de tel de ses partenaires et les caprices de tel autre avant ses propres intérêts stratégiques [3]. Et après avoir défendu sa singularité d’autre puissance nucléaire européenne – que lui rappela Poutine quinze jours avant l’agression –, donc d’arbitre ultime en cas de montée aux extrêmes, elle l’a abdiquée lors de la réunion de février 2023 à Munich, une ville et un nom qui ne nous portent décidément pas chance.

    Mais quel intérêt avons-nous à cautionner la marche de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Moscovie ? Quel avenir la perspective d’une guerre pérenne réserve-t-il à la France, interlocuteur de la Russie depuis Tilsitt ? L’article de Harper’s susmentionné s’étonne que notre vieille nation millénaire assiste sans réagir et même accompagne le détricotage de décennies d’efforts diplomatiques et commerciaux, elle qui devrait parler en son nom et d’égale à égale avec la Russie plutôt que de servir de go-between – rôle qui, par absence de positionnement clair, a fini par lui échapper, puisqu’après avoir affirmé qu’elle ne laisserait ni la Turquie ni la Chine jouer ce rôle, elle vient de supplier cette dernière d’en endosser la tunique.

    L’article de Harper’s va même plus loin : comme dans cette scène d’un western de Sergio Leone où le héros explique à son acolyte qu’il y a d’un côté ceux qui ont un pistolet chargé et de l’autre ceux qui creusent, c’est à la France de négocier par-dessus ses partenaires européens sans mésuser de leur souveraineté qui, en l’absence de l’arme nucléaire, est très relative, comme l’est par exemple celle du Canada [4]. D’aucuns se récrieront puisqu’ils ne savent que crier, mais sans nous expliquer comment reprendre aux Russes leur victoire autrement qu’en précipitant l’Europe dans une nouvelle conflagration.

    Borodino

    Car si les hostilités cessaient maintenant, les Russes auraient gagné, à un prix humain, matériel et économique certes considérable – Poutine remplacera Pyrrhus dans le langage populaire – mais assumé. Car contrairement à nos analystes qui s’épuisent depuis plus d’un an à comptabiliser les morts et les chars pulvérisés, ils ne confondent pas tactique et stratégique. Lorsqu’à la fin des défilés sur la Place Rouge, l’orchestre s’avance vers la tribune pour entonner a capella un chant de la Seconde Guerre vantant, dans le refrain, l’esprit de Borodino de 1812, c’est que, victoire tactique pour nous, ce fut pour eux une victoire stratégique. Et en 2023, à défaut d’avoir réussi à s’avancer jusque tout le long du Dniepr du fait de leur échec à prendre Kharkov, ils ont tout de même atteint l’essentiel de leurs objectifs : sécurisation de la mer d’Azov, éloignement de la ligne de front du Don, rebond en avant en Biélorussie renucléarisée et sanctuarisation de l’oblast de Kaliningrad lui aussi nucléarisé, ce poignard au cœur de la Hanse, de la Baltique et de l’UE.

    Les Polonais sont inquiets, les Suédois tout autant, les États baltes cauchemardent sur le corridor de Suwalki, mais tous préfèrent soutenir les projets ukrainiens de reconquête de quelques positions au Donbass plutôt que de se concentrer sur le Festburg de l’antique Königsberg, bastion désormais imprenable d’où les missiles russes pourraient clouer au sol toute la défense européenne. Déconcertante inversion de priorité, à croire que plus personne ne sait lire une carte.

    Car il va falloir démilitariser Kaliningrad, ce qui est autrement plus important que de grappiller quelques villages sur la mer Noire. Ce sera une négociation globale, celle qu’appelaient les Russes fin 2021, dans laquelle les Ukrainiens, comme l’anticipe Harper’s, seront neutralisés, quelque soient leurs gains ou leurs pertes sur le terrain, et même à proportion de leurs gains ou de leurs pertes mis sur la table. Pourquoi dès lors s’obstiner dans ce qui apparaitra plus tard une Unnecessary war, pour reprendre un mot de Winston Churchill ?

    La fin de l’OTAN

    L’hypothèse que Poutine serait tombé dans un piège américain est peut-être exacte, mais c’est l’OTAN qui se retrouve dans la situation de l’arroseur arrosé. Il y a certes une puissance militaire russe à genoux, ce qu’Européens et Américains attendaient depuis 1949. Mais précisément ; à quoi sert désormais l’Alliance et son soutien actif voire participatif à cette guerre ? À valider des choix technologiques et un infocentrage de prothèses numériques dispersées, mais qui sont autant de failles et de portes d’entrée en cas de perte entre les mains de l’adversaire – il est bien tard pour s’en apercevoir et dégrader en catastrophe le matériel livré, comme les chars Abrams ? À risquer de voir nos Wunderwaffe se ridiculiser aussi pitoyablement que les T-72 ex-soviétiques au printemps 2022 ? L’Ukraine n’a pas droit à l’erreur, l’Alliance atlantique ne lui pardonnerait pas. Et quand bien même parviendrait-elle à repousser les Russes sur leur ligne de repli, allons-nous parfaire sa victoire éphémère en l’intégrant dans l’OTAN et en installant nos bases à la frontière russe ?

    Rien n’est plus contraire à la tradition américaine que de se lier irrévocablement, c’est pourquoi l’article 5 du Traité de 1949, qui n’a pu être accepté par le Sénat américain qu’au prix du vote d’une résolution dite Vandenberg, est optionnel et facultatif. Du temps de la guerre froide, la bataille de l’avant permettait d’échanger de l’espace contre du temps. Cette marge de manœuvre disparaîtra si l’OTAN est au contact de la Russie, et sans même évoquer une nouvelle poussée vers l’ouest des armées russes une fois refaites, une méprise ou un incident – comme il y en a déjà eu par le passé – et la nécessité cette fois-ci d’arbitrer en quelques minutes voire quelques dizaines de secondes, nous placeront dans une situation de risque extrême.

    L’hubris des Américains, cette pulsion qui les pousse à ne pas savoir s’arrêter ni jamais s’empêcher, pour reprendre la définition de Camus, les entraîne bien trop loin, tout à la fois par aveuglement sur leur puissance que par incapacité à la dialectiser. La réponse de ChatGPT – ce pur produit de la modélisation managériale américaine – citée en début d’article est d’ailleurs la même que la question soit : « peut-on gagner cette guerre ? », ou : « faut-il la gagner ? ». Face au risque d’Armageddon, les États-Unis pourront toujours abandonner le jour venu l’Europe à son sort, comme ils l’ont fait du Viêt Nam ou de l’Afghanistan, ce que l’article 5 leur permet sans déroger pour autant et ce qui était, faut-il le rappeler, l’hypothèse du général de Gaulle.

    Pour prévenir cette nouvelle débandade, la constitution d’un glacis stratégique entre l’OTAN et la Russie couvrant la Finlande, les États baltes, Kaliningrad, la Biélorussie et l’Ukraine relève non seulement du bon sens, mais de l’intérêt bien compris de tous, Européens, Russes et Américains. Nous allons devoir en décider au prochain sommet de l’OTAN à Vilnius, le 11 juillet 2023 : intégrer l’Ukraine en guerre n’apportera aucune sécurité, y compris à celle-ci, et nous ramènerait à l’époque d’un continent en guerre permanente.

    La victoire des neocons

    Mais, après tout, peut-être n’est-ce que le but recherché. Il n’est qu’à lire la jubilation de la presse américaine au spectacle d’une Vieille Europe replongeant dans les affres de la conflictualité pour mesurer la défaite historique et philosophique que constitue cette guerre – et que le nom de Poutine soit maudit rien que pour cela. Les sarcasmes contre une Europe kantienne reproduisent, au mot près, les anathèmes lus et entendus il y a vingt ans au moment de l’invasion de l’Irak et de notre réticence à y contribuer.

    Ce retour du discours hobbesien sur la naturalité de la guerre vue comme un tropisme immémorial – il guerre comme il pleut ou il neige – abolit la distinction entre violence et guerre et nous détourne de Rousseau et Clausewitz qui nous ont enseigné que la guerre est un choc de volontés, un acte politique de socialisation d’une violence sans doute primitive, mais qui n’était pas la guerre. Le projet européen, qui s’oppose en cela au naturalisme américain, serait définitivement invalidé sans que l’on comprenne pourquoi Bakhmout en 2023 serait davantage un identifiant de cet échec que Srebrenica en 1995.

    Un quarteron d’intellectuels en errance, se piquant d’historicité [5], s’est fait depuis seize mois l’ardent propagandiste de cette idéologie d’importation, annonçant la fin d’une Fin de l’Histoire à laquelle ils ont été les seuls à croire par incompréhension pour les uns, lecture biaisée ou incomprise de Fukuyama pour les autres. « Voici venu le temps de préparer la guerre qui vient pour retenir la paix qui s’en va », a ainsi pu écrire récemment l’un d’entre eux, comme si les aphorismes qui se veulent pascaliens pouvaient être laissés à la discrétion de ChatGPT. Les cicatrices que laissera cette nouvelle rétrogression de la civilisation européenne sont d’ores et déjà profondes. Unmitigated defeat, aurait pu encore dire Churchill. Disons plutôt : un naufrage.

    Jean-Philippe Immarigeon (Site de la revue Conflits, 28 mai 2023)

     

    Notes

    [1] Benjamin Schwarz & Christopher Layne, « Why are we in Ukraine ? On the dangers of American hubris », Harper’s Magazine, mis en ligne le 15 mai 2023, en version papier datée du 7 juin 2023, pp. 23-35.

    [2] « Far from expressing any ambition to conquer, occupy, and annex Ukraine (an impossible goal for the 190,000 troops that Russia eventually deployed in its initial attack on the country), all of Moscow’s demarches and demands during the run-up to the invasion made clear that “the key to everything is the guarantee that NATO will not expand eastward,” as Foreign Minister Sergey Lavrov put it in a press conference on January 14, 2022. » Schwarz & Layne, op. cit.

    [3] « Il faut, diront certains, montrer notre solidarité avec nos partenaires. La question centrale sera alors évitée : les intérêts de ces partenaires et les nôtres sont-ils identiques ? […] Il se trouvera toujours des stratégistes pour argumenter – parfois brillamment – en faveur de cette tétanie volontaire, en opposant généralement la nécessité de respecter des valeurs et des principes pour éviter de procéder à une analyse sans concession de ce que sont les intérêts réels dans un contexte stratégique mouvant. Ce fixisme stratégique entraînera généralement une paralysie diplomatique – qui finit par se payer très cher une fois l’écart devenu insupportable, car trop visible, entre effort opérationnel et rendement stratégique. » Olivier Zajec, « Penser la stratégie. Une guerre dépolitisée est une guerre perdue d’avance », DSI, 11 mars 2022.

    [4] « Such a system would in fundamental aspects resemble a modern Concert of Europe, in which the dominant states of the E.U., on the one hand, and Russia, on the other, acknowledge each other’s security interests, including their respective spheres of influence. In practice, this would mean, for example, that the Baltic states and Poland would enjoy the same large, but ultimately circumscribed, degree of sovereignty as, say, Canada does. It would also mean that, while Paris and Berlin won’t find Moscow’s internal arrangements to their taste, they will resume economic and trade relations with Russia and build on myriad other areas of common interest. » Schwarz & Layne, op. cit.

    [5] « Ce discours de la guerre perpétuelle n’est pas seulement l’invention triste de quelques intellectuels longtemps tenus en lisière, joint à un savoir qui est parfois celui d’aristocrates à la dérive ; ce discours exclusivement historico-politique par opposition au discours philosophico-juridique est un discours sombrement critique, mais aussi intensément mythique. C’est celui des amertumes, celui des plus fous espoirs. Il est donc étranger, par ses éléments fondamentaux, à la grande tradition des discours philosophico-juridiques. Pour les philosophes et les juristes, il est le discours extérieur, étranger. C’est le discours, forcément disqualifié, que l’on peut et que l’on doit tenir à l’écart parce qu’il faut, comme un préalable, l’annuler pour que puisse commencer, comme Loi, le discours juste et vrai. » Michel Foucault « Il faut sauver la société », Cours au Collège de France, 1975-19

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  • Conduire la guerre...

    Les éditions Perrin viennent de publier un ouvrage en forme de dialogue entre Jean Lopez et Benoist Bihan intitulé Conduire la guerre - Entretiens sur l'art opératif.

    Historien militaire, Jean Lopez dirige le bimensuel Guerres et Histoire est en particulier l'auteur, avec Lasha Otkhmezuri, du formidable Barbarossa - 1941 - La guerre absolue (Passés composés, 2019). Historien militaire et chercheur en études stratégiques au profit des Armées, Benoist Bihan a déjà publié La guerre : la penser et la faire (Jean-Cyrille Godefroy, 2020).

     

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    " Pourquoi, tout au long des siècles, les généraux ont-ils remporté tant de victoires qui n'amenaient pas la fin du conflit ? Pourquoi le sang versé servait-il si peu les objectifs assignés par le pouvoir à ses armées ? Pourquoi, pour prendre un exemple entre mille, les meilleures armées du monde ont-elles été réduites, entre 1914 et 1918, à un face-à-face aussi désespérant que stérile dans la boue des tranchées ? Conduire la guerre livre les clés de cette impasse et montre qu'un grand penseur soviétique oublié, Alexandre Svetchine, a montré la voie pour en sortir.
    Jean Lopez amène Benoist Bihan à exposer sa pensée sur ce digne héritier de Clausewitz, sa vie, sa pensée et son oeuvre, réflexion mûrie depuis quinze ans et nourrie d'une formidable érudition. Chemin faisant, les deux complices nous offrent une promenade à travers vingt-cinq siècles de conflits. Ils revisitent les batailles dites décisives et l'action de ceux qu'on a présentés comme de grands capitaines. L'ouvrage ne se contente pas d'être historique et critique. En décortiquant l’œuvre de Svetchine, il expose la solution – l'art opératif – pour que les combats deviennent pleinement utiles à la stratégie et s'harmonisent avec la tactique. Original dans son approche, puissant par ses arguments, plaisant à lire de par sa forme dialoguée, cet ouvrage est totalement original et devrait marquer la pensée militaire d'une pierre blanche.
    L’objectif ? Rien moins que le renouvellement de la pensée stratégique, un domaine apprécié du grand public mais qu’il fallait dépoussiérer et mettre à la portée de tous en trouvant le bon équilibre entre théorie et Histoire. "

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