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Métapo infos - Page 71

  • Politesse et politique...

    Les éditions du Cerf publient cette semaine un nouvel essai de Frédéric Rouvillois intitulé Politesse et politique.

    Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux disponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010), Être (ou ne pas être) républicain (Cerf, 2015) ou Liquidation - Emmanuel Macron et le saint-simonisme (Cerf, 2020).

    Il a également dirigé avec Olivier Dard et Christophe Boutin, le Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017), le Dictionnaire des populismes (Cerf, 2019) et le Dictionnaire du progressisme (Cerf, 2022).

    Enfin, il a publié récemment un roman, Les fidèles (Pierre-Guillaume de Roux, 2020) et quatre polars, Un mauvais maître (La Nouvelle Librairie, 2020), Le Doigt de Dieu (La Nouvelle Librairie, 2021), Tout le pays est rouge (La Nouvelle Librairie, 2022) et La constante de Théodore (La Nouvelle Librairie, 2023), avec les mêmes enquêteurs.

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    " Politesse et politique sont indissociables. Toutes deux connaissent pourtant une commune éclipse. Pourquoi ? Frédéric Rouvillois enquête sur les raisons de leur affaissement et montre combien dépolitisation et décivilisation ont partie liée. Certes, les manuels de bonnes manières défendent de parler de politique à table. Certes, les enceintes parlementaires connaissent leur lot de noms d'oiseaux et de gestes obscènes. Pourtant, Frédéric Rouvillois le démontre, politesse et politique partagent les mêmes structures, usent des mêmes moyens et visent les mêmes fins. Alors, quand la défiance vis-à-vis de la politique s'accentue, quand le savoir-vivre s'effondre, ce sont les deux faces d'une même conception de la civilité qui sont mises en cause. Et le nouveau visage de la barbarie moderne qui émerge. Un livre décisif et d'une saisissante actualité. "

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  • Aya Nakamura : n’entrons pas dans la fausse polémique macronienne...

    Nous reproduisons ci-dessous un salutaire point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré aux polémiques sociétales utilisées par Macron et sa bande pour détourner l'opinion des vrais sujets...

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021), Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021)  et dernièrement Bienvenue dans le meilleur des mondes (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Aya Nakamura : n’entrons pas dans la fausse polémique macronienne

    Avec Aya Nakamura, la macronie lance une nouvelle opération de diversion, activement soutenue par les médias mainstream et aussi, hélas, par les gogos de droite. Car, dans l’affaire Aya Nakamura, tout est faux, comme la perruque blonde, les faux cils et les faux ongles de la chanteuse. Ne serait-ce que parce que la polémique a été lancée alors qu’aucune décision n’a été prise, semble-t-il. Alors, n’entrons pas dans la manipulation.

    L’art de la diversion macronienne

    La technique de la diversion macronienne est toujours la même : d’abord, on fait une annonce provocante – ici, la désignation d’une chanteuse franco-malienne au français douteux pour la cérémonie d’ouverture des prochains Jeux olympiques – destinée à jouer, vis-à-vis de l’opinion, le rôle de chiffon rouge.

    Cette annonce permet alors de rassembler le camp progressiste autour du gouvernement qui lance le projet et de dénoncer le camp rétrograde. De son côté, la « droite », elle, se divise toujours entre ceux qui sont pour, ceux qui sont contre ou ceux qui s’abstiennent par peur de la diabolisation, et elle perd donc l’initiative.

    Et pendant qu’on concentre « l’info » et les débats autour de l’annonce, on ne parle évidemment pas des sujets qui fâchent le pouvoir.

    Ce scénario fonctionne depuis au moins la présidence Hollande et réside au cœur des réformes sociétales : fabriquer des oppositions factices, horizontales, pour diviser les Français de façon à neutraliser l’opposition verticale et radicale entre le peuple et les élites. Pendant que les polémiques sociétales permettent aussi de faire oublier la question sociale pour le plus grand profit du pouvoir économique.

    Attendons-nous au pire, nous ne serons pas surpris

    En vérité, le choix d’Aya Nakamura dans le rôle d’Édith Piaf ne saurait surprendre que les imbéciles.

    Il est en effet à l’aune d’un pouvoir qui a pris le parti de mépriser l’identité nationale et de ridiculiser les Français en toute occasion.

    Alors, pour les Jeux olympiques, attendons-nous au pire, nous ne serons pas surpris !

    La cérémonie d’ouverture verra le remake inclusif [1], antiraciste et woke de celle du bicentenaire de la Révolution française : sauf qu’à l’époque on avait fait appel à la cantatrice soprano Jessye Norman. Aujourd’hui, on semble choisir Aya Nakamura, ce qui permet de mesurer la chute de notre pays depuis 1989 et le niveau culturel de nos décideurs actuels…

    Il s’agira de « briser les codes », annonce le site Internet des JO. Nous voilà avertis.

    Nous aurons donc, sans doute, des défilés d’athlètes transgenres, si possible de toutes les couleurs, et peut-être demandera-t-on à Volodymyr Zelensky de chanter La Marseillaise. Ou à Mme von der Leyen de brandir, en maillot arc-en-ciel, le drapeau de l’UE sous les ponts de Paris.

    N’en doutons pas, les bobos vont exulter, à l’instar d’Amélie Oudéa-Castéra qui se pâme déjà devant le talent d’Aya, et c’est l’essentiel puisque les Français seront de toute façon exclus du programme tant par le prix des billets que par les mesures de police ou les interdictions de circulation. Un Paris Potemkine sans beaufs, sans voitures, et vidé pour la circonstance de ses migrants, sinon de ses rats : le rêve de la gauche bourgeoise [2].

    Soyons plus « Djadja »

    Alors n’entrons pas dans la fausse polémique du moment.

    Si l’on vous interroge sur Aya Nakamura, demandez plutôt à votre interlocuteur d’évoquer par exemple le bilan diplomatique, économique et sécuritaire catastrophique d’Emmanuel Macron, son dangereux bellicisme, son isolement sur le plan international, ou encore la réduction continue des libertés publiques dans notre pays.

    Ce sera nettement plus « Djadja »…

    Michel Geoffroy (Polémia, 21 mars 2024)

    [1] À la condition, bien sûr, de faire disparaître toute croix chrétienne de l’affiche des JO.
    [2] Pléonasme français.

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  • L'Etat, le peuple, la guerre et l'espérance...

    Vous pouvez découvrir ici une conférence donnée par Laurent Ozon devant le cercle Aristote dans laquelle il analyse le rôle de l’État vis-à-vis du peuple au travers de l'actualité, et notamment au travers de la menace de guerre en Europe.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

     

                                         

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  • Du héros à la victime : la métamorphose contemporaine du sacré...

    Les éditions Gallimard viennent de publier un essai de François Azouvi intitulé Du héros à la victime : la métamorphose contemporaine du sacré. Philosophe et historien, François Azouvi  est directeur de recherche au CNRS et directeur d'études à l'EHESS.

     

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    " Autour des années soixante et soixante-dix du siècle dernier, un bouleversement anthropologique s'est produit en France et dans la plupart des sociétés occidentales : le modèle du héros qui prévalait jusqu'alors et dictait nos comportements a cédé la place au modèle de la victime. Que nous ne soyons désormais plus requis de nous comporter en héros mais invités à nous constituer en victimes, c'est un fait dont on convient généralement. Mais on ne s'était pas jusqu'à présent interrogé sur les raisons et les modalités de cette mutation. François Azouvi reconduit l'émergence de la société des victimes à une autre transformation, d'immense portée : le retrait du religieux dans sa forme institutionnelle. La victime a pu ainsi être sacralisée au point d'incarner, dans nos sociétés sécularisées, le Vrai et le Bien. Son règne marque la métamorphose du religieux en sacré. Pour retracer cette histoire, François Azouvi suit le trajet et les mutations de l'héroïsme depuis son apogée, en 1914, jusqu'à son effacement progressif et son remplacement par le modèle victimaire. Son enquête nous mène aux formes tout à fait contemporaines que ce modèle revêt aujourd'hui, dans une société morcelée par les irrémédiables compétitions auxquelles les victimes se livrent entre elles. "

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  • Retour à Barrès !...

    Nous vous signalons la parution du nouveau numéro de la revue Nouvelle Ecole (n°73, année 2024), dirigée par Alain de Benoist, avec un dossier consacré l'écrivain Maurice Barrès.

    La revue est disponible sur le site de la revue Éléments. Les parisiens pourront également la trouver à la Nouvelle Librairie

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    Sommaire

    Dossier

    Un professeur d’énergie. (Olivier Maulin)
    Modernité de Barrès. (François Broche)
    Relire Barrès, retourner en Arcadie. (Sarah Vajda)
    La Cocarde de Barrès, laboratoire du nationalisme. (Yves Chiron)
    Le jeune Barrès, socialiste et fédéraliste. (Alain de Benoist)
    Maurice Barrès au miroir de Stanislas de Guaita. Un enracinement inattendu. (Marie-France de Palacio)
    Maurras-Barrès : une « amitié sans retour ». (Axel Tisserand)
    Relire Colette Baudoche aujourd’hui. (Jonathan Sturel)
    Maurice Barrès, l’Orient et les orientalistes. (François Angelier)
    Le maître interdit. (Michel Bernard)
    La figure de Barrès dans le discours collaborationniste. (Emmanuel Godo)
    Document : Barrès et l’Allemagne [1943]. (Ramon Fernandez)
    Rayonnement et postérité de Maurice Barrès. (Olivier Dard)
    Barrésisme et révolution conservatrice (1991). (Jean-Marie Domenach)
    Maurice Barrès et le « nationalisme » dans l’oeuvre d’Ernst Jünger. (Karlheinz Weißmann)
    Barrès ou le secret de l’Espagne. (Michel Lhomme)

    Les auteurs du dossier
    Bibliographie N. E.

    Varia

    Lettres de Jules Monnerot à Alain de Benoist (1969-1985).
    Introduction à la philosophie de Roy Bhaskar. (Christophe Petit)
    Gagner une guerre ? La question de la force morale. (Alain de Benoist)
    L’architecture moderne ou la construction au service de la déconstruction. (Pierre Le Vigan)

    Nécrologie

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  • Ezra Pound face aux marchands du temple...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Adriano Scianca au site de la revue Éléments dans lequel il évoque la figure du poète Ezra Pound. Journaliste italien, rédacteur en chef du quotidien Il Primato Nazionale et de la revue Prometheica, Adriano Scianca est notamment l’auteur de Casapound, tout se réapproprier (Editions Némésis, 2019) et de Ezra Pound et le sacré (La Nouvelle Librairie/Iliade, 2023).

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    Ezra Pound face aux marchands du temple : les explications d’Adriano Scianca

    ÉLÉMENTS : Comment expliquer la prise de conscience identitaire latine chez Ezra Pound dont l’origine et les repères culturels sont d’abord anglo-saxons ?

    ADRIANO SCIANCA. En effet, il n’est pas rare que des personnalités issues d’autres contextes culturels retrouvent une partie d’eux-mêmes dans le monde méditerranéen. Il suffit de penser à Nietzsche et à sa relation avec l’Italie. Il s’agit évidemment de personnalités qui remettent en question quelque chose dans leur monde culturel d’origine et qui, confrontées au climat (géographique, anthropologique, spirituel) méditerranéen, redécouvrent la possibilité d’être elles-mêmes d’une manière différente. Dans le cas de Pound, ce qui lui était insupportable aux États-Unis, c’était la mentalité puritaine, ainsi que l’absence d’un héritage culturel profond. Lorsqu’il débarque en Europe, il trouve une société d’une grande vitalité culturelle, ainsi qu’un réservoir presque infini de culture stratifiée sur des millénaires, devant lesquels il manifeste un étonnement typiquement américain. Le contact avec l’Italie le marquera donc à jamais. Il faut noter qu’il ne fréquente guère les grandes villes (à l’exception de Venise), mais préfère les petites villes de l’Italie rurale. Il y découvre l’existence d’un catholicisme fortement innervé d’éléments païens, avec des rites très pittoresques et une mentalité étrangère à tout sectarisme. Lorsque, pour provoquer une religieuse qui lui demandait de quelle religion il était, il répondit qu’il croyait en Zeus et aux anciens dieux païens, il l’entendit répondre avec désinvolture : « Tout cela n’est qu’une religion. » Ces mots prononcés par une religieuse chrétienne l’ont choqué : aux États-Unis, personne ne les aurait jamais prononcés. Mais, comme je l’ai dit, ce n’est pas pour cette raison que Pound devient italien ou renie ses origines. Au contraire, il relie – dans une vision singulière et éclectique – l’action des réformateurs et des mécènes de la Renaissance ou celle de Benito Mussolini à la vision du monde frugale, spartiate, honnête et paysanne de Thomas Jefferson. Jusqu’à la fin, Pound se considérera comme un patriote américain, fidèle aux valeurs originelles de sa nation, trahie selon lui par une oligarchie rapace.

    ÉLÉMENTS : Peut-on considérer la doctrine religieuse poundienne comme un panthéisme ? Comment comprendre la notion de sacré chez lui ?

    ADRIANO SCIANCA. Il y a certainement des éléments panthéistes dans la conception du sacré de Pound. Le poète pense qu’il existe une partie de l’univers – son « essence la plus profonde » – qui n’est pas produite par l’homme, qui est autre qu’humaine. Cette essence, Pound l’appelle Dieu. Le divin se confond donc avec le monde, ou du moins avec son « essence la plus profonde ». La conception du sacré de Pound est très influencée par le thème néo-platonicien de la lumière. Omnia quae sunt, lumina sunt, répète Pound en citant Scot Érigène. Mais il y a aussi une force dans le monde qui cherche à obscurcir cette lumière : c’est la force de l’usure, que Pound comprend dans un sens métaphysique. L’usure est tout ce qui apporte la stérilité, la laideur, la lâcheté, l’oppression. Le sacré est ce qui échappe à l’usure, ce qui est inaccessible à l’achat et à la vente.

    ÉLÉMENTS : Quant à sa « métaphysique du sexe » (p. 37) en lutte contre les puritains, peut-on y voir une tentative de renouer avec la sexualité épicurienne de la Rome antique ?

    ADRIANO SCIANCA. Il y a certainement une racine païenne dans la vision poundienne de la sexualité, mais je ne la qualifierais pas d’épicurienne. L’épicurisme renvoie à une romanité déjà décadente (ainsi qu’à une imagerie négative propagée par les polémistes chrétiens et reprise plus tard par Hollywood). Pound a à l’esprit les rites de fertilité et une vision de la sexualité entièrement « innocente », libérée de l’idée de péché. « Le corps se trouve dans l’âme », écrit-il dans le Canto 99, renversant la dichotomie chrétienne classique et réhabilitant une dimension corporelle enfin libérée du péché. Dans le Canto 113, il qualifie d’ailleurs le péché d’« un stratagème pour consolider la domination ». Il détestait par-dessus tout la mentalité puritaine, les magazines à potins, les ragots, dont il avait également été victime dans sa jeunesse. Il identifie dans le puritain un homme malhonnête et complexé : « Le puritain est un pervers, tout son sens de la corruption mentale s’étend sur un seul sillon, celui du sexe. » Il pensait qu’il existait un lien entre l’orgasme et l’illumination artistique et spirituelle. Il détestait Freud, qualifiant ses théories de « poison ». Une fois de plus, il fait intervenir l’économie dans l’équation : pour Pound, l’usure est ce qui tue la fertilité, ce qui « tue l’enfant dans le ventre » de la femme. À plusieurs reprises, il compare l’usure à la prostitution : « Ils ont amené des putes à Éleusis… »

    ÉLÉMENTS : Dans quelle mesure le plaidoyer de Pound pour les civilisations contre l’usure peut nous aider à comprendre la mondialisation financière en cours ?

    ADRIANO SCIANCA. Bien sûr, il faut garder à l’esprit que Pound n’était pas un théoricien organique et cohérent de l’économie. Sur ce sujet, comme sur tout le reste, il faut, avec Pound, procéder par éclairages. Le premier aspect crucial est la critique de la création monétaire ex nihilo, de manière incontrôlée. Pour Pound, c’est le péché originel du système financier. Mais c’est aussi ce qui a créé toutes les « bulles » économiques qui ont éclaté ces dernières années avec des résultats ruineux. Le deuxième aspect intéressant et très actuel est la critique du lien incestueux entre les médias et le grand capital. Pound avait compris que l’utilisation des médias à des fins de propagande faite par les grands régimes totalitaires était une forme de conditionnement beaucoup moins raffinée que celle à l’œuvre dans les sociétés libérales, où il n’est pas nécessaire d’abolir la liberté d’expression, il suffit d’éliminer les occasions pour les voix dissonantes d’avoir accès aux microphones. Le troisième aspect sur lequel il convient de réfléchir est le lien entre le capitalisme et l’anxiété. Il s’agit là d’une analyse vraiment profonde et prémonitoire. Pound a compris que la « faim », la pauvreté totale et absolue, était une exception que le capitalisme pouvait très bien surmonter. La véritable tragédie est de jeter des pans entiers de la population dans l’angoisse, dans l’insécurité, dans l’incapacité de se projeter dans l’avenir, même dans un contexte où les gens travaillent et parviennent plus ou moins à se nourrir. Cette analyse me semble particulièrement opportune à l’ère de ce que les Américains appellent les bullshit jobs, de la précarité, de la fin de l’État social. Cette angoisse, pour Pound, est socialement dévastatrice, et il l’explique bien dans son célèbre poème sur l’usure, où il peint un scénario où, à cause du système économique, personne n’a « un foyer solide », où l’enfant « étouffe dans le ventre », où la nourriture n’est plus saine mais devient un déchet, où l’art ne dispense plus de beauté. C’est le portrait d’une société dépressive, terne, stérile, qui n’est plus capable d’imaginer un avenir, qui n’a plus d’espoir, où les plus jeunes sont abandonnés à la malbouffe, aux emplois mal payés, aux maisons petites et insalubres, et n’ont pas la possibilité matérielle de fonder une famille.

    ÉLÉMENTS : N’y-a-t-il pas dans l’ethos d’un Donald Trump exaltant la verticalité de l’État et s’éloignant de la tradition libérale-démocrate anglo-saxonne et un certain puritanisme une synthèse poundienne entre Europe et États-Unis ?

    ADRIANO SCIANCA. Je ne suis pas sûr que Trump exprime un sens de la « verticalité de l’État ». Il est certes issu de la souche germanique qui constitue l’ossature anthropologique même de la réussite historique des États-Unis, et il est d’ailleurs culturellement plus lié à ce monde qu’à la fameuse « Amérique profonde », pauvre et paysanne, qu’il courtise et imite sans y croire vraiment. Il a donc une faible racine européenne. La vénalité, la vulgarité, la superficialité du personnage n’auraient cependant guère plu à Pound. Il se peut cependant qu’il ait apprécié son éloignement des cercles les plus belliqueux et des milieux médiatiques. Pound aurait donc pu exprimer une appréciation « tactique » de Trump, certainement pas une véritable sympathie culturelle, politique ou spirituelle.

    Adriano Scianca, propos recueillis par Arnaud Varades (Site de la revue Éléments, 13 mars 2024)

     

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