Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Métapo infos - Page 209

  • L'exil des collabos...

    Les éditions du Cerf viennent de publier une étude historique d'Yves Pourcher intitulée L'exil des collabos 1944-1989. Historien, professeur des universités à l'IEP de Toulouse, Yves Pourcher est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la période de l'occupation.

     

    Pourcher_L'exil des collabos.jpg

    " Ministres à Vichy, chefs de police, patrons de presse, speakers de radio, acteurs de cinéma ou simples quidams, ils sont partis au mois d'août 1944 dans les wagons de l'ennemi, puis ils se sont cachés. Leur exil a duré 45 ans pour certains ! Yves Pourcher nous offre ici une galerie de naufragés de l'histoire.

    Août 1944. La veille encore, ils étaient ministres, chefs de police, patrons de presse ou vedettes de cinéma. Mais les voilà qui fuient. Ils quittent la France dans les wagons de l'ennemi. Les uns mourront en exil. Les autres reviendront pour chercher refuge dans l'oubli. Certains finiront traqués et jugés. Leurs noms ? Abellio, Bonnard, Déat, Céline, Darquier de Pellepoix... Leurs fautes ? La glorification de Hitler, l'administration de Vichy, la formation des miliciens, la répression des résistants, la déportation des Juifs. Leurs lieux de fuite ? L'Allemagne écrasée et, de là, la Suisse neutre, l'Espagne franquiste, l'Argentine péroniste mais aussi les couvents retirés des Alpes.
    Il fallait Yves Pourcher pour exhumer les archives, les témoignages, les correspondances qui dévoilent l'après-guerre des collabos, les chefs et les seconds couteaux, les célébrités et les anonymes. Dans cette galerie des naufragés de l'histoire, où se mêlent le déshonneur et la nostalgie, le reniement et l'endurcissement, les ultras côtoient les lâches et les profiteurs acharnés, les fascistes incurables. Qu'ils se fassent précepteur des riches, marchand d'huîtres, maître-nageur, rubricard de presse, auteur de science-fiction ou écrivain maudit, ils fuient devant le rouleau de l'opprobre, connaissent la malédiction des vaincus, ruminent leur passé, redoutent l'heure de leur condamnation. Autant d'existences pathétiques à la mesure d'autant de complicités
    criminelles.
    Une enquête inédite et totale. Un livre magistral. Une grande leçon d'histoire sur la France d'hier. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • L'union des droites est-elle un leurre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Rodolphe Cart, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la question de l'union des droites...

     

    LR_RN_Reconquête.jpg

    Pourquoi l’union des droites est un leurre

    Depuis des décennies, la fausse alternance gauche-droite est la base du spectacle politique français. Cette illusion ne cache-t-elle pas la réalité d’un clivage plus profond qu’est l’opposition verticale entre le peuple et les élites ? La dernière livraison de L’Incorrect réunissait pour un entretien les trois représentants « jeunes » des principaux partis politiques de droite avec Guilhem Carayon (LR), Stanislas Rigault (Reconquête !) et Pierre-Romain Thionnet (RN). À cette occasion, le magazine déclarait que cette jeunesse avait le désir de « couper le cordon ». Depuis cet échange, beaucoup de commentateurs ont évoqué une possible « union » pour ces jeunes n’ayant pas les scrupules de leurs prédécesseurs. Ce futur accord des partis de droite est-il souhaitable ?

    Après les victoires de coalitions en Suède et en Italie, le concept d’union des droites est revenu sur le devant de la scène. Selon un sondage Odoxa-Backbone Consultingk de septembre 2022, 68 % des sympathisants du RN et 93 % des électeurs de Reconquête étaient favorables à une coalition LR-RN-Reconquête. En revanche, si 57 % des sympathisants de la droite de gouvernement étaient favorables à s’allier avec le RN en 2019, ils étaient dorénavant une majorité à rejeter une telle perspective. Aussi, 89 % des sympathisants Renaissance favorables à une alliance la situaient avec LR, et, réciproquement, 51 % des sympathisants LR favorables à une alliance l’imaginent avec Renaissance.

    Ces chiffres annonçaient déjà ceux de la réforme des retraites. Selon un sondage Cluster17 pour Le Point, il n’y a que les électeurs d’Emmanuel Macron (7 sur 10) qui soutiennent majoritairement ce projet de réforme, les sympathisants LR (5,8) ainsi qu’une partie des électeurs de Zemmour (4). Ensuite on tombe à 2,5/10 pour les électeurs du RN, à 1,5 pour ceux de Roussel, et à peine à 0,9 pour les mélenchonistes. L’entretien de L’Incorrect confirme ce positionnement puisque Stanislas Rigault souscrit à « 99,9% » à la lecture de Guilhem Carayon et des LR. Contre l’avis des deux autres, Pierre-Romain Thionnet suit la ligne de son parti et s’oppose à cette réforme.

    Sortir de l’« arc républicain »

    Si les trois affirment défendre la « question civilisationnelle », Pierre-Romain Thionnet assure que son « adversaire politique » est le macronisme. Aussi, il dit quelque chose d’intéressant quand il déclare qu’ils appartiennent tous au « même camp ». Ce que corrobore Guilhem Carayon, qui ajoute que « l’avantage de notre génération de droite est que l’on se connaît tous ». Ce faisant, tous mettent involontairement le doigt sur les défauts majeurs de la droite française : elle est – ou est perçue (c’est l’important), quand bien même elle ne l’est pas – comme urbaine, endogame et soumise de fait à l’« arc républicain ».

    Depuis son arrivée massive à l’Assemblée nationale, les tentatives du RN pour devenir un parti comme les autres échouent les unes après les autres. La porte reste fermée pour le RN qui essuie refus sur refus de la part de ces « alliés présumés naturels » que sont les LR. Alors que le RN joue le jeu en votant des textes dont l’importance dépasse les simples clivages politiques, la NUPES, quant à elle, s’abstient toujours dès qu’il s’agit d’un texte ou proposition de loi provenant de l’autre côté de l’hémicycle. Tout ce beau monde s’abrite derrière l’argument de l’« arc républicain ». « Le regroupement du centre et des modérés face aux extrêmes, c’est exactement l’idée de la “Troisième force” sous la IVe République », rappelle Mathias Bernard. Et gare à ceux qui franchiraient le Rubicon comme Charles Millon en 1998 à la présidence de la région Rhône-Alpes, puisque ce dernier, en acceptant les voix du FN, était devenu un pestiféré – et cela même pour la droite « républicaine ».

    Le bloc bourgeois ennemi du camp national

    Une partie du peuple en a marre de ce spectacle d’un monde politique qui simule une opposition fictive et « frivole » (Michel Clouscard). Les deux sondages précédents confirment que le clivage horizontal n’aura servi qu’à masquer une opposition entre deux blocs sociaux (les blocs élitaire et populaire). Pendant que les godillots de l’« alternance unique » (Jean-Claude Michéa) simulaient de se battre sur des sujets sociétaux comme l’islam, la PMA ou le mariage des homosexuels, le parti de l’extrême centre (de EELV aux LR) en a toujours profité pour mener son agenda antinational de destruction de l’industrie par l’Union européenne et du remplacement du peuple par l’immigration.

    L’union des droites fait encore partie de ses manigances censées faire croire au peuple qu’il reste une solution par la voie légale, démocratique, élective. Elle serait là pour représenter un spectacle gauche-droite auquel les Français croient de moins en moins. En réalité, une guerre civile « larvée », dont les Gilets jaunes ne furent qu’un soubresaut, continue de grossir. Ce conflit entre les deux blocs rejouera bientôt ces luttes anciennes du sacerdoce et de l’Empire, des gallicans et des ultramontains, des adeptes de l’Ancien régime et de la Révolution.

    Bien que séparés en apparence, l’éternel marais – autre nom du centrisme français – représente cette classe dominante et antipatriotique aux manettes. La guerre civile qui vient opposera les partisans du temple de la République contre ceux de la maison France. Maintenant que la supercherie du clivage droite-gauche est de plus en plus visible, la seule chance du bloc élitaire réside dans la fusion de ces forces dont Macron fut l’exemple parfait avec la réunion des deux bourgeoisies. Ce parti de l’Ordre est la partie organique de la classe dominante actuellement au pouvoir, et que les bourgeois conservateurs (LR et une partie de Reconquête !) ne quitteront jamais par intérêts sociaux.

    Notre époque ressemble à celle de la révolution de 1848. Si le régime de l’époque assurait la domination de la bourgeoisie, c’est surtout la haute bourgeoisie financière qui dominait la petite bourgeoisie productive – ce qui poussa la Garde nationale à fraterniser avec les classes populaires en février 1848. Comme aujourd’hui, cette nouvelle droite bourgeoise – pas celle issue de l’Ancien Régime et du pouvoir foncier – est hostile au peuple du travail. Si la chute de Louis-Philippe marqua la fin de la dynastie capétienne, la fin de Macron (ou de son successeur) annoncera la fin de la dynastie bourgeoise en France. Et comme la révolution de 1848 sonna le déclenchement du Printemps des peuples en Europe, on peut espérer que la révolte de la nation française entraînera un mouvement de fond pour le Vieux Continent.  

    L’extrême centre contre l’union des extrêmes

    Jusqu’en 1914, la République a été incapable de réconcilier la gauche et la droite, et ce fut seulement au moment de la Première Guerre mondiale, grâce à l’Union sacrée, qu’elle put revendiquer une certaine légitimité. Ce n’est donc pas 1789 qui fonde la République, mais bien seulement la Victoire de 1918, mais qui n’a jamais répondu aux questions politiques que soulevait la Révolution. Si la Révolution se fit au nom de valeurs universelles dont se revendique la gauche, ce sont bien des valeurs locales (celles de la droite) comme le nationalisme qui ont sauvé la France. Si la République est légale, elle aussi est illégitime.

    Le pacte qui liait les Français au régime de la Ve République est rompu. La lente soumission du gouvernement et du Parlement au président de la République, la sécession des élites françaises, puis l’ascendant pris par l’UE (juges communautaires, Banque centrale européenne, droit européen) ont peu à peu éloigné le peuple de la République. Or, le fond du débat repose sur cette distinction de la légitimité et de la légalité. Depuis le général de Gaulle, la République ne réussit plus à conserver l’ordre symbolique qui pouvait la rendre légitime. Sous parapluie européen, les élites françaises continuent la destruction de la France : vente à la découpe des fleurons publics, avènement du tout-tertiaire, libéralisation des échanges et immigration de masse.

    La République, et avec elle sa classe dirigeante, a rompu le contrat social qui la liait au peuple à la suite de la Révolution. Depuis 50 ans, le peuple français se bat pour conserver ce pacte concret et qui avait le mérite d’exister, mais le bloc élitaire fait tout pour accéder à une autre réalité universelle et virtuelle (européisme, dissolution des frontières et libéralisme). Comme le rappelle l’historien Fabrice Bouthillon, le seul moyen pour gouverner un pays si fracturé est le gouvernement au « centre ». En France, il y a deux centrismes : l’extrême centre par rejet des extrêmes (ni gauche ni droite) ou l’union des extrêmes par addition des extrêmes (de gauche et de droite). Et ce sont ces couples qui déterminent depuis plus de deux siècles la politique française : Thermidor et le Directoire, l’orléanisme et le bonapartisme, le radicalisme et le boulangisme, l’européisme et le gaullisme, le macronisme et le souverainisme.

    Faire l’union des droites, c’est faire sien un état d’esprit plus qu’un programme. C’est prendre la défense de l’ordre établi et participer à ce carnaval gauche-droite dont raffolent les véritables possesseurs de la richesse et du pouvoir. Au contraire de l’union des extrêmes qui doit tenir compte des deux bords – on se souvient de la politique gaulliste –, l’extrême centre n’a besoin que de lui-même. Or, c’est une stratégie de rupture et non de réforme qu’il faut à la France. Il faut trancher ce nœud gordien et mépriser l’« arc républicain », car comme disait Groucho Marx : « Jamais je ne voudrais faire partie d’un club qui accepterait de m’avoir pour membre. »

    Rodolphe Cart (Site de la revue Éléments, 10 mars 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Tour d'horizon... (240)

    Observer.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - le dossier de la Fondation Identité et démocratie consacré au savoir et réalisé par Hervé Juvin...

    Du marché des savoirs à la société de l’ignorance

    Livre_ouvert.jpg

    - la note de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie consacré aux obstacles posés par les juges à la mise en œuvre d'une politique d'immigration ferme...

    Politiques d'immigration : le gouvernement des juges ?

    Conseil d'état.jpg

    Lien permanent Catégories : Tour d'horizon 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (412)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Floriane Jeannin.

     

                              

    Au sommaire :

    Cette semaine dans "I-Média", Jean-Yves Le Gallou et Floriane Jeannin reviennent sur les déclarations de Bruno Le Maire, notre ministre de l’économie ou l’homme qu’il ne faut jamais croire quand il annonce une bonne nouvelle. Quelques heures après ses déclarations, largement reprises par la presse sur l’absence de risque existant en France de faillite de la Silicone Valley Bank, patatra, les bourses européennes se sont misent à trembler. Un exercice de contrôle des esprits désormais habituel chez les ministres de la Macronie.

    Pour l’image du jour, nous reviendrons sur la poignée de main manquée entre un imam et la princesse de Galles, une “gaffe” de la future reine selon la presse féminine, toujours prompte à se soumettre à un islam conquérant.

    Dans la revue de presse enfin, nous évoquerons le débordement des poubelles et des rats en ville, l’affaire du drone américain, Léa Salamé face à Sonia Mabrouk dans “Quelle époque !”, le retour du match Macron-Le Pen avec L’Express, un féminicide féminin, la discrimination positive pas sympathique de l’Opéra, le Covid et les médias en Allemagne versus en France, le film de BHL à moins de 1 000 entrées, et le grand vieillissement des spectateurs de la télévision.

    Sans oublier un coup de chapeau à Pierre Conesa pour son livre, “Vendre la guerre – Le complexe militaro-intellectuel”, aux éditions de l’Aube.

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Faut-il encore défendre l'Occident ?...

    Le nouveau numéro de la revue Réfléchir & agir (n°77 - Printemps 2023) est paru. Le dossier est consacré à l'Occident...

    La revue n'est plus disponible que par abonnement.

     

    Réfléchir&Agir 77.jpg

    Au sommaire :

    En bref

    Antipasti

    Le complotisme, maladie infantile de l'opposition radicale, par Scipion de Salm

    Scènes et rustines du nationalisme

    DOSSIER 

    Faut-il encore défendre l'Occident ?

    L'Occident, une réalité enracinée, par Scipion de Salm
    Ils voulaient défendre l'Occident, par Eugène Krampon
    Sommes-nous des Occidentaux ?, par Eugène Krampon
    Les valeurs de l'Occident moderne, par Klaas Malan

    Géopolitique de l'Occident, par Klaas Malan

    L'OTAN, hard power, par Klaas Malan

    Qui sont les ennemis de l'Occident ?, par Scipion de Salm

    Grand entretien

    Reynald Secher

    Écologie

    Religions de la nature et religions révélées, par Thomas de Pieri

    Fascisme

    Aux fourneaux avec les futuristes, par Sylvain Roussillon

    Littérature

    Langelot aux services secrets de la France, par Edouard Rix

    Notes de lecture

    Les crimes du mois

    Cinéma

    Une svastika sur l'écran, le cinéma national-socialiste, par Pierre Gillieth

    Disques

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Derrière la Guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au monde de l'Inde...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

    G7_BRICS.jpg

     

    Derrière la Guerre

    Pendant que les nouvelles du front occupent l’attention, le monde bouge. Son mouvement s’accélère, à la faveur d’une guerre qui a pour sérieuse conséquence de rendre les Nations européennes aveugles à ses enjeux. Qu’ils soient régionaux, continentaux, ou mondiaux, ces enjeux sont pourtant d’une immense importance. D’abord, parce qu’ils déjouent bien des vérités acquises et des principes établis. Ensuite, parce qu’ils réécrivent la carte des puissances, que ce soit au niveau régional, en Europe, au niveau continental, en Eurasie, ou dans le monde, entre aires de civilisation. Enfin, et surtout, parce qu’ils font éclater des vérités cachées depuis la fondation du monde — de ce monde qui est né en 1944, et qui s’achève sous nos yeux grands fermés.

    La Pologne, la Lithuanie, l’Estonie, la Lettonie, ont-elles pris le pouvoir au sein de l’Union européenne ? 

    La rhétorique anti-russe de rigueur, comme l’engagement illimité derrière l’Ukraine, comme les prises de parole imposées, facilite un déplacement majeur du pouvoir et de l’influence en Europe. Tout se passe comme si l’Allemagne et la France avaient perdu cette capacité d’entraînement qui a permis à leur accord de diriger l’Union — et de la maintenir en vie. Tout se passe comme si la fin du pari allemand — unir sa technique et ses capitaux aux ressources de la Russie pour bâtir une puissance continentale mondiale à l’abri du parapluie américain — laissait la première puissance européenne désemparée, sans plan de rechange et sans projet national — subir l’occupation américaine n’y suffit pas. Et comment reconnaître une ambition ou un projet dans les errements de la France ? En quelques mois, voilà son Président passé d’une posture de recherche d’autonomie stratégique sans les moyens de celle-ci, et d’abord l’indépendance financière, et d’abord un modèle national-européen de réindustrialisation, de maîtrise des mouvements de capitaux et de protectionnisme éclairé, à un alignement sur la stratégie anglo-américaine dont l’histoire dira si elle est de conviction, d’opportunité ou d’obligation…

    L’obsession britannique de toujours — bloquer l’accès de la Russie aux mers chaudes, interdire toute alliance continentale qui menacerait la supériorité maritime et le commerce anglais — s’accorde avec l’intérêt américain — désigner un ennemi, mobiliser contre l’ennemi et défaire l’ennemi pour oublier le désordre intérieur… rien de nouveau. Et rien de nouveau non plus dans une tactique éprouvée qui consiste à faire faire les guerres par les autres, à laisser les autres s’épuiser sous les encouragements, pour mieux partager la victoire sans avoir combattu, relever les ruines et dominer vainqueurs et vaincus également ruinés.

    À cet égard, l’affrontement entre la Russie et la Grande-Bretagne reproduit un agenda historique bien connu. Comme toujours il ne manque pas de Nations européennes assez naïves ou assez confuses pour servir la logique britannique. Comme toujours, la Pologne s’empresse de se donner une importance que la suite dramatique de ses échecs historiques ne lui donne pas. Le très intéressant papier de M. Potocki (publié dans Le Figaro, 25 février 2023), proposant à la France une alliance stratégique, révèle une ambition inédite — ou une prétention injustifiée. Et comme toujours, il ne manque pas de bons apôtres pour expliquer que cette fois, c’est différent — en oubliant l’histoire, et les morts. Il est plus nouveau que l’Allemagne et la France soient les deux grandes perdantes d’un jeu dont elles n’ont pas pris la mesure — parler d’indépendance sans en avoir les moyens n’est pas un crime, mais c’est une faute que la France paie, comme elle avait payé son refus justifié de participer à l’invasion de l’Irak. L’Empire punit ses tributaires insolents.

    Reclassement du monde

    Pas de semaine, de jour même, où le reclassement du monde ne fasse entendre son fracas aux oreilles attentives. Un jour, de grandes manœuvres maritimes réunissent en Afrique du Sud la Chine, la Russie, et l’Afrique du Sud — avec essai annoncé d’un missile hypersonique sans concurrent ni parade connus. Un jour, l’Iran est admis dans les Brics, et le surlendemain, c’est l’Arabie Saoudite qui demande à adhérer à l’Organisation de Shanghai. Un jour, c’est le Bangladesh qui est célébré comme l’économie connaissant la plus forte croissance au monde, et annoncé comme plate-forme de services et de production incontournable dans la décennie qui vient — capitale de 25 millions d’habitants qui ne menace personne, Dacca deviendrait-elle capitale de l’Indo-Asie sans que nul ne l’ait vue venir ?

    Encore un pays où le dividende démographique, mis en valeur par une politique volontariste de formation des jeunes, joue et va jouer à plein… Un jour, la Chine annonce l’émission d’obligations d’État, en renminbi, à des conditions qui devraient attirer les capitaux de toute l’Asie hors des T-bonds américains, après que la Russie et l’Iran aient annoncé mettre en œuvre un système interbancaire de paiements hors SWIFT qui suscite un intérêt régional marqué. Un jour encore, le Mexique confirme son refus de s’associer aux sanctions contre la Russie, rejoignant ainsi les grands pays d’Amérique du Sud. Et le lendemain, se dévoile une nouvelle organisation des Routes de la Soie, qui ouvre un corridor de communication partant de Khashgar, au Sing Kiang, pour déboucher à la fois par le CPEC sur le port de Gwadar au Pakistan, et sur le port de Chababar, en Iran, à 80 km de là — deux ports en eau profonde, ouverts sur l’Océan Indien et le golfe Persique, deux ports connectés à la Russie et à l’Asie centrale aussi bien qu’à la Chine, au cœur de cette zone qui, des Émirats et de l’Iran à l’Inde, avec la Chine et la Russie en arrière-cour, devient l’un des centres du monde. Le 20 février, le Ministère chinois des affaires étrangères a publié un document historique sur lequel nous reviendrons — « US hegemony and its perils ». Et le G20 de Bangalore a échoué dans sa prétention à « weaponizer » la politique économique — de quoi se mêlent-ils ?  

    Bien sûr, le nouveau Président du Brésil, Lula, se révèle collaborateur dévoué des États-Unis, comme ses confrères socialistes et verts européens. Bien sûr, les populations de l’Est européen, y compris en Moldavie, y compris en Biélorussie, et bien sûr dans la majeure partie de l’Ukraine, regardent vers l’Ouest comme vers un conte de fées — et non sans raisons ni sans illusions. Bien sûr, le soft power américain demeure, voire se nourrit d’un conflit qui envoie chacun à son intime conviction — non pas ; qui souhaite vraiment être gouverné par Moscou, ou Pékin ? Mais ; qui veut vraiment se gouverner soi-même, et en payer le prix ? Dans la poussière de faits, de traités, d’alliances stratégiques et de circonstance, une réalité devrait alerter l’Europe. Le monde s’organise pour ne plus subir la loi des intérêts stratégiques, financiers et écologiques des pays du Nord. Entendre les ONG faire la leçon à la Chine, comme j’ai dû le subir la semaine dernière, n’est plus seulement ridicule. C’est dangereux. Ils ne savent pas ce qu’ils font.

    Lire tout cela en fonction des seuls intérêts des parties en présence serait sacrifié à cet économisme qui fait tant de ravages.

    Car bien plus que de l’argent est en cause. Des économistes indiens ont chiffré, paraît-il, à 45 000 milliards de dollars les coûts de la colonisation britannique. La Grande-Bretagne, responsable entre autres des millions de morts et personnes déplacées lors de la partition de l’Inde, mesure-t-elle l’arrogance qui lui fait accuser dans un reportage de la BBC Narendra Modi de ne pas avoir protégé les musulmans de l’État qu’il dirigeait, le Gujarat, voici vingt ans ? Les Bangladeshis n’oublient pas que leur industrie textile florissante a été brutalement détruite par une colonisation qui en a fait un atelier à bas prix, bas salaire et sous-développement, comme elle a détruit le luxe indien, le premier au monde avec celui de la Chine. Le Pakistan, par sa ministre de la lutte contre le changement climatique, nous disait en novembre ce que tous là-bas savent ; avec 0 ; 2 % des émissions mondiales de CO2, le Pakistan est victime du développement inconsidéré que l’Occident a imposé au reste du monde, pour l’intérêt de la ploutocratie qui le dirige. Qui a parlé du commerce anglais comme crime contre l’humanité ? 

    Nous ne referons pas l’histoire. Mais il nous coûtera cher de l’avoir oubliée. Car eux ne l’ont pas oublié, ni les Palais pillés, ni les trésors volés au profit du British Museum — quand leurs voleurs rendront ils les frises du Parthénon ? —, ni les populations appauvries, dépossédées, réduites au sous-développement. Ils l’oublient d’autant moins que les États-Unis, la Grande-Bretagne, et la France hélas, continuent de se poser en donneurs de leçons, continuent de se comporter en maîtres du monde, continuent d’adopter des postures naturelles aux géants violents et géniaux qui ont assuré leur fortune, de Cécil Rhodes à Théodore Roosevelt, sans en avoir ni le génie, ni la force. Les États-Unis et leurs collaborateurs sont près de se trouver bien seuls. Seuls, face à un monde qui les supporte de moins en moins, qui assiste avec un mélange d’amusement et de dégoût à la décadence de l’Amérique Woke, et qui est décidé à ne plus écouter ses leçons, sa morale à sens unique et les beaux principes qu’elle trahit si bien.

    La guerre livrée contre la Russie en Ukraine est-elle le moment de ce renversement du monde qui s’est joué lors du traitement inique de la crise de 2007-2008 par les autorités américaines qui ont fait payer au monde les turpitudes de la tribu financière qui les gouverne ? Semaine après semaine, les enjeux montent, et aussi les risques. Seules face à l’Asie, face à l’Afrique, seuls même face à une Amérique du Sud qui sait ce qu’elle a payé pour la doctrine Monroe, et qui attend moins de la Chine sa liberté qu’un contrepoids face à l’étouffement américain, les Nations que les États-Unis croient leurs alliés, et qui leur sont seulement soumises, doivent se livrer à un salutaire exercice pour distinguer l’ennemi principal, les adversaires et les concurrents.

    La désinformation qui sévit ne les aide pas à y voir clair, par exemple sur la pauvreté que subit la population russe aux mains des oligarques milliardaires qui forment l’entourage du Président Poutine, comme celui du Président Zelensky, et qui se ressemblent au point de suggérer que cette guerre est aussi un affrontement d’intérêts privés. Derrière la scène, les mêmes se réjouissent qui gagnent à la victoire comme à la défaite – et font se battre les autres.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 10 mars 2023)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!