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Métapo infos - Page 1688

  • Les Veuves de Santiago...

    Les éditions Via Romana ont eu la bonne idée de rééditer Les Veuves de Santiago, le deuxième roman de Jean Raspail, initialement paru en 1962, chez Julliard, et qui était devenu introuvable. L'ouvrage est agrémenté par des aquarelles de Yan Méot, journaliste et peintre. Il est possible de découvrir ses réalisations sur son site personnel intitulé Le site de Yan

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    "Les Veuves de Santiago vous emportent au galop en terre indienne, sur l’altiplano du Pérou, face à l’irruption de la société moderne.
    Outre la vie, les traditions, la déchéance des grands féodaux propriétaires d’haciendas, Jean Raspail met en scène la lutte acharnée, mais aussi les joies, les peines, les amours de femmes altières et séductrices qui vont entraîner leurs hommes sur le chemin de la résistance.
     Horizons infinis, cavaliers fils de conquistadors, épouses, servantes-maîtresses, mères ou amantes de haut caractère, cette histoire de chair et de sang s’ouvre par la prédiction d’un sorcier bossu…
     Les aquarelles du peintre et grand voyageur Yan Méot illustrent magnifiquement cette saga d’un monde perdu."

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  • Contre les tabous indiscutés !...

    En hommage à Maurice Allais, prix Nobel d'économie, décédé samedi 9 octobre 2010 à Saint-Cloud à l'age de 99 ans, nous reproduisons ici une de ses dernières tribunes, publiée dans l'hebdomadaire Marianne en décembre 2009, dans laquelle il défendait encore sa thèse d'un "protectionnisme raisonné".

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    Contre les tabous indiscutés
     
    Le point de vue que j'exprime est celui d'un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m'apparaît fausse, artificielle. L'idéal socialiste consiste à s'intéresser à l'équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l'efficacité de la production de cette même richesse. Ils constituent à mes yeux deux aspects complémentaires d'une même doctrine. Et c'est précisément à ce titre de libéral que je m'autorise à critiquer les positions répétées des grandes instances internationales en faveur d'un libre-échangisme appliqué aveuglément.


    Le fondement de la crise: L'organisation du commerce mondial

    La récente réunion du G20 a de nouveau proclamé sa dénonciation du « protectionnisme », dénonciation absurde à chaque fois qu'elle se voit exprimée sans nuance, comme cela vient d'être le cas. Nous sommes confrontés à ce que j'ai par le passé nommé « des tabous indiscutés dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au cours des années» (1). Car tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l'actuelle crise: l'organisation du commerce mondial, qu'il faut réformer profondément, et prioritairement à l'autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.
     
    Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur ignorance de l'économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes: il en existe certains de néfastes, tandis que d'autres sont entièrement justifiés.

    Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C'est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d'avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c'est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l'Europe. Il suffit au lecteur de s'interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres - si ce n'est des écarts plus importants encore - pour constater que la concurrence n'est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d'œuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.


    Il faut délocaliser Pascal Lamy !

    Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m'apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d'aggravation de la situation sociale. A ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d'un contresens incroyable. Tout comme le fait d'attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l'ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l'arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler. Comme je l'ai précédemment indiqué, nous faisons face à une ignorance criminelle. Que le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ait déclaré: « Aujourd'hui, les leaders du G20 ont clairement indiqué ce qu'ils attendent du cycle de Doha : une conclusion en 2010 », et qu'il ait demandé une accélération de ce processus de libéralisation m'apparaît une méprise monumentale. Je la qualifierais même de monstrueuse. Les échanges, contrairement à ce que pense Pascal Lamy, ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, ils ne sont qu'un moyen. Cet homme, qui était en poste à Bruxelles auparavant, commissaire européen au Commerce, ne comprend rien, rien, hélas! Face à de tels entêtements suicidaires, ma proposition est la suivante: il faut de toute urgence délocaliser Pascal Lamy, un des facteurs majeurs de chômage!

    Plus concrètement, les règles à dégager sont d'une simplicité folle : du chômage résultent des délocalisations elles- mêmes dues aux trop grandes différences de salaires ... A partir de ce constat, ce qu'il faut entreprendre en devient tellement évident! il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j'ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces « organisations régionales» serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus à certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d'une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.


    Un protectionnisme raisonné et raisonnable

    Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s'unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l'est de l'Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d'Afrique ou d'Amérique latine. L'absence d'une telle protection apportera la destruction de toute l'activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c'est-à-dire de toutes les industries de l'Europe de l'Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu'avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l'industrie française finira par partir à l'extérieur. Il m'apparaît scandaleux que des entreprises ferment des sites rentables en France ou licencient, tandis qu'elles en ouvrent dans les zones à moindres coûts, comme cela a été le cas dans le secteur des pneumatiques pour automobiles, avec les annonces faites depuis le printemps par Continental et par Michelin. Si aucune limite n'est posée, ce qui va arriver peut d'ores et déjà être annoncé aux Français : une augmentation de la destruction d'emplois, une croissance dramatique du chômage non seulement dans l'industrie, mais tout autant dans l'agriculture et les services.

    De ce point de vue, il est vrai que je ne fais pas partie des économistes qui emploient le mot « bulle». Qu'il y ait des mouvements qui se généralisent, j'en suis d'accord, mais ce terme de « bulle» me semble inapproprié pour décrire le chômage qui résulte des délocalisations. En effet, sa progression revêt un caractère permanent et régulier, depuis maintenant plus de trente ans. L'essentiel du chômage que nous subissons tout au moins du chômage tel qu'il s'est présenté jusqu'en 2008 - résulte précisément de cette libération inconsidérée du commerce à l'échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie. Ce qui se produit est donc autre chose qu'une bulle, mais un phénomène de fond, tout comme l'est la libéralisation des échanges, et la position de Pascal Lamy constitue bien une position sur le fond.


    Crise et mondialisation sont liées

    Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu'une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. Régler seulement le problème monétaire ne suffirait pas, ne réglerait pas le point essentiel qu'est la libéralisation nocive des échanges internationaux. Le gouvernement attribue les conséquences sociales des délocalisations à des causes monétaires, c'est une erreur folle.

    Pour ma part, j'ai combattu les délocalisations dans mes dernières publications (2). On connaît donc un peu mon message. Alors que les fondateurs du marché commun européen à six avaient prévu des délais de plusieurs années avant de libéraliser les échanges avec les nouveaux membres accueillis en 1986, nous avons, ensuite, ouvert l'Europe sans aucune précaution et sans laisser de protection extérieure face à la concurrence de pays dotés de coûts salariaux si faibles que s'en défendre devenait illusoire. Certains de nos dirigeants, après cela, viennent s'étonner des conséquences !

    Si le lecteur voulait bien reprendre mes analyses du chômage, telles que je les ai publiées dans les deux dernières décennies, il constaterait que les événements que nous vivons y ont été non seulement annoncés mais décrits en détail. Pourtant, ils n'ont bénéficié que d'un écho de plus en plus limité dans la grande presse. Ce silence conduit à s'interroger.


    Un prix Nobel ... téléspectateur

    Les commentateurs économiques que je vois s'exprimer régulièrement à la télévision pour analyser les causes de l'actuelle crise sont fréquemment les mêmes qui y venaient auparavant pour analyser la bonne conjoncture avec une parfaite sérénité. Ils n'avaient pas annoncé l'arrivée de la crise, et ils ne proposent pour la plupart d'entre eux rien de sérieux pour en sortir. Mais on les invite encore. Pour ma part, je n'étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j'annonçais, et j'écrivais, il y a plus de dix ans, qu'une crise majeure accompagnée d'un chômage incontrôlé allait bientôt se produire. Je fais partie de ceux qui n'ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu'ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers. Par le passé, j'ai fait transmettre à certaines émissions économiques auxquelles j'assistais en téléspectateur le message que j'étais disposé à venir parler de ce que sont progressivement devenues les banques actuelles, le rôle véritablement dangereux des traders, et pourquoi certaines vérités ne sont pas dites à leur sujet. Aucune réponse, même négative, n'est venue d'aucune chaîne de télévision et ce, durant des années.

    Cette attitude répétée soulève un problème concernant les grands médias en France: certains experts y sont autorisés et d'autres, interdits. Bien que je sois un expert internationalement reconnu sur les crises économiques, notamment celles de 1929 ou de 1987, ma situation présente peut donc se résumer de la manière suivante: je suis un téléspectateur. Un prix Nobel. .. Téléspectateur. Je me retrouve face à ce qu'affirment les spécialistes régulièrement invités, quant à eux, sur les plateaux de télévision, tels que certains universitaires ou des analystes financiers qui garantissent bien comprendre ce qui se passe et savoir ce qu'il faut faire. Alors qu'en réalité ils ne comprennent rien. Leur situation rejoint celle que j'avais constatée lorsque je m'étais rendu en 1933 aux Etats-Unis, avec l'objectif d'étudier la crise qui y sévissait, son chômage et ses sans-abri: il y régnait une incompréhension intellectuelle totale. Aujourd'hui également, ces experts se trompent dans leurs explications. Certains se trompent doublement en ignorant leur ignorance, mais d'autres, qui la connaissent et pourtant la dissimulent, trompent ainsi les Français.

    Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l'intelligence, par le fait d'intérêts particuliers souvent liés à l'argent. Des intérêts qui souhaitent que l'ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu'il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d'un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu'il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale.

    Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu'aux sphères de la politique.

    Deuxième question: qui détient de la sorte le pouvoir de décider qu'un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ?

    Dernière question: pourquoi les causes de la crise telles qu'elles sont présentées aux Français par ces personnalités invitées sont-elles souvent le signe d'une profonde incompréhension de la réalité économique ? S'agit-il seulement de leur part d'ignorance? C'est possible pour un certain nombre d'entre eux, mais pas pour tous. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs.
     
    Maurice Allais (Marianne, 5 au 11 décembre 2009) 

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    (1) L'Europe en crise. Que faire ?, Éditions Clément Juglar, Paris, 2005
    (2) Notamment: La Crise mondiale aujourd'hui, éditions Clément Juglar, 1999, et La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance: l'évidence empirique, éditions Clément juglar, 1999
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  • L'immigration en France...

    Le numéro d'octobre 2010 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. On y trouvera un solide dossier consacré à l'immigration, avec notamment des articles de François Bousquet ("Intégration ou assimilation"), François-Laurent Balssa ("Un choix salarial pour les grandes entreprises") ou Henry de Lesquen ("Nationalité et immigration"), et des entretiens avec Jean-Paul Gourévitch et Malika Sorel. Hors dossier, on pourra aussi lire un bel article de François Bousquet consacré à Kipling, et on retrouvera les chroniques habituelles de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.

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     Il est possible de s'abonner sur le site de la revue : Le spectacle du monde

     

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  • De Frédéric II à Guderian...

    Les éditions Economica ont réédité au premier semestre 2010 La pensée militaire allemande, ouvrage paru initialement en 1948 sous la plume du colonel Eugène Carrias. L'auteur dresse la généalogie d'une pensée militaire qui trouve ses racines au XIXe siècle chez Scharnhorst, Clausewitz et Moltke et qui a su innover en particulier dans les domaines de la tactique et de l'art du commandement.

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    "La pensée militaire allemande est une pensée particulièrement riche dont nous, Français, avons eu durement à souffrir par trois fois, en 1870, en 1914 et en 1940. Elle produit une efficacité tactique redoutable et continue à influencer directement la pensée militaire moderne, dont celle " de l'armée des Etats-Unis. Elle fonde aussi un style de commandement, " l'auftragstaktik ", généralisé aujourd'hui sous l'appellation " mission command " dans la plupart des armées occidentales. L'ouvrage du colonel Carrias est aujourd'hui le seul ouvrage de synthèse qui offre une vision à la fois historique, complète et synthétique de ce sujet."

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  • Quand le nazisme frappait la droite...

    Nous inaugurons aujourd'hui une rubrique Archives qui comportera des textes qui, pour parfois être anciens, n'en conserve pas moins un intérêt évident.

    L'article que nous reproduisons a été écrit dans le Figaro Magazine en 1978 par Alain de Benoist. Il a été récemment réédité dans le recueil intitulé Au temps des idéologies "à la mode" (Les Amis d'Alain de Benoist, 2009). Cet ouvrage peut être commandé sur le site de la revue Eléments

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    QUAND LE NAZISME FRAPPAIT LA DROITE

    Expressionnisme et Révolution Conservatrice

     

    Il est assez étonnant de constater, alors qu’à l’étranger on voit se multiplier les thèses de doctorat et les ouvrages de référence sur l’histoire de l’Allemagne contemporaine, que, sur ce sujet, l’édition française en reste en général à un niveau d’approche plutôt superficiel. Aussi faut-il saluer la publication des deux ouvrages que Jean-Michel Palmier et Lionel Richard viennent de consacrer, l’un à l’expressionnisme, l’autre à la vie culturelle sous le national-socialisme, ouvrages loin d’être définitifs, mais qui, pour l’heure, ont au moins le mérite d’exister.

    Admirateur de l’École de Francfort (son livre est dédié à la mémoire d’Ernst Bloch), Jean-Michel Palmier est un excellent connaisseur de la res germanica. Son travail sur Les écrits politiques de Heidegger (L’Herne 1968), notamment, avait été remarqué. En dépit de son caractère un peu décousu, le gros essai qu’il publie maintenant sur l’expressionnisme attire opportunément l’attention sur une école de pensée qui reste aussi méconnue en France que peut l’être, dans une autre direction, le futurisme italien – malgré l’épais cahier édité il y a deux ans par la revue Obliques.

    Se réclamant aussi bien de Strindberg que de Nietzsche, de Rimbaud et de Munch, de Van Gogh et de Dostoïevski, l’expressionnisme a surtout fleuri à partir de 1910, touchant, de façon fulgurante, presque tous les secteurs des lettres et des arts, sans oublier le cinéma (de Caligari à L’ange bleu). Ses principaux thèmes de révolte visaient la guerre, la bourgeoisie, la grande ville et la mort. Orienté plutôt à gauche, bien qu’il eut aussi de nombreux admirateurs à droite, il fut dans les milieux marxistes l’objet d’un célèbre affrontement entre Ernst Bloch, qui en avait très vite saisi la portée historique, et Georg Lukács, qui le condamna sans appel. L’après-guerre de 1918 ruina les illusions de beaucoup d’expressionnistes. Certains s’exilèrent. D’autres se tournèrent vers le communisme et l’anarchisme, comme Taller et Mühsam, ou encore Johannes Robert Becher, qui finira, après 1945, par écrire des hymnes à Staline et deviendra le biographe de Walter Ulbricht. D’autres encore se rallièrent au nazisme, passagèrement ou de façon durable, comme Gottfried Benn, Emil Nolde, Hanns Johst, Hanns-Heinz Ewers ou Arnolt Bronnen.

    Le national-socialisme apparaît ainsi, au même titre que le communisme, comme un phénomène pluriel traversé de courants contradictoires. C’est ce que ne voient pas les auteurs qui ont tendance à se satisfaire de slogans. Ou qui tendent à établir des filiations imaginaires. S’il est exact, par exemple, que le national-socialisme a capté à son profit un certain nombre d’idées-forces et de mythes politiques qui étaient « dans l’air » avant lui, il est fort risqué de vouloir rétrospectivement faire de ceux qui ont lancé ces idées et ces mythes – qu’il s’agisse de Langbehn, de Paul de Lagarde ou, plus lointainement, de Friedrich Ludwig Jahn – autant de « précurseurs » du mouvement hitlérien. Certes, on peut toujours prétendre qu’il n’y a pas de discours « innocent ». Mais à ce compte-là, Jean-Jacques Rousseau et Babeuf sont les précurseurs du Goulag, et Euclide, celui de la bombe atomique.

    Aujourd’hui encore, beaucoup d’auteurs ignorent ou tendent à sous-estimer l’ampleur et l’originalité de ces courants nationalistes ou droitiers de l’Allemagne moderne, qu’Armin Mohler, dans un ouvrage considéré comme un « classique » (Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932, Darmstadt, 1972), a désignés sous le nom de «Révolution Conservatrice » – Lionel Richard parle, lui, de « néo-nationalisme » – et où l’on trouve aussi bien le « jeune-conservateur » Moeller Van den Bruck que le « socialiste prussien » Oswald Spengler, le jeune Thomas Mann (Considérations d’un apolitique) et le « national-bolchevik » Ernst Niekisch, les frères Ernst et Friedrich Georg Jünger, le romancier Ernst von Salomon (La ville), les poètes Walter Flex et Hermann Löns, Adolf Bartels et Stefan George, Gustav Frenssen (Der Glaube der Nordmark) et le cercle de la revue Die Tat, l’écrivain « national-prolétarien » Heinrich Leersch, le biologiste Jakob von Uexküll, l’archéologue Gustav Kossinna, etc. Confondre ces théoriciens avec des auteurs authentiquement nazis, comme Hanns Joost, Will Vesper (dont le fils épousa Gudrun Ennslin, l’égérie de la bande à Baader) ou Hans Zöberlein, c’est s’empêcher de savoir où se place la spécificité du national-socialisme, et d’articuler une analyse critique cohérente à son endroit.

    Loin de s’identifier au national-socialisme, les représentants de la «Révolution Conservatrice » rompirent en effet très souvent avec lui – et en furent parfois les victimes. Thomas Mann choisit l’exil. Le « jeune·conservateur » Edgar Jung fut assassiné par les nazis en 1934. Rudolf Pechel et Karl Haushofer furent enfermés dans des camps de concentration. Wilhelm Stapel dut interrompre la publication de la revue Deutsches Volkstum. Hans Zehrer, directeur de Die Tat, fut, comme bien d’autres, progressivement réduit au silence. Gottfried Benn fut dénoncé avec virulence en raison de ses liens avec l’expressionnisme. Rosenberg (contrairement à ce qu’écrit Jean-Michel Palmier) critiqua avec virulence Oswald Spengler, dont les Années décisives, ouvrage publié en 1934, constituèrent une sorte de manifeste de la résistance de droite au nazisme. Quant au comte von Stauffenberg, artisan de l’attentat du 20 juillet contre Hitler, il provenait du cercle de Stefan George.

    Récemment parus en Allemagne, deux ouvrages, dus à des universitaires, mettent en lumière toute la complexité du problème. D’abord le livre monumental de Gerhard Müller sur Ernst Krieck (1882-1947), auteur de nombreux essais sur la philosophie de l’éducation (Philosophie der Erziehung, 1922), qui fut nommé en 1933 recteur de l’Université de Francfort, anima sous le IIIe Reich la revue Volk im Werden, mais rejoignit l’« émigration intérieure » à partir de 1938 (Ernst Krieck und die nationalsozialistische Wissenschaftsreform, Beltz, Weinheim). Ensuite, l’ouvrage de Marion Mallmann, consacré à la revue conservatrice Das Innere Reich, publiée à partir de 1934 sous la direction de Paul Alverdes et Karl Benno von Mechow, où s’exprimèrent également, non sans difficultés, certains adversaires de droite du régime («Das Innere Reich ». Analyse einer konservativen Kulturzeitschrift im Dritten Reich, Bouvier, Bonn).

    Le plus étonnant, dans l’entre-deux-guerres allemand, est sans doute l’incroyable multiplication des groupes, des tendances, des courants, la perpétuelle redistribution des idées, le caractère saisissant des destinées individuelles. Cela donne à penser au moment où, à l’échelle de tout un continent, les thèmes weimariens semblent à nouveau nourrir les fantasmes d’une nouvelle génération.

    Alain de Benoist (27-28 mai 1978)

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    A propos des ouvrages de Jean-Michel Palmier et Lionel Richard :

    L'expressionnisme comme révolte, de Jean-Michel Palmier publié aux éditions Payot en 1978 ; difficile à trouver.

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    Le Nazisme et la culture, de Lionel Richard publié aux éditions Maspéro en 1978 ; disponible aux éditions Complexe en format poche.

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  • Les faiseurs de villes...

    Les éditions suisses Infolio, spécialisées notamment dans l'architecture et l'urbanisme, ont publié cette année, sous la direction de Thierry Paquot, Les faiseurs de ville, un recueil de portraits de grands urbanistes ayant vécu entre 1850 et 1950. Destiné au grand public, c'est un livre à lire "avec profit et bonheur", selon Pierre Le Vigan.

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    "Au cours du XIXe siècle, l’industrialisation, l’exode rural, la généralisation des moyens de transport mécaniques métamorphosent la ville. Une discipline nouvelle, la « science de la ville » ou urbanisme, accompagne ce processus. Ce livre présente vingt-six faiseurs de villes, urbanistes, architectes, aménageurs ou rêveurs qui ont formulé les problèmes, proposé des modèles, élaboré des plans, construit des cités, planté des parcs et des jardins. Ces monographies, publiées dans la revue Urbanisme sous la direction de Thierry Paquot, ont été écrites par dix-neuf chercheurs, enseignants et journalistes, tous spécialistes reconnus de la ville. Elles couvrent un siècle d’histoire, de Haussmann à Aalto, et offrent des jalons pour une histoire globale de cet objet flou – la ville, l’urbain – qui change sans cesse, évolue de façon imprévue, se transforme sans avertir, au point de se fondre aujourd’hui en un « urbain généralisé »."

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