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Métapo infos - Page 1606

  • Supprimer les lois : c'est la logique libérale !...

    Nous reproduisons ci-dessous un bon point de vue de Patrice de Plunkett, publié sur son blog, qui souligne à partir d'un fait divers symptomatique, l'anomie de la société ultralibérale qui nous entoure.

     

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    Moeurs, bioéthique, business, finance : supprimer les lois, c'est la logique libérale

    On dirait un gag, mais l'histoire est authentique. Elle se déroule en ce moment. Enseignant âgé de 59 ans, M. Stéphane Nicot veut être une femme ; sur la photo il porte une perruque blonde et une robe violette. A-t-il subi une opération chirurgicale ou une hormonothérapie ? On n'en sait rien : il refuse d'en parler. Il est donc toujours un homme aux yeux de l'état-civil. Il vit avec une femme : quoique celle-ci se déclare lesbienne, aucun argument légal ne s'oppose à leur mariage. Mais M. Nicot est un militant(e), cofondateur d'une association LGBT... Il veut donc donner à ce mariage une dimension « transgenre » et en faire une provocation : il proclame que ce sera un mariage homosexuel, tout en refusant de prouver être devenu  physiologiquement une femme !

    Cette provocation vise à disqualifier tout critère objectif et toute norme légale. Il s'agit de forcer la loi à s'incliner devant les exigences individuelles.

    L'association de M. Nicot, citant une résolution de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (2010), exige en effet que les « personnes transgenres » reçoivent « des documents officiels reflétant l'identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir [...] une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale ».

    En clair : un homme se voulant femme n'aurait même pas à le devenir physiologiquement. Son « choix » ferait loi, et l'état-civil n'aurait qu'à s'incliner.

    Si cette procédure devenait la norme, il y aurait de quoi détruire non seulement la notion d'homme et la notion de femme, mais la notion d'état-civil, la notion de loi, donc la notion de pacte social... Seules compteraient les pulsions individuelles. C'est la mentalité libérale-libertaire, ce que Boltanski et Chiappello ont appelé « le nouvel esprit du capitalisme » : le mirage de la déréglementation de tout.

    Un groupe d'élus français (de la région de M. Nicot) vient de se déclarer en faveur du « droit au changement d'état-civil sur simple demande, pour les personnes transidentitaires » : autrement dit la validation légale de toute exigence individuelle subjective. Ces élus qualifient cela de « républicain » : détournement de sens qui abat le pilier de la notion de « république », l'autorité de la loi votée par les représentants du peuple.

    La forme politique du vivre-ensemble est ainsi attaquée par trois pressions : une pression (latérale) du lobby LGBT, une pression (de bas en haut) de groupes d'élus, une pression (de haut en bas) du Conseil de l'Europe.

    Cet exemple d'anomie – suppression de toute loi normative – concerne le domaine des nouvelles moeurs fabriquées par la société ultralibérale, où le consommateur (et ses « pulsions ») a remplacé le citoyen (et son « civisme ») ; depuis une quinzaine d'années, on appelle d'ailleurs « citoyennes » les pulsions du consommateur, pour achever le brouillage.

    Mais le domaine des moeurs n'est pas le seul concerné : cette liquéfaction des repères s'applique à tous les secteurs de la vie sociale. Les transgenres ne font que réclamer, dans leur style, le même anomie que celle dont bénéficie la sphère financière depuis vingt ans. L'ultralibéralisme s'est emparé de tout... L'urgence est d'aider les gens à s'en rendre compte, avant que cette société devenue factice ne leur tombe en morceaux sur la tête.

    Patrice de Plunkett (Blog de Patrice de Plunkett, 3 juin 2011)

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  • Tourisme : émancipation ou contrôle social ?...

    Nous vous signalons la parution aux éditions du Croquant d'un ouvrage collectif, dirigé par Philippe Bourdeau et Rodolphe Christin et intitulé Le tourisme : émancipation ou contrôle social ? Rodolphe Christin est déjà l'auteur d'un Manuel de l'antitourisme (Yago, 2008), que nous vous avions signalé. Parmi les contributions, on pourra lire un entretien avec Gérard Challiand.

    Mais, à propos du tourisme, on peut aussi feuilleter les Essais ( Les Belles Lettres, 2010) de Philippe Muray (par exemple, "L'Occident meurt en bermuda") ou Vivre et penser comme des porcs (Folio, 1999), de Gilles Châtelet, ça ne peut pas faire de mal...

     

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    "Si le titre pose la question de manière aussi abrupte, c’est que nous souhaitons bousculer le consensus dont bénéficie le tourisme, non seulement parmi l’opinion publique et les professionnels du secteur, mais aussi chez ceux qui semblent a priori les mieux placés pour résister aux diverses mystifications de la communication touristique. Chercheurs, militants et esprits critiques ne sont eux-mêmes pas insensibles aux sirènes du tourisme !
    Le tourisme, partie prenante de l’industrie du divertissement, ne contribue-t-il pas à nous faire accepter le monde tel qu’il va ?
    L’imaginaire touristique dessine un univers séduisant, à tel point qu’il généraliserait la croyance dans une utopie enfin réalisée. Les lieux sont toujours beaux et confortables, les populations accueillantes, la nature préservée, et nous mènerions là-bas, durant le temps idéalisé de nos vacances, une existence assurément plus libre et détendue. Le paysage enchanteur de la communication touristique est d’ailleurs si généralisé que certains touristes sont soucieux de sortir du cadre. Quittant les lieux communs du tourisme, pris de culpabilité ou/et saisis par le désir de distinction, les voilà qui s’en vont visiter les lieux en guerre, ou bien multiplient les séjours « humanitaires » ou « équitables » auprès des pauvres de ce monde… La bonne conscience colle aux semelles des acteurs du tourisme, toujours prêts à mêler affaires, divertissement, esprit de découverte et intentions généreuses.
    Il est temps de réveiller le touriste qui sommeille en nous !
    En réunissant chercheurs, universitaires, intellectuels francs-tireurs et praticiens-voyageurs distanciés, l’objectif de ce livre est de pousser le tourisme dans ses retranchements en auscultant ses horizons, afin d’imaginer de nouvelles manières de découvrir le monde… "

    Avec les contributions de Philippe Bourdeau, Gérard Chaliand, Rodolphe Christin,
    Louise Constantin, Fabien Ollier, Philippe Godard, Mimoun Hillali, Franck Michel, Sylvain Pattieu, Bruno Philip.
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  • Alain Paucard au Cercle Cosaque !...

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     "Vous projetez de belles vacances ? Soleil, pépées, cocktails à la plage ? Avant de bronzer dans les bouchons, venez au Cercle Cosaque le jeudi 9 juin, à 20h30. Olivier Maulin et Romaric Sangars y recevront le merveilleux Alain Paucard, auteur du « cauchemar des vacances expliqué à mon cheval ». Il évoquera pour nous le vieux Paris et nous donnera mille raisons d’y rester durant l’été. Qui sait s’il n’ira pas jusqu’à pousser la chansonnette… Soirée classée au patrimoine de l’humanité. Venez nombreux !

    Bar Barak, 29 rue Sambre-et-Meuse, 75010 Paris. Entrée libre."

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  • Le libéralisme mondialiste : un antihumanisme radical...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Michel Geoffroy, publié sur le site de Polémia et consacré à l'idéologie libérale mondialiste.

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    Libéralisme mondialiste : un antihumanisme radical

    La Secte a porté différents noms dans l’histoire. Les traditionalistes l’appelaient « modernité », les socialistes et les marxistes « bourgeoisie » ou « capitalisme ». Aujourd’hui les membres de la Secte se nomment « libéraux ». Leurs ennemis les désignent comme « mondialistes ». Mais peu importent les dénominations. Il serait oiseux, en effet, de vouloir établir des différences entre ces divers concepts car tout est lié de nos jours : le libéralisme s’est incarné dans le capitalisme, qui a rendu possible la mise en œuvre de ses principes ; le capitalisme est mondialiste ; et tous constituent aujourd’hui le visage de la modernité occidentale.

    La Secte

    La Secte a pris sa forme actuelle en Europe au sortir des guerres de religion. Elle s’est renforcée au XIXe siècle, après les guerres révolutionnaires et napoléoniennes.

    Elle repose sur une croyance, de laquelle tout découle. A savoir, comme l’écrit D. Hume, que « Tout homme doit être supposé une canaille ». L’homme serait non seulement incapable de Bien, incapable de vivre sans nuire à ses semblables, mais tous les malheurs du monde viendraient justement de sa prétention à vouloir détenir la vérité sur le Bien.

    De ce postulat anthropologique, qui rejoint certaines des croyances des anciens Cathares pour qui le monde était le royaume du Mal, la Secte en déduit que le seul moyen d’éviter le retour de ces malheurs consisterait à passer du gouvernement des hommes à celui des choses ; à mettre en place une machinerie sociale qui éliminerait justement toute référence transcendante au Bien et qui fonctionnerait de la façon la plus axiologiquement neutre possible, par un système de poids et de contrepoids automatiques. Cette machinerie aurait pour ressorts les mécanismes de l’économie de marché et du droit procédural.

    Si l’on peut toujours chercher à peser, voire à opposer, les différentes façons d’être « libéral », toutes se réfèrent à cette croyance commune car elle est essentielle à ce système de pensée.

    Le renversement des valeurs européennes

    Jusqu’à la constitution de la Secte, on croyait en Europe qu’une société devait reposer sur la vertu des citoyens et l’obéissance aux lois morales. On tenait l’égoïsme et l’indifférence à l’égard d’autrui comme autant de péchés ou de crimes. On pensait avec les Grecs que l’homme était un « animal politique » et qu’il ne pouvait se concevoir hors d’une Cité, hors de la communauté de ses semblables. On jugeait par référence à ce qui était Bien ou Mal pour la communauté, la tradition ou la religion. On pensait que, si l’homme était faillible, il était aussi capable d’amour et capable de faire le Bien. On admirait et respectait aussi l’œuvre des saints, des philosophes, des héros, des grands hommes, des grands capitaines, des explorateurs, des lettrés ou des savants qui nous avaient précédés et qui avaient forgé le monde, souvent en se sacrifiant eux-mêmes. Une large partie de la population autochtone en Occident croit encore à tout cela, au grand dam de la Secte, d’ailleurs.

    Mais pour les libéraux, nos pères étaient dans l’erreur. Le passé n’est que ténèbres.

    Ils affirment, en effet, qu’il faudrait fonder la société non plus sur les vertus mais sur les vices humains ; que seul l’intérêt individuel – c'est-à-dire l’égoïsme – permettrait de prendre les meilleures décisions possibles pour l’ensemble de la société, dès lors qu’il s’exprime au sein d’un marché libre de toute contrainte et de toutes préférences collectives.

    Le marchand et l’argent étaient jusqu’alors tenus en suspicion, mais les libéraux en font leur idéal humain. Ils affirment que c’est du commerce et non de l’Eglise, de la Loi ou de l’Etat que viendra la paix entre les hommes. Les nouveaux héros seraient désormais les marchands et les plaideurs.

    Les membres de la Secte déclarent croire que le moins mauvais ordre social naîtra non de la promotion de l’entente et de la solidarité entre les hommes, mais du choc permanent des instincts et des intérêts, libérés de toute retenue collective. C’est le miracle permanent de la « main invisible » du marché qui réaliserait cette performance jamais vue jusqu’alors.

    La Secte affirme enfin que le droit n’aurait pas à dire où est le Beau, le Bien et oùle Mal : ces distinctions ne seraient qu’une affaire purement privée. Le droit se résumerait à une procédure techniquement neutre qui doit seulement servir à éclairer les choix individuels, en se bornant, en outre, à ne fixer que ce qui est interdit.

    Un antihumanisme radical

    Même si ses membres se présentent aujourd’hui sous la forme de politiciens médiatiques, de puissants grands patrons, d’économistes distingués et de professeurs de faculté renommées, la Secte n’en professe pas moins un antihumanisme radical.

    Elle fournit une justification commode à l’expression des plus bas instincts et à la régression de l’homme. Car pour la Secte un égoïste n’est pas un vicieux : c’est, au contraire, quelqu’un qui prend de bonnes décisions qui bénéficieront finalement à tous, grâce à la magie du marché et du « doux commerce ». De même, un homme politique vertueux serait celui qui laisserait l’économie fonctionner toute seule et non pas celui qui chercherait à la maîtriser.

    La Secte affirme que tous les choix individuels seraient licites finalement – elle dit dans son langage que tous les hommes « naissent libres » – dès lors qu’ils ne nuisent pas à la liberté d’autrui, c'est-à-dire aux choix des autres. Pour ces croyants le Bien n’est donc plus la mesure de la liberté humaine. La liberté ne trouverait sa limite qu’en elle-même. Il fallait y penser et c’est surtout très pratique !

    La révolte contre les hommes

    Ces croyances bizarres seraient restées une curiosité intellectuelle, une hérésie parmi d’autres, si la Secte n’était parvenue à cumuler les pouvoirs politique, culturel et économique en Occident à la fin du XXe siècle et à s’incarner dans ce que l’on désigne aujourd’hui sous le vocable de « superclasse mondiale » ; et si elle n’avait accédé ainsi aux moyens de mettre en œuvre, en vraie grandeur et si possible à l’échelle de toute la planète, ses solutions miraculeuses.

    Car les « libéraux », hélas, ne se bornent pas à prôner gentiment un « laisser faire, laisser passer » et à faire que chacun puisse vaquer tranquillement à ses affaires. Depuis qu’ils sont au pouvoir, ils ne sont plus du tout « tolérants » ni « permissifs ». Car, comme ils veulent notre bien, ils n’ont de cesse de nous imposer leurs choix. Ce faisant, ils se comportent de la même façon que ceux dont ils prétendaient écarter les méfaits. Mais cela ne semble pas les troubler outre mesure.

    La déconstruction permanente de tout ordre social

    Les difficultés naissent, en effet, de ce que le libéralisme conséquent suppose la déconstruction permanente de tout ordre social, c’est-à-dire l’organisation d’une communauté humaine par rapport à des fins, des raisons et des normes hiérarchisées qui dépassent le seul intérêt immédiat de ceux qui la composent ici et maintenant. Car les bons apôtres libéraux nous expliquent que la « main invisible » n’est malheureusement censée fonctionner à son optimum que si la société est atomisée en individus. Mais, nous disent-ils, ce n’est pas grave puisque de ce chaos naîtra le moins mauvais des mondes possibles. C’est dans cette attente messianique que vit la Secte mais elle a hâte, hélas, d’annoncer la bonne nouvelle au reste du monde.

    En Novlangue la dérégulation

    Les « libéraux » se sont donc acharnés, avec la fureur des iconoclastes, à détruire tout ce qui fondait jusqu’alors l’ordre politique et l’état social de l’homme : l’Etat, la souveraineté politique, la suprématie des lois sur les traités internationaux, la souveraineté monétaire, les frontières économiques puis les frontières tout court, la citoyenneté (les étrangers ont les mêmes « droits » que nous, n’est-ce pas ?). On appelle cela en novlangue la dérégulation.

    Ils se sont aussi attaqués aux traditions qui rythmaient la vie sociale et donnaient un sens au vivre ensemble. La volonté de nous faire travailler le dimanche ne date pas de J. Attali, en effet : Marx la relevait déjà au XIXesiècle !

    La Secte s’est, bien sûr, efforcée aussi de délégitimer et de déconstruire toutes les protections sociales collectives, censées empêcher les individus de bien choisir sur le marché où serait leur véritable intérêt ; et aussi de s’adapter, vite, aux exigences de ce même marché. C’est ce qu’a toujours fait la Secte : qu’on se souvienne de la loi Le Chapelier portant dissolution des corporations sous la Révolution. La corporation – c'est-à-dire le regroupement des hommes en corps organique, conscient de son identité – voilà bien l’ennemi permanent de la Secte ! Car elle ne rêve que d’une société d’individus, d’un monde à la Robinson Crusoé.

    Il y a dans cette fureur iconoclaste une sorte de révolte symbolique contre le père, que certains ont déjà relevée : contre les dieux, contre l’Etat, contre l’autorité, contre la politique, contre la société des hommes justement. Ce n’est évidemment pas un hasard si la Secte n’a eu de cesse de délégitimer les valeurs viriles sur lesquelles était construit l’ancien monde et d’encourager le féminisme.

    Le dogme de la libération

    On a donc longtemps été trompés par le spectacle de l’extrême gauche pourfendant le capitalisme ou défendantla cause des « travailleurs » devant les caméras. Comme sur ce qui séparerait le libéralisme politique et social, d’une part, et le libéralisme économique, d’autre part.

    Ces oppositions sont factices car tous agissent dans le même sens pour la bonne raison qu’ils puisent aux mêmes racines idéologiques : à l’esprit des Lumières, c'est-à-dire à la prétention à reconstruire une société selon la seule raison, la leur.

    La révolution des mœurs introduite dans les années 1960 en Occident a servi, non pas à nous éviter le capitalisme, mais au contraire à accélérer la destruction de l’ordre social et la mise en place de la société des individus que réclamaient les libéraux. Le marché s’est très bien et très vite accommodé de ces révoltés qui portaient des « blue jeans », écoutaient de la musique pop et préconisaient de « jouir sans contraintes ». L’expression novlangue « libération des mœurs » ne vise qu’à essayer de positiver cette vaste opération de déconstruction.

    La Secte aime bien, en effet, nous dire à tout instant qu’elle nous « libère » et qu’elle nous apporte la « démocratie » ; que chaque avancée dans son sens serait une nouvelle « libération » et la disparition d’un affreux « tabou ». Elle aime d’ailleurs tellement les peuples qu’elle veut les « libérer », même quand ils ne demandent rien. Et s’ils ne se décident pas assez vite, elle ne répugne pas à employer la force des armes. Comme au bon vieux temps des guerres de religion.

    Mauvaise nouvelle : le Messie tarde à venir

    On n’insistera pas sur le fait que les résultats mondiaux ne sont cependant guère à la hauteur des promesses de la Secte des libéraux. Le Messie « abondance paisible » se fait curieusement attendre, du moins du plus grand nombre.

    La Secte prétendait posséder la recette certaine de la paix universelle. Mais en déconstruisant l’ordre social elle a surtout réussi à créer la guerre de tous contre tous. La fameuse société des individus est un oxymore, comme la « société ouverte ». Car l’homme « libéré » est un être qui devrait justement abandonner tout ce qui fait son humanité : son identité, sa culture, ses préférences (il ne faut pas « discriminer », n’est-ce pas ?), ses attachements (à son métier, à sa terre, à ses croyances) et ses solidarités ; bref, tout ce qui l’empêche d’être « performant ». Et il n’y a pas de démocratie sans peuple constitué.

    Les sociétés ainsi « libérées » sont curieusement devenues violentes, inquiètes et dépressives, des sociétés où la démographie et le travail déclinent mais où les interdits, les prohibitions, les proscriptions prolifèrent.

    Que dire aussi du remarquable succès obtenu par la suppression de frontières et l’encouragement « libéral » au développement des migrations de population (ne faut-il pas la liberté de circulation et d’installation pour tous ? N’est-ce pas un « droit de l’homme » ?) !

    Les diaboliques

    A l’égard de ceux qui sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter des conséquences économiques, sociales et humaines de ses curieuses théories, la Secte répond, d’une façon péremptoire, que tout autre système serait bien pire encore.

    Hors le libéralisme, point de salut ! Sinon le totalitarisme, qui nous livrerait à la « bête immonde » qui sommeillerait toujours au fond de nous. On nous explique ainsi, sur l’air des lampions, que ce qui nous menacerait le plus aujourd’hui ce ne serait pas le chaos humain dans lequel on nous a précipités avec la destruction programmée des frontières et des Etats : non ce serait le terrible… protectionnisme.

    Ce qu’il y a d’ennuyeux, en outre, c’est que tout ce que nous voyons sous nos yeux a déjà été décrit et analysé dans le détail, notamment par les socialistes et les marxistes il y a bientôt 200 ans.

    Rappelons par exemple ce que K. Marx écrivait en 1848 : « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner les instruments de production et donc les rapports de production, c'est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux (…). Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d’idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d’une caste s’en va en fumée, tout ce qui est sacré est profané ».

    Ces lignes restent d’actualité pour la simple raison qu’elles décrivent le même processus, à la différence toutefois qu’il est désormais mondial et non plus seulement anglais ou allemand.

    Moralité : si vous critiquez la Secte, bon sang mais c’est bien sûr, c’est que vous êtes un affreux communiste, un socialiste débile ou pire encore.

    Car la Secte aime bien invoquer le Diable, à l’encontre de ceux, de plus en plus nombreux, qui doutent et qui murmurent.

    Mais quand on voit le monde dans lequel elle nous contraint de vivre, on finit par regretter, par aimer et par désirer ce qu’elle diabolise.

    Michel Geoffroy (Polémia, 29 mai 2011)

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  • Vendée : une guerre populaire oubliée...

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    Le deuxième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est entièrement consacré à la guerre de Vendée. On y trouve un entretien avec Reynald Secher, le spécialiste du génocide vendéen, ainsi que des articles de Stéphane Courtois ("Reynald Secher et le mémoricide"), de Dominique Venner ("Le peuple contre la révolution"), de Charles Vaugeois ("L'épopée en sabots de la Vendée"), de Guy Chambarlac ("Les colonnes infernales"), de Jean-Joël Brégeon ("L'affaire Carrier") ou encore de Jean Tulard ("Qui gouvernait sous la Terreur")... Bref, un numéro copieux !

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  • Risques et crises en Terra Incognita...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte passionnant de Patrick Lagadec, directeur de recherches à l'Ecole Polytechnique et spécialiste des questions liées à la gestion des crises et des risques. 

     

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    Risques et crises en Terra Incognita

    Le Feu tue, les idées périmées aussi.
    Foch
    Our current system for homeland security
    does not provide the necessary framework to manage
    the challenges posed by 21st-Century catastrophic threats.

    The White House,
    The Federal Response to Hurricane Katrina – Lessons Learned, 2006

     

    Ruptures
    Les dernières décennies ont vu un essor extraordinaire des sciences et techniques de la maîtrise des risques, de la gestion des crises. Et pourtant, un doute s’installe : et si nos références, nos compétences n’étaient plus les bonnes ?
    • Ce sont les tempêtes de 1999 en France : elles détruisent plus de forêts que toutes les tempêtes cumulées depuis deux siècles. Discontinuité.
    • C’est le cri d’un officier du NORAD le 11-Septembre : “This is not a kind of war we know! We are not ready for this!”). Rupture.
    • C’est le diagnostic de l’Amiral Thad Allen, dix jours après le choc de Katrina: “It was not a hurricane, but nobody understood that. It was a weapon of mass destruction without criminal dimension”. Dislocation.
    • C’est la consternation du Sénateur Reid (Leader de la Majorité), qui déclare le 18 septembre 2009 en pleine débâcle financière: “No one knows what to do. We are in a new territory here. This is a new game. You can ask Bernanke, you can ask Paulson, they don’t know what to do.” Sidération.

    Aujourd’hui, les réalités, sur tous les fronts, au quotidien ou presque – les «cygnes noirs» se font de plus en plus «normaux», obligent à tolérer cette perspective dérangeante, et à se mettre en quête d’une nouvelle alliance avec le risque. La gravité des phénomènes «accidentels» ne cesse de s’alourdir ; la qualité intrinsèque des dynamiques en cause échappe de plus en plus à nos paradigmes, à nos logiques de pilotage et de gouvernance. Nous devons nous donner les moyens – intellectuels et stratégiques – de piloter les risques et les crises dans un monde de plus en plus marqué par le bouleversement des repères. Car, comme le dit Sun Tsu : «Qui ne connaît pas ses risques sera défait à chaque bataille».

    Risques et crises : retour à « l’état sauvage »
    Il est courant – c’est d’ailleurs même là un réflexe identitaire dans de nombreux milieux – de proclamer qu’il n’y a rien de nouveau en ce domaine des vulnérabilités et des crises. Et de se défendre, à chaque Katrina, BP, ou autres Pakistan, en arguant que, «là, c’était exceptionnel». Trêve d’évitement. Il est urgent de commencer à accepter la réalité des nouvelles donnes à affronter, même s’il faut pour cela quitter les paradigmes qui ne fonctionnent plus. Il est vital de cesser de justifier la désertion sous des protestations «d’optimisme» : l’optimisme authentique consiste à poser que l’on a les capacités à affronter les défis de son temps. Cela commence par la lucidité sur la cartographie.

    Nouvelles frontières
    Les risques et les crises sont désormais marqués par des dimensions génériques qui bouleversent le théâtre d’opérations.

    Le hors-échelle : par convention, les phénomènes accidentels sont tenus comme d’importance marginale par rapport à la taille et la robustesse des systèmes en cause. Katrina dévaste un territoire grand comme la Grande-Bretagne ; les victimes vont désormais se compter par millions ou dizaines de millions. Nous entrons dans l’ère des méga-crises.

    La globalisation : nous avons conservé des visions «locales», il va nous falloir comprendre que les phénomènes sont désormais rapidement globaux. La sacrosainte «indépendance» des risques, sur laquelle sont fondés nos outils essentiels, va devenir une miraculeuse exception.

    Les réseaux : nos activités sont toutes dépendantes du fonctionnement imbriqué de vastes réseaux vitaux. Une faille majeure a désormais des effets systémiques. La vitesse : en quelques heures, le SRAS passe de Hong-Kong à Toronto ; en quelques minutes, voire dizaines de secondes, une coupure électrique ou d’internet peut mettre un continent dans le «noir».

    L’ignorance : l’incertitude était notre stimulant compagnon de route, nous voici confrontés à bien plus sévère. Le problème n’est plus de savoir ce qui n’est pas encore tout à fait connu, mais de pouvoir discerner ce qui, dans nos connaissances, peut encore avoir de la pertinence.

    L’hypercomplexité : nous avons été formés à compartimenter les domaines, à apporter des solutions optimales à chaque parcelle de difficulté dûment isolée. Nos plans de crise, tout particulièrement, sont le plus souvent pensés pour des situations bien sériées. Nous voici aux prises, comme à Katrina, avec des enchevêtrements de dynamiques impossibles à séparer.

    L’information pulvérisée : les tsunamis informationnels, à partir de nuées de points d’émission, nous emportent à des années-lumière de la sacro-sainte interview du grand journal télévisé d’il y a vingt ans.

    L’inconcevable : c’est la sortie radicale de nos systèmes de représentation. Ainsi : l’attaque des centres économiques et militaires des Etats-Unis avec des cutters et des avions de lignes américains décollant du territoire national ; l’attaque à l’anthrax, dont le levier principal est la technologie des systèmes de tri postal ; la première grande pandémie du 21ème siècle, avec une grippe peu virulente dont la première victime a été la crédibilité des instances mondiales et nationales, etc. Dans des systèmes refusant toute approche véritablement décalée (l’inconcevable n’est inconcevable que pour des systèmes interdisant le questionnement hors cadres conventionnels), cette dimension de «l’impensable» est le facteur d’échec le plus décisif.

    Socles et contextes structurellement « crisogènes »
    Le plus décisif n’est cependant pas dans « l’événement », mais dans les socles et contextes globaux. Nos systèmes – quels que soient le domaine – sont désormais sujets à dynamiques de «liquéfaction» susceptibles d’emporter nos meilleures défenses. Comment «négocier» avec quelqu’un qui recherche la mort ? Que deviennent nos théories sur le décideur rationnel, quand les ancrages ont muté ? Que deviennent nos logiques d’interventions lorsque seules les mafias et autres groupes terroristes montrent une agilité stratégique et tactique en phase avec les situations chaotiques ? Comment traiter une canicule, une épidémie, lorsque la clé tient à des solidarités sociales qui soudain apparaissent minées ? Autant de questions étrangères à nos approches nominales des risques et des crises, toujours fondées sur le «toutes choses égales par ailleurs», la «normalité» de bon aloi, et une rationalité de convenance si nécessaire à la modélisation d’excellence.

    Nouveaux repères d’intelligence et de pilotage
    La grande question – qui s’applique à tous les pays – a été posée par la Chambre des Représentants dans son rapport sur Katrina : “Why do we continually seem one disaster behind?”. Ce n’est pas une question de «planification», de «coordination», ni de «communication» – même si des progrès à la marge doivent toujours être réalisés. Les échecs vitaux – failure of imagination, failure of initiative, failure of leadership – ont des causes plus profondes. Nos conceptions du risque et des crises sont à refonder ; nos logiques de gouvernance et de pilotage à réinventer. Et comme toujours avec les vraies ruptures, le tableau d’action est tout entier à reconsidérer.

    Une rupture culturelle et psychique
    Nous restons universellement sous la bannière protectrice des naturalistes du XIIIème siècle. «Des causes dont l’effet est rare, violent et subit ne doivent pas nous toucher, elles ne se trouvent pas dans la marche ordinaire de la Nature ; mais des effets qui arrivent tous les jours, des mouvements qui se succèdent et se renouvellent sans interruption, des opérations constantes et toujours réitérées, ce sont là nos causes et nos raisons» (Buffon, 1749).

    Uriel Rosenthal, pionnier de l’étude des crises en Europe, l’a souligné : “Scientists feel uncomfortable with phenomena that seem beyond the scope of the neatly crafted theories which have been developed on the basis of normal circumstances and events. Crises seem to be in total opposition to the very foundations of modern social science”. Thomas Schelling le disait déjà de façon magistrale à propos de Pearl Harbor : “There is a tendency in our planning to confuse the unfamiliar with the improbable. The contingency we have not considered seriously looks strange; what looks strange is thought improbable; what is improbable need not to be considered seriously” Et Alvin Weinberg a consacré la formule : Science deals with regularities in our experience. Art deals with singularities.

    Ce ne sont pas là que pures postures théoriques. Exclure par principe premier le singulier, le discontinu, c’est d’abord se mettre en protection – et c’est bien là la source essentielle des blocages rencontrés. Edgar Morin l’a bien identifié dans ses réflexions sur la complexité : «La science classique avait rejeté l’accident, l’événement, l’aléa, l’individuel. Toute tentative de les réintégrer ne pouvait sembler qu’anti-scientifique dans le cadre de l’ancien paradigme. Mais rien de plus difficile que de modifier le concept angulaire, l’idée massive et élémentaire qui soutient tout l’édifice intellectuel. Car c’est évidemment toute la structure du système de pensée qui se trouve bouleversée, transformée, c’est toute une énorme superstructure d’idées qui s’effondre. Voilà à quoi il faut s’apprêter.»

    Il ne faudrait surtout pas croire que ces postures sont secondaires. Ce sont elles qui commandent les évitements récurrents, les refus de questionnements, les blocages dans la veille comme dans la formulation des réponses. Le premier travail consister donc à ouvrir et légitimer ce chantier de l’appréhension du hors-norme.

    Des pilotages réinventés
    Nous disposons d’un corpus impressionnant dans le domaine de la gestion des risques et des crises. Ces «best practices» restent utiles, tout au moins pour les situations relativement conventionnelles. Pour les circonstances chaotiques, de plus en plus «normales» désormais, le problème n’est plus d’appliquer les meilleures techniques validées à un problème connu, mais d’inventer de nouvelles lignes de compétence.

    L’implication personnelle : en crise grave, le vital déferle dans toute sa brutalité. L’essentiel va se jouer sur les convictions effectives, les visions partagées, la confiance insufflée. C’est le message du maire de New York, Rudolph Giuliani, aux commandes lors de l’attaque du 11-Septembre : “Have beliefs and communicate them. See things for yourself. Set an example. Prepare relentlessly. Underpromise and overdeliver”. La fonction du dirigeant va essentiellement consister à tracer des voies dans l’inconnu, à consolider les cohésions et la confiance, à travailler à l’invention de futurs possibles et partagés. Cela suppose des décideurs préparés à affronter la page blanche, avec d’autres, bien plus qu’à appliquer autoritairement des protocoles validés.

    Une autre culture du signal : du signal faible, au signal aberrant. Nous avons été éduqués à surveiller les «signaux faibles» ; il nous faut désormais donner la priorité aux signaux qui ne sont pas repérés au travers des grilles usuelles. Il ne suffit pas de les amplifier pour les percevoir et les comprendre. Cela signifie un questionnement ouvert sur les variables dormantes, les combinaisons et contaminations improbables, les événements non statistiquement significatifs, les convergences d’intuitions. Cela suppose d’autres sensibilités, d’autres tolérances à l’ambiguïté, d’autres conjugaisons de perceptions, d’autres outils.

    La démarche de Force de Réflexion Rapide : pour ouvrir lectures, options, initiatives, tous les grands systèmes doivent mettre sur pied ce type de groupe d’appui. Dans les crises désormais, le plus complexe est de cerner : 1°) le De quoi s’agit-il ?, 2°) les pièges à éviter, 3°) les cartes des acteurs à considérer, 4°) les initiatives qui permettront de favoriser des dynamiques positives. Une équipe de personnes d’horizons variés, rompues au questionnement et aux propositions hors-cadres doit être prête à venir aider ainsi au pilotage des systèmes.

    Une autre posture par rapport à l’expertise : la priorité sera d’interroger les limites de l’expertise : «Qui peut me dire quoi, dans quel délai, et avec quelle fiabilité ?». Les questions de qualification de l’expertise, de pertinence des évaluations deviennent essentielles si on ne veut pas se retrouver piégé par de fausses assurances, des logiciels décisionnels dépassés, des jeux de pouvoirs au sein du monde de l’expertise, et la sacro-sainte précision numérique si réconfortante et si trompeuse (on l’a vu jouer à plein dans l’épisode du H1N1).

    L’organisationnel : d’emblée, le dirigeant devra visualiser la complexité des entités concernées, et s’efforcer d’entrer dans un exercice de «meta-leadership» où il lui faut en permanence construire des ponts, des visées commune, de la confiance partagée quand tout concourt à ériger des Tours de Babel. Et tout faire pour ne pas se laisser piéger dans des règles d’engagement dont la seule force est la conformité aux pratiques «normales».

    Les tissus collectifs : le monde de la crise conduit le plus souvent à penser les dynamiques sociales dans des logiques de «panique», quand le plus important, à l’inverse, est de susciter de la confiance et de la créativité collectives. Cela suppose redistribution des informations, des leviers, et des moyens, loin de tout autoritarisme sommaire. Quand tout pousse à vouloir centraliser, il faudra au contraire penser «proximité», ce qui est aux antipodes de nos inclinations spontanées. C’est ici que les logiques d’empowerment se révèlent cruciales, quand elles sont et restent souvent bien étrangères au monde de la «gestion» des crises.

    La communication : le temps de la prise de parole permettant de «fournir toutes les réponses» est largement révolu. L’exercice est désormais à penser dans le cadre défini ci-dessus : une redistribution de données, de questions, de perspectives, de propositions permettant d’aider les systèmes à faire face de façon plus globalement créative à des enjeux vitaux. Cela suppose, bien entendu, que l’on n’en soit plus à la dissimulation archaïque, qui semble pourtant encore sévir en dépit des protestations de transparence. Les mots d’Abraham Lincoln sont ici des repères cruciaux, surtout et y compris pour les situations les plus difficiles : “Those in authority must retain the public’s trust. The way to do it is to distort nothing, to put the best face on nothing, to try to manipulate no one. Leadership must make whatever horror exists concrete. Only then will people be able to break it apart”.

    La « reconstruction » : jusqu’à présent, c’était là une phase ultime qui impliquait opérateurs, assurances, services sociaux. Désormais, l’ampleur de la tâche, l’ampleur des impact va faire de la vitesse de récupération un facteur décisif de la sortie de crise – ce qui suppose que la dimension «reconstruction» ait été intégrée très en amont dans le design des systèmes. Et même en cas d’anticipation exemplaire, la question sera moins le «retour à l’état antérieur», mais la discussion et le choix d’options pour des futurs voulus.

    La préparation : “When training, Federal officials should not shy away from exercising worst-case scenarios that “break” our homeland security system.” (The White House) Nous sommes là aux antipodes de toutes nos pratiques d’exercices dont la fonction quasi unique le plus souvent consiste à vérifier la capacité des participants techniques à appliquer les protocoles voulus, sur des scénarios classiques ; avec une touche de communication médiatique, puisque c’est désormais le point de plus en plus dominant. Il conviendrait d’ajouter à ces répétitions élémentaires pour personnel technique des préparations stratégiques pour dirigeants, en les plongeant dans des situations inédites, face à des pages blanches à écrire avec des acteurs non référencés. Pour l’heure, cela relève de la provocation et se voit traité comme tel – «il ne faut pas inquiéter les dirigeants». Il n’est donc pas étonnant que les pilotages se réduisent le plus souvent à des épisodes de tétanisation rapide, qui ne pourront bien évidemment faire l’objet d’aucun retour d’expérience quelque peu exigeant.

    En revanche, nous avons déjà à cette heure, dans quelques grands groupes internationaux, une pratique avancée de préparation des dirigeants et cadres supérieurs à l’anticipation, la prévention, le pilotage pour les situations hors cadres. Ce type de pratique requiert d’abord une volonté au plus haut niveau de mettre à l’agenda la prise en compte de ces nouveaux horizons en matière de vulnérabilités vitales, et l’exigence de progrès immédiats en compétence décisionnelle sur ces sujets. L’exigence peut être exprimée en une phrase : “Barriers in the mind, fiasco on the ground”. Mais si cette pratique commence à se répandre dans certaines grandes entreprises, elle reste ignorée, hélas, de la quasi totalité des gouvernements.

    Formation initiale et recherche : comme le souligne Christian Frémont, : «Les crises qui sont au-dessus de nos têtes sont des crises sans mode d’emploi. C’est difficile, c’est déstabilisant, mais il ne faut pas dire à des dirigeants ou à des jeunes dirigeants qu’on va leur donner la recette pour réagir à toute situation. Ce n’est pas cela qu’il faut leur apprendre. Il faut leur apprendre à vivre dans l’irrationnel, le non sûr, en environnement déstabilisé, et en général hostile.» Pour l’heure, les «manuels» proposés se contentent le plus souvent de présenter «clés de réussite» et «best practices». Comme le remarque Tod LaPorte, le problème n’est plus de connaître des outils pour éviter d’être surpris, mais de s’entraîner à être surpris. Pour l’heure, ce type de positionnement s’inscrit avec difficulté dans nos «cursus d’excellence».

    Nous nous retrouvons en vérité comme cette discipline de la santé publique au tournant du XIXème siècle aux Etats-Unis, quand on prit conscience du fait qu’il fallait bouleverser les repères fondamentaux si l’on voulait préparer les futurs responsables aux conditions qui se mettaient en place.

    Ce serait une faute historique de préparer les dirigeants de la nouvelle génération aux risques et aux crises du siècle dernier. Si, par convenance, on refusait pareille prise de risque (il est toujours plus confortable d’enseigner et de rechercher ce qui est déjà connu), on devrait alors se souvenir de Marc Bloch dont le message sur la débâcle française de juin 1940 peut se résumer par ces mots : «Ils ne pouvaient penser cette guerre, il ne pouvait donc que la perdre». Ou, des mots cruels prêtés à Bismarck : «Tant que l’Ecole de Guerre est à Paris, il n’y a aucun problème pour l’Allemagne».

    Patrick Lagadec (11 octobre 2010)

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