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Métapo infos - Page 1580

  • Comment la finance contrôle le débat économique...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Bertrand Rothé, professeur d'économie, cueilli sur son blog intitulé Il n'y a pas d'alternative, dans lequel il constate que l'information du public est faite, pour l'essentiel, par des experts "autorisés", qui diffuse la bonne parole, celle des marchés...

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    Comment la finance contrôle le débat économique

    La crise fait rage, mais le débat n’avance pas. La seule solution qui émerge, se serrer la ceinture pour payer les banques. Mais n’est ce pas la définition même de la crise : « quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître » ? Sauf que cette fois la formule d’Antonio Gramsci ne fonctionne pas : les économistes hétérodoxes, les Lordon, Sapir, Gréau… ont des solutions. Le vrai problème : ils ne sont pas entendus. Est-ce surprenant ? La finance contrôle le débat économique.


    Y'en a que pour les banquiers

    Qui nous a informé sur la crise cet été ? Essentiellement des banquiers. En août, dix articles du Monde traitent du fond du problème dans les pages débat. Sur ces 10 articles, 16 citations proviennent d’individus liés aux institutions financières, et 6 d'individus non liés directement à la finance. 76,6 % de citations pour les financiers, c'est beaucoup pour les responsables de la crise. Le Monde n’est pas le seul. Le 11 Août, le Nouvel Obs titre sur : « Les incendiaires. Comment ils nous plongé dans la crise ». Là encore les banquiers ne sont pas les incendiaires, mais les experts ! Anton Brender, autrefois réputé de gauche, directeur des études économiques de Dexia Asset Management – vu les performances de son entreprise on s’attendrait à davantage d’humilité – dispose de deux pages pour clamer que : « Ce ne sont pas les marchés qui sont en cause mais l’impuissance politique ». Géniale novlangue : les marchés remplacent les banques, car ce sont elles qui spéculent contre l’euro. Mais comment un économiste pourrait-il cracher dans la main qui le nourrit ?

    Pourquoi les journalistes sont-ils si prompts à gober pareilles mystifications ? Leur réponse est invariable : « On n’a pas le temps ». Et c’est le génie des banques de l’avoir compris, comme l’explique une journaliste de l’Expansion : « Les banquiers savent répondre vite, ils sont payés pour ça. Ce qui n’est pas le cas des universitaires qui réfléchissent, et dont les nuances sont difficiles à retranscrire ». Et c’est vrai, la pression est importante. Au Monde, une journaliste économique a signé 29 articles au mois d’août, soit plus d’un par jour travaillé, une autre en a signé 18, et ce n’est pas le journal le plus mal doté.

    Jacques Sapir pense différemment. Il distingue les journaux grand public, chargés de faire la pédagogie du libéralisme, et les médias économiques pour lesquels l’information a une vraie valeur marchande et qui, paradoxalement, sont plus ouverts : en pleine crise, les Echos ont ainsi édité un supplément très intéressant sur le « bon » capitalisme. Comme le signale le journaliste François Ruffin (Fakir), le Monde, qui pose une - bonne - question : « L'inflation peut-elle résorber les dettes publiques ? », réussit à publier … six  experts qui condamnent l’inflation, sans même un autre son de cloche. La Pravda n’aurait pas osé.

    De plus les banques ont compris que la presse est le média de référence. Les télévisions et les radios viennent y puiser leur inspiration. Ainsi la télé permet aux banques de faire entendre leurs voix bien plus loin que le simple cercle des lecteurs. Une pierre, deux coups.
     

    Un enseignant peut cacher un supplétif du système financier

    Le système peut être un peu plus complexe. Le 12 août, en pleine déroute financière, l’Autorité des Marchés Financiers interdit la vente à découvert pendant 15 jours, pour vérifier si la décision réduit la volatilité des marchés. A mi-parcours le Monde enquête. Verdict publié le 20 août : « La suspension des « ventes à découvert » ne permet par d’éviter de lourdes chutes en Bourse ».  Cette fois-ci, c’est du sérieux, seul un banquier juge que l’ « on ne peut pas arrêter tous les bandits ». Chapeau ! La journaliste a interrogé deux professeurs de l’Edhec, une des plus célèbres écoles de gestion françaises. Interdire les ventes à découvert est « au mieux démagogique, au pire dangereux ». La messe est dite. Sauf que l’on découvre, moyennant deux clics sur Google, que le laboratoire de ces deux spécialistes est financé par la banque Rothschild. Et là, de clics en clics, on apprend que le même labo vend de la formation aux professionnels… 2 000 euros pour deux jours et par participant, logement non compris. Excusez du peu. Si vous avez dix élèves… A ce prix-là, mieux vaut éviter de se fâcher avec ses clients. Les ventes à découvert sont très rémunératrices pour les institutions financières. On reste sur la toile et l’on découvre que l’un des experts est aussi le patron de l’Edhec, Noël Armenc pour lequel « le débat entre marché et science n'a pas lieu d'être dans une grande école de commerce ! ». Circulez, pas de débat. Dommage.
     

    « Aucun n’est directement corrompu mais la plupart sont payés par les banques… »

    Reste la télévision et la radio... Là pas d’experts inconnus, pas de seconds couteaux, seules les stars sont invitées, comme Elie Cohen que les chaînes se disputent, lui qui, en juin, nous expliquait que la crise était derrière nous.

    En dehors de ce genre de fantaisiste, pour avoir accès à ces médias les banques prennent comme consultants des professeurs d’école prestigieuses : Ulm, Sciences Po Paris, Dauphine et Polytechnique. Difficile de résister. Même les plus grands ont accepté cette compromission. Michel Aglietta, par exemple, conseille Groupama Asset Management. Lequel précise à la fin de ses livres qu’il est rémunéré par cette institution. Tout le monde ne le fait pas. Daniel Cohen par exemple signale très rarement qu’il travaille pour la banque Lazard. Il préfère rappeler qu’il forme les futurs Jean Paul Sartre de la rue d’Ulm, réservant son engagement chez Lazard aux lecteurs de Challenges.
     

    Pourquoi se cacher quand on est entre amis ?

    Pour l’ordinaire, les institutions financières embauchent des seconds rôles. Anton Brender s’est retrouvé directeur des études économiques de Dexia, Jean Paul Betbéze sévit au Crédit Lyonnais puis au Crédit Agricole. En choisissant de passer du côté obscur de la force, nos hommes sont moins demandés pour les grands médias, mais ils vont pouvoir porter la bonne parole parmi les importants. Jean-Luc Gréau, qui a œuvré pour le Medef, rappelle que le débat économique sert aussi à prendre des décisions politiques. Et là aussi les banquiers ont souhaité être présents. Sur les trois économistes qui siègent au prestigieux Siècle, deux, Christian de Boissieu et Daniel Cohen, sont liés à des banques et siègent au Conseil d’Analyse Economique.

    Ce Conseil d’Analyse Economique, créé par Lionel Jospin, est aussi une citadelle imprenable de la planète finance. L’enjeu est de taille. Le CAE conseille le premier ministre. La finance monopolise cet accès à l’oreille du gouvernement. Sur les 28 membres, 19 sont directement ou indirectement liés à la finance. La Société Générale, le Crédit Agricole, HSBC et Natixis sont ainsi représentés directement par leurs subordonnés. On découvre à la lecture des CV des membres que l’on peut être professeur à Dauphine et Conseiller du Directoire de La Compagnie financière Rothschild comme Jean-Hervé Lorenzi. Les jeunes ne sont pas en reste. Augustin Landier enseigne à la Toulouse School of Economics, mais a aussi créé un hedge fund. A Claire Derville qui lui demandait si on avait raison de penser que les fonds spéculatifs avait fomenté cette crise, il rétorque : « Non... Au contraire, en corrigeant les excès des marchés, ils contribuent à les assainir. Mais c’est vrai qu’en étant obligé de liquider leurs positions…, ils ont amplifié la spirale baissière. Ce sont les victimes collatérales de la crise du crédit ». Il fallait oser présenter les fonds spéculatifs comme des victimes de la crise... Le président du Conseil a aussi ses pudeurs, et on le comprend, notre homme est gourmant, il ne mange pas à un seul râtelier. Le CV de Christian de Boissieu qui affiche ses titres universitaires, ferait rougir de jalousie n’importe quel colonel de retour d’Afghanistan : économiste de l’année, lauréat à deux reprises, puis des titres en anglais non traduits, total respect… Mais notre président oublie de préciser qu’il conseille aussi un hedge fund, excusez du peu, le Crédit Agricole, qu’il siège au conseil de surveillance d’une banque privée, une paille, et la liste est encore plus longue.

    Quand on interroge les membres de cette institution sur les dérives que peut générer ce quasi monopole de la finance dans le CAE, la réponse fuse: « On est libre, Patrick Arthus propose par exemple d’augmenter les salaires depuis longtemps ». L’institution accepte un ou deux trublions à condition qu’ils ne mettent rien en cause d’essentiel. Au CAE et au Cercle des économistes, c’est la fonction de Patrick Arthus. L’homme est sans danger. Il a de nombreux fils à la patte. Le directeur des études de la banque Natixis - aussi conseiller d’administration de Total, généreusement payé 55 000 euros par an pour sept réunions - ne se précipitera pas pour inviter à la révolution, ni pour augmenter la fiscalité du CAC 40. Il s’est aussi vanté de conseiller les dirigeants chinois dans des cercles privés.
     

    « A la soupe »

    Les banques sont les premiers employeurs d’économistes. Les débouchés pour les économistes sont très réduits. Traditionnellement, l’enseignement arrivait en tête et il existe quelques postes dans la fonction publique. Aujourd’hui les banques ont énormément augmenté leurs effectifs : dans les salles de marché, les risques pays, les services marketing… Il est fréquent de passer du public au privé. Les conditions de travail sont meilleures, les salaires aussi, entre 4000 euros par mois pour un économiste confirmé et 15 000 euros pour une star, bien plus qu’un agrégé d’économie en fin de carrière. Et voilà nos économistes dans le toboggan.

    Evidemment quand ils passent au privé, ils se jurent bien de ne pas changer. Sauf que Philippe Labarde, dans sa longue et belle carrière qui l’a mené du service économique du Monde à France Inter se souvient d’évolutions : « Quand celui–là travaillait dans un organisme public, il n’avait pas le même discours que depuis qu’il dirige le service d’une grande banque ». Evidemment personne n’a envie de revenir en arrière. Le paradoxe de cette histoire c’est que les économistes ont inventé un terme pour expliquer cette « laisse » qui n’annonce pas son nom. C’est à Joseph Stiglitz que l’on doit « le salaire d’efficience ». Sa description est relativement simple : comment s’assurer de la fidélité de ses salariés ? Il suffit de les payer un peu au-dessus du marché, et par peur de perdre ce petit avantage, ils fourniront un maximum d’efforts et se comporteront en chiens fidèles.

    Comme d’habitude c’est ceinture et bretelles, il est évidemment interdit de dire du mal de son employeur, voir des clients de son employeur, Etats ou autres. Le chemin est étroit. Antoine Brunet, un ancien de chez HBC, nous affirme avoir signé une clause qui lui interdisait de publier des livres sans l’autorisation de sa hiérarchie. Il existe des cas de licenciements. Un économiste que nous avons rencontré nous a expliqué sa situation : sa banque s’est séparé de lui pour avoir dit du mal de la Chine. Comme il a négocié son départ, il refuse que l’on cite son nom.


    Je tiens à remercier Antoine Brunet ancien économiste d’HSBC, Google, Philippe Labarde, ancien membre du CSA, Frédéric Lordon du CNRS, François Ruffin de Fakir, Jacques Sapir de l’EHESS, Jean Luc Gréau, et ceux qui ont accepté de me parler à condition que je ne les cite pas pour « continuer à être invité dans les colloques » voire d’intégrer un jour une banque. Sans eux, je n’aurais pas pu écrire cet article.
     


    Bertrand Rothé (Il n'y a pas d'alternative, 16 novembre 2011)


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  • Les centurions...

    « … On nous a dit, en quittant notre sol natal, que nous partions défendre les droits sacrés qu’on nous avait conférés… et parce que c’était vrai, nous n’hésitions pas à répandre notre tribut de sang… Mais alors qu’ici nous sommes là-dessus inspirés par cet état d’esprit, on me dit qu’à Rome, des factions et des conspirations règnent, que la traîtrise s’épanouit… Si nous devions laisser nos squelettes blanchis dans ces sables désertiques en vain, alors prenez garde à la colère des Légions ! »

     

    Les éditions des Presses de la Cité viennent de rééditer Les Centurions, le célèbre roman de Jean Lartéguy qui retrace le parcours algérien d'officiers parachutistes meurtris par leur défaite en Indochine. Il fait partie de ces livres qu'il faut avoir lu si l'on veut comprendre ce qu'a été la guerre d'Algérie pour une partie de l'armée française...

     

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    "Un camp de prisonniers français dans la jungle asiatique après la défaite de Diên Biên Phu. « Rééduqués » à la doctrine communiste vietminh, les officiers Raspéguy, Boisfeuras, Merle, Esclavier ne seront plus jamais les mêmes. Ces hommes ont assisté à la mort cruelle et soudaine des copains, rencontré parfois l'amour et sont marqués par le charme de l'Asie.
    De retour au pays, comment reprendre le fil d'une vie de famille normale, entouré de femme et enfants ?
    Arrivent les premiers événements en Algérie. On a besoin d'hommes aguerris et expérimentés. Ils rempilent donc pour le 10e régiment de parachutistes coloniaux.
    Le Maghreb va les happer, mais rien ici ne ressemble à l'Asie. Il n'y a qu'une chose semblable : la guerre.
    Les bombes, les terroristes, les colons, le Djebel et Alger la blanche.
    C'est une autre guerre ici, même si le motif rejoint celui des Indochinois... L'indépendance..."

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  • Du système D au système R...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'oeuvre de redressement national qui s'impose pour notre pays.

     

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    Passer du système D au système R

    L’oligarchie n’a rien d’autre à nous proposer que « le système D » : D pour dettes, déficits, diktat des marchés, déracinement, délinquance, désindustrialisation, démoralisation, destruction des identités et des nations, déclin. Son action se place désormais sous le signe de la débandade car elle nous a fait faire fausse route.

    L’heure est donc venue de changer d’ « R ».

    R pour Rénovation. L’oligarchie a échoué en tout : il faut reconstruire sur les ruines qu’elle nous a laissées, c'est-à-dire entreprendre une profonde rénovation morale, politique, économique et sociale de notre pays. Seuls des hommes et des femmes nouveaux pourront conduire cette rénovation.

    R pour République. L’oligarchie a confisqué tous les pouvoirs à son profit. Il faut rendre le pouvoir au peuple et rétablir la souveraineté de la nation dans sa dimension politique (= la suprématie de la loi, expression de la volonté générale), économique (= la souveraineté monétaire) et stratégique (= la sortie de l’OTAN). Refonder la République implique aussi de rétablir la primauté de l’intérêt général – de la « chose publique » – sur les intérêts particuliers. La société ne se réduit pas à une collection d’intérêts et d’appétits individuels.

    R pour Reconquête. Les zones de non-droit, les enclaves étrangères doivent disparaître. Les lois de la République doivent s’appliquer partout sur son territoire. La loi et l’ordre doivent être assurés partout. Il faut aussi rompre avec la politique de préférence immigrée et organiser le départ des immigrés qui refusent l’assimilation et l’expulsion de ceux qui commettent des crimes et des délits. Il faut enfin refuser l’islamisation de notre société car elle est contraire aux valeurs de notre pays qui est de tradition chrétienne.

    R pour Renégociation. Il faut renégocier les traités européens car l’Union européenne est morte et la zone euro est en train d’imploser. Les peuples européens ne paieront pas les dettes qui ont été provoquées par les politiques laxistes mises en œuvre par l’oligarchie ou qui ont été contractées par un système bancaire irresponsable, à la recherche des profits à court terme. Face au surendettement général il faut un moratoire des dettes et une renégociation générale entre débiteurs et créanciers.

    R pour Régulation. L’économie doit être régulée et non pas dérégulée, en particulier dans sa dimension monétaire et financière.

    R pour Relance. L’économie mondiale entre dans un cycle déflationniste ; le commerce mondial va se rétracter et il faut que la demande intérieure soutienne la croissance. Il n’y aura pas de réduction du chômage sans relance de l’activité intérieure, alors que les politiques économiques conduites par l’oligarchie nous enferment dans une spirale déflationniste.

    R pour Réciprocité. Il faut en finir avec le dogme des bienfaits du libre-échange mondial et de la destruction des frontières qui en découle : il faut mettre en place un protectionnisme raisonnable, c’est-à-dire fondé sur le rétablissement de la préférence nationale et européenne (comme c’était le cas à l’origine de la communauté européenne) et sur la réciprocité réelle de la levée des obstacles aux échanges.

    R pour Relocalisation. Il faut encourager la relocalisation des activités industrielles en Europe et taxer les délocalisations car il n’y a pas d’emploi ni de croissance sans industrie. Il faut donner la préférence à la consommation des produits nationaux et de proximité.

    R pour Rigueur budgétaire. L’Etat et les collectivités publiques doivent maîtriser leurs dépenses dans les secteurs non prioritaires et non régaliens : par exemple arrêter de subventionner des associations qui ne sont que des coquilles vides ou dont l’action va à l’encontre de l’intérêt national. Le réexamen des dépenses et des interventions publiques est une nécessité. Mais l’Etat régalien – protecteur et instrument de la communauté nationale qui a été détruit par l’oligarchie – doit être reconstitué.

    R pour Renaissance. La France doit investir de nouveau dans son avenir. L’Etat doit conduire une politique de grands projets industriels structurants. Cela passe aussi par une réforme du système d’enseignement et universitaire pour qu’il se fonde sur l’excellence, la sélection et la promotion des talents.

    Il n’y aura pas de renouveau ; non plus, sans politique familiale qui encourage les familles et la natalité des Français de souche.

    Encore un effort, et le Rêve deviendra Réalité !

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 novembre 2011)

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  • Remettre les idées à l'endroit !...

    Nous reproduisons ci-dessous la recension, que nous a adressée Pierre Le Vigan, de la récente réédition de l'essai d'Alain de Benoist, Les idées à l'endroit. Un ouvrage fondamental dont nous ne pouvons que conseiller la (re)lecture !...

     

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    Les idées à l’endroit

    Dans le domaine des idées il y a quatre grands secteurs. L’un est le sociétal : pour ou contre la liberté des mœurs, la vente réglementée des drogues, le mariage homosexuel, etc. On le voit : le sociétal renvoie aussi à la culture commune dominante, aux habitus, à l’anthropologie dominante. Un deuxième secteur est l’économique : nationaliser ou pas, exproprier les multinationales ou pas, diriger l’économie ou laisser-faire, financiariser ou pas, accentuer la mondialisation ou instaurer un protectionnisme européen, « libérer » le droit du travail ou restaurer des protections pour les travailleurs, etc. C’est de l’économique qui est aussi bien sûr du social. Un troisième secteur est l’institutionnel : quelle démocratie ? Parlementarisme, régime primo-ministériel ou présidentialisme ? Quelle place à la démocratie directe ? Référendum d’initiative populaire - et comment - ou non ? Quelles collectivités locales et pour quoi faire ? Quel mode de scrutin : majoritaire, proportionnel, à la plus forte moyenne, au plus fort reste ? Avec ou sans prime majoritaire ? Scrutin mixte ? Et là encore : avec quel objectif ? Il y a enfin un quatrième secteur : quelle politique internationale ? Quel ordre mondial voulons-nous ? Unipolaire autour des USA ? Ou pluraliste ? Une vision euro-atlantiste du monde ? Ou une vision eurasienne ? Ces 4 secteurs s’articulent. Bien des combinaisons sont possibles (les libertaires en matière de mœurs ne sont pas tous libéraux au plan économique par exemple). Mais toutes les combinaisons n’ont pas la même cohérence. Et certaines n’en ont même aucune. Ce qui les amène à ne pas durer. 

    Or, c’est la cohérence qui fait qu’une pensée existe et laisse des traces. C’est précisément dans la mesure où il a très tôt fait le choix de ne pas travailler en appui à un parti politique quel qu’il soit qu’Alain de Benoist a pu jouer ce rôle exigeant de tuteur de cohérence. Dans Les idées à l’endroit, il répondait voici 30 ans aux questions suivantes, voire à quelques autres : quelle vision du monde peut avoir un homme lucide et conscient des impasses – et des laideurs physiques et morales - du monde moderne ? Quelle vision de l’homme ? Quel rapport peut-on avoir ce que l’on appelle la droite, ou les droites ? Pourquoi le libéralisme n’est pas la solution ? Que peut-on penser d’un certain nombre de thèmes comme l’ordre, l’enracinement, l’autorité, la tradition ? Qu’est-ce que le totalitarisme, et surtout y a-t-il un nouveau totalitarisme contemporain ? Lequel ? Pourquoi s’est-il mis en place ? Comment ? Au bénéfice de qui ? Pour réprimer quoi ? Comment le combattre ? Quelle stratégie asymétrique, du faible au fort, peut-on essayer de mettre en place contre ce nouveau totalitarisme ? Et aussi : non pas quels goûts culturels devons-nous avoir ? Mais quelle hauteur de vue est susceptible de nous donner du discernement ? Et enfin, quelle politique internationale voulons-nous, et pouvons-nous ? Souhaitons-nous un monde unipolaire ou un monde pluraliste ? Sommes-nous du côté d’une coalition euro-atlantique, ou devons-nous penser en termes de solidarité eurasienne ? Bien entendu, tout se tient : si on est dans une démarche critique vis-à-vis du libéralisme on aura d’autant plus tendance à critiquer au plan institutionnel une démocratie purement procédurale tout comme un « patriotisme » purement constitutionnel à la Habermas et aussi bien sûr l’alignement sur Washington. Enfin, tout en étant favorable à la liberté des mœurs on considérera que la société n’a pas à valider des comportements qui relèvent de la sphère privée et n’apportent rien à sa solidité. Et ce parce que si les individus ont bel et bien des droits la société n’est pas la somme de droits individuels et encore moins le lieu où se réalisent les revendications indistinctes de tous les ayants-droits, réels ou auto-proclamés. C’est cela qu’aide à penser un livre de philosophie, et c’est cela qu’est Les Idées à l’endroit. Ces livres sont-ils si nombreux ? Tout porte à croire que non. Raison de plus pour le lire, ou pour le relire pour les plus agés des lecteurs d’Eléments. 

    L’auteur a bien entendu évolué, et enrichi notamment sa réflexion dans le domaine économique, allant de la critique de la domination de l’économie – la place excessive de l’économie dans nos sociétés - à des propositions plus concrètes sur les voies d’une autre économie, mutuelliste, communaliste, coopérative, autocentrée. Et puis dans ce livre écrit quand l’auteur avait de 30 à 35 ans bien des choses restent actuelles, relisons les passages sur l’immigration : l’essentiel y est, l’immigration comme arme du patronat, comme frein à l’innovation, comme liquidation des cultures (les deux, celle des immigrants qui arrivent, et la culture du pays d’accueil). Un livre à annoter. Comme tous les livres de références.

    Pierre Le Vigan 

    Alain de Benoist, Les idées à l’endroit, Avatar éditions (BP 43 91151 Etampes cedex), 357 pages, 36 euros.

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  • "Charlie Hebdo : un mirador du système..."

    Vous pouvez visionner ci-dessous un entretien avec Laurent Ozon à propos de l'attentat contre Charlie Hebdo. Viril et percutant !...

     

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  • Décivilisation ?...

    Les éditions Fayard viennent de publier Décivilisation,  un essai de Renaud Camus, dans lequel il réfléchit à la question de la transmission dans notre société. Il poursuit dans ce livre certaines des analyses qu'il a précédemment développé dans La Grande Déculturation (Fayard, 2008).

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    "Décilivilisation est le livre frère de La Grande Déculturation. Comme il faut espérer que tous les lecteurs du nouveau volume n'auront pas lu le précédent, il commence par le reprendre, sous des angles nouveaux, avant de le prolonger, mais vers l'amont, si l'on peut dire, d'aller en deçà, de s'interroger sur des problèmes qui sont antérieurs et, si l'on veut, plus fondamentaux encore que ceux qui étaient abordés dans le premier de ces deux essais. 
    Si La Grande Déculturation se penchait sur les questions relatives à l'école, Décivilisation fait porter la réflexion sur un amont de l'école, sur l'éternelle distinction entre instruction et éducation, sur les obstacles à la transmission — des connaissances, mais aussi des aptitudes à la vie en société — tels qu'ils se manifestent dans les nouveaux rapports entre les générations, à l'intérieur des familles, au sein d'une société où l'exigence d'égalité, s'étant imposée entre les sexes, prétend triompher aussi entre les âges, à présent, entre les niveaux d'expériences, entre ce qui surgit et ce qui est consacré par le temps (et du coup ne l'est plus). 
    Y a-t-il des limites à l'égalité, y a-t-il des champs où la démocratie soit hors-champ, et, si oui, lesquels : la famille, la culture, l'art, l'art de vivre ? et, si non, quelle société nous est promise ?"

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