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Métapo infos - Page 1517

  • Vertus et illusions du volontarisme de gauche...

    Nous reproduisons ci-dessous l'analyse par Pierre Le Vigan du court essai de Jacques Généreux, intitulé Nous on peut ! , récemment publié au Seuil et préfacé par Jean-Luc Mélenchon. Economiste, Jacques Généreux est sécrétaire national à l'économie du Front de gauche.

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    Vertus et illusions du volontarisme de gauche

    Voilà un ouvrage sympathique dans son principe et agaçant par son contenu. La perspective de redonner enfin ses droits à la politique ne peut que plaire. L’idée qu’il n’y a pas une seule politique possible ne peut que convaincre. Mais Jacques Généreux, économiste proche de Jean-Luc Mélenchon qui préface son livre, pêche par optimisme. Il donne l’impression qu’une autre politique est non seulement possible mais facile. C’est sous-estimer l’ampleur des mutations à mener.

    Jacques Généreux croit pouvoir vraiment changer la France mais pour cela il lui faudrait abandonner un certain optimisme sociétal hérité des Lumières. Non, les hommes ne sont pas tous identiques, non on ne fait pas une révolution citoyenne avec des gens à qui on n’a rien appris des luttes sociales. Pour changer vraiment il faut revenir sur terre. La terre des hommes complexes et divers. Remettre en cause la libre circulation des capitaux oui mais il faut revoir aussi celle des hommes, ce que ne fait pas Jacques Généreux. La France ne peut pas être un hôtel, ou alors c’est la France qu’aime le grand capital : un simple segment du marché mondial.

    Pourquoi et comment notre auteur se trompe ? Explications. Le diagnostic porté par Jacques Généreux est pourtant juste. Nos gouvernants, dit-il, ont une idéologie : « une société de marché dans laquelle chacun est seul responsable de son sort et ne doit compter que sur sa capacité à s’engager dans la libre compétition avec tous les autres. » Nos gouvernants ont aussi un projet. Celui-ci n’est pas tant l’Etat minimal, qui serait conforme à leur doctrine. C’est bien plutôt la démocratie minimale. « Il s’agit de mettre l’Etat à l’abri des revendications populaires et d’exploiter au contraire sa puissance au service d’intérêts privés. » Le néo-libéralisme colonise ainsi l’Etat pour en faire sa chose.

    La mondialisation du capitalisme va avec sa financiarisation croissante : 98 % des transactions financières portent sur des produits financiers et non sur des biens économiques réels. L’argent n’est plus un moyen d’échange mais un but en soi. Les actionnaires exigent un taux de rendement de plus en plus élevé. L’élargissement de l’Europe (27 Etats et bientôt 28 avec la Croatie) a été conçue comme le moyen d’un dumping social. La thèse de Jacques Généreux est que ce qu’a fait une politique, une autre politique peut le défaire. On peut faire autrement que les néo-libéraux. « On » ? L’Etat contrôlé par des forces politiques nouvelles. Ni les libéraux ni les sociaux-libéraux mais la vraie gauche. Comment faire autrement ? En rompant avec le libéralisme. Jacques Généreux propose ainsi de refonder le système bancaire en séparant banques de dépôt d’une part, banques d’affaire et d’investissement d’autre part. Il faut aussi plafonner le rendement des actions. On doit encore monétiser une partie de la dette c’est à dire la transformer en création monétaire de la banque centrale. En ce qui concerne l’euro, Généreux préconise d’imposer sa réorientation et de n’en sortir qu’en dernier ressort. Il est selon lui possible de réorienter l’euro dans la mesure où seule l’Allemagne aurait intérêt à un euro fort. Un bloc européen pour un autre euro, ou éventuellement pour un euro zone sud, pourrait ainsi peser de manière décisive pour en finir avec l’euro « austéritaire ». Au minimum l’euro sera sauvé comme monnaie commune. Mais contrairement à Dupont-Aignan, Marine Le Pen et d’autres politiques y compris à gauche Jacques Généreux défend l’idée que l’euro pourrait aussi être sauvé comme monnaie unique, sous la forme d’un euro nouveau qui serait moins surévalué et donc meilleur pour la compétitivité de l’industrie française. Comment ? En restant dans la zone euro mais en sortant du traité de Lisbonne et en imposant une solidarité budgétaire européenne, une nouvelle politique de la Banque Centrale Européenne, une harmonisation fiscale et sociale par le haut, et le contrôle des mouvements de capitaux. Cela représente beaucoup de conditions. Ce qui est plus grave est que cela sous-estime la force de la logique du capital. Explications. Si les Européens réalisent encore entre eux les 2/3 de leur commerce, la part de celui-ci faite avec des pays, notamment la Chine, dotés d’autres normes économiques, sociales et environnementales, est suffisamment importante pour peser de manière décisive dans le sens de la désindustrialisation de l’Europe, particulièrement en France où la part de l’emploi industriel n’est plus que de 12 %. Le poids de l’industrie ne peut que se réduire encore sans une politique radicale de réindustrialisation. Or, Jacques Généreux en refuse les moyens. La délocalisation de notre économie pourra selon lui être arrêtée par des mesures essentiellement fiscales, le plafonnement du taux de rentabilité. On aimerait le croire. Le protectionnisme, même européen, n’est envisagé qu’en dernier recours, et il s’agirait si possible d’un « protectionnisme international », notion contradictoire. On comprend qu’il s’agit en fait d’espaces régionaux autocentrés. Pourquoi Jacques Généreux ne l’explique-t-il pas sous cette forme ? Parce qu’il lui faut à tout prix sauver un internationalisme de principe. Et si les autres pays du monde ne souhaitent pas des espaces autocentrés ? On ne ferait rien pour ne pas aller vers un protectionnisme unilatéral, fut-il européen ?

    La question de la dette et du déficit public est aussi complétement minimisée. Il peut y avoir une bonne dette pour des investissements utiles, affirme l’auteur. Mais peut-on sérieusement ne pas s’inquiéter d’une dette servant à payer des dépenses de fonctionnement ? Il y a surtout une philosophie générale du projet de l’économiste du Parti de Gauche qui est d’une navrante faiblesse. Nous avons bien compris qu’il ne s’agit pas de chercher, nous dit-il, « une croissance indifférenciée ». Nous voulons bien « changer de gauche » mais nous aimerions surtout savoir ce que cela changera vraiment. Or, Jacques Généreux croit comme les gouvernants qui nous ont amené là où nous sommes au progrès indéfini. Il ne parait pas croire aux bienfaits de la libre circulation des capitaux mais continue de croire aux bienfaits de la libre circulation des hommes, en tout cas à l’impossibilité morale d’y mettre de quelconque bornes. Il est donc partisan de l’immigration, pensant sans doute que l’on peut, par du volontarisme politique, à la fois mettre au pas le capital qui n’a qu’à bien se tenir, et faire des citoyens français et européens de n’importe quels arrivants venus des quatre coins du monde. Sans doute les immigrés se rendront-ils compte en arrivant qu’ils vivaient dans l’obscurantisme et qu’il n’y a rien de mieux à aimer dans le monde que la France des Lumières et rien de plus urgent que de se débarrasser de leurs mœurs et coutumes, à moins que, séduits par le spectacle quotidien de fierté et d’affirmation nationale de notre pays, ils ne décident qu’il n’y a rien de plus normal que d’être fier d’être français – ce qui reviendra au même. C’est là un stupéfiant irénisme qui ne tient pas le moindre compte des leçons de l’histoire. Mais il n’y a cela rien d’étonnant. A aucun moment dans son analyse des dérives de la gauche s’abandonnant à la séduction du mondialisme, Jacques Généreux ne s’interroge sur la conjonction libérale-libertaire qui est née en son sein et qui a gagné la droite si facilement parce que l’une et l’autre se sont ralliées au libéralisme mondialisateur. A aucun moment Jacques Généreux ne remarque que plus la gauche est devenue libérale au plan économique plus elle a développé une idéologie de substitution : un pseudo « antiracisme » aboutissant à nier les problèmes posés par l’immigration de masse, une préconisation de la légalisation du mariage homosexuel qui, comme chacun sait, est un souci majeur du peuple français, les hommes y pensant tous les matins en se rasant, des positions d’ « ouverture » (sic) face aux drogues, une complaisance pour toutes les remises en cause des valeurs traditionnelles, et en l’occurrence celles du peuple : le respect du travail, de l’argent gagné proprement, de l’art qui ne se moque pas du public, et même, l’amour raisonnable de la patrie. Il n’est pas étonnant qu’avec une telle myopie intellectuelle sur ce qui a amené la gauche à être une solution de secours parfaitement praticable pour le nouvel ordre mondial et le turbocapitalisme, les solutions préconisées par Jacques Généreux, même quand elles vont dans le bon sens – et c’est le cas –, témoignent d’un optimisme indécrottable, il est vrai assez caractéristique de la gauche dépourvue du sens du tragique de l’histoire (on pense à Léon Blum, si perspicace, expliquant en 1932 que « la route du pouvoir est fermée devant Hitler »).

    Voilà donc où en est l’ « autre gauche », celle qui se prétend une alternative aux sociaux-libéraux. Or il ne faut pas seulement changer de politique, et bien entendu changer les politiques au pouvoir. Il faut changer de paradigme, sortir de l’idée d’une civilisation universelle, bonne pour tous et partout, qui ne peut mener qu’à l’exact contraire de la « révolution citoyenne » à laquelle se réfère Jacques Généreux. La civilisation universelle de l’économie productiviste mondialisée, de la délocalisation généralisée ne peut être que la fin de toute République. Ce ne peut être que la démocratie réduite au procédural, ce ne peut être que la parodie de l’idée même de citoyen. Ce n’est peut-être pas ce que veut Jacques Généreux mais c’est très exactement ce à quoi nous mènent ses idées internationalistes. Dès lors, à quoi bon son « autre gauche » ? Si le but est d’homogénéiser le monde, qui a mieux montré son savoir-faire que le capitalisme ?

    Pierre Le Vigan 

    Jacques Généreux, Nous on peut !, pourquoi et comment un pays peut toujours faire ce qu’il veut face aux marchés, face aux banques, face aux crises, face à la BCE, face au FMI, …, Seuil, 140 pages, 11 euros.

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  • La mafia à Hollywood...

    Les éditions Nouveau Monde viennent de rééditer en collection de poche La mafia à Hollywood, un essai du journaliste britannique Tim Adler. Rédacteur en chef d'une revue professionnelle consacré au cinéma et collaborateur des principaux quotidiens britanniques, l'auteur met en lumière dans cet essai les liens qui, presque dès l'origine, ont existé à Hollywood entre la mafia, le monde du showbiz et du cinéma, celui de la finance et celui de la politique. Les lecteurs de James Ellroy ne devraient pas être dépaysés...

     

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    "Pour la première fois, un ouvrage dévoile les liaisons dangereuses entre l'industrie du cinéma américain et la Mafia.
    Dès la Prohibition, les gangs rackettent aussi bien les exploitants de salles que les studios. Après une résistance toute symbolique, les grands Moguls accueillent à bras ouverts les Al Capone, Lucky Luciano ou plus tard Sam Giancana dans la jet set hollywoodienne. Ainsi débute une fascination réciproque, qui va influencer le film « mafieux » nourri aux meilleures sources, de Scarface au Parrain.
    De Joe Kennedy, le père de JFK, amant de Gloria Swanson et propriétaire du studio RKO, aux stars du grand écran, ce livre révèle les amitiés des « parrains », qui s'aventurent parfois dans la production. On y apprend bien des « secrets de famille », tels que le meurtre par Lana Turner de son gangster d’amant ou le financement par une famille mafieuse du premier grand succès du porno, Gorge profonde…
    On croisera ici des acteurs dont la carrière a été soutenue par la Mafia : Frank Sinatra, Dean Martin ou Steven Seagal. Mais aussi des stars mêlées, malgré elles, à des agissements frauduleux, comme Kim Novak, maîtresse de Sammy Davis Jr, ou Marilyn Monroe surveillée par le FBI.
    Dans les années 1970 et 1980, plusieurs studios comme Warner ou Universal continuent à entretenir des liens avec la Mafia. Et, dans les années 1990, le financier Giancarlo Parretti rachète la MGM avec des fonds d’origine mafieuse et l’aide du Crédit lyonnais…
    Désormais plus discrète, la Mafia reste cinéphile !"

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  • Où mène la logique guerrière contre l'Iran ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Pierre Conesa et Thierry Coville, cueilli sur le site du quotidien Le Monde et consacré aux menaces de l'Occident contre l'Iran. Chercheur associé à l'IRIS, Pierre Conesa a récemment publié un essai intitulé La Fabrique de l'ennemi (La Découverte, 2011).

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    Où mène la logique guerrière contre l'Iran ?

    L'Iran est seul pays du monde contre lequel 5 livres en vente en librairie appelle à faire la guerre rapidement, certains d'ailleurs écrits par ceux là même qui avaient justifié l'attaque américaine en Irak pour y trouver les armes de destruction massives.

    L'embargo sur le pétrole que discutent les Européens constitue sans nul doute un casus belli pour Téhéran qui tire des hydrocarbures 60 % de ses recettes budgétaires (et financent aussi le logement, l'éducation, etc.). La république islamique y a donc répondu de la même façon, par des menaces de blocage du Détroit d'Ormuz. Le décor est donc planté pour un conflit. Au regard des insuccès obtenus par les Occidentaux en Afghanistan et en Irak, on peut se demander qu'est ce qui pousse nos décideurs à repasser les plats ? Que cherche-ton en Iran ? Le Washington Post du 10 janvier citant un responsable du renseignement américain dit que c'est le changement de régime (regime change) par une révolte contre les autorités. Espérer qu'une population durement marquée par un embargo stupide par son étendue et sa généralité (sur les pièces détachés d'avion, sur les médicaments…) va se révolter contre son gouvernement est méconnaitre l'histoire. Comme on l'a vu en Irak et en Afghanistan, le mécano qu'utilisent les responsables occidentaux pour changer un régime ne marche pas.

    Cela est d'autant plus immoral que les Iraniens ont marqué leur volonté de changement pacifique en 2009. En outre, la politique de sanctions ne contribue qu'à affaiblir la société civile iranienne et à renforcer le poids des filières proches du régime qui contrôlent les filières d'importations de contrebande. Faut-il encore une fois penser que quelque conseiller secret garantit le résultat positif de l'opération comme en d'autres temps Monsieur Ahmed Chalabi pour l'Irak ou de monsieur Karzai pour l'Afghanistan auprès de l'administration Bush ? C'est peu probable. Arrêter le programme nucléaire ? L'objectif est louable mais est ce le droit de pays qui ont soutenu l'agression de l'Irak de Saddam Hussein en mettant sous embargo l'Iran agressé, avant de se retourner contre leur protégé et ont tout fait pour que l'ONU ne condamne pas Bagdad, de définir la sécurité de la région ? Apparemment oui puisque monsieur Kouchner avait vertement rappelé à l'ordre le Brésil de Lula et la Turquie de Erdogan qui avaient trouvé un accord avec Téhéran sur l'enrichissement. Le résultat de l'accord avait moins d'importance que les signataires apparemment.

    Annoncer que la bombe iranienne serait déstabilisante doit faire se retourner le Général de Gaulle dans sa tombe, lui qui avait justifié le programme français par la volonté de notre pays de ne plus jamais se soumettre à une puissance étrangère. Lutter contre le terrorisme ? Mais la république islamique a fourni moins de terroristes et de prédicateurs salafistes que les universités saoudiennes ou les madrasas pakistanaises. Et la République islamique a été souvent la cible privilégiée des terroristes sunnites radicaux. Défendre les droits de l'homme régulièrement violés en Iran ? Objectif louable qui devrait être étendu à l'Arabie saoudite qui dispute avec succès le titre à Téhéran ainsi qu'à la Chine, à la Russie (la liste est malheureusement longue).

    Quant à dénoncer l'usage de le peine de mort, on s'en étonne venant du gouvernement américain. Protéger Israël ? De quelle menace ? Si l'Iran avait la bombe qui peut penser qu'il l'utiliserait contre qui que ce soit sans menace vitale sur le pays, alors que les rétorsions militaires occidentales vitrifierait le pays dans sa totalité. Si une bombe devait préoccuper nos stratèges, ce devrait être celle du Pakistan, pays instable et fournisseur de terroristes. Donc il faut en conclure que nous allons à la confrontation directe. La guerre a d'ailleurs commencé puisque 6 ingénieurs et responsables du programme nucléaire iranien ont été assassinés, le dernier Monsieur Ahmadi Roshan en date le 10 janvier 2012.

    Que dirait-on si des ingénieurs français, israéliens ou américains étaient assassinés dans leur propre pays ? Avant le début des hostilités, un blocage du détroit d'Ormuz additionné à la crise nigériane, générerait une hausse brutale du prix du pétrole, exactement le genre de conjoncture qui nous aidera à sortir de la crise économique. Excluons enfin une indigne intention électoraliste américaine ou française dans cette brutale montée de fièvre. L'embargo unilatéral décidé par l'Europe ne sera jamais appliqué par l'Asie, Chine en tête.

    Il faut probablement chercher l'explication des décisions récentes de nos dirigeants dans la vieille croyance que la terre est toujours plate et que nous en sommes le centre. En attendant, la politique iranienne des Occidentaux ne fait qu'affaiblir leur légitimité chez les nouvelles puissances émergentes qui ne supportent plus cette politique de double standard.

    Pierre Conesa et Thierry Coville (Le Monde, 16 janvier 2012)

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  • Journal d'un Français sous l'empire de la pensée unique...

    Les éditions Fayard viennent de publier Au point - Journal d'un Français sous l'empire de la pensée unique, le recueil des chroniques de Patrick Besson publiées chaque semaines dans l'hebdomadaire Le Point. La plume de celui qui a récemment descendu Eva Joly, au grand scandale des bien-pensants, est acérée à souhait et on trouve dans le recueil de belles pépites...

    Nous reproduisons ci-dessous la critique de ce livre par Arnaud Le Guern publiée sur Causeur.

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    C’est un gros livre de la même couleur que Le Hussard rouge, récemment édité par Le Temps des cerises. Après les années 80, les années Sarkozy: du ministère de l’Intérieur à la présidence de la République, en passant par l’UMP et le mariage avec Carla.
    Certains diront que Patrick Besson publie trop. Ils auront tort puisque, en réunissant les papiers qu’ils donnent aux magazines, Besson offre la chronique du temps qui passe, se dérègle et se perd. A chaque fois, l’angle de vue est différent, mais le regard est toujours pleine cible. Ce n’est pas Eva Joly qui affirmera le contraire.
    La presse, il faut le dire, c’est tout de suite mieux quand c’est rempli des vagabondages des écrivains. Peu importe le sujet : le style pare la pensée de ses atours, met dans le mille avec la précision d’un sniper sur les toits de l’immonde. Besson est un écrivain qui éparpille les chapitres de ses romans entre une pub et un sommaire d’hebdo. C’est un adepte de la ligne Bernard Frank, ou Blondin.

    Le style, arme de précision massive

    Dans VSD, Besson voyait le monde sur grand écran ; dans Le Figaro Magazine, sur petit écran ; dans Marianne, entre les lignes. Dans Le Point, depuis 2002, il s’empare de la réalité selon son beau plaisir et ses dégoûts très drôles. Ses premiers mots : comment (ne pas) réussir sa vie ; ses derniers : l’invention du slogan de saison « la retraite ou la mort ». Entre les deux, il constate les dégâts des tristes temps où nous vivons, s’en amuse et tire à vue.
    Une jolie chanteuse au pedigree sexuel de grande quantité devient première dame de France. Monsieur le Président doit faire attention aux cornes. Les gens trop en cour sont louches : Kouchner, Eric Besson-Zemmour, Georges-Marc Benamou et Manuel Valls risquent de mal finir. Les emprisonnés ne le méritent pas forcément : Cesare Battisti, une autre jolie chanteuse – Serbe celle-là – , Le Floch-Prigent ou Edouard Limonov bien avant sa découverte par Carrère. Marie Trintignant passe. Les morts de la canicule de 2003 aussi. La télé tue lentement des apprenties starlettes. Des petits gros s’imaginent en haut des affiches électorales s’ils maigrissent. Quelques femmes politiques sont traitées de « salopes » ou de Ségolène, histoire de leur faire comprendre qu’elles n’existent pas. Christine Angot est encore une femme publique et Jean-Pierre Raffarin, le philosophe tendance Lorie de la droite. Le cimetière des coeurs battants s’agrandit : Frédéric Berthet, Frédéric Fajardie, Jacques Brenner.

    La possibilité des fugues

    Pour sourire un peu dans ce milieu hostile, Besson se souvient des écrivains morts et des jeunes romancières. Il s’évade en Afrique, en Thaïlande et dans les hôtels niçois. Les actrices sont de beaux points de chutes, Hélène Fillières par exemple. On peut les inviter au restaurant, dont la qualité sera mesurée à l’aide d’une faucille et d’un marteau. Laetitia Casta joue dans les pièces de Florian Zeller, auteur mi Sagan mi Gégauff. La nostalgie des princesses réchauffe les sentiments. Il est bon, également, de relire un vieux Playboy daté de 1981 : Marie-Hélène Breillat était en couverture. Le dévédé du Sauveur, de Michel Mardore, avec Muriel Catala en exquise Lolita pervertie, est une autre possibilité de fugue.
    Dans Patrick Besson au Point, il y a des poèmes, des listes qui ne doivent rien aux listes de courses de Charles Dantzig, des nouvelles d’été, des classements et, à chacune de ses 950 pages à lire urgemment, des fusées qui trouent la laideur et réenchantent, d’un éclat de rire ou d’un spleen léger, une France à la merci des tueurs d’émotions.

    Arnaud Le Guern (Causeur, 15 janvier 2012)

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  • L'école : un désastre annoncé ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à l'éducation nationale...

     

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    L'école : un désastre annoncé

    Les Cassandre ont toujours tort, jusqu'à ce que la catastrophe leur donne raison. Mais alors le combat a déjà pris fin, ne laissant que des cadavres.

    Les morts, en l'occurrence, ce sont les élèves. Plusieurs générations perdues, sacrifiées sur l'autel de l'expérimentation pédagogique, d'aventures hasardeuses de laboratoire, que des boutiquiers fraudeurs, des trafiquants de contrefaçons, des apprentis sorciers, déresponsabilisés, concoctant dans leurs cénacles de conférenciers médiatiques leurs potions indigestes, ont voué à la médiocrité, à cette insignifiance justement qu'on ne cesse de nous mijoter, comme une pitance à la Mac-do. Le comble, l'ironie dévastatrice de cette folie, de cette hallucination collective, c'est qu'on se fonde sur la ruine réitérée, obstinée, de plus en plus évidente – une dévastation radicale dont le spectacle devrait pourtant s'imposer, même aux aveugles, comme un aveu d'échec – pour continuer à creuser cette fosse commune. La logique voudrait que ceux qui sont à l'origine de cette mise à mort programmée en fussent les premiers sanctionnés, puisque pédagogues du régime, bureaucrates soviétiformes et ministres incompétents – ou cyniques - nous assènent depuis trente ou quarante ans cette politique « éducative » d'égalisation aux forceps, et d'abrutissement de notre jeunesse. Il faudrait pour ce faire que notre soi-disant élite fût pourvue d'un sens logique un peu plus solide, et d'une honnêteté qui fait singulièrement défaut à notre époque. Le principal pouvoir, le quatrième, celui des médias, sans lesquels il ne peut plus y avoir de roi, ne s'y trompe pas, en travaillant, en bon petit ouvriers mineur, à saper l'autorité des professeurs, à désacraliser l'Ecole, en discréditant les savoirs, en promouvant un hédonisme de supermarché délétère, et en enjoignant, comme un dogme, une égalisation des conditions, volonté apparemment bardée de bonnes intentions, mais dans les faits d'une hypocrisie parfaitement tartuffienne.

    Une pétition, parue récemment dans Libération, dénonçant l'écart croissant entre les élèves en difficultés, dont certains sortent du système sans diplôme, et une minorité, qui bénéficie de conditions plus favorables, sous couvert de relancer un débat pipé, se présente comme une réplique d'innombrables opérations du même type. Il s'agit d'un missile communicationnel, que certains groupes de pression lancent régulièrement, celui-là pour détruire un peu plus, si tant est qu'il en reste quelque chose, l'école considérée comme une forteresse de l'injustice et de la cruauté. La rhétorique de nos pétitionnaires acharnés, dont l'indigné – par essence - Stéphane Hessel, jamais en mal de trouver une cause sainte, le jargon de nos protestataires récidivistes, qui, pour l'écrasante majorité d'entre eux, n'ont jamais, ou n'ont plus, depuis longtemps, été en présence d'élèves, révèlent bien à quelle idéologie nous avons affaire.

    En réclamant le « bien-être » et la « sérénité » pour les élèves, on emploie des notions qui sont, selon la langue de velours contemporaine, des « marqueurs ». Ils constituent tout autant l'attirail lexical du libertaire que celui du sectateur new age. Les temps sont au grand bain dans l'immense bleu de l'apesanteur hédoniste, au mol abandon du corps et de l'esprit rétifs aux accrocs du réel. Il faudrait jouir non seulement sans entraves, mais avec la paix de l'esprit. Il est vrai que l'idiotie, l'inculture et le consumérisme le plus obtus invitent à cette ataraxie confortable, propice sans doute à la lobotomie exigée par l'entreprise moderne et par un marché peu avide d'angoisse existentielle. En voulant par exemple que le primaire empiète sur le secondaire, on ne saurait mieux avouer la régression mentale d'une jeunesse que l'on tient mieux en prolongeant son infantilisation, qu'en la confrontant aux nécessités de l'affrontement, de l'effort, de la rudesse d'une société qui ne lui fera pas de cadeaux, et, surtout, en la soumettant à une mise à l'épreuve de soi-même, gage de progrès véritable et d'exploration de ses richesses intérieures. En voulant l'enfermer dans une bulle sécurisée, on la condamne à ne pas grandir et mûrir. En déniant légitimité à tout arrachement, à toute situation d'étrangeté, à tout processus dérangeant, on bloque sa capacité à réagir adéquatement, de façon vigoureuse. En la condamnant aux travaux d'équipe, en le cantonnant à des tâches mécaniques et dérisoires, dont la prétention voudrait qu’elles l’ « éveillent », en mettant l'accent sur le doigt plutôt que sur la lune, en considérant que l'informatique, l'électronique, le gadget peuvent dispenser d'approfondir, on établit l'inculture et le conformisme sur un terrain épais, celui de la paresse la plus imperméable à l'aventure intellectuelle. Mais au fond n'est-ce pas là le désir d'un système qui réduit l'individu à une somme de stimuli et de songes creux, médiocres, au demeurant ne possédant même plus la fraîcheur de l'enfance, tant on a transformé celui-ci en apprenti consommateur ?

    Il en va de même de la volonté de remplacer ce que les spécialistes nomment l'évaluation « sommative » (« sommer », « imposer de façon autoritaire » , « juger » : voyez-vous la malice !) par celle appelée « formative ». Figurez-vous que, jadis, on ne « formait » pas. Maintenant, l'élève, bardé de « compétences », se construit lui-même. Même Monsieur Jourdain n'aurait plus besoin de maîtres. Comme il est en effet question de se « former » toute la vie, et que le primaire a vocation à s'étendre finalement jusqu'à une retraite par ailleurs reculée jusqu'à l'orée de la mort, il faut assurer cet avenir radieux. Tout repère sérieux ayant été dilué dans une bouillie évaluative floue, les chats seront toujours gris et frustrés. Du moins les chats de gouttière, car les autres, les aristochats, sauront bien sortir de cette mélasse, grâce à des trajectoires toutes trouvées, dans des établissements où l'évaluation ne sera pas de pacotille, dans des collèges et lycées, très onéreux, bien sûr, et autrement exigeants.

    Qui ne voit que toute cette logorrhée mélodramatique, qui répudie ce que l’homme sait depuis qu’il est homme, à savoir que la vie est normalement faite d'échecs, mais aussi de réussites, que la société est, et sera, toujours fondée sur une inégalité somme toute nécessaire, que les progrès individuels et collectifs se réalisent dans l'effort, la peine, le risque, qui ne voit que, si l'on met de côté les idiots utiles, les niais idéologiques, les figurants indispensables, le véritable objectif de ces manœuvres répétées est de livrer élèves, parents, familles au marché de l'éducation et de l'enseignement ? Et cela, au nom d'une « démocratisation », qui n'est qu'une massification, comme la cantine et le supermarché, comme l'autoroute et le tourisme moderne ?

    Cette dévastation est voulue, pour des raisons économiques, mais aussi, plus sournoisement, au nom de principes encore plus dangereux et nocifs, s'il en est. La polémique suscitée par l'abandon de tout un pan de notre Histoire nationale, et la mise à l'écart, plus sournoise, de notre littérature, indiquent l'enjeu véritable du problème. Il s'agit ni plus ni moins que de gommer, de supprimer toute conscience nationale, en même temps que tout esprit critique.

    Entendons-nous : nous ne nous appartenons pas. Notre langue est un héritage, comme la société où nous sommes nés, ses valeurs, ses us, ses mœurs, sa mémoire, ses gloires et ses tragédies. Au centre de l'éducation, il doit, il devrait y avoir la Nation, ce qui a fait notre peuple. L'Europe aussi, bien sûr, et, comme horizon plus large, l'Humanité, les dons des autres peuples. En voulant assassiner notre système éducatif, c'est un bon coup de poignard qu'on assène à ce qui façonne l’homme différencié. Il est vrai que pour beaucoup de nos idéologues, c'est plutôt un grand service que l'on rend. Mais à qui ?

    Le discours sociologique dominant veut que le fait exige. C'est ainsi, et pas autrement. La société est comme cela, les élèves ne sont pas autrement, surtout pas comme avant. Derrière ces assertions fades et capitulardes se cache le calcul. Mais aussi une paresse d'esprit complètement contraire à la santé et à la force d'une communauté.

    Or, le principe de la vie en société, donc de la morale, c'est de bien penser. L'ambition démesurée de « démocratiser » l'école, quand bien même elle repose sur des principes progressistes (mais, qu'est-ce que le progrès?), est une aberration du point de vue de l'efficacité. Outre le fait que l'emploi n'est pas en soi une production du système scolaire, mais de l'économie, et que le chômage, en vérité, est voulu, programmé par un système qui en tire amplement profit, il est malhonnête, vicieux, de se réclamer de la démocratie, quand celle-ci ne peut exister réellement, aussi bien en politique, que dans les domaines social et culturel. On a cherché hypocritement à y faire croire, ou à la faire espérer, par démagogie, ou en nivelant tout le monde jusqu'à un étiage où même une limace pourrait pratiquer le saut en hauteur, et, bien que l'époque soit celle du fric, c'est-à-dire le facteur le moins démocratique qui soit, on a argué de cette urgence pour tout démonter, tout détruire. Le collège unique ne se conçoit que dans le cadre d'une pensée unique. Cependant, il serait sain de se débarrasser de ces âneries malfaisantes, et de voir les choses en face. L'idéologie empêche de réagir, et d'agir.

    Aussi, répétons-le, serait-il plus utile d'avouer qu'il existera toujours des inégalités, des échecs. La réussite pour tous est un slogan irréaliste et totalitaire. Il vaudrait mieux permettre à une élite solide de se construire, de s'aguerrir, et de rendre service, ainsi, à tous. Il faudrait aussi, après des évaluations sérieuses, déterminer qui doit suivre un programme allégé, quitte à ce qu'il existe des passerelles pour intégrer la voie supérieure. Les jeunes élèves et étudiants doivent apprendre notre histoire, se réapproprier nos racines, de façon approfondie pour ceux qui peuvent, de façon plus affective pour les autres, mais toujours sérieusement, pour que les « mythes » communautaires soudent la Nation. Enfin, une éducation du caractère est indispensable, à tous les niveaux, tant physiquement que mentalement.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 14 janvier 2012)

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  • Pour en finir avec l'idéologie antiraciste...

    Les éditions Bourin publient cette semaine une essai de Paul-François Paoli intitulé Pour en finir avec l'idéologie antiraciste. Journaliste au Figaro, Paul-François Paoli est l’auteur de nombreux essais de combat, dont La Tyrannie de la faiblesse (Bourin Éditeur, 2010).

     

    Pour en finir avec l'antiracisme.jpg

    "L’antiracisme, nécessité morale absolue, a atteint ses objectifs en Occident. Toute idée de suprématie raciale y est désormais délégitimée et celui qui s’en prévaudrait encourrait, à juste titre, l’opprobre des institutions et des médias. Pourtant, alors que les racistes avérés sont devenus très marginaux dans nos sociétés, l’antiracisme s’est mué en une idéologie à la fois diffuse et contraignante qui outrepasse largement sa raison d’être. Manipulée comme une arme de disqualification massive, elle impose un terrible chantage sur quiconque ose interroger l’immigration, l’influence de l’islam ou le multiculturalisme. Non contente de réintroduire le délit d’opinion, elle interdit par ailleurs, au nom d’un universalisme au rabais, toute réflexion sur la grandeur et l’unicité de la culture européenne.
    À travers une méditation historique sur l’épineuse question de l’identité française, Paul-François Paoli déconstruit une doxa tyrannique qui stérilise le débat public."

     

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