Pierre Le Vigan, essayiste et collaborateur habituel de la revue Eléments, analyse pour Métapo infos, à l'occasion du 1er tour des élections législatives, l'état de la démocratie dans notre pays...
Métapo infos - Page 1471
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La démocratie en France ? Un bilan avant le 1er tour des législatives...
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Que reste-t-il de la Ve République ?...
Le numéro de juin 2012 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque.
Le dossier est consacré à un hommage à la Ve République. On pourra y lire, notamment, des articles de Eric Branca ("Du peuple "souverain" au peuple témoin"), de Julien Thouéry ("D'une révision l'autre"), de François-Laurent Balssa ("Changer de République ou changer la démocratie"), de François Bousquet ("L'exemple suisse") et d'Alain de Benoist ("Qu'est-ce qu'une constitution ?"), ainsi que deux entretiens, l'un avec Marie-France Garaud ("Les partis ont repris le pouvoir") et l'autre avec Anne-Marie Le Pourhiet ("L'Etat et sa souveraineté se vident de plus en plus de leur substance").
Hors dossier, on pourra aussi lire des articles d'Alain de Benoist ("Jean-Jacques Rousseau, un moderne anti-moderne") ou d'Olivier Maulin ("Pierre Benoit, romancier au long cours"). Et on retrouvera aussi les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour ("Coup de bambou").
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La campagne de Russie (partie 1)...
Les éditions Tallandier viennent de rééditer au format poche, dans leur collection Texto, La campagne de Russie, un ouvrage de l'historien américain Curtis Cate. C'est l'occasion pour Pierre Le Vigan de revenir dans une série de chroniques sur ce conflit qui a conduit l'empire napoléonien à sa disparition...
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L'homme sur la photographie...
Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la photographie officielle de François Hollande, président de la République... Bien vue !...
L'homme sur la photographie
Le « changement » se niche partout. Y compris dans la photo officielle du nouveau président de la République, prise par Raymond Depardon dans les jardins de l’Elysée.
La nouvelle photographie a été annoncée comme un grand événement. C’est « un moment d’histoire », a déclaré le directeur de cabinet du président. Certains se contentent de peu.
Que voit –on en effet sur cette photographie ?
Rien. Ou beaucoup de choses, au contraire.Un homme dans un parc
On voit d’abord un homme dans un parc, vêtu d’un complet sombre.
L’Elysée étant pris sous un angle inhabituel, on ne sait pas au premier regard que l’on a affaire au premier personnage de l’Etat. On voit au loin deux vagues bâtisses et, à gauche, des étoffes qui pendent : trois couleurs et quelque chose de moins identifiable à côté (c’est, semble-t-il, le drapeau de l’Union européenne).
Est-ce le château de Moulinsart ? Est-ce une publicité pour le catalogue de Relais et Châteaux ? On ne sait pas bien. Tout est flou et loin. Fuyant même.
Et le parc en arrière plan est désert : pas de fleurs, pas d’animaux, pas d’enfants qui courent, pas de garden-party. Rien que de l’herbe. Un ennui sidéral se dégage de ce parc. Il n’y a qu’un arbre, à droite de la photographie : il se situe en arrière-plan, éclairé, alors que l’homme est dans un clair-obscur. Il n’a manifestement pas eu la chance de passer de l’ombre à la lumière comme J. Lang en 1981 : lui, il y est resté.
Un homme tronc
L’homme est pris en « plan américain », il a les jambes coupées. Mauvais présage.
L’homme nous regarde mais son corps est orienté de trois quarts vers sa gauche, comme s’il allait bouger : ses mains, assez grosses d’ailleurs par rapport à son visage, ne sont donc pas au même niveau, ce qui fait bizarre. Dans un western, on pourrait penser qu’il va dégainer, mais il est désarmé.
Aurait-il un bras plus court que l’autre, comme Guillaume II ? La photo donne l’impression que l’homme voudrait avancer ou nous dire quelque chose, mais qu’il ne le peut pas. Il reste muet et figé. Comme paralysé dans son élan.
Un homme banal
Cet homme pourrait être n’importe qui : le responsable du marketing d’une grande multinationale, un cuisinier renommé, un notaire ou le cousin machin. Rien dans la photographie ne nous indique sa fonction, sinon son sous-titre : « François Hollande, Président de la République Française ». Française : il faut préciser, en effet ; il pourrait être élu au Bundestag ou aux Cortes, le décor serait le même. C’est à cela qu’on reconnaît habituellement « l’art contemporain » : il faut que quelqu’un décode l’œuvre, sinon personne ne comprend le « geste » de l’artiste !
La légende nous éclaire : voilà un président « normal ». C’est un Français banal, mais qui habite dans un château et qui doit s’enquiquiner toute la journée dans son grand parc désert ; un milliardaire qui s’ennuie, comme le dessinateur Sempé savait les croquer. On comprend qu’il n’ait pas envie de rire, surtout s’il pense aux impôts et aux charges qu’il va devoir bientôt payer.
Suivez son regard
Son directeur de cabinet croit nécessaire de nous indiquer qu’il a le regard « tourné vers la France, avec à la fois beaucoup d’attention, beaucoup d’humanité et beaucoup de vigilance ».
On a, en effet, besoin de cette explication pour comprendre qu’il s’agit d’un homme politique. Mais un examen plus attentif de la photographie montre que, compte tenu de son orientation, l’homme ne nous fixe pas vraiment : il vise notre épaule droite et au-delà. Son regard passe donc au-dessus de nous. Mais que regarde-t-il ? L’horizon électoral ? La crise financière qui revient ? Les entreprises qui vont fermer ? Les futurs cortèges de « partenaires sociaux » ? On ne sait pas trop.
Une posture inconfortable
A l’évidence son sourire est indéfinissable. Il ne respire ni la joie de vivre ni la grande santé. L’inclinaison vers le bas de ses yeux n’arrange rien. Le propriétaire des lieux a le front dégagé, mais il a l’air préoccupé, crispé même. Comme s’il ne savait que faire.
Avancer ? Mais il ne le peut pas puisque ses jambes sont coupées : c’est un homme tronc qui nous regarde. Pivoter vers sa gauche ? Il irait encore plus dans l’ombre : vers le côté obscur de la force politique, en quelque sorte. Pivoter vers sa droite ? Difficile dans la position où il se tient : il va se faire un tour de reins. Reculer ? Mais il va se perdre dans ce grand parc désert et lugubre ! La photo nous montre qu’il se tient déjà dans une posture bien inconfortable !
Objectif atteint
Il paraît qu’il a fallu prendre 200 clichés avant d’arriver à celui-là. Les autres devaient être pires, sans doute ! Ce portrait tranche assurément avec celui de ses prédécesseurs et sur ce plan l’objectif de communication est atteint.
Ce portrait n’exprime pas, en effet, la solidité des institutions ni la grandeur de l’Etat comme au temps d’un De Gaulle ou d’un Mitterrand. Non : dénué de tous les symboles de l’autorité républicaine, le personnage paraît au contraire flotter dans sa photo, comme si ce rôle était trop vaste pour lui. Sans ses jambes, il manque d’assise.
Le portrait n’exprime pas vraiment non plus le mouvement ni les lendemains qui chantent : c’est une photographie qui ne se veut pas pausée, mais qui n’en est pas moins figée.
La photo n’exprime pas, enfin, la détermination qu’on attendrait de la part du capitaine quand la tempête menace. L’homme a l’air gentillet, mais ses bras sont ballants et ses mains ouvertes. Il ne tient rien, il ne s’appuie sur rien, il ne désigne rien. Il est là, c’est tout : enfoncé jusqu’à mi-cuisses dans ce parc, déjà englué dans la réalité.
C’est à sa manière, un portrait qui inquiète.
Michel Geoffroy (Polémia, 6 juin 2012)
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Une vision française de la guerre...
"[...]Au final, nous sommes conviés à revoir l’équilibre des principes qui sous-tendent les conceptions opérationnelles occidentales, de manière à installer la connaissance et la compréhension des situations au premier plan de nos préoccupations au lieu des strictes questions de capacités qui ont, jusqu’à présent, constamment dominées. Il s’agit également de reconsidérer notre conception de la victoire, en tempérant son côté manichéen issu d’un moralisme excessif, de tendance messianique outre-Atlantique et juridico-pacifiste dans sa version européenne.[...]" Général Henri Poncet
Les éditions Economica viennent de publier La guerre - une vision française, un essai du général Guy Hubin. Ancien chef de corps du 1er régiment de hussards parachutistes, le général Guy Hubin, qui a aussi servi au 13e RDP et à la DGSE, avait publié en 2000 un essai intitulé Perspectives tactiques chez le même éditeur, et qui a été réédité plusieurs fois depuis.
"C’est à une lecture inhabituelle de l’histoire militaire que nous convie ce livre. Si les sujets abordés débordent largement de ceux de l’histoire nationale, ils sont examinés par un œil français qui les dégage de l’optique anglo-saxonne dominante sur le sujet.
Ce livre est aussi une exhortation à ne pas écarter de notre réflexion le phénomène guerrier, à éviter de sombrer dans la facilité de l’émotion quand on l’aborde, et à se garder des à priori réducteurs le concernant.
L’auteur propose une adaptation de notre modèle de combat où les évolutions de la technologie s’associent à celles du contexte stratégique pour nous conduire vers des positions plus raisonnables que celles héritées des folies du XXe siècle ou du manichéisme simpliste trop souvent en vigueur."
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Vers la Tiers-mondialisation ?...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Bernard Conte, professeur d'économie politique à l'université Montesquieu de Bordeaux, cueilli sur Atlantico et consacré au phénomène de « Tiers-mondialisation» qui frappe de plein fouet les classes moyennes...
Le Tiers-Monde, c'est (ici et) maintenant ?
Atlantico : Les pays occidentaux sombrent dans la crise et le chômage tandis que des pays du sud émergent. Est-ce que la division Nord/Sud a toujours un sens aujourd’hui ?
Bernard Conte : Partout dans les pays du Nord, le chômage augmente, c’est une réalité. En revanche, l’émergence des BRICS (Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud) est un trompe l’œil, un roman qu’on nous vend. Le mix de développement de la Chine repose principalement sur les exportations vers les marchés des pays occidentaux. Il est évident que la crise dans les pays développés va avoir un impact majeur sur les économies des BRICS car ces pays ne sont pas, pour l’instant, en mesure de mettre en œuvre un développement centré sur leur marché intérieur. La crise est mondiale. Il n’ y a pas de havre de développement qui perdurerait alors que dans les pays du Nord tout s’effondre. C’est la crise finale du système fordiste de la production de masse et de la consommation de masse. Ce système a fonctionné durant les trente glorieuses parce que les marchés de production et de consommation coïncidaient géographiquement. A partir des années 70, on a déconnecté les marchés de production et de consommation pour prolonger le système fordiste. C’est le processus de la mondialisation et des délocalisations vers les pays à bas salaire. Aujourd’hui la crise vient balayer ce système. La tiers-mondisation qui était présente au Sud s’étend désormais au Nord.
C’est le concept de « Tiers-Mondialisation » de la planète que vous avez inventé. De quoi s’agit-il exactement ?
Oui, il s’agit de lier « Tiers-Monde » et « mondialisation ». Depuis la fin des années 80, on assiste à l’extension de la structure sociale fortement déséquilibrée du tiers-monde à l’ensemble de la planète : quelques très riches en haut de la pyramide, beaucoup de pauvres en bas et rien au milieu, plus de classe moyenne. La Tiers-mondialisation c’est l’euthanasie des classes moyennes à l’échelle mondiale, l’appauvrissement généralisé des populations : montée du chômage, désindustrialisation, dégradation des services publics.
La politique d’austérité menée actuellement est-elle comparable à celle qui a été imposée aux pays du Sud dans les années 80 ?
Le FMI a été remplacé par le mécanisme européen de stabilité, mais les ajustements structurels exigés sont les mêmes. On est en train d’imposer l’appauvrissement de l’ensemble des populations d’Europe sous la contrainte de la dette. C’est le serpent qui se mord la queue car s’il n’y a plus de demande, les capitalistes ne pourront plus vendre leurs produits. On le voit bien à travers la situation de la Grèce qui préfigure la tiers-mondisation de toute l’Europe.
La répartition des richesses ne se fait plus entre le Nord et le Sud mais au sein même des nations entre les populations…
A partir du moment où la classe moyenne disparaît, mécaniquement les inégalités se creusent. Ce délitement des classes moyennes est voulu depuis les années 70. A cette époque, les démocraties occidentales étaient devenues quasiment ingouvernables car la classe moyenne détenait les rênes du pouvoir et utilisait l’Etat à son profit. Il fallait refermer la parenthèse des Trente glorieuses des salariés pour ouvrir celle des Trente glorieuses des financiers. Si, on éliminait les classes moyennes, les démocraties devenaient plus facilement gouvernables. Malgré tout, les néolibéraux restent favorables à un revenu minimal de subsistance, ne serait-ce que parce que les jacqueries ne sont pas bonnes pour la poursuite du business.
Comment voyez-vous les grands équilibres mondiaux dans prochaines années ?
La mondialisation a atteint ses limites. Je pense qu’on va assister à un retour en arrière avec un recentrage sur les économies nationales ou régionales. Cela passera peut-être par des politiques protectionnistes sans pour autant aboutir à des autarcies. Des pays comme L’Argentine ou l’Equateur ont réussi à s’en sortir après avoir touché le fond en s’opposant aux politiques néolibérales du FMI. Si on veut de nouveau arriver à produire de la croissance, il faudra peut-être suivre cet exemple et se mettre en retrait du processus de mondialisation.
Bernard Conte, propos recueillis par Alexandre Devecchio (Atlantico, 6 juin 2012)