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Métapo infos - Page 1029

  • Quand les élites bradent l’industrie française...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Causeur et consacré à la responsabilité de nos "élites" dirigeantes dans le déclin de l'industrie française. Journaliste spécialiste des questions économiques et internationales, Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié Le choc des empires: États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l'économie-monde ? (Gallimard, 2014) et Alstom, scandale d'Etat (Fayard, 2015).

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    Quand les élites bradent l’industrie française

    Pour l'auteur du livre "Alstom, scandale d’Etat", nos dirigeants, politiques comme hauts fonctionnaires, ont une responsabilité majeure dans le déclin de l'industrie française. Il en veut pour preuve les cas Alstom, Vallourec ou bien encore ST Microelectronics.
     
    Eléonore de Vulpillières : Areva, Alstom, Alcatel mais aussi Vallourec ou STMicroelectronics sont en difficulté. Quels sont les points communs et les différences qui existent ?
    Jean-Michel Quatrepoint : La France avait autrefois le triple A de l’excellence industrielle avec Areva, Alstom et Alcatel. Il s’est désormais mué en un triple zéro. La partie énergie d’Alstom a été vendue à General Electric. Alcatel avait déjà été fusionnée avec le groupe américain Lucent. A l’intérieur du groupe fusionné, les Américains ont pris le pouvoir et ont appliqué leurs normes, leur façon de voir, y compris au profit de services américains. Alcatel étant devenue l’ombre d’elle-même, elle a été rachetée par Nokia. Elle était pourtant l’un des leaders mondiaux des équipements de télécommunications au début des années 1990, et même numéro un avec 13,5% de la part de marché des télécoms. Aujourd’hui, la France est sortie de ce marché.

    Areva était le géant de la filière nucléaire, aussi bien pour le traitement et l’enrichissement d’uranium, le traitement des déchets avec l’usine de La Hague, et toute la partie de construction des centrales nucléaires. Aujourd’hui, Areva est au bord de la faillite. On oblige EDF à reprendre en catastrophe une partie de ses activités, alors même que la santé d’EDF est médiocre.
    Alstom était un des quatre grands fabricants mondiaux de turbines servant à équiper les centrales. Il a été bradé à General Electric. Ce qui est commun à tous ces dossiers, c’est la faillite du management. Une génération de nos hyper diplômés a mal géré l’évolution de l’industrie. On pourra toujours évoquer la crise ou les aléas économiques. Mais la responsabilité des dirigeants et celle de l’Etat sont écrasantes.

    Tous ces cas particuliers témoignent-ils de la faillite de l’industrie française ?
    L’industrie française est, à de rares exceptions près, sur le déclin. Prenons l’exemple de Sanofi, qui a vendu Merial, la pépite vétérinaire du groupe à l’Allemand Boehringer. Désormais, la France, pays dont l’agriculture est un secteur stratégique, n’est plus en pointe sur le secteur des produits vétérinaires. Or, quand on veut conserver une grande agriculture, il faut préserver un laboratoire capable de développer et d’innover dans le secteur vétérinaire. Le nouveau PDG de Sanofi, Olivier Brandicourt, est arrivé avec un golden hello, une prime d’embauche, alors même que le groupe licencie 600 personnes et sabre dans sa recherche. Pour obéir à une vision financière et court-termiste des marchés il vend Merial pour en retirer 4,7 milliards d’euros et devenir le leader mondial du médicament sans ordonnance. Merial était la part la plus rentable du groupe : on vend ce qui rapporte et ce qui est stratégique pour l’agriculture de demain, et ce, dans le seul but de financer un plan de rachat d’actions. BlackRock, patron du plus gros gestionnaire d’actifs au monde a dénoncé cette vision court-termiste de la gouvernance d’entreprise. Les plans de rachat d’actions sont une aberration industrielle. C’est une destruction de valeur et de capital : le « capitalisme autophage ». Quand on a du cash, on investit.

    Dans votre livre, Alstom, scandale d’Etat, vous dénonciez la cession de la branche énergie d’Alstom à General Electric. Un plan de licenciements massifs est en préparation. Que pensez-vous de l’évolution du dossier ?
    Sur le dossier Alstom, j’ai rarement vu des gens mentir avec autant d’effronterie. M. Immelt avait promis la création de 1 000 emplois industriels en trois ans. Le 24 septembre 2015, à Belfort, il avait même parlé de 1 500 emplois. C’était la contrepartie pour obtenir la garantie de la Coface pour des contrats en Arabie saoudite et au Brésil. Une fois la fusion entérinée le 2 novembre 2015, on a annoncé un plan de suppression de 6 500 emplois en Europe, soit 20% des effectifs d’Alstom-Energie. Nos autorités se gargarisent en estimant que nous sommes moins touchés que les autres, avec une suppression de 831 postes en France. Nos amis allemands, dont deux usines sont très touchées, apprécieront ce relativisme… On nous avait expliqué que l’alliance avec Siemens serait un bain de sang social. Or, le bain de sang social il est avec GE.

    Les emplois supprimés ne concernent pas seulement les fonctions support (200 seulement) mais des emplois industriels dans la partie nucléaire et les installations de Massy et Levallois. En fait Immelt s’est engagé auprès de ses actionnaires et des marchés à atteindre un taux de retour sur investissement de 16% (ce qui est très élevé). Pour atteindre ce pourcentage, il faut faire 3 milliards de synergies. En fait 3 milliards d’économies. D’où les licenciements. D’où également le rabais de 300 millions sur le prix de vente, consenti subrepticement cet été par Patrick Kron. Quant aux promesses des emplois créés, elles n’ont engagé que ceux qui voulaient y croire. Le temps passe et les promesses s’oublient. GE ne respectera pas ses engagements de création d’emploi. Il n’y aura plus de garant français de cette promesse. Mme Gaymard vient d’être remerciée de son poste de directrice de GE France, après avoir bien servi les intérêts du groupe américain. Patrick Kron est parti avec armes et bonus. Tout comme Grégoire Poux-Guillaume, qui avait initié la négociation avec GE parti en novembre pour prendre la direction de Sulzer. On dénonce souvent le discours anti-élites qui ferait le jeu des populismes. Mais quand les élites se comportent de cette façon, difficile de ne pas les dénigrer !

    Comment s’articule cette double responsabilité – que vous imputez aux dirigeants des grands groupes et à l’Etat – du déclin de l’industrie française ?
    M. Kron a fourgué Alstom à GE. M. Tchuruk a d’abord fourgué Alcatel à Lucent, puis ses successeurs ont laissé un Alcatel moribond être repris par Nokia. Quant à Areva, Mme Lauvergeon a fragilisé son entreprise ; les autres patrons de la filière énergétique, Alstom et EDF, n’ont pas su coopérer avec elle. Les querelles d’ego de cet establishment français ont coûté cher au pays.

    Le cas de Vallourec est également significatif. Son PDG, Philippe Crouzet, énarque, n’a pas su anticiper les évolutions du marché, n’a pas pris les bonnes décisions au bon moment, a minimisé l’ampleur des bouleversements apportés par les gaz de schiste. Il se tourne alors vers l’Etat pour renflouer l’entreprise. En toute logique, avec un tel bilan, l’Etat aurait dû exiger son départ, avant de mettre la main à la poche. Il n’en a rien été. Il a été reconduit à la tête du directoire. Serait-ce parce qu’il est le mari de Sylvie Hubac (ENA promotion Voltaire) qui fut trois ans directrice du cabinet de François Hollande ?

    Il n y a pas que Vallourec, mais aussi ST Microelectronics qui connaît de grandes difficultés !
    STMicroelectronics est une société franco-italienne créée en 1987 qui fabrique des composants électroniques. L’entreprise a reçu beaucoup d’argent public, semble-t-il mal employé. Elle est aujourd’hui en grande difficulté. Son patron, Carlo Bezotti a pris de mauvaises décisions mais les deux Etats actionnaires (à 13,5 %chacun) n’ont pas joué leur rôle de garant des intérêts collectifs, et de stratège. Sans doute parce qu’en France, les mentalités de la haute fonction publique ont évolué. Il y a toujours autant d’énarques. Ils sont toujours arrogants mais, hier, ils étaient un peu plus compétents. Et surtout il y avait dans les autres ministères des hauts fonctionnaires, des techniciens qui savaient ce qu’était une industrie, qui connaissaient les filières, les produits. Depuis que le ministère de l’Industrie a été absorbé par Bercy, l’Etat s’est transformé en banquier d’affaires avec une vision purement financière des entreprises. En outre l’Etat n’a plus les moyens d’anticiper. Il n’agit plus qu’en pompier avec une approche comptable et politicienne de l’industrie.
    La direction de ST Micro va supprimer sa division DPG qui fabriquait des puces. Plus de 1 500 licenciements dont près de 500 en France et l’usine Crooles II de Grenoble est menacée. L’ancien maire socialiste de Grenoble, Michel Destot, ainsi qu’une partie des élus locaux s’en étaient inquiétés auprès de François Hollande qui leur avait répondu… que le dossier resterait suspendu jusqu’aux régionales. Celles-ci passées… on ferme et Bercy a refusé d’examiner des solutions alternatives pour préserver l’activité de cette division qui est pourtant hautement stratégique. Altis avait pourtant proposé de reprendre une partie des activités menacées pour créer un pôle de composants souverains.

    L’indépendance de la France se joue-t-elle aussi sur le plan industriel ?
    Nous sommes de plus en plus dépendants en matière de composants électroniques dits de souveraineté. A chaque fois que nous vendons un Rafale à l’exportation, nous sommes obligés d’envoyer une délégation aux services de défense américains pour obtenir l’autorisation. Il y a en effet quelques composants du Rafale fabriqués par les Américains. Ils se sont arrogé le pouvoir de délivrer ou non cette autorisation, au nom des normes ITAR. Ainsi, ils ont bloqué l’exportation de satellites français à la Chine. Il serait impératif que la France reconstitue une capacité de fabrication des composants de souveraineté, notamment ceux qui équipent nos systèmes d’armements. On pouvait le faire à partir de STM. Le ministère de la Défense y était favorable. Mais comme Bercy a refusé d’étudier le dossier, rien n’a été fait.
    Cette nouvelle génération de hauts fonctionnaires et d’énarques ne s’intéresse pas à la politique industrielle. Ils n’ont aucune idée de la notion d’intérêt national. Ils ont été biberonnés au lait de l’atlantisme. Pourquoi vouloir l’indépendance en matière de haute technologie ? Autant s’en remettre aux Américains…

    Dans une interview du 3 février au Figaro, le ministre de l’Economie a pourtant plaidé pour un Etat stratège… 
    Emmanuel Macron définit l’Etat comme ne devant être ni « un actionnaire imprévisible et arbitraire, ni un actionnaire interventionniste et brutal, ni un actionnaire complaisant dont le rôle se bornerait à nommer des copains à la tête des entreprises. » Mais que ne l’a-t-il fait quand il s’est agit de reconduire Philippe Crouzet à la tête de Vallourec… Que ne l’a t-il fait sur le dossier Alstom ? Que ne le fait-il sur le dossier ST Microelectronics ? Vanter les mérites du numérique et des start-ups est bien. Faire en sorte que nos savoir-faire, nos brevets, nos hommes, qui ont permis à notre pays d’être leader dans bien des technologies, ne soient pas bradés, serait encore mieux.
    Toutes ces erreurs de management, cette absence de vision stratégique par l’Etat se sont traduits par des centaines de milliers de suppressions d’emplois qualifiés, par des déficits commerciaux abyssaux, par une perte de substance de notre pays.
    S’imaginer que l’on va s’en sortir et résorber le chômage de masse grâce aux emplois aidés, au tourisme (en recul avec les attentats) et aux services aux personnes est une vue de l’esprit. A moins que ces élites n’aient intériorisé notre déclin.

    Jean-Michel Quatrepoint, propos recueillis par Eléonore de Vulpillières (Causeur, 9 février 2016)

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  • La Hache des steppes...

    Les éditions Via Romana viennent de rééditer le magnifique recueil de nouvelles de Jean Raspail intitulé La Hache des steppes, qui avait été publié initialement en 1974. Aventurier, journaliste et romancier, Jean Raspail a notamment écrit Le Camp des Saints, grand roman visionnaire, mais aussi Le tam-tam de Jonathan, Septentrion, Sire, Sept cavaliers et de nombreuses autres œuvres dont la richesse ne doit pas masquer la profonde unité.

     

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    " « Dans le trésor emblématique de Jean Raspail figure une hache de pierre noire qui venait du fond des temps, du fond des steppes.
       Gage de vie, gage de mort, la possession de la hache noire conduit jusqu'à nous, par miracle, des peuples perdus et des minorités oubliées, rescapés de temps révolus. Parfois, il ne s'agit plus que de leur souvenir, recueilli comme un dernier souffle, lien impalpable entre morts et vivants. Aïnos blancs du Japon, Ghiliaks de Sakhaline, Catholiques des catacombes du Kyu Shiu, Urus demi-dieux des Andes, Wisigoths du Languedoc, Caraïbes, Taïnos et Lucayens des Antilles, Guanaquis d'Amazone, descendants de hussards de Napoléon réfugiés dans la grande forêt russe, Huns survivants des Champs Catalauniques… Peuples d'ombres que Jean Raspail évoque après vingt-cinq années passées à suivre leurs pistes effacées.
       À la fois grave et stimulant, La Hache des steppes réveille en nous des échos profonds. Les hommes perdus qu'il évoque, ce sont nos frères, c'est nous-mêmes – venus du fond des temps, du fond des steppes, serrant dans notre main la hache immortelle. »
       Ce texte figure, au même emplacement, dans la première et unique édition publiée chez Robert Laffont en 1974 et devenue, par la suite, introuvable.
       Il nous semble aujourd’hui que La Hache des steppes, paru un an à peine après Le Camp des Saints (1973), en est, au final, le début et la conclusion, et l’auteur lui-même en convient. Tout l’univers de Jean Raspail y est concentré, ces minorités qui disparaissent, ces précieux modes de vie qui s’éteignent, avec, pour clore le cortège, notre vieille Europe à son tour menacée… "

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  • Frédéric Rouvillois : “Etre ou ne pas être républicain”

    Le 2 février 2016, Martial Bild recevait, sur TV libertésFrédéric Rouvillois à l'occasion de la sortie de son livre Être (ou ne pas être) républicain (Cerf, 2015). Professeur de droit public à l’université Paris-Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (Flammarion, 2006) ou L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011).

     

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  • Les armes du faux...

    Les éditions Armand Colin publient cette semaine un essai de François-Bernard Huyghe intitulé La désinformation - Les armes du faux. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information et directeur de recherches à l'IRIS, François Bernard Huyghe est l'auteur de nombreux essais comme La soft-idéologie (Robert Laffont, 1987), La quatrième guerre mondiale (Rocher, 2004) ou Les maîtres du faire-croire (Vuibert, 2008) ou Think tanks - Quand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013).

     

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    " Info, intox ? Complot, rumeur ? La désinformation serait partout, et la vérité nulle part. Ces questions obsèdent nos sociétés où il semble qu’en ligne tous puissent s’exprimer et que rien ne doive rester caché. Pourtant, la désinformation a une histoire. Elle s’exprime pendant la guerre froide et accompagne la mondialisation, avant que le web et les réseaux sociaux ne lui ouvrent de nouveaux horizons.
    En explorant les mécanismes de ce qui nous abuse et que nous refusons parfois de croire, des systèmes de pouvoir apparaissent et de nouvelles formes d’idéologies se manifestent. Quand la vérité des faits devient l'objet central de nos luttes, la désinformation est plus qu’une question morale : elle est un enjeu stratégique. "

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  • Cette droite qui prétend défendre la nation mais qui ne se soucie pas du peuple...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la cécité d'une grande partie de la droite face à la question sociale...

     

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    Cette droite qui veut défendre la nation mais qui ne se soucie pas du peuple

    François Hollande a récemment présenté son « plan de la dernière chance » pour lutter contre le chômage. Mais en son temps, François Mitterrand avait déjà dit qu’en ce domaine, « on a tout essayé ». Le chômage de masse serait-il une fatalité ?

    Ce que François Hollande veut faire baisser, ce n’est pas le chômage, mais les chiffres du chômage. D’où son programme de formation des jeunes, qui vise avant tout à dégonfler les statistiques. Pour le reste, alors que la politique libérale de l’offre ne marche manifestement pas et que, sans la dépense publique, la France serait déjà tombée dans la dépression, tout ce qu’il propose, ce sont les recettes libérales habituelles : cadeaux supplémentaires aux entreprises, réduction de l’investissement public, diminution de la protection sociale et des indemnités de chômage, etc. Comme l’écrit Dominique Jamet, « même dans leurs rêves les plus fous, M. Gattaz et le MEDEF, qui le demandaient depuis toujours, n’en espéraient pas tant ».

    Le gouvernement n’a toujours pas compris que les entreprises n’embauchent que lorsqu’elles sont assurées de pouvoir vendre, et qu’elles ne vendent pas quand la politique d’austérité condamne le pouvoir d’achat à stagner ou à diminuer. « Travailler plus pour gagner plus », disait déjà Sarkozy, en oubliant que si on travaille plus, on augmente du même coup la quantité de l’offre de travail. Or, comme en période de chômage la demande est inférieure à l’offre et n’augmente pas, la seule conséquence est l’effondrement du salaire. On reconnaît là l’influence d’Emmanuel Macron, que je considère comme le ministre le plus nocif et le plus dangereux de ce gouvernement – l’« expression politique de la domination bourgeoise », comme dit Patrick Buisson.

    Emmanuel Macron semble pourtant bien vu par une partie de la droite.

    Chez beaucoup de gens de droite, le sens de la justice sociale tient à l’aise sur un confetti. Ils veulent défendre la nation mais se soucient finalement fort peu du peuple. Ils n’ont pas encore compris que le capitalisme est intrinsèquement mondialiste, puisqu’il exige l’abolition des frontières (« Laissez faire, laissez passer » !), qu’en raison de sa propension à l’illimitation il ne peut exister sans révolutionner constamment les rapports sociaux ni voir dans les identités nationales autant d’obstacles à l’expansion du marché globalisé, que le modèle anthropologique dont il est porteur (celui d’un individu fondé à maximiser en permanence son avantage) est à l’œuvre dans le libéralisme économique aussi bien que dans le libéralisme sociétal, et que l’axiomatique de l’intérêt et la machinerie du profit sont les piliers de la dictature des valeurs marchandes.

    À un moment où le vote Front national traduit de plus en plus un « vrai conflit de classe », comme le dit Christophe Guilluy – pour qui « c’est en travaillant sur la question sociale que l’on arrive à la question identitaire » -, à un moment où la majorité des classes populaires ne vivent plus là où se créent la richesse et l’emploi, ce qui n’était jamais arrivé dans l’Histoire, ce sont bien sûr les mêmes qui trouvent que le programme économique du FN est « trop à gauche » ou qui s’enthousiasment pour ce clown pathétique de Donald Trump (l’équivalent américain du Russe Jirinovski), qui pense que le fait de « savoir faire de l’argent » suffit à le qualifier pour diriger les États-Unis.

    Depuis les années 1990, la désespérance sociale ne cesse de s’étendre : 6,5 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, 8,5 millions de pauvres au seuil à 60 % du revenu médian, 6 millions d’abonnés aux minima sociaux, 2,3 millions de foyers bénéficiaires du RSA, 3,8 millions de mal-logés, 3,9 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire, 810.000 sans-domicile, dont 100.000 obligés de dormir dans des caves ou dans la rue…

    Face à ce tournant de l’histoire sociale de notre pays, certains s’obstinent à ne rien voir. Ils comprennent les paysans qui multiplient les actions illégales parce que le monde rural est en train de mourir, ils comprennent les Corses qui vont exercer des représailles contre les exactions des racailles qui ont agressé des pompiers, mais quand huit salariés de l’usine Goodyear d’Amiens sont condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois ferme, pour avoir séquestré pendant trente heures deux dirigeants d’une entreprise qui a supprimé 1.100 emplois et fait 800 chômeurs (douze suicides depuis la fermeture) – neuf mois de prison contre trente heures ! -, ils ne cachent pas leur joie de voir ces « voyous » envoyés « au gnouf ». Les Corses et les Bonnets rouges d’accord, mais pas les travailleurs ! Pas un mot, en revanche, sur les voyous en col blanc qui délocalisent à tour de bras et multiplient les « plans sociaux » pour permettre à leurs actionnaires de se goinfrer toujours plus ! Moi qui dois beaucoup à la grande tradition du syndicalisme révolutionnaire (Georges Sorel et Édouard Berth, Émile Puget et Victor Griffuelhes, Arturo Labriola et Filippo Corridoni), cela me soulève le cœur.

    Certes, on peut bien entendu en tenir pour une « droite thatchérienne », comme Éric Brunet, de Valeurs actuelles, ou comme le député de l’Yonne Guillaume Larrivé, porte-parole des Républicains, pour qui le « marinisme » est un « néocommunisme antinational ». Mais cette droite-là, ce sera sans moi.

    Que vous inspire cette récente déclaration de Jean-Luc Mélenchon : « Nous vivons une période d’obscurantisme social. Dans cette cour des miracles qu’est le gouvernement, M. Gattaz joue le chef des capons, ces mendiants d’autrefois qui faisaient les poches dans les lieux publics. Il encaisse les milliards du gouvernement, sans que cela ne réduise en rien le nombre des chômeurs et, dès que les coffres sont pleins, il retend sa sébile. En France, le grand patronat est une classe d’assistés très parasitaire » ?

    Parasites est tout à fait le mot qui convient.

     

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 4 février 2016)

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  • Le libéralisme, un astre mort ?...

    Nous vous signalons la publication du seizième numéro de la revue Perspectives libres consacré au libéralisme et à sa possible fin.

    La revue Perspectives libres, dirigée par Pierre-Yves Rougeyron, est publiée sous couvert du Cercle Aristote et est disponible sur le site de la revue.

     

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    Sommaire

    Pierre-Yves ROUGEYRON : « Que reste-t-il de notre ennemi ? »

    Dossier : Le libéralisme, astre mort ?

    Entretien avec Paul GOTTFRIED : « Après le libéralisme »

    Carl J. FRIEDRICH : « La pensée politique du néo-libéralisme »

    Jérémy-Marie PICHON : « Kiss the devil. Un vendredi 13 avec René Girard »

    François-Xavier VERRIER : « Libéralisme et christianisme. Les vicissitudes de l’amour-propre »

    Philippe ARONDEL : « Nos années décisives »

    Libres pensées

    Baptiste RAPPIN : « Sous la coupe du Management »

    Jean-Baptiste BERSAC : « Qu’est-ce que le néo-chartalisme ? »

    Ladislas ROLAND : « Situation sur Saint-Pierre et Miquelon. Souveraineté en termes d’énergie et de ressources en Amérique du Nord »

    Libres propos

    Julien FUNNARO : « Une forteresse-Europe en carton-pâte »

    Clément NGUYEN : « L’Arabie Saoudite à la croisée des chemins »

    Nicolas KLEIN : « La social-démocratie au service de l’oligarchie. L’exemple de Javier Solana »

    Esther BENFREDJ : « Le conflit israélo-arabe ou le choc des civilisations »

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