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russie - Page 15

  • Guerre en Ukraine : la fin d’un monde ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 7 mai 2022 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Philippe Murer, pour évoquer les répercussions économiques de la guerre en Ukraine sur l'Europe et sur la France...

    Économiste, Philippe Murer est spécialiste des questions liées à la souveraineté économique, à l'environnement et à l'énergie. Il a récemment publié Sortir du capitalisme du désastre (Jean-Cyrille Godefroy, 2021).

     

                                              

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  • La France dans la guerre énérgétique...

    Sur Terra Bellum, Hervé Machenaud, ancien cadre dirigeant d'EDF, évoque l'importance de la production d'énergie nucléaire française dans le contexte de guerre énergétique actuel, qui s'est gravement envenimé depuis le déclenchement du conflit en Ukraine...

                                          

                                        

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  • Ukraine : arrêter la surenchère verbale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la dangereuse surenchère verbale du gouvernement américain face à la Russie dans le conflit ukrainien. Grand reporter au Figaro, Renaud Girard est membre du comité d'orientation stratégique de Geopragma.

     

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    Ukraine : arrêter la surenchère verbale

    Le général Lloyd Austin a, le 25 avril 2022, effectué une visite à Kiev. Elle fut tenue secrète jusqu’au dernier moment, pour des raisons évidentes de sécurité. Il est tout-à-fait normal que le Secrétaire américain à la Défense se rende en personne sur le territoire d’un pays ami, ayant été agressé militairement, et que les États-Unis ont décidé d’aider par tous les moyens, à l’exception de la guerre. Il a témoigné du soutien de la première puissance militaire du monde aux ukrainiens, tout en recensant leurs besoins en équipements militaires modernes, en formations, en renseignements. Le président Joe Biden a annoncé qu’il solliciterait du Congrès le financement d’un nouveau train d’aides à l’Ukraine. Vingt milliards de dollars sont prévus pour la fourniture d’armes. C’est considérable. Il faut remonter à la guerre du Kippour, lancée en octobre 1973 par les États arabes contre Israël, pour trouver un pont aérien militaire américain aussi important. À cette époque, l’aide matérielle américaine à Tsahal avait contribué à la victoire finale d’Israël. 

    Il n’y a rien d’étrange à ce que les pays de l’Otan cherchent à équilibrer la puissance militaire du pays agressé par rapport à celle du pays agresseur. Mais le ministre américain avait-il besoin d’en rajouter avec des déclarations tonitruantes ? Était-il nécessaire d’affirmer, comme il l’a fait, que le but de l’Amérique était désormais « d’affaiblir à tel point l’armée russe, qu’elle ne soit plus capable de réattaquer l’un de ses voisins » ?  

    Si le général Austin avait voulu alimenter la paranoïa déjà importante des dirigeants russes, il ne s’y serait pas pris différemment. Vladimir Poutine pense depuis longtemps – il l’a dit la première fois en février 2007 à la conférence de sécurité de Munich – que l’Occident a le dessein caché d’encercler la Russie. Depuis sa rencontre de Genève avec le président américain en juin 2021, il n’a cessé de réclamer une « nouvelle architecture de sécurité européenne ». Même s’il est avéré que les Occidentaux n’ont jamais eu l’intention de s’en prendre au territoire de la Fédération de Russie, la base de la diplomatie n’est-elle pas de prendre en compte le ressenti de l’adversaire ?  

    Cette phrase de matamore du ministre américain de la Défense, qui s’ajoute à celle du discours du 26 mars 2022 de Joe Biden à Varsovie sur la nécessité de changer le régime à Moscou, ne peut qu’alimenter la propagande du Kremlin auprès du peuple russe, prétendant que les vrais agresseurs, sur le temps long, sont les Occidentaux et que l’ « opération militaire spéciale » russe du 24 février s’apparente à une mesure préventive. 

    On peut comprendre que le Pentagone ait le désir secret d’affaiblir considérablement les armées russes. Mais cela doit-il se faire au prix de la destruction de l’Ukraine ? Si c’est le cas, une honnêteté minimum ne serait-elle pas d’en prévenir clairement les premiers concernés, à savoir la population ukrainienne ? Dans cette guerre, on a parfois l’impression que la Maison Blanche et le Congrès sont plus jusqu’au-boutistes que le président Zélensky (qui a lui-même dit que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’était plus une nécessité).

    Il y a quelque chose d’immoral à vouloir obtenir la destruction d’un adversaire stratégique grâce au sang des autres.
     
    Le pouvoir russe n’est lui-même pas avare de déclarations tonitruantes et de surenchère verbale. Au départ, il s’agissait pour lui de « dénazifier » l’Ukraine et d’empêcher que se réalise un « génocide » contre les populations russophones du Donbass. Aujourd’hui, les ministres de Poutine agitent de manière alambiquée la menace d’une confrontation nucléaire. Récemment, un programme de la télévision d’État russe a expliqué qu’un missile à tête nucléaire tirée de l’enclave russe de Kaliningrad (l’ancienne Königsberg du philosophe Emmanuel Kant) mettrait moins de 200 secondes à atteindre Paris…

    Qu’il y ait indéniablement de la surenchère verbale du côté russe ne rend pas pour autant intelligent d’en faire du côté occidental. Il est contradictoire de se comporter de la même manière qu’un adversaire dont on conspue l’autoritarisme et l’agressivité. Cela ne sert en rien la cause que l’on veut, en définitive, servir, qui est celle du cessez-le-feu. Maintenant que la cité portuaire de Marioupol a été détruite, l’urgence n’est-elle pas d’éviter à tout prix que la guerre ne s’étende à Odessa ?

    Dans cette guerre d’Ukraine, les intérêts et les risques de l’Europe sont très différents de ceux des américains. Se proclamant les meilleurs alliés de l’Europe, ils devraient cesser d’agiter en permanence un chiffon rouge devant les yeux de Poutine. Au lieu de le pousser dans ses retranchements, ils feraient mieux de travailler, avec les Ukrainiens, à trouver une porte de sortie pour l’agresseur. 

    Renaud Girard (Geopragma, 4 mai 2022)

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  • Ukraine : guerre au cœur de l'Europe...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°39, mai - juin 2022), dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la guerre russo-ukrainienne.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉDITORIAL

    L'épée à la main, par Jean-Baptiste Noé

    CHRONIQUES

    LE GRAND ENTRETIEN

    Entretien avec le général Pierre-Joseph Givre; les premières leçons de la guerre russe en Ukraine.

    IDÉES

    Qu'est-ce que le poutinisme ?, par Jean-Robert Raviot

    PORTRAIT

    Elizabeth II la muette, par Michel Faure

    ENJEUX

    GRANDE STRATÉGIE

    La grande stratégie de l'Angleterre, par Olivier Kempf

    HISTOIRE BATAILLE

    Les champs Catalauniques (20 juin451). Le chant du cygne, par Pierre Royer

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    RIEN QUE LA TERRE

    VUE SUR LA MER

    CHEMINS DE FRANCE

    LIVRES

    ART ET GÉOPOLITIQUE

     

    DOSSIER

    Ukraine : guerre au cœur de l'Europe

    De la chute de l'URSS à la guerre en Ukraine, trente ans d'illusions et de frictions , par Frédéric Le Moal

    Penser les fausses nouvelles, au-delà des effets de mode, par Matthieu Grandpierron et Eric Pomès

    L'Ukraine : un regard géographique , par André Louchet

    Guerre en Ukraine : la tragédie des prophéties de malheur, par Alexis Feertchak

    Quelles recompositions territoriales sur les littoraux russes de la mer noire, par Joseph Martinetti

    Chine - Russie, entre alliance et mésalliance, par Emmanuel Dubois de Prisque

    Wagner, les musiciens tactiques de Poutine, par Guy-Alexandre Le Roux

     

     

     

     

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  • Les retombées géopolitiques de la guerre en Ukraine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patricia Lalonde, cueilli sur le site de Geopragma et consacré aux conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur le paysage géopolitique mondial. Chercheuse à l’IPSE (Institut de Prospective et de Sécurité́ en Europe), Patricia Lalonde a succédé à Caroline Galactéros à la tête de Geopragma.

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    Les retombées géopolitiques de la guerre en Ukraine

    Les conséquences de la guerre des Russes en Ukraine sont innombrables : si les pays européens ont unanimement condamné l’intervention russe en Ukraine, il n’en est pas de même pour la plupart des pays du Moyen-Orient et de la sphère eurasiatique. 

    Après le refus de la Chine et de l’Inde de condamner l’opération militaire russe en Ukraine, il semblerait que les pays du Moyen-Orient tentent, eux aussi, d’éviter une brouille avec la Russie.

    Israël, soucieuse de ne pas froisser un pays avec lequel elle entretient de bonnes relations – grâce à l’importante communauté juive sur son sol – s’est dans un premier temps abstenu de condamner la Russie lors du vote aux Nations Unies, même si elle finira sous la forte pression américaine, par voter pour son retrait de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. Son Premier ministre Naftali Bennett proposera son aide pour une médiation entre la Russie et l’Ukraine, ce qui ne sera pas bien vu des côtés européen et américain. Néanmoins, malgré les remous politiques que la crise ukrainienne provoque dans le pays, les dirigeants israéliens savent qu’un accord avec le voisinage reste primordial pour la sécurité d’Israël.

    L’Invitation de Bachar el Assad par Mohamed Ben Zayed aux Emirats Arabes Unis reste sans doute l’acte le plus significatif d’une possible recomposition au Moyen-Orient.

    MBZ, qui a signé les accords d’Abraham à l’initiative de Donald Trump, pourrait chercher à devenir un facilitateur dans une prochaine réintégration de la Syrie dans le Conseil de Coopération du Golfe, espérant ainsi ouvrir la voie à un possible futur nouveau Levant.

    La visite du ministre des Affaires étrangères du Barheïn à Sergueï Lavrov, son homologue russe à Moscou ainsi que les accords diplomatiques et économiques qui s’en est scellés participent à ce remodelage.
    Le président turc, R. T. Erdogan, politiquement mis à mal dans son pays, tout en restant un pilier de l’OTAN, joue sur plusieurs tableaux, après s’être rapproché d’Israël, il cherche également à se réconcilier avec Damas. Il prend une place centrale dans les négociations qu’il héberge à Istanbul entre l’Ukraine et la Russie comme il l’a fait lors des négociations d’Astana sur le conflit syrien ou encore sur le conflit du Haut Karabakh ; son rapprochement avec Damas et avec Israël pourrait également participer à ce jeu de chaises musicales au Moyen-Orient.

    Il semblerait que l’alliance des pays occidentaux avec les États-Unis contre la Russie ait effrayé tous ceux qui gardent et cherchent à avoir de bonnes relations avec elle.

    La façon dont l’Amérique de Joe Biden a lâché les Afghans (en laissant le pays revenir au Moyen Âge), son incapacité à faire stopper la guerre au Yémen provoquant les attaques des Houthis sur les sols saoudien et émirati ont fait la démonstration pour bon nombre de pays de la région qu’il était dangereux de mettre tous leurs œufs dans le même panier, sous la protection de l’oncle Sam… C’est ainsi que Mohamed Ben Salmane vient d’obliger le président du Yémen en exil Mansour Hadi à démissionner dans une énième tentative de paix, en donnant la gestion des affaires à un conseil présidentiel. S’il n’est pas certain que les Houthis en accepteront toutes les conséquences, le besoin urgent d’aide humanitaire de l’ouverture de l’aéroport de Sanaa et du port d’Hodeïda, pourrait les pousser à au moins accepter d’entamer de véritables négociations. L’avenir de la sécurité au Moyen-Orient ne pouvant plus reposer sur les Américains, de nouvelles dispositions doivent être prises au niveau régional. 

    S’il fallait une autre preuve, le refus des Algériens à Doha lors du Forum des Pays exportateurs de gaz (GECF) de livrer du gaz à certains pays européens, excepté à l’Italie, en serait une autre démonstration.

    L’évolution de la dynamique du pouvoir mondial et des pratiques régionales réoriente rapidement de nombreux États du Moyen-Orient qui préfèrent s’éloigner de Washington par peur.

    L’Iran sous sanctions américaines cherche également à jouer un rôle et à apaiser les tensions régionales entre les partisans des accords d’Abraham et ceux qui ne veulent en entendre parler.

    À cause de la guerre en Ukraine, les négociations sur le nucléaire iranien ont pris du retard. La Russie, important négociateur sur le JCPOA, a en effet réclamé que les nouvelles sanctions appliquées par les Américains depuis l’invasion russe en Ukraine, ne le soient pas en ce qui concerne son commerce avec l’Iran, laissant ainsi aux Américains, comme ultime moyen de pression sur les Iraniens, la menace de laisser les Gardiens de la Révolution sur leur liste terroriste.  

    En Asie centrale, la rencontre et le soutien du Premier ministre Pakistanais Imran Khan avec Vladimir Poutine, ainsi que son refus d’accepter l’implantation de bases militaires américaines sur son sol, ont fortement déplu aux Américains. Il est vrai que le rapprochement que le Pakistan a opéré avec la Chine et son soutien à la « Belt and Road Initiative » dont le port de Gwadar au Balouchistan doit faire partie, avait déjà commencé à envenimer les relations entre les deux pays. Imran Khan vient d’être destitué dans ce qui semble être un coup d’État imposé aux militaires pakistanais par les Américains. De graves troubles dans le pays sont à craindre, risquant s’il en était encore possible de déstabiliser le voisin afghan.

    Enfin, la réunion organisée par le ministre des Affaires étrangères chinois avec ses homologues d’Asie Centrale dans la province d’Anthui en Chine afin de se mettre d’accord sur une position commune sur le conflit Ukraine Russie,  ainsi que  les accords commerciaux et diplomatiques qui s’en sont suivis, montrent qu’une nouvelle organisation géopolitique du monde est en marche.

    Pas sûr que les appels téléphoniques de Joe Biden au président indien, Narendra Modi ainsi qu’à Cyril Ramaphosa, son homologue de l’Afrique du Sud pour avoir une explication sur leur abstention sur le vote pour évincer la Russie de la CNDH ne puissent empêcher ce bouleversement géopolitique. 

    Pas sûr non plus, que l’insistance des Américains à vouloir prolonger la guerre et à livrer des armes lourdes à l’Ukraine ne constitue pas un énorme risque pour l’Europe.

    Patricia Lalonde (Geopragma, 18 avril 2022)

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  • Ukraine : l’unanimité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site personnel et consacré au traitement médiatique de la guerre russo-ukrainienne.

    Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015), Fake news - La grande peur (VA Press, 2018), Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019) avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, et dernièrement L'art de la guerre idéologique (Cerf, 2019).

     

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    Ukraine : l’unanimité ?

    Ouvrez un journal ou un téléviseur, écoutez les politiques ou les experts, allez sur les médias sociaux, parlez autour de vous Quelles est la probabilité que vous soyez confrontés sinon à une opinion sinon pro Poutine, du moins à des réserves sur la cause ukrainienne ? Sauf à être sur des réseaux alternatifs, membres de communautés anti-système acharnées, les chances (ou les risques) sont presque nuls. Et si une télévision présente un extrait de discours de Poutine ou de ses généraux, ce sera accompagné de commentaires (souvent justifiés) sur leur air figé soviétomorphe ou sur labsurdité de présenter linvasion de lUkraine comme une opération antinazie.

     

    Rarement a-t-on rencontré une telle unanimité. Dans la désignation des responsabilités de la guerre, et dans l’émotion provoquée par les morts ou réfugiés. Dans la criminalisation morale des agresseurs, et dans laffirmation que ce sont « nos » valeurs qui sont en jeu. En France et en Occident au moins, car en Inde, en Afrique, dans le monde arabe (sans-même parler de la Chine), ni les médias, ni les réseaux ne partagent forcément cet enthousiasme.

     

    Y a-t-il eu des exemples de pareille communion des esprits ? Sans doute au moment de la guerre de 14-18. Quelques années après le conflit, un aristocrate anglais (mais travailliste) lord Ponsonby décrivait les dix règles de la propagande de guerre qui venaient de fonctionner pour les démocraties. Elles consistent à dire et répéter que :

    1 que lennemi veut la guerre, nous pas ;

    2 quil en est responsable, nous pas ;

    3 que cest un crime moral et pas seulement politique ;

    4 que notre guerre est menée au nom des valeurs universelles, la sienne pour ses intérêts cupides ;

    5 quil commet des atrocités ;

    6 quil utilise des armes illicites ;

    7 que ses pertes sont énormes ;

    8 que notre cause est sacrée ;

    9 que les autorités morales et culturelles lapprouvent ;

    10 que quiconque doute des neuf points précédents est victime de la propagande adverse (tandis que nous ne pratiquons que la très véridique contre-propagande).

     

    Avec cette énorme différence que personne de nos familles nest dans les tranchées, mais que nous nous vivons par procuration la souffrance des Ukrainiens, il semblerait que la rhétorique de guerre na pas tant changé en un siècle. Les lois de Ponsonby fonctionnement , pourvu quil y ait un adversaire assez repoussant et un accord assez fort sur nos croyances morales et idéologiques. Cest devenu un lieu commun de dire que toute guerre par le fer et par le feu est accompagnée par une guerre de linformation, de limage et de l’émotion. Or il semble bien que notre camp gagne les trois dernières. Le consensus ne fonctionne que si le discours du dissensus est impuissant. Ce qui était tout sauf évident il y a quelques mois.

     

    Car, depuis au moins 2016, on prêtait un singulier impact à la guerre de linformation du Kremlin. Notamment, elle aurait été responsable de l’élection de Trump, du Brexit, du référendum de Catalogne et des succès des populismes. Il sest écrit énormément d’études sur les capacités de services de Moscou en matière de cyberstratégie et dinfluence. Elles leur attribuaient (à eux ou à des groupes dits proxys leur servant de mercenaires) de fabuleuses capacités de sabotage par écrans interposés, voire le plan de paralyser un pays entier en une cyberguerre. On les créditait aussi dune dinfluence redoutable sur lopinion occidentale. À travers des réseaux humains, ses agents dinfluence. et des partis populistes complices, ils pouvaient favoriser les tendances idéologiques les plus perverses. Sans oublier leurs médias internationaux comme Russia Today (interdits depuis dans lUE). Plus les dispositifs numériques avec leur terrifiant pouvoir de perturbation: fakenews, milliers de trolls ou de faux comptes Des chercheurs américains expliquaient même que Poutine soutenait, via ces faux comptes sur Internet, indifféremment des extrémistes de tous bords (suprémacistes et Black Lives Matter par exemple), dans le but dexacerber les contradictions des démocraties et de saper la confiance. Et déjà, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022, donc dune inévitable intrusion de Moscou pour fausser les résultats, notre pays créait des institutions comme VIGINUM, chargé de nous protéger des ingérences via les réseaux sociaux, et de détecter le trajet suspect de linfox venue de lest.

     

    Pour dire le moins, rien ne démontre le moindre succès poutinien pour nous persuader que cest limpérialisme otanien qui est la cause de tout et que lopération militaire (ne dites pas la guerre) se déroule comme prévu. Mieux, les autorités russes, menacées sur leur propre territoire informationnel, adoptent des lois hyper-répressives quant à lemploi de certains mots, assimilés à la puissante propagande de louest. Elles finissent y par interdire Facebook et Instagram pour extrémisme : or les plateformes signalaient comme mensongers des contenus officiels russes et censuraient les médias russes chez eux. Moscou crée même ses propres sites pour dénoncer les fausses informations occidentales en ligne (war on fakes) mais cest sans effet sur la masse immense des images datrocités qui circulent. Certaines sont véridiques, certaines truquées : il en est de favorables aux deux camps, mais vite repérées par les dispositifs internationaux de fact-checking. Quand les pro-Russes font circuler quelques vidéos des nazis du bataillon Azov ou de pro-russes attachés et fouettés, tout cela est noyé par le flot des images qui saccumulent heure par heure et qui nourrissent notre compassion. La surabondance des images et des messages nest pas le facteur le moins déterminant pour gagner les cœurs et les esprits.

     

    Parmi ceux qui expliquent cette asymétrie, certains relèvent de la technologie numérique.

    Le premier est lintervention des Gafam. Après avoir interdit le compte de Trump, les grands du Net se sont engagés – moitié par conviction sincère, moitié pour ne pas apparaître. comme les fourriers du  mensonge et de la violence – contre le trio infernal : fausses nouvelles ou désinformation, discours de haine, complotisme En particulier, Facebook qui censure la propagande poutinienne, retire les comptes pro-Kremlin, décide quelles images et nouvelles participent de la désinformation, mais assume une certaine indulgence très en retrait par rapport aux principes sur les discours de haine pour les appels à la violence envers les soldats russes

     

    Quoi que lon pense moralement de cette attitude, elle confirme que les grands du Net possèdent un pouvoir jusque là inconnu : décider ce qui atteindra nos écrans donc nos cerveaux, conférer au message le statut de véritable ou de pensable. Quand les médias classiques sont unanimement rangés dans le camp du bien et quand les moteurs de recherche retirent ou déclassent la présumée désinformation de Moscou (il y a un néologisme pour cela : déplateformer), cette dernière devient inefficace parce quinaccessible. Lengagement des Gafam traduit un droit de fait : contrôler lattention. Et ce via la circulation, la sélection et la réception des messages, en sappuyant sur leurs Conditions Générales dutilisation qui sont la loi des internautes, plus leurs algorithmes, leurs modérateurs, leur intelligence artificielle, etc.. Il lemporte sur le vieux pouvoir politique dinterdire et de faire croire. Ou sur les vieux médias. Du coup, les médias dinfluence internationale soutenus par l’État, comme Russia Today (interdit dans lunion européenne) fuient le bannissement sur des plateformes alternatives, comme de vulgaires activistes ou contestataires. Et dailleurs y rencontrent de vrais antisystèmes, plus ou moins antivax ou complotistes, les seuls à affirmer encore que le Système nous ment, en. une sorte  de prophétie autoréalisatrice.

     

    Lautre grande innovation est que sur les plateaux de télévision ou sur les réseaux – nous vivons la guerre « vue du sol » par le témoignage des bombardés, non du point de vue des bombardiers comme pendant la guerre du Golfe (effet Cnn). Les internautes ukrainiens, souvent francophones et sympathiques, dans leur cave, mais connectés au Web, ont maintenant le quasi monopole de lexpression. Limage de la souffrance interpelle et  force à adopter le point de vue dont nous ne pouvons douter, celui de la victime (ce qui ne fut pas le cas des Houtis ou des Arméniens du Karabagh). Le principe du réseau – tous émetteurs, tous témoins, chacun pouvant sinformer auprès de gens qui lui ressemblent et non verticalement dans la sélection quimposent les médias de masses – fonctionne à plein. Il est intrinsèquement favorable à la victimocratie qui parle le langage universel de la souffrance. Lindignation – le fait de souffrir de linjustice faite à un autre – est sans doute le sentiment le plus contagieux par de telles voies. Surtout quand il est facile de sidentifier à un camp et de rejeter lautre, et que compassion et médiatisation coïncident.

     

    Noyer dimages, cest bien, avoir une icône planétaire, cest mieux. Le facteur Zelinski joue aussi à plein. Pour la scénarisation – ambiances nocturnes dramatiques, T-shirt de combattant, barbe de héros -. Pour le format des vidéos courtes destinées à devenir virales. Par le choix des registres : peuple martyr et citoyens combattants, valeurs de lOccident et risque de génocide, refus de la barbarie et force de la démocratie. Par sa capacité de sadresser (magie des télétransmissions) aujourdhui aux assemblées de tous les pays, ou à des manifestants solidaires, demain à vous, les yeux dans les yeux, sur l’écran de votre portable. Implicatif (nous sommes comme vous, vous êtes concernés) et performatif (il incarne un peuple auquel sidentifier, même si notre héroïsme doit se manifester depuis notre salon) Rhétorique parfaite et logistique impeccable, message percutant et relation humaine font du président ukrainien lhomme le plus influent de la planète au moment où nous écrivons.

     

    Quand lidéologie et la technologie se combinent, quand le choix des médias et celui du politique saccordent, quand les forces spirituelles et les conditions matérielles sont favorables, et surtout quand lennemi semble plus repoussant que lURSS de la guerre froide, tout rassemble. Mais il est vrai que cest à distance, par écrans interposés et dans une phase où lopinion occidentale est encore loin d’éprouver les conséquences de la guerre sur ses intérêts et sa vie.

     

    François-Bernard Huyghe (Le site de François-Bernard Huyghe, 17 avril 2022)

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