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populisme - Page 33

  • Honneur aux soixante-dix !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue assez virulent de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur son carnet RussEurop et consacré au vote du traité européen sur la stabilité, la coopération et la gouvernance.

     

    Pavé.jpg

    Honneur aux soixante-dix !

    Soixante-dix députés ont osé voter contre le TSCG.

    Soixante-dix sur cinq cent soixante-huit votants, c’est peu.

    Soixante-dix contre quatre cent soixante-dix-sept qui ont voté pour, c’est peu.

    Mais soixante-dix qui, venant de tous les horizons politiques, ont osé se dresser contre les consignes d’état-major, contre l’intense pression médiatique, contre le conformisme, contre les petits calculs politiciens, contre la lâcheté servile, cela, en vérité, fait beaucoup.

    Ce Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, contient trois mensonges pour le prix d’un.

    Quelle stabilité, quand on voit dans le rapport récent du FMI, posté sur ce carnet[1], que les mécanismes mis en oeuvre depuis 2010 n’ont fait qu’aggraver la crise? Quelle stabilité encore quand on voit la dépression que connaissent certains des pays en crise? Parler de stabilité est ici un mensonge flagrant.

    Quelle coordination quand on sait qu’il n’y a de coordination qu’entre des agents libres, sinon c’est à une autorité hiérarchique que l’on a affaire, et qu’il n’y a dans ce traité qu’asservissement à des agences dites indépendantes ? Ce Traité organise en fait le dépérissement de la démocratie en Europe avec la fin de l’autorité suprême des Parlements nationaux en matière budgétaire. Or, il faut s’en souvenir, c’est par le consentement à l’impôt que commence la démocratie.

    Quelle gouvernance enfin dans un Traité qui est en fait inapplicable et qui n’a pas d’autres fonctions que d’être violé à peine signé ? Est-ce ainsi que l’on croit créer un « bonne gouvernance » dans les mots dont on se gargarise à Bruxelles et ailleurs ? 

    On dit aussi, et c’est un argument avancé en sa faveur, que ce Traité institue une solidarité en Europe. Mais quelle solidarité, dans un traité qui condamne l’Europe à l’austérité et à la récession ? C’est la solidarité de la matraque et du bâton, de l’oppression et de la répression, comme l’expérimentent les manifestants qui, d’Athènes à Madrid en passant par Lisbonne, se sont levés contre la misère qui leur est imposée. User alors d’un tel argument revient à déconsidérer pleinement l’idée d’une possible solidarité européenne

    Trouvera-t-on ces mots excessifs ? Que l’on regarde alors le rapport du Fond Monétaire International, le World Economic Outlook d’octobre 2012[2] qui explique bien la marche à la misère entamée au nom d’une austérité qui n’a donc pour but que de sauver un fétiche : l’Euro. Que l’on regarde ce rapport, qui reste prudent dans ses projections, mais qui n’en établit pas moins que la majorité des pays ne pourront respecter les clauses de ce traité qui vient d’être ratifié. Que l’on regarde aussi la note commune à trois instituts (l’INSEE, l’IFO et l’ISTAT) sur la récession dans la zone Euro[3]. Que l’on regarde enfin les rapports de l’UNICEF qui établissent la montée de la dénutrition et du manque de soin chez les enfants grecs[4]. Je pense avoir, par ailleurs, montré dans de nombreux textes et notes, tous les effets pervers de ce traité[5].

    De cela, les thuriféraires du TSCG, les sectateurs de l’Euro, n’en ont cure. Même l’appel des économistes hétérodoxes, avec lequel j’avais des désaccords suffisamment importants pour ne pouvoir le signer, a été scandaleusement censuré par Le Monde[6]. Il était dit que pour faire passer cette amère pilule, on ne reculerait devant aucune bassesse, devant aucune ignominie.

    Le TSCG nous a donné l’exemple éclatant du cynisme en politique, quand un candidat à l’élection présidentielle se prononce pour sa réécriture et s’empresse, une fois élu, de le faire voter. Ce n’est pas le codicille sur la croissance, malheureux engagement de 140 milliards d’euros étalé sur trois ans, une aumône, qui peut en changer la nature. Même ses amis politiques le reconnaissent aujourd’hui publiquement. Ce Traité ne fut pas renégocié, et  d’ailleurs ce gouvernement n’a jamais cherché à s’en donner les moyens.

    C’est ainsi que l’on détruit la démocratie.Le mensonge électoral nourrit la colère et produit le mépris pour une classe politique qui affiche sa solidarité profonde contre le peuple. Bientôt montera le vieux cri de l’anti-parlementarisme : « tous pourris » ! On dira, c’est le populisme qui monte. Et l’on se trompera, car ce sera alors devenu la stricte vérité.

    Oui, le fétichisme de l’Euro – car c’est bien de cela qu’il s’agit avec cette transformation dans l’imaginaire d’un instrument en une fin en soi – et la volonté de pouvoir de ses grands prêtres nous condamnent à un appauvrissement généralisé, à une montée du chômage sans limites et, à la fin des fins, comme en Grèce et en Espagne, à la destruction de nos sociétés.

    Alors, si dire la vérité vaut que l’on soit taxé d’être excessif, je veux bien être excessif et je l’assume. Car, aujourd’hui, la raison et l’intelligence vomissent les tièdes.

    Honneur donc à ces soixante-dix députés !

    Ils ont eu le bon réflexe et ils ont raisonné de manière juste, en refusant d’accorder leurs suffrages à ce texte inique. Qu’importe leurs raisons circonstancielles ; qu’importe d’où ils viennent et à quel parti ils appartiennent ! Quand il s’agit de résister, on ne mégote pas sur ses alliés.

    Il y a soixante-douze ans de cela, le 10 juillet 1940, quatre-vingts parlementaires, députés et sénateurs (57 députés et 23 sénateurs) refusèrent d’accorder les pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain. Le vote de l’écrasante majorité mit fin à la République, et institua un régime de fait et non de droit. Le vote de ces quatre-vingts minoritaires fut, avec l’appel du 18 juin, le deuxième acte fondateur de la France Libre, préparant la résurrection de la République défunte.

    Ce rappel est aujourd’hui nécessaire.

    Puissent les soixante-dix députés qui ont refusé de voter être rejoints par autant de sénateurs que possible. Puissent-ils voir leur nombre croître quand ce texte viendra en seconde lecture.

    Les canons furent, par le passé, l’ultime raison des rois.

    Les traités sont aujourd’hui l’ultime raison des élites oligarchiques.

    Qu’ils se rappellent que l’ultime raison des peuples reste le pavé.

    Jacques Sapir (RussEurop, 9 octobre 2012)

     

    Notes :

    [2] IMF / FMI, « IMF Sees Heightened Risks Sapping Slower Global Recovery », Economic Outlook, 9 octobre 2012, URL : http://www.imf.org/external/pubs/ft/survey/so/2012/res100812a.htm

    [3] Association des trois Instituts Économiques Européens, La zone Euro en récession, www.ifo.de , www.insee.fr , www.istat.it

    [6] Jacques Sapir, “Sur le TSCG”, RusseEurope. Le Carnet de Jacques Sapir sur la Russie et l’Europe (Hypotheses.org), 23 septembre 2012. [En ligne] http://russeurope.hypotheses.org/133.

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  • Un refuge dans ce monde impitoyable ?...

    Les éditions Bourin viennent de publier Un refuge dans ce monde impitoyable, un essai consacré à la famille du sociologue critique américain Christopher Lasch, figure intellectuelle du populisme de gauche, mort en 1994, dont l'oeuvre a influencé, notamment, des auteurs comme Jean-Claude Michéa ou Alain de Benoist. Ses ouvrages les plus connus sont désormais disponibles en collection de poche : La culture du narcissisme (Champs Flammarion, 2008), Le seul et vrai paradis (Champs Flammarion, 2006) ou La révolte des élites et la trahison de la démocratie (Champs Flammarion, 2010). 

    Un refuge dans ce monde impitoyable.jpg

    "Quel est le rôle de la famille en Occident ? En quoi sa fonction est-elle altérée, sinon réduite à néant, par le capitalisme ? Et quelles sont les conséquences sociétales, et même civilisationnelles, de sa fragilisation ? Soulignant l'emprise croissante des experts sur la famille depuis un siècle (professionnels de l'aide sociale, psychologues, école), Lasch montre que, loin de constituer un refuge dans le monde moderne, la famille est plus que jamais en proie au contrôle social. L'idéologie thérapeutique qui émerge au début du siècle dernier est portée par des " médecins au chevet de la société " désireux d'instaurer une moralité nouvelle : satisfaction immédiate et totale des désirs de l'enfant, évitement systématique du conflit, rapports parents-enfants envisagés sous une simple forme contractuelle, peur des émotions. Cette nouvelle religion interdit toute proximité des parents avec leur progéniture et les conduit à abdiquer toute autorité, renforçant par là-même leur dépendance vis-à-vis de l'expertise médicale, sociale, psychologique. Pour Lasch, les transformations à l'œuvre au sein de la famille éclairent, d'une façon plus générale, la perte d'autonomie qui caractérise la condition de l'individu dans le monde moderne et capitaliste."

     

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  • Une sécession des élites ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Marc Crapez, cueilli sur le site de Marianne et consacré à l'installation du populisme dans le paysage politique français. Spécialiste de l'histoire des idées, Marc Crapez est notamment l'auteur d'un essai marquant intitulé La gauche réactionnaire (Berg, 1997).

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    Le populisme est imputable à la sécession des élites
     
    D’où provient l’émergence de partis populistes qui font des scores à deux chiffres? Le vieillissement de la population européenne, invoqué par certains, n’explique pas grand-chose puisque les «seniors» sont réticents à voter pour ces formations. Il faut chercher du côté de déséquilibres restés sans solutions et de questions restées sans réponses.
     
    Le populisme est l’exploitation systématique du rêve populaire de réalisation immédiate des revendications des masses, selon la définition de Guy Hermet. Il provient actuellement d’une situation où «l’équilibre ne se fait plus entre les élites et le peuple». A preuve, l’emploi à tort et à travers du mot populisme, sans qu’il ne soit jamais question de son contraire, l’élitisme, contient une part de défiance envers la souveraineté populaire.
     
    L’éclosion de partis populistes ne résulte pas seulement de la propagande orchestrée par une poignée de démagogues. Elle résulte d’abord de la récupération d’aspirations populaires récusées par un élitisme exacerbé. Cette «révolte des élites», selon la formule de Christopher Lasch, a déclenché l’offensive, rudoyé le corps social, disloqué le cadre politique national, creusé la distanciation sociale et les inégalités de traitement.
     
    Le populisme est le contrecoup de l’institutionnalisation de l’idéologie post-soixante-huitarde. L’attachement patriotique et les valeurs classiques ayant été brutalement jetés aux oubliettes, tant par la droite que par la gauche, il n’est pas étonnant que surgisse une offre politique de belle brocante.
     

    Relégation et dépossession démocratique

    Les élites estiment la France sans grand intérêt. Elles ne font plus allégeance au projet républicain, mais à l’Europe et la mondialisation. Cela renforce les doutes de la population et la fragmentation communautariste de la société. Les partis populistes offrent un refuge politique et une fraternité de substitution aux catégories de citoyens maltraités par les élites parce qu’ils se posent trop de questions face aux tensions engendrées par la mondialisation et le multiculturalisme à marche forcée.
     
    Une France délaissée par les pouvoirs publics et médiatiques éprouve un sentiment de relégation. Elle ressent un déni d’appartenance et d’inclusion qui peut la pousser vers le vote extrémiste dans une logique de réparation et d’égalité. Orpheline de la protection tutélaire d’un creuset français, elle réclame les cadres nécessaires à une cohésion nationale.
     
    A cette impression d’abandon s’ajoute celle d’une dépossession démocratique, d’une démocratie française insuffisamment fidèle à ses propres principes. Le populisme du 21ème siècle est une attente de débat démocratique sur des questions ou des aspirations évacuées à la hâte. Penser qu’il puisse y avoir trop d’immigrés, d’assistés ou de profiteurs serait non seulement faux, mais odieux et criminel. Le mariage homosexuel serait non seulement une bonne chose, mais une évidence uniquement contestée par des arriérés ou des sous-doués, etc.
     
    Une vision paternalisme impute le vote Front national à des crispations peureuses. En réalité, de même que les neuf dixième des électeurs de Jean-Luc Mélenchon trouvent qu’il y a beaucoup trop d’inégalités sociales et qu’il faut absolument faire quelque chose, les neuf dixième des électeurs de Marine Le Pen trouvent que l’on accueille trop d’immigrés et qu’il faut absolument agir. Ce ne sont pas des points de vue irrationnels. Preuve en est que nul ne s’aventurerait à soutenir qu’il n’y a pas assez d’inégalités sociales ou pas assez d’immigrés. Même si camper sur l’idée que la France accueille beaucoup trop d’immigrés peut conduire à des raisonnements erronés.
     
    Marc Crapez (Marianne2.fr, 22 juin 2012)  
     
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  • "Le populisme, c'est le retour du refoulé des peuples"...

    Vous pouvez regarder ci-dessous un entretien avec Vincent Coussedière, réalisé par Jean Robin pour son site Enquête&Débat. Vincent Coussedière, professeur de philosophie, est l'auteur d'un essai intitulé Eloge du populisme. Des idées intéressantes, mais bien entendues discutables sur certains points...

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  • Michéa, Finkielkraut et le complexe d'Orphée...

    Samedi 2 juin 2012, Alain Finkielkraut recevait dans son émission Répliques, sur France CultureJean-Claude Michéa, pour parler de son livre Le complexe d'Orphée (Climats, 2011). Vous pouvez écouter ci-dessous l'enregistrement de cette émission.

     

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  • Skinheads ?...

    Les éditions Au Diable Vauvert publient cette semaine Skinheads, un roman de John King. Figure de la littérature populiste anglaise, John King est l'auteur de Football Factory (L'Olivier, 2004), de La Meute (L'Olivier, 2000) et d'Aux couleurs de l'Angleterre (L'Olivier, 2005), une trilogie percutante consacrée au monde des supporters de football, amateurs de bière et de bagarre... Dans ce nouveau roman, il rend justice au mouvement skinhead, apparu chez les jeunes prolétaires anglais en réaction à la mode hippie qui fleurissait parmi la jeunesse estudiantine et bourgeoise, un mouvement, comme l'indique bien Jacques Lindecker dans un article de L'Alsace, porteur "des valeurs de la classe ouvrière britannique : défense de la communauté, virilité, amour de la bière, fraternité, patriotisme", et qui ne peut pas être réduit à sa minorité extrémiste et politisée.

     

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    "Trois générations d'une même famille, trois hommes issus du milieu prolétaire britannique. Terry English, skinhead propriétaire d’une petite société de taxis, n’est pas sûr d’être encore vivant pour ses cinquante ans, mais garde malgré tout sa joie de vivre grâce au ska et à sa jolie assistante Angie. Il décide de s’investir corps et âme dans la réouverture de l’Union Jack Club. Nutty Ray, punk, employé par Terry, lutte pour contrôler sa haine de la société et n’a qu’un seul plaisir : passer son temps libre à provoquer les flics de Chelsea. Et enfin Lol, quinze ans, skater punk adolescent à la recherche de lui-même…

    À travers ces trois personnages, John King va revenir sur l’apparition de la culture skin, une culture prolétaire qui s’enracine d’abord dans la musique, comme toujours en Angleterre, et une musique de pauvres, le reggae qui va s’épanouir dans le ska des années 70, en rupture avec l’époque, alors hippie. Mais qui s’accomplit aussi dans l’amour de la sape, de la bière, et du pays. Il rend un remarquable hommage au mouvement culturel britannique des années 1960, mouvement complexe, souvent caricaturé et finalement incompris, qui a déchaîné une peur sociale et symbolique encore plus forte que le punk, décuplée par son essence radicalement et ostensiblement prolétaire."

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