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populisme - Page 32

  • Le populisme ne veut plus rien dire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Marc Crapez, cueilli sur le site de Marianne et consacré à l'anti-populisme de l'oligarchie...

    Chercheur en sciences politiques, Marc crapez est l'auteur de plusieurs essais comme La gauche réactionnaire (Berg, 1998), L'antisémitisme de gauche au XIXe siècle (Berg, 2002), Défense du bon sens (Rocher, 2004).

     

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    Le populisme ne veut plus rien dire

    Depuis la mort de Raymond Aron, la science politique française s’est endormie. Son lexique a banni des notions comme l’affairisme, la bureaucratie, l’élitisme, l’oligarchie et, parallèlement, promu outrancièrement celle de populisme.

    Aux Etats-Unis, le sociologue Richard Florida vante la notion de « classe créative » pour désigner une classe mobile et qualifiée, définie en trois « t » : technophile, talentueuse et tolérante.
     
    Les sciences sociales apportent donc, sur un plateau, des théories qui font rosir de contentement les élites. Il est gratifiant d’être large d’esprit et à la pointe du progrès.

    De regarder les peuples comme des retardataires en leur faisant la leçon.

    D’être exonéré d’avance de travers tels que la bureaucratie ou l’oligarchie.

    D’intimider toute velléité de contestation en menaçant de la traiter de populiste.
     
    La France est la plus atteinte. Tandis que le Financial Times a cessé la surenchère en recommandant un « populisme précautionneux », notre pays reste quadrillé par des élites qui se serrent les coudes et se montrent agressives dès qu’on les met en cause.

    Elles détestent la critique et la remise en cause de leur credo. Assimilé à de la démagogie et à du conservatisme, le populisme ne veut plus rien dire.

    C’est devenu une annotation sévère que l’élite inscrit sur le bulletin de notes du peuple à la moindre incartade.

     

    Le filon anti-populistique est inépuisable. Des intellectuels focalisent l’attention sur cet épouvantail qui permet de se faire peur tout en surfant sur le consensus.

    Ils ressassent de pseudo-inquiétudes sur un risque imminent de montée du populisme par carriérisme ou opportunisme certes, mais surtout de bonne foi par ignorance.
     
    Le fantasme du populisme repose sur une version biaisée de l’histoire que tout le monde répète en chœur.

    Selon cette légende, l’histoire du continent européen serait une longue suite de guerres, c’est la démocratie qui aurait porté le nazisme au pouvoir et Hitler aurait déclenché la guerre pour permettre à son peuple d’assouvir ses bas instincts.

    Par conséquent, ce serait la construction européenne qui a permis la paix et la guerre serait, pour les peuples européens, une fatalité à exorciser par une thérapie de groupe, sous la dictée de leurs élites.
     
    En réalité, le nazisme n’a pas été porté au pouvoir par les urnes mais par une sorte de coup d’Etat. Les guerres correspondent à certains traits de la nature humaine soumise à certaines circonstances sociales.

    Ce ne sont pas les peuples qui déclenchent les guerres mais les élites, à la fois parce qu’il s’agit de possibilités inhérentes à l’évolution des sociétés et pour préserver leurs propres intérêts, masquer leur incompétence ou appliquer leur idéologie.  

    Depuis 1945 en Europe, la paix procède de contraintes géopolitiques telles que la superpuissance américaine et la dissuasion nucléaire (l’Otan face au pacte de Varsovie), une prise de conscience de l’ensemble des populations et une surveillance accrue des peuples sur les initiatives des élites.

    C’est la paix qui a permis l’Union européenne et non l’inverse. La non-belligérance franco-allemande est la cause et non l’effet de l’édification européenne.
     
    En début d’année, aux cérémonies anniversaires de l’amitié franco-allemande, les Allemands ont joué le jeu, en organisant des festivités dans leurs écoles, réitérant à la base leur souci de bonne entente.

    Les peuples européens adhèrent à la paix et à la prospérité et c’est dans le cadre de ce consensus qu’une partie d’entre eux est mécontente et apporte ses suffrages à des formations politiques qui se présentent en alternative aux élites en place qu’elles contestent. Le parallèle avec les années 30 est, pour le moment, dénué de fondement.

    Marc Crapez (Marianne, 16 avril 2013) 

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  • Oligarques en péril !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à la révolte des peuples en Europe...

     

     Beppe Grillo, gauche, Institutions, Mario Monti, oligarchie, populisme, Silvio Berlusconi, Union européenne

     

    Oligarques en péril

    La défaite cuisante subie par Mario Monti lors des élections italiennes n’a pas fait dévier d’un pouce la ligne fixée par les oligarques à Berlin, à Bruxelles, à Paris. L’austérité sera maintenue, au besoin renforcée, dans le parfait mépris des peuples qui la subissent. Ecoutons la rumeur médiatique : les foules qui apportent leurs suffrages à Beppe Grillo ou à Silvio Berlusconi, nous dit-on, ne sont pas dignes de la moindre considération. Le premier n’est-il pas un humoriste ? Le second n’est-il pas perdu de réputation ?

    En haut lieu, on se rassure à bon compte en personnalisant à l’excès les enjeux. Quel que soit le pays, la protestation populaire se fixe sur les tribuns tels qu’ils se présentent, de droite ou de gauche, vulgaires ou distingués, intelligents ou obtus. C’est sans doute regrettable mais on n’arrêtera pas le mouvement en plaçant des millions d’électeurs dans la catégorie infamante du populisme. Pour les citoyens révoltés, ce n’est qu’une humiliation supplémentaire. Pour ceux qui, parmi eux, cherchent une issue positive à la crise générale, c’est une nouvelle source de confusions et de disputes stériles. Le populisme, aujourd’hui, englobe l’extrême droite, l’extrême gauche, les adversaires de l’euro, les ennemis de l’élite, les classiques démagogues. C’est trop. Trop de simplifications et trop d’amalgames qui ne sont d’aucune aide quand on essaie de penser, tâche difficile, la catastrophe en cours.  Les mouvements populaires qui sont en train de se manifester dans les rues espagnoles et portugaises ou qui s’expriment dans les urnes grecques et italiennes sont la conséquence de trois phénomènes :

    L’effondrement du projet européen. On a présenté aux citoyens des différentes nations la perspective d’un grand marché de consommateurs qui laissait supposer une prospérité croissante. L’austérité imposée ruine cet espoir. Confrontés à la récession, au chômage et à la pauvreté de masse, d’innombrables citoyens estiment que ce projet européen est un échec, un mensonge, ou les deux à la fois.

    L’effondrement des gauches. Les partis communistes sont des survivances et les partis socialistes ont abandonné leur doctrine de progrès économique et social pour pratiquer les fausses vertus de l’ultralibéralisme. En Italie, en Espagne, au Portugal, en France, les masses protestataires sont privées de recours aux partis socialistes qui tentent de les abuser le temps d’une campagne électorale pour mieux les abandonner juste après.   

    L’effondrement lent des institutions démocratiques. Quand les gouvernements de droite et de gauche s’alignent sur la Commission européenne sitôt les élections passées, quand ils signent des traités européens qui les privent de leurs pouvoirs, quand ils ne tiennent aucun compte des référendums en France et aux Pays-Bas, quand ils laissent une troïka se livrer au saccage et au pillage de la Grèce, il est évident que ce n’est pas le « populisme » qui menace la démocratie mais l’oligarchie.

    Ces effondrements marquent la fin du 20ème siècle. Les doctrines totalitaires sont mortes et le soviétisme, le maoïsme, le fascisme, le nazisme seront sans résurrection. L’utopie européiste et celle du marché mondialisé viennent de trépasser. Les partis du 20ème siècle sont à l’agonie alors que les formations politiques du 21ème siècle ne sont pas encore nées. C’est là un moment passionnant et dangereux. Dans les masses contestataires, il est normal que la recherche de solutions soit désordonnée puisque les vieux partis sont incapables de structurer une opposition cohérente. Du coup, une fraction de l’opinion peut se laisser prendre par telle ou telle forme de radicalisme droitier – ou bien se satisfaire d’actes de pure et simple violence.

    Le pire serait de fuir le danger. Même si cela constitue une marque de « populisme », il faut affirmer que l’affrontement n’est plus entre les partis de droite et de gauche mais entre l’oligarchie et le peuple. Le Front national s’inscrit dans cette dialectique et on n’arrêtera pas sa progression par des appels à la vigilance antifasciste. C’est le principe gaullien du rassemblement qu’il faut reprendre afin de constituer le parti patriote qui est en latence depuis l’échec du Pôle républicain. Qui saura être le rassembleur capable de donner sens et cohérence à la révolte qui gagnera tôt ou tard la France ?

    Bertrand Renouvin (Le blog de Bertrand Renouvin, 10 mars 2013)

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  • Jean-Claude Michéa : « Pourquoi j'ai rompu avec la gauche»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jean-Claude Michéa, cueilli sur le site de l'hebdomadaire Marianne et consacré à son dernier livre Les mystères de la gauche, publié aux éditions Climats. 

     

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    Jean-Claude Michéa : « Pourquoi j'ai rompu avec la gauche»

    Marianne : Vous estimez urgent d'abandonner le nom de «gauche», de changer de signifiant pour désigner les forces politiques qui prendraient à nouveau en compte les intérêts de la classe ouvrière... Un nom ne peut-il pourtant ressusciter par-delà ses blessures historiques, ses échecs, ses encombrements passés ? Le problème est d'ailleurs exactement le même pour le mot «socialisme», qui après avoir qualifié l'entraide ouvrière chez un Pierre Leroux s'est mis, tout à fait a contrario, à désigner dans les années 80 les turlupinades d'un Jack Lang. Ne pourrait-on voir dans ce désir d'abolir un nom de l'histoire comme un écho déplaisant de cet esprit de la table rase que vous dénoncez sans relâche par ailleurs ? 

    Jean-Claude Michéa : Si j'en suis venu - à la suite, entre autres, de Cornelius Castoriadis et de Christopher Lasch - à remettre en question le fonctionnement, devenu aujourd'hui mystificateur, du vieux clivage gauche-droite, c'est simplement dans la mesure où le compromis historique forgé, au lendemain de l'affaire Dreyfus, entre le mouvement ouvrier socialiste et la gauche libérale et républicaine (ce «parti du mouvement» dont le parti radical et la franc-maçonnerie voltairienne constituaient, à l'époque, l'aile marchante) me semble désormais avoir épuisé toutes ses vertus positives. A l'origine, en effet, il s'agissait seulement de nouer une alliance défensive contre cet ennemi commun qu'incarnait alors la toute-puissante «réaction». Autrement dit, un ensemble hétéroclite de forces essentiellement précapitalistes qui espéraient encore pouvoir restaurer tout ou partie de l'Ancien Régime et, notamment, la domination sans partage de l'Eglise catholique sur les institutions et les âmes. Or cette droite réactionnaire, cléricale et monarchiste a été définitivement balayée en 1945 et ses derniers vestiges en Mai 68 (ce qu'on appelle de nos jours la «droite» ne désigne généralement plus, en effet, que les partisans du libéralisme économique de Friedrich Hayek et de Milton Friedman). Privé de son ennemi constitutif et des cibles précises qu'il incarnait (comme, la famille patriarcale ou l'«alliance du trône et de l'autel») le «parti du mouvement» se trouvait dès lors condamné, s'il voulait conserver son identité initiale, à prolonger indéfiniment son travail de «modernisation» intégrale du monde d'avant (ce qui explique que, de nos jours, «être de gauche» ne signifie plus que la seule aptitude à devancer fièrement tous les mouvements qui travaillent la société capitaliste moderne, qu'ils soient ou non conformes à l'intérêt du peuple, ou même au simple bon sens). Or, si les premiers socialistes partageaient bien avec cette gauche libérale et républicaine le refus de toutes les institutions oppressives et inégalitaires de l'Ancien Régime, ils n'entendaient nullement abolir l'ensemble des solidarités populaires traditionnelles ni donc s'attaquer aux fondements mêmes du «lien social» (car c'est bien ce qui doit inéluctablement arriver lorsqu'on prétend fonder une «société» moderne - dans l'ignorance de toutes les données de l'anthropologie et de la psychologie - sur la seule base de l'accord privé entre des individus supposés «indépendants par nature»). La critique socialiste des effets atomisants et humainement destructeurs de la croyance libérale selon laquelle le marché et le droit ab-strait pourraient constituer, selon les mots de Jean-Baptiste Say, un «ciment social» suffisant (Engels écrivait, dès 1843, que la conséquence ultime de cette logique serait, un jour, de «dissoudre la famille») devenait dès lors clairement incompatible avec ce culte du «mouvement» comme fin en soi, dont Eduard Bernstein avait formulé le principe dès la fin du XIXe siècle en proclamant que «le but final n'est rien» et que «le mouvement est tout». Pour liquider cette alliance désormais privée d'objet avec les partisans du socialisme et récupérer ainsi son indépendance originelle, il ne manquait donc plus à la «nouvelle» gauche que d'imposer médiatiquement l'idée que toute critique de l'économie de marché ou de l'idéologie des droits de l'homme (ce «pompeux catalogue des droits de l'homme» que Marx opposait, dans le Capital, à l'idée d'une modeste «Magna Carta» susceptible de protéger réellement les seules libertés individuelles et collectives fondamentales) devait nécessairement conduire au «goulag» et au «totalitarisme». Mission accomplie dès la fin des années 70 par cette «nouvelle philosophie» devenue, à présent, la théologie officielle de la société du spectacle. Dans ces conditions, je persiste à penser qu'il est devenu aujourd'hui politiquement inefficace, voire dangereux, de continuer à placer un programme de sortie progressive du capitalisme sous le signe exclusif d'un mouvement idéologique dont la mission émancipatrice a pris fin, pour l'essentiel, le jour où la droite réactionnaire, monarchiste et cléricale a définitivement disparu du paysage politique. Le socialisme est, par définition, incompatible avec l'exploitation capitaliste. La gauche, hélas, non. Et si tant de travailleurs - indépendants ou salariés - votent désormais à droite, ou surtout ne votent plus, c'est bien souvent parce qu'ils ont perçu intuitivement cette triste vérité. 

    Vous rappelez très bien dans les Mystères de la gauche les nombreux crimes commis par la gauche libérale contre le peuple, et notamment le fait que les deux répressions ouvrières les plus sanglantes du XIXe siècle sont à mettre à son compte. Mais aujourd'hui, tout de même, depuis que l'inventaire critique de la gauche culturelle mitterrandienne s'est banalisé, ne peut-on admettre que les socialistes ont changé ? Un certain nombre de prises de conscience importantes ont eu lieu. Celle, par exemple, du long abandon de la classe ouvrière est récente, mais elle est réelle. Sur les questions de sécurité également, on ne peut pas davantage dire qu'un Manuel Valls incarne une gauche permissive et angéliste. Or on a parfois l'impression à vous lire que la gauche, par principe, ne pourra jamais se réformer... Est-ce votre sentiment définitif ? 

    J.-C.M. : Ce qui me frappe plutôt, c'est que les choses se passent exactement comme je l'avais prévu. Dès lors, en effet, que la gauche et la droite s'accordent pour considérer l'économie capitaliste comme l'horizon indépassable de notre temps (ce n'est pas un hasard si Christine Lagarde a été nommée à la tête du FMI pour y poursuivre la même politique que DSK), il était inévitable que la gauche - une fois revenue au pouvoir dans le cadre soigneusement verrouillé de l'«alternative unique» - cherche à masquer électoralement cette complicité idéologique sous le rideau fumigène des seules questions «sociétales». De là le désolant spectacle actuel. Alors que le système capitaliste mondial se dirige tranquillement vers l'iceberg, nous assistons à une foire d'empoigne surréaliste entre ceux qui ont pour unique mission de défendre toutes les implications anthropologiques et culturelles de ce système et ceux qui doivent faire semblant de s'y opposer (le postulat philosophique commun à tous ces libéraux étant, bien entendu, le droit absolu pour chacun de faire ce qu'il veut de son corps et de son argent). Mais je n'ai là aucun mérite. C'est Guy Debord qui annonçait, il y a vingt ans déjà, que les développements à venir du capitalisme moderne trouveraient nécessairement leur alibi idéologique majeur dans la lutte contre «le racisme, l'antimodernisme et l'homophobie» (d'où, ajoutait-il, ce «néomoralisme indigné que simulent les actuels moutons de l'intelligentsia»). Quant aux postures martiales d'un Manuel Valls, elles ne constituent qu'un effet de communication. La véritable position de gauche sur ces questions reste bien évidemment celle de cette ancienne groupie de Bernard Tapie et d'Edouard Balladur qu'est Christiane Taubira. 

    Contrairement à d'autres, ce qui vous tient aujourd'hui encore éloigné de la «gauche de la gauche», des altermondialistes et autres mouvements d'indignés, ce n'est pas l'invocation d'un passé totalitaire dont ces lointains petits cousins des communistes seraient encore comptables... C'est au contraire le fond libéral de ces mouvements : l'individu isolé manifestant pour le droit à rester un individu isolé, c'est ainsi que vous les décrivez. N'y a-t-il cependant aucune de ces luttes, aucun de ces mouvements avec lequel vous vous soyez senti en affinité ces dernières années ? 

    J.-C.M. : Si l'on admet que le capitalisme est devenu un fait social total - inséparable, à ce titre, d'une culture et d'un mode de vie spécifiques -, il est clair que les critiques les plus lucides et les plus radicales de cette nouvelle civilisation sont à chercher du côté des partisans de la «décroissance». En entendant par là, naturellement, non pas une «croissance négative» ou une austérité généralisée (comme voudraient le faire croire, par exemple, Laurence Parisot ou Najat Vallaud-Belkacem), mais la nécessaire remise en question d'un mode de vie quotidien aliénant, fondé - disait Marx - sur l'unique nécessité de «produire pour produire et d'accumuler pour accumuler». Mode de vie forcément privé de tout sens humain réel, inégalitaire (puisque la logique de l'accumulation du capital conduit inévitablement à concentrer la richesse à un pôle de la société mondiale et l'austérité, voire la misère, à l'autre pôle) et, de toute façon, impossible à universaliser sans contradiction dans un monde dont les ressources naturelles sont, par définition, limitées (on sait, en effet, qu'il faudrait déjà plusieurs planètes pour étendre à l'humanité tout entière le niveau de vie actuel de l'Américain moyen). J'observe avec intérêt que ces idées de bon sens - bien que toujours présentées de façon mensongère et caricaturale par la propagande médiatique et ses économistes à gages - commencent à être comprises par un public toujours plus large. Souhaitons seulement qu'il ne soit pas déjà trop tard. Rien ne garantit, en effet, que l'effondrement, à terme inéluctable, du nouvel Empire romain mondialisé donnera naissance à une société décente plutôt qu'à un monde barbare, policier et mafieux. 

    Vous réaffirmez dans ce livre votre foi en l'idée que le peuple serait dépositaire d'une common decency [«décence ordinaire», l'expression est de George Orwell] avec lesquelles les «élites» libérales auraient toujours davantage rompu. Mais croyez-vous sincèrement que ce soit aujourd'hui l'attachement aux valeurs morales qui définisse «le petit peuple de droite», ainsi que vous l'écrivez ici ? Le désossage des structures sociales traditionnelles, ajouté à la déchristianisation et à l'impact des flux médiatiques dont vous décrivez ici les effets culturellement catastrophiques, a également touché de plein fouet ces classes-là. N'y a-t-il donc pas là quelque illusion - tout à fait noble, mais bel et bien inopérante - à les envisager ainsi comme le seul vivier possible d'un réarmement moral et politique ? 

    J.-C.M. : S'il n'y avait pas, parmi les classes populaires qui votent pour les partis de droite, un attachement encore massif à l'idée orwellienne qu'il y a «des choses qui ne se font pas», on ne comprendrait pas pourquoi les dirigeants de ces partis sont en permanence contraints de simuler, voire de surjouer de façon grotesque, leur propre adhésion sans faille aux valeurs de la décence ordinaire. Alors même qu'ils sont intimement convaincus, pour reprendre les propos récents de l'idéologue libéral Philippe Manière, que seul l'«appât du gain» peut soutenir «moralement» la dynamique du capital (sous ce rapport, il est certainement plus dur d'être un politicien de droite qu'un politicien de gauche). C'est d'ailleurs ce qui explique que le petit peuple de droite soit structurellement condamné au désespoir politique (d'où son penchant logique, à partir d'un certain seuil de désillusion, pour le vote d'«extrême droite»). Comme l'écrivait le critique radical américain Thomas Franck, ce petit peuple vote pour le candidat de droite en croyant que lui seul pourra remettre un peu d'ordre et de décence dans cette société sans âme et, au final, il se retrouve toujours avec la seule privatisation de l'électricité ! Cela dit, vous avez raison. La logique de l'individualisme libéral, en sapant continuellement toutes les formes de solidarité populaire encore existantes, détruit forcément du même coup l'ensemble des conditions morales qui rendent possible la révolte anticapitaliste. C'est ce qui explique que le temps joue de plus en plus, à présent, contre la liberté et le bonheur réels des individus et des peuples. Le contraire exact, en somme, de la thèse défendue par les fanatiques de la religion du progrès. 

    Jean-Claude Michéa, propos recueillis par Aude Ancelin (Marianne, 12 mars 2013)

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  • Démontage d'une mythologie politique contemporaine...

    Nous vous signalons la parution récente, aux éditions TheBook, d'un essai de Charles Robin, intitulé Le libéralisme comme volonté et représentation - Démontage d'une mythologie politique contemporaine. Nous publions ci-dessous la présentation qu'en a fait David L'Epée dans la revue Eléments (n°146, 2012).

     

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    " S’il est vrai que la valeur des idées se reconnaît à l’engouement qu’elles suscitent chez les plus jeunes, tout laisse à croire que les thèses de Michéa ont de l’avenir. Non content d’être souvent lu ces dernières années par la jeune génération, il a trouvé en la personne de Charles Robin, doctorant de 26 ans à Montpellier, un successeur enthousiaste. Si l’élève est encore loin d’avoir dépassé le maître, il synthétise et développe de manière tout à fait convaincante les analyses de ce qu’on pourrait maintenant appeler le “courant Michéa” sur la généalogie du libéralisme, ses implications contemporaines et les relations étroites qui unissent son versant philosophico-politique et son versant économique. Robin consacre la première partie de son livre à un retour sur les textes des principaux penseurs libéraux, insistant sur le principe du libéralisme comme « programme philosophique global » sous-tendu par un pessimisme anthropologique affirmé, puis poursuit en seconde partie sur une appréhension de l’extrême gauche contemporaine (principalement le trotskisme à la française) comme expression des thèses libérales appliquées au plan sociétal.

    Se plongeant avec courage dans les textes d’Olivier Besancenot et dans les divers manifestes du NPA prêchant constamment pour une extension illimitée des droits individuels, l’auteur démontre brillamment qu’ « un militant d’extrême gauche est d’abord une personne capable d’expliquer, le plus sérieusement du monde, que le fait de reconnaître son “attachement” à d’autres êtres humains (ses amis, son conjoint, ses enfants) constitue la démonstration la plus éclatante de l’oppression spécifique que présente toute modalité du “lien” ». On savourera entre autres citations d’anthologie l’article d’un journal du NPA que Robin a débusqué et qui traite la question des sextoys envisagés comme instruments d’émancipation… Cette évolution de l’extrême gauche est due en grande partie à une sorte de paresse intellectuelle qui la pousse à entretenir certaines indifférenciations sémantiques, entre libéralisme et conservatisme par exemple, et à apporter « une caution “libertaire” (ou “citoyenne”) au démantèlement capitaliste de toutes les entraves territoriales et civilisationnelles à l’expansion du principe marchand ». S’inspirant de Latouche, l’auteur clôt son propos en appelant à la décolonisation de notre imaginaire, qui ne sera vraiment libre qu’une fois débarrassé des représentations libérales qu’on y a fait entrer."

    David L'Epée (Eléments n°146, janvier-mars 2013)

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  • Sur les élections italiennes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur son carnet RussEurope et consacré aux résultats des élections italiennes...

     

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    Sur les élections italiennes

    Les résultats des élections italiennes à peine connus, les commentaires allaient bon train. Le gouvernement français s’est empressé, lui aussi, de faire un communiqué pour minimiser l’importance de ces résultats. Il eût mieux valu qu’il s’affronte directement à la réalité, ne serait-ce que pour en tirer les leçons. Mais on préfère s’enfermer dans une attitude de déni, cette fois avec l’appui d’une partie de la presse française. Que n’avait-on chanté les louanges du dirigeant du Parti Démocrate, Luigi Bersani ou du technocrate tourné politicien Mario Monti. Il suffisait pourtant de sortir de la bulle parisienne, de regarder la presse italienne, britannique ou américaine pour avoir une petite idée de ce qui allait se passer. Mais il est dit qu’il n’y a pas de réalité en dehors de ce que certains cénacles veulent bien dire… Alors, regardons un peu ces élections, et leurs résultats, et cherchons à en extraire les points importants.

    Le premier point qui émerge de ces résultats est à l’évidence l’ampleur du désaveu des politiques inspirées par Bruxelles et Berlin, mais aussi, il faut s’en souvenir, par Paris. Les partis défendant ces politiques n’ont représenté que 40% des électeurs (le PD de gauche de Bersani 29,5% et l’alliance du centre-droit de Mario Monti 10,5%). Les partis refusant ces politiques, et refusant en réalité la logique de l’Euro, ont remporté plus de 54% des suffrages (le PDL de Silvio Berlusconi 29% et le M5S de Beppe Grillo 25,4%). On ne saurait imaginer plus cinglant démenti apporté à ceux qui présentaient le gouvernement Monti comme un « sauveur » de l’Italie. La multiplication d’impôts, souvent vécus comme injustes, les coupes sauvages dans le budget dont ont été victimes les hôpitaux, les écoles, mais aussi le système de retraite, les retards scandaleux de paiements de la part l’État, expliquent largement cette situation. La presse française peut gloser sur la « machine » Berlusconi, elle ne saurait éternellement cacher le fait que si un homme politique chassé sous les huées revient quasiment en triomphateur, c’est bien parce qu’il y a un rejet massif de la politique mise en place par ses successeurs. De plus, ce discours convenu ne saurait expliquer le succès du Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo.

    Ceci conduit alors au deuxième point important : l’erreur manifeste des sondeurs et des estimations de « sortie des urnes ». Deux partis ont été les « victimes » de ces erreurs, le PD, crédité de plus de 33% et se situant finalement à 29,5% (environ 4 points d’écart) et l’alliance de centre droit de Mario Monti crédité par les estimations de 12% et n’en faisant en réalité que 10,5%. Le PDL de Silvio Berlusconi apparaît comme relativement stable. C’est donc le M5S qui a bénéficié de ces erreurs, étant crédité de 18% à 20% et faisant en réalité plus de 25% des suffrages. Il convient immédiatement de dire que ces élections étaient les premières élections générales auxquelles se présentait le M5S. La tache des sondeurs et des prévisionnistes était donc des plus difficiles. Mais, si l’on considère les chiffres, et si l’on admet qu’un certain nombre d’électeurs du M5S (1 sur 5) n’ont pas souhaité faire état de leur vote dans les sondages de « sortie des urnes », cela signifie que des anciens électeurs tant de gauche que du centre droit ont basculé vers le mouvement de Bepe Grillo. Cette hypothèse est confortée par la remarquable stabilité entre prévisions et résultats réels pour le PDL, qui confirme le fait que Silvio Berlusconi est bien reconnu comme le chef de sa formation et que son discours est largement assumé par ses électeurs. Le vote pour le PDL n’a pas été un vote « honteux », bien au contraire, mais clairement assumé. La signification de ceci est qu’il faut chercher essentiellement à gauche (et secondairement au centre droit) le véritable réservoir des forces du M5S.

    Ceci conduit alors au troisième point : les électeurs italiens voulaient envoyer un message et ils ont utilisé à cette fin les moyens qui étaient à leur disposition. On peut gloser sur le système électoral italien, certes plus « byzantin » que romain ; on peut faire tous les commentaires possibles et imaginables sur la rhétorique tant de Berlusconi, couvert de scandales et rescapé du « bunga-bunga », que de Bepe Grillo. À défaut de partis plus présentables, les Italiens ont voté pour ceux qui leur paraissaient les moins nocifs, autrement dit les moins engagés dans la politique mortifère d’austérité et les moins soumis aux ordres de Bruxelles et aux diktats de Berlin. On est en présence d’une protestation structurée bien plus que d’un simple vote « protestataire ». Le fait que le M5S ait gagné certaines villes lors des dernières élections municipales aurait dû alerter les observateurs. On assiste en fait au début d’un processus d’enracinement du M5S.

    Les conséquences pour la coalition de gauche que représente le Parti Démocrate sont importantes. L’érosion de ce parti dans les derniers sondages, puis dans les résultats, est particulièrement importante. Crédité de 35% à moins d’un mois du vote, il se retrouve finalement avec 29,5%. Le problème réside dans la position intenable qu’il adopta : celle de défendre une « austérité à visage humain ». Les Italiens ont intuitivement compris que de visage humain, il n’y en aurait guère et que seule resterait l’austérité. Mais cela pose un redoutable problème aux forces dites « social-démocrates » en Europe du Sud. Leurs discours n’ont plus aucune crédibilité dans le cadre économique qui est celui de la zone Euro. Il faut soit adopter un discours traditionnel de droite, soit rompre avec les chimères d’une Europe fédérale ; il n’y a plus de demi-mesures possibles.

    Nous en arrivons alors au quatrième point. Ces élections ont été, on l’a dit, une cinglante défaite de la technocratie. À cet égard, on rappelle ce que l’on disait dans une note consacrée à la question de « l’ordre démocratique » mais aussi de la Dictature et de la Tyrannie : « L’ordre démocratique permet de penser les formes nouvelles de la tyrannie (les agences indépendantes), de leur donner un nom précis (le BCE, la « Troïka », la dévolution des principes de l’État à l’Union Européenne sans respect pour les règles de dévolution), mais aussi de montrer ce que pourraient être des cheminements différents qui n’aboutissent pas à des usurpations de souveraineté. L’ordre démocratique permet ainsi de réfuter les illusions d’une technicisation des choix politiques et de redonner toute son importance à la politique elle-même. Il nous permet de penser la Tyrannie et par conséquence la rébellion légitime. »

    C’est bien à une rébellion légitime que nous avons assisté lors de ces élections. Il convient d’en prendre conscience.

    Jacques Sapir (RussEurope, 26 février 2013)

    Les résultats des élections italiennes à peine connus, les commentaires allaient bon train. Le gouvernement français s’est empressé, lui aussi, de faire un communiqué pour minimiser l’importance de ces résultats. Il eût mieux valu qu’il s’affronte directement à la réalité, ne serait-ce que pour en tirer les leçons. Mais on préfère s’enfermer dans une attitude de déni, cette fois avec l’appui d’une partie de la presse française. Que n’avait-on chanté les louanges du dirigeant du Parti Démocrate, Luigi Bersani ou du technocrate tourné politicien Mario Monti. Il suffisait pourtant de sortir de la bulle parisienne, de regarder la presse italienne, britannique ou américaine pour avoir une petite idée de ce qui allait se passer. Mais il est dit qu’il n’y a pas de réalité en dehors de ce que certains cénacles veulent bien dire… Alors, regardons un peu ces élections, et leurs résultats, et cherchons à en extraire les points importants.

    Le premier point qui émerge de ces résultats est à l’évidence l’ampleur du désaveu des politiques inspirées par Bruxelles et Berlin, mais aussi, il faut s’en souvenir, par Paris. Les partis défendant ces politiques n’ont représenté que 40% des électeurs (le PD de gauche de Bersani 29,5% et l’alliance du centre-droit de Mario Monti 10,5%). Les partis refusant ces politiques, et refusant en réalité la logique de l’Euro, ont remporté plus de 54% des suffrages (le PDL de Silvio Berlusconi 29% et le M5S de Beppe Grillo 25,4%). On ne saurait imaginer plus cinglant démenti apporté à ceux qui présentaient le gouvernement Monti comme un « sauveur » de l’Italie. La multiplication d’impôts, souvent vécus comme injustes, les coupes sauvages dans le budget dont ont été victimes les hôpitaux, les écoles, mais aussi le système de retraite, les retards scandaleux de paiements de la part l’État, expliquent largement cette situation. La presse française peut gloser sur la « machine » Berlusconi, elle ne saurait éternellement cacher le fait que si un homme politique chassé sous les huées revient quasiment en triomphateur, c’est bien parce qu’il y a un rejet massif de la politique mise en place par ses successeurs. De plus, ce discours convenu ne saurait expliquer le succès du Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo.

    Ceci conduit alors au deuxième point important : l’erreur manifeste des sondeurs et des estimations de « sortie des urnes ». Deux partis ont été les « victimes » de ces erreurs, le PD, crédité de plus de 33% et se situant finalement à 29,5% (environ 4 points d’écart) et l’alliance de centre droit de Mario Monti crédité par les estimations de 12% et n’en faisant en réalité que 10,5%. Le PDL de Silvio Berlusconi apparaît comme relativement stable. C’est donc le M5S qui a bénéficié de ces erreurs, étant crédité de 18% à 20% et faisant en réalité plus de 25% des suffrages. Il convient immédiatement de dire que ces élections étaient les premières élections générales auxquelles se présentait le M5S. La tache des sondeurs et des prévisionnistes était donc des plus difficiles. Mais, si l’on considère les chiffres, et si l’on admet qu’un certain nombre d’électeurs du M5S (1 sur 5) n’ont pas souhaité faire état de leur vote dans les sondages de « sortie des urnes », cela signifie que des anciens électeurs tant de gauche que du centre droit ont basculé vers le mouvement de Bepe Grillo. Cette hypothèse est confortée par la remarquable stabilité entre prévisions et résultats réels pour le PDL, qui confirme le fait que Silvio Berlusconi est bien reconnu comme le chef de sa formation et que son discours est largement assumé par ses électeurs. Le vote pour le PDL n’a pas été un vote « honteux », bien au contraire, mais clairement assumé. La signification de ceci est qu’il faut chercher essentiellement à gauche (et secondairement au centre droit) le véritable réservoir des forces du M5S.

    Ceci conduit alors au troisième point : les électeurs italiens voulaient envoyer un message et ils ont utilisé à cette fin les moyens qui étaient à leur disposition. On peut gloser sur le système électoral italien, certes plus « byzantin » que romain ; on peut faire tous les commentaires possibles et imaginables sur la rhétorique tant de Berlusconi, couvert de scandales et rescapé du « bunga-bunga », que de Bepe Grillo. À défaut de partis plus présentables, les Italiens ont voté pour ceux qui leur paraissaient les moins nocifs, autrement dit les moins engagés dans la politique mortifère d’austérité et les moins soumis aux ordres de Bruxelles et aux diktats de Berlin. On est en présence d’une protestation structurée bien plus que d’un simple vote « protestataire ». Le fait que le M5S ait gagné certaines villes lors des dernières élections municipales aurait dû alerter les observateurs. On assiste en fait au début d’un processus d’enracinement du M5S.

    Les conséquences pour la coalition de gauche que représente le Parti Démocrate sont importantes. L’érosion de ce parti dans les derniers sondages, puis dans les résultats, est particulièrement importante. Crédité de 35% à moins d’un mois du vote, il se retrouve finalement avec 29,5%. Le problème réside dans la position intenable qu’il adopta : celle de défendre une « austérité à visage humain ». Les Italiens ont intuitivement compris que de visage humain, il n’y en aurait guère et que seule resterait l’austérité. Mais cela pose un redoutable problème aux forces dites « social-démocrates » en Europe du Sud. Leurs discours n’ont plus aucune crédibilité dans le cadre économique qui est celui de la zone Euro. Il faut soit adopter un discours traditionnel de droite, soit rompre avec les chimères d’une Europe fédérale ; il n’y a plus de demi-mesures possibles.

    Kirk Douglas SpartacusNous en arrivons alors au quatrième point. Ces élections ont été, on l’a dit, une cinglante défaite de la technocratie. À cet égard, on rappelle ce que l’on disait dans une note consacrée à la question de « l’ordre démocratique » mais aussi de la Dictature et de la Tyrannie : « L’ordre démocratique permet de penser les formes nouvelles de la tyrannie (les agences indépendantes), de leur donner un nom précis (le BCE, la « Troïka », la dévolution des principes de l’État à l’Union Européenne sans respect pour les règles de dévolution), mais aussi de montrer ce que pourraient être des cheminements différents qui n’aboutissent pas à des usurpations de souveraineté. L’ordre démocratique permet ainsi de réfuter les illusions d’une technicisation des choix politiques et de redonner toute son importance à la politique elle-même. Il nous permet de penser la Tyrannie et par conséquence la rébellion légitime. »

    C’est bien à une rébellion légitime que nous avons assisté lors de ces élections. Il convient d’en prendre conscience.

    - See more at: http://russeurope.hypotheses.org/936#sthash.XCl0iaEQ.dpuf

    Les résultats des élections italiennes à peine connus, les commentaires allaient bon train. Le gouvernement français s’est empressé, lui aussi, de faire un communiqué pour minimiser l’importance de ces résultats. Il eût mieux valu qu’il s’affronte directement à la réalité, ne serait-ce que pour en tirer les leçons. Mais on préfère s’enfermer dans une attitude de déni, cette fois avec l’appui d’une partie de la presse française. Que n’avait-on chanté les louanges du dirigeant du Parti Démocrate, Luigi Bersani ou du technocrate tourné politicien Mario Monti. Il suffisait pourtant de sortir de la bulle parisienne, de regarder la presse italienne, britannique ou américaine pour avoir une petite idée de ce qui allait se passer. Mais il est dit qu’il n’y a pas de réalité en dehors de ce que certains cénacles veulent bien dire… Alors, regardons un peu ces élections, et leurs résultats, et cherchons à en extraire les points importants.

    Le premier point qui émerge de ces résultats est à l’évidence l’ampleur du désaveu des politiques inspirées par Bruxelles et Berlin, mais aussi, il faut s’en souvenir, par Paris. Les partis défendant ces politiques n’ont représenté que 40% des électeurs (le PD de gauche de Bersani 29,5% et l’alliance du centre-droit de Mario Monti 10,5%). Les partis refusant ces politiques, et refusant en réalité la logique de l’Euro, ont remporté plus de 54% des suffrages (le PDL de Silvio Berlusconi 29% et le M5S de Beppe Grillo 25,4%). On ne saurait imaginer plus cinglant démenti apporté à ceux qui présentaient le gouvernement Monti comme un « sauveur » de l’Italie. La multiplication d’impôts, souvent vécus comme injustes, les coupes sauvages dans le budget dont ont été victimes les hôpitaux, les écoles, mais aussi le système de retraite, les retards scandaleux de paiements de la part l’État, expliquent largement cette situation. La presse française peut gloser sur la « machine » Berlusconi, elle ne saurait éternellement cacher le fait que si un homme politique chassé sous les huées revient quasiment en triomphateur, c’est bien parce qu’il y a un rejet massif de la politique mise en place par ses successeurs. De plus, ce discours convenu ne saurait expliquer le succès du Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo.

    Ceci conduit alors au deuxième point important : l’erreur manifeste des sondeurs et des estimations de « sortie des urnes ». Deux partis ont été les « victimes » de ces erreurs, le PD, crédité de plus de 33% et se situant finalement à 29,5% (environ 4 points d’écart) et l’alliance de centre droit de Mario Monti crédité par les estimations de 12% et n’en faisant en réalité que 10,5%. Le PDL de Silvio Berlusconi apparaît comme relativement stable. C’est donc le M5S qui a bénéficié de ces erreurs, étant crédité de 18% à 20% et faisant en réalité plus de 25% des suffrages. Il convient immédiatement de dire que ces élections étaient les premières élections générales auxquelles se présentait le M5S. La tache des sondeurs et des prévisionnistes était donc des plus difficiles. Mais, si l’on considère les chiffres, et si l’on admet qu’un certain nombre d’électeurs du M5S (1 sur 5) n’ont pas souhaité faire état de leur vote dans les sondages de « sortie des urnes », cela signifie que des anciens électeurs tant de gauche que du centre droit ont basculé vers le mouvement de Bepe Grillo. Cette hypothèse est confortée par la remarquable stabilité entre prévisions et résultats réels pour le PDL, qui confirme le fait que Silvio Berlusconi est bien reconnu comme le chef de sa formation et que son discours est largement assumé par ses électeurs. Le vote pour le PDL n’a pas été un vote « honteux », bien au contraire, mais clairement assumé. La signification de ceci est qu’il faut chercher essentiellement à gauche (et secondairement au centre droit) le véritable réservoir des forces du M5S.

    Ceci conduit alors au troisième point : les électeurs italiens voulaient envoyer un message et ils ont utilisé à cette fin les moyens qui étaient à leur disposition. On peut gloser sur le système électoral italien, certes plus « byzantin » que romain ; on peut faire tous les commentaires possibles et imaginables sur la rhétorique tant de Berlusconi, couvert de scandales et rescapé du « bunga-bunga », que de Bepe Grillo. À défaut de partis plus présentables, les Italiens ont voté pour ceux qui leur paraissaient les moins nocifs, autrement dit les moins engagés dans la politique mortifère d’austérité et les moins soumis aux ordres de Bruxelles et aux diktats de Berlin. On est en présence d’une protestation structurée bien plus que d’un simple vote « protestataire ». Le fait que le M5S ait gagné certaines villes lors des dernières élections municipales aurait dû alerter les observateurs. On assiste en fait au début d’un processus d’enracinement du M5S.

    Les conséquences pour la coalition de gauche que représente le Parti Démocrate sont importantes. L’érosion de ce parti dans les derniers sondages, puis dans les résultats, est particulièrement importante. Crédité de 35% à moins d’un mois du vote, il se retrouve finalement avec 29,5%. Le problème réside dans la position intenable qu’il adopta : celle de défendre une « austérité à visage humain ». Les Italiens ont intuitivement compris que de visage humain, il n’y en aurait guère et que seule resterait l’austérité. Mais cela pose un redoutable problème aux forces dites « social-démocrates » en Europe du Sud. Leurs discours n’ont plus aucune crédibilité dans le cadre économique qui est celui de la zone Euro. Il faut soit adopter un discours traditionnel de droite, soit rompre avec les chimères d’une Europe fédérale ; il n’y a plus de demi-mesures possibles.

    Kirk Douglas SpartacusNous en arrivons alors au quatrième point. Ces élections ont été, on l’a dit, une cinglante défaite de la technocratie. À cet égard, on rappelle ce que l’on disait dans une note consacrée à la question de « l’ordre démocratique » mais aussi de la Dictature et de la Tyrannie : « L’ordre démocratique permet de penser les formes nouvelles de la tyrannie (les agences indépendantes), de leur donner un nom précis (le BCE, la « Troïka », la dévolution des principes de l’État à l’Union Européenne sans respect pour les règles de dévolution), mais aussi de montrer ce que pourraient être des cheminements différents qui n’aboutissent pas à des usurpations de souveraineté. L’ordre démocratique permet ainsi de réfuter les illusions d’une technicisation des choix politiques et de redonner toute son importance à la politique elle-même. Il nous permet de penser la Tyrannie et par conséquence la rébellion légitime. »

    C’est bien à une rébellion légitime que nous avons assisté lors de ces élections. Il convient d’en prendre conscience.

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    Les résultats des élections italiennes à peine connus, les commentaires allaient bon train. Le gouvernement français s’est empressé, lui aussi, de faire un communiqué pour minimiser l’importance de ces résultats. Il eût mieux valu qu’il s’affronte directement à la réalité, ne serait-ce que pour en tirer les leçons. Mais on préfère s’enfermer dans une attitude de déni, cette fois avec l’appui d’une partie de la presse française. Que n’avait-on chanté les louanges du dirigeant du Parti Démocrate, Luigi Bersani ou du technocrate tourné politicien Mario Monti. Il suffisait pourtant de sortir de la bulle parisienne, de regarder la presse italienne, britannique ou américaine pour avoir une petite idée de ce qui allait se passer. Mais il est dit qu’il n’y a pas de réalité en dehors de ce que certains cénacles veulent bien dire… Alors, regardons un peu ces élections, et leurs résultats, et cherchons à en extraire les points importants.

    Le premier point qui émerge de ces résultats est à l’évidence l’ampleur du désaveu des politiques inspirées par Bruxelles et Berlin, mais aussi, il faut s’en souvenir, par Paris. Les partis défendant ces politiques n’ont représenté que 40% des électeurs (le PD de gauche de Bersani 29,5% et l’alliance du centre-droit de Mario Monti 10,5%). Les partis refusant ces politiques, et refusant en réalité la logique de l’Euro, ont remporté plus de 54% des suffrages (le PDL de Silvio Berlusconi 29% et le M5S de Beppe Grillo 25,4%). On ne saurait imaginer plus cinglant démenti apporté à ceux qui présentaient le gouvernement Monti comme un « sauveur » de l’Italie. La multiplication d’impôts, souvent vécus comme injustes, les coupes sauvages dans le budget dont ont été victimes les hôpitaux, les écoles, mais aussi le système de retraite, les retards scandaleux de paiements de la part l’État, expliquent largement cette situation. La presse française peut gloser sur la « machine » Berlusconi, elle ne saurait éternellement cacher le fait que si un homme politique chassé sous les huées revient quasiment en triomphateur, c’est bien parce qu’il y a un rejet massif de la politique mise en place par ses successeurs. De plus, ce discours convenu ne saurait expliquer le succès du Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo.

    Ceci conduit alors au deuxième point important : l’erreur manifeste des sondeurs et des estimations de « sortie des urnes ». Deux partis ont été les « victimes » de ces erreurs, le PD, crédité de plus de 33% et se situant finalement à 29,5% (environ 4 points d’écart) et l’alliance de centre droit de Mario Monti crédité par les estimations de 12% et n’en faisant en réalité que 10,5%. Le PDL de Silvio Berlusconi apparaît comme relativement stable. C’est donc le M5S qui a bénéficié de ces erreurs, étant crédité de 18% à 20% et faisant en réalité plus de 25% des suffrages. Il convient immédiatement de dire que ces élections étaient les premières élections générales auxquelles se présentait le M5S. La tache des sondeurs et des prévisionnistes était donc des plus difficiles. Mais, si l’on considère les chiffres, et si l’on admet qu’un certain nombre d’électeurs du M5S (1 sur 5) n’ont pas souhaité faire état de leur vote dans les sondages de « sortie des urnes », cela signifie que des anciens électeurs tant de gauche que du centre droit ont basculé vers le mouvement de Bepe Grillo. Cette hypothèse est confortée par la remarquable stabilité entre prévisions et résultats réels pour le PDL, qui confirme le fait que Silvio Berlusconi est bien reconnu comme le chef de sa formation et que son discours est largement assumé par ses électeurs. Le vote pour le PDL n’a pas été un vote « honteux », bien au contraire, mais clairement assumé. La signification de ceci est qu’il faut chercher essentiellement à gauche (et secondairement au centre droit) le véritable réservoir des forces du M5S.

    Ceci conduit alors au troisième point : les électeurs italiens voulaient envoyer un message et ils ont utilisé à cette fin les moyens qui étaient à leur disposition. On peut gloser sur le système électoral italien, certes plus « byzantin » que romain ; on peut faire tous les commentaires possibles et imaginables sur la rhétorique tant de Berlusconi, couvert de scandales et rescapé du « bunga-bunga », que de Bepe Grillo. À défaut de partis plus présentables, les Italiens ont voté pour ceux qui leur paraissaient les moins nocifs, autrement dit les moins engagés dans la politique mortifère d’austérité et les moins soumis aux ordres de Bruxelles et aux diktats de Berlin. On est en présence d’une protestation structurée bien plus que d’un simple vote « protestataire ». Le fait que le M5S ait gagné certaines villes lors des dernières élections municipales aurait dû alerter les observateurs. On assiste en fait au début d’un processus d’enracinement du M5S.

    Les conséquences pour la coalition de gauche que représente le Parti Démocrate sont importantes. L’érosion de ce parti dans les derniers sondages, puis dans les résultats, est particulièrement importante. Crédité de 35% à moins d’un mois du vote, il se retrouve finalement avec 29,5%. Le problème réside dans la position intenable qu’il adopta : celle de défendre une « austérité à visage humain ». Les Italiens ont intuitivement compris que de visage humain, il n’y en aurait guère et que seule resterait l’austérité. Mais cela pose un redoutable problème aux forces dites « social-démocrates » en Europe du Sud. Leurs discours n’ont plus aucune crédibilité dans le cadre économique qui est celui de la zone Euro. Il faut soit adopter un discours traditionnel de droite, soit rompre avec les chimères d’une Europe fédérale ; il n’y a plus de demi-mesures possibles.

    Kirk Douglas SpartacusNous en arrivons alors au quatrième point. Ces élections ont été, on l’a dit, une cinglante défaite de la technocratie. À cet égard, on rappelle ce que l’on disait dans une note consacrée à la question de « l’ordre démocratique » mais aussi de la Dictature et de la Tyrannie : « L’ordre démocratique permet de penser les formes nouvelles de la tyrannie (les agences indépendantes), de leur donner un nom précis (le BCE, la « Troïka », la dévolution des principes de l’État à l’Union Européenne sans respect pour les règles de dévolution), mais aussi de montrer ce que pourraient être des cheminements différents qui n’aboutissent pas à des usurpations de souveraineté. L’ordre démocratique permet ainsi de réfuter les illusions d’une technicisation des choix politiques et de redonner toute son importance à la politique elle-même. Il nous permet de penser la Tyrannie et par conséquence la rébellion légitime. »

    C’est bien à une rébellion légitime que nous avons assisté lors de ces élections. Il convient d’en prendre conscience.

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    Les résultats des élections italiennes à peine connus, les commentaires allaient bon train. Le gouvernement français s’est empressé, lui aussi, de faire un communiqué pour minimiser l’importance de ces résultats. Il eût mieux valu qu’il s’affronte directement à la réalité, ne serait-ce que pour en tirer les leçons. Mais on préfère s’enfermer dans une attitude de déni, cette fois avec l’appui d’une partie de la presse française. Que n’avait-on chanté les louanges du dirigeant du Parti Démocrate, Luigi Bersani ou du technocrate tourné politicien Mario Monti. Il suffisait pourtant de sortir de la bulle parisienne, de regarder la presse italienne, britannique ou américaine pour avoir une petite idée de ce qui allait se passer. Mais il est dit qu’il n’y a pas de réalité en dehors de ce que certains cénacles veulent bien dire… Alors, regardons un peu ces élections, et leurs résultats, et cherchons à en extraire les points importants.

    Le premier point qui émerge de ces résultats est à l’évidence l’ampleur du désaveu des politiques inspirées par Bruxelles et Berlin, mais aussi, il faut s’en souvenir, par Paris. Les partis défendant ces politiques n’ont représenté que 40% des électeurs (le PD de gauche de Bersani 29,5% et l’alliance du centre-droit de Mario Monti 10,5%). Les partis refusant ces politiques, et refusant en réalité la logique de l’Euro, ont remporté plus de 54% des suffrages (le PDL de Silvio Berlusconi 29% et le M5S de Beppe Grillo 25,4%). On ne saurait imaginer plus cinglant démenti apporté à ceux qui présentaient le gouvernement Monti comme un « sauveur » de l’Italie. La multiplication d’impôts, souvent vécus comme injustes, les coupes sauvages dans le budget dont ont été victimes les hôpitaux, les écoles, mais aussi le système de retraite, les retards scandaleux de paiements de la part l’État, expliquent largement cette situation. La presse française peut gloser sur la « machine » Berlusconi, elle ne saurait éternellement cacher le fait que si un homme politique chassé sous les huées revient quasiment en triomphateur, c’est bien parce qu’il y a un rejet massif de la politique mise en place par ses successeurs. De plus, ce discours convenu ne saurait expliquer le succès du Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo.

    Ceci conduit alors au deuxième point important : l’erreur manifeste des sondeurs et des estimations de « sortie des urnes ». Deux partis ont été les « victimes » de ces erreurs, le PD, crédité de plus de 33% et se situant finalement à 29,5% (environ 4 points d’écart) et l’alliance de centre droit de Mario Monti crédité par les estimations de 12% et n’en faisant en réalité que 10,5%. Le PDL de Silvio Berlusconi apparaît comme relativement stable. C’est donc le M5S qui a bénéficié de ces erreurs, étant crédité de 18% à 20% et faisant en réalité plus de 25% des suffrages. Il convient immédiatement de dire que ces élections étaient les premières élections générales auxquelles se présentait le M5S. La tache des sondeurs et des prévisionnistes était donc des plus difficiles. Mais, si l’on considère les chiffres, et si l’on admet qu’un certain nombre d’électeurs du M5S (1 sur 5) n’ont pas souhaité faire état de leur vote dans les sondages de « sortie des urnes », cela signifie que des anciens électeurs tant de gauche que du centre droit ont basculé vers le mouvement de Bepe Grillo. Cette hypothèse est confortée par la remarquable stabilité entre prévisions et résultats réels pour le PDL, qui confirme le fait que Silvio Berlusconi est bien reconnu comme le chef de sa formation et que son discours est largement assumé par ses électeurs. Le vote pour le PDL n’a pas été un vote « honteux », bien au contraire, mais clairement assumé. La signification de ceci est qu’il faut chercher essentiellement à gauche (et secondairement au centre droit) le véritable réservoir des forces du M5S.

    Ceci conduit alors au troisième point : les électeurs italiens voulaient envoyer un message et ils ont utilisé à cette fin les moyens qui étaient à leur disposition. On peut gloser sur le système électoral italien, certes plus « byzantin » que romain ; on peut faire tous les commentaires possibles et imaginables sur la rhétorique tant de Berlusconi, couvert de scandales et rescapé du « bunga-bunga », que de Bepe Grillo. À défaut de partis plus présentables, les Italiens ont voté pour ceux qui leur paraissaient les moins nocifs, autrement dit les moins engagés dans la politique mortifère d’austérité et les moins soumis aux ordres de Bruxelles et aux diktats de Berlin. On est en présence d’une protestation structurée bien plus que d’un simple vote « protestataire ». Le fait que le M5S ait gagné certaines villes lors des dernières élections municipales aurait dû alerter les observateurs. On assiste en fait au début d’un processus d’enracinement du M5S.

    Les conséquences pour la coalition de gauche que représente le Parti Démocrate sont importantes. L’érosion de ce parti dans les derniers sondages, puis dans les résultats, est particulièrement importante. Crédité de 35% à moins d’un mois du vote, il se retrouve finalement avec 29,5%. Le problème réside dans la position intenable qu’il adopta : celle de défendre une « austérité à visage humain ». Les Italiens ont intuitivement compris que de visage humain, il n’y en aurait guère et que seule resterait l’austérité. Mais cela pose un redoutable problème aux forces dites « social-démocrates » en Europe du Sud. Leurs discours n’ont plus aucune crédibilité dans le cadre économique qui est celui de la zone Euro. Il faut soit adopter un discours traditionnel de droite, soit rompre avec les chimères d’une Europe fédérale ; il n’y a plus de demi-mesures possibles.

    Kirk Douglas SpartacusNous en arrivons alors au quatrième point. Ces élections ont été, on l’a dit, une cinglante défaite de la technocratie. À cet égard, on rappelle ce que l’on disait dans une note consacrée à la question de « l’ordre démocratique » mais aussi de la Dictature et de la Tyrannie : « L’ordre démocratique permet de penser les formes nouvelles de la tyrannie (les agences indépendantes), de leur donner un nom précis (le BCE, la « Troïka », la dévolution des principes de l’État à l’Union Européenne sans respect pour les règles de dévolution), mais aussi de montrer ce que pourraient être des cheminements différents qui n’aboutissent pas à des usurpations de souveraineté. L’ordre démocratique permet ainsi de réfuter les illusions d’une technicisation des choix politiques et de redonner toute son importance à la politique elle-même. Il nous permet de penser la Tyrannie et par conséquence la rébellion légitime. »

    C’est bien à une rébellion légitime que nous avons assisté lors de ces élections. Il convient d’en prendre conscience.

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    Les résultats des élections italiennes à peine connus, les commentaires allaient bon train. Le gouvernement français s’est empressé, lui aussi, de faire un communiqué pour minimiser l’importance de ces résultats. Il eût mieux valu qu’il s’affronte directement à la réalité, ne serait-ce que pour en tirer les leçons. Mais on préfère s’enfermer dans une attitude de déni, cette fois avec l’appui d’une partie de la presse française. Que n’avait-on chanté les louanges du dirigeant du Parti Démocrate, Luigi Bersani ou du technocrate tourné politicien Mario Monti. Il suffisait pourtant de sortir de la bulle parisienne, de regarder la presse italienne, britannique ou américaine pour avoir une petite idée de ce qui allait se passer. Mais il est dit qu’il n’y a pas de réalité en dehors de ce que certains cénacles veulent bien dire… Alors, regardons un peu ces élections, et leurs résultats, et cherchons à en extraire les points importants.

    Le premier point qui émerge de ces résultats est à l’évidence l’ampleur du désaveu des politiques inspirées par Bruxelles et Berlin, mais aussi, il faut s’en souvenir, par Paris. Les partis défendant ces politiques n’ont représenté que 40% des électeurs (le PD de gauche de Bersani 29,5% et l’alliance du centre-droit de Mario Monti 10,5%). Les partis refusant ces politiques, et refusant en réalité la logique de l’Euro, ont remporté plus de 54% des suffrages (le PDL de Silvio Berlusconi 29% et le M5S de Beppe Grillo 25,4%). On ne saurait imaginer plus cinglant démenti apporté à ceux qui présentaient le gouvernement Monti comme un « sauveur » de l’Italie. La multiplication d’impôts, souvent vécus comme injustes, les coupes sauvages dans le budget dont ont été victimes les hôpitaux, les écoles, mais aussi le système de retraite, les retards scandaleux de paiements de la part l’État, expliquent largement cette situation. La presse française peut gloser sur la « machine » Berlusconi, elle ne saurait éternellement cacher le fait que si un homme politique chassé sous les huées revient quasiment en triomphateur, c’est bien parce qu’il y a un rejet massif de la politique mise en place par ses successeurs. De plus, ce discours convenu ne saurait expliquer le succès du Mouvement 5 Étoiles (M5S) de Beppe Grillo.

    Ceci conduit alors au deuxième point important : l’erreur manifeste des sondeurs et des estimations de « sortie des urnes ». Deux partis ont été les « victimes » de ces erreurs, le PD, crédité de plus de 33% et se situant finalement à 29,5% (environ 4 points d’écart) et l’alliance de centre droit de Mario Monti crédité par les estimations de 12% et n’en faisant en réalité que 10,5%. Le PDL de Silvio Berlusconi apparaît comme relativement stable. C’est donc le M5S qui a bénéficié de ces erreurs, étant crédité de 18% à 20% et faisant en réalité plus de 25% des suffrages. Il convient immédiatement de dire que ces élections étaient les premières élections générales auxquelles se présentait le M5S. La tache des sondeurs et des prévisionnistes était donc des plus difficiles. Mais, si l’on considère les chiffres, et si l’on admet qu’un certain nombre d’électeurs du M5S (1 sur 5) n’ont pas souhaité faire état de leur vote dans les sondages de « sortie des urnes », cela signifie que des anciens électeurs tant de gauche que du centre droit ont basculé vers le mouvement de Bepe Grillo. Cette hypothèse est confortée par la remarquable stabilité entre prévisions et résultats réels pour le PDL, qui confirme le fait que Silvio Berlusconi est bien reconnu comme le chef de sa formation et que son discours est largement assumé par ses électeurs. Le vote pour le PDL n’a pas été un vote « honteux », bien au contraire, mais clairement assumé. La signification de ceci est qu’il faut chercher essentiellement à gauche (et secondairement au centre droit) le véritable réservoir des forces du M5S.

    Ceci conduit alors au troisième point : les électeurs italiens voulaient envoyer un message et ils ont utilisé à cette fin les moyens qui étaient à leur disposition. On peut gloser sur le système électoral italien, certes plus « byzantin » que romain ; on peut faire tous les commentaires possibles et imaginables sur la rhétorique tant de Berlusconi, couvert de scandales et rescapé du « bunga-bunga », que de Bepe Grillo. À défaut de partis plus présentables, les Italiens ont voté pour ceux qui leur paraissaient les moins nocifs, autrement dit les moins engagés dans la politique mortifère d’austérité et les moins soumis aux ordres de Bruxelles et aux diktats de Berlin. On est en présence d’une protestation structurée bien plus que d’un simple vote « protestataire ». Le fait que le M5S ait gagné certaines villes lors des dernières élections municipales aurait dû alerter les observateurs. On assiste en fait au début d’un processus d’enracinement du M5S.

    Les conséquences pour la coalition de gauche que représente le Parti Démocrate sont importantes. L’érosion de ce parti dans les derniers sondages, puis dans les résultats, est particulièrement importante. Crédité de 35% à moins d’un mois du vote, il se retrouve finalement avec 29,5%. Le problème réside dans la position intenable qu’il adopta : celle de défendre une « austérité à visage humain ». Les Italiens ont intuitivement compris que de visage humain, il n’y en aurait guère et que seule resterait l’austérité. Mais cela pose un redoutable problème aux forces dites « social-démocrates » en Europe du Sud. Leurs discours n’ont plus aucune crédibilité dans le cadre économique qui est celui de la zone Euro. Il faut soit adopter un discours traditionnel de droite, soit rompre avec les chimères d’une Europe fédérale ; il n’y a plus de demi-mesures possibles.

    Kirk Douglas SpartacusNous en arrivons alors au quatrième point. Ces élections ont été, on l’a dit, une cinglante défaite de la technocratie. À cet égard, on rappelle ce que l’on disait dans une note consacrée à la question de « l’ordre démocratique » mais aussi de la Dictature et de la Tyrannie : « L’ordre démocratique permet de penser les formes nouvelles de la tyrannie (les agences indépendantes), de leur donner un nom précis (le BCE, la « Troïka », la dévolution des principes de l’État à l’Union Européenne sans respect pour les règles de dévolution), mais aussi de montrer ce que pourraient être des cheminements différents qui n’aboutissent pas à des usurpations de souveraineté. L’ordre démocratique permet ainsi de réfuter les illusions d’une technicisation des choix politiques et de redonner toute son importance à la politique elle-même. Il nous permet de penser la Tyrannie et par conséquence la rébellion légitime. »

    C’est bien à une rébellion légitime que nous avons assisté lors de ces élections. Il convient d’en prendre conscience.

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  • Les populistes ...

    Spectale du monde 201211.jpg

     

    Le numéro de novembre 2012 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré aux populistes. On pourra y lire, notamment, des articles d'Alain de Benoist ("La cause du peuple" ), de François-Laurent balssa ("Le social-populisme de Marine Le Pen"), de Pierre Alexandre Bouclay ("L'europe des populismes"), de Pascal Meynadier ("Le populisme libertarien du Tea Party"), et de François Bousquet ("Le populisme avant le populisme" ; "Christopher Lash, le populisme à la source"), ainsi qu'un entretien avec Vincent Coussedière ("Le populisme est le retour du refoulé de l'existence des peuples".

    Hors dossier, on pourra aussi lire des entretiens avec Jean-Philippe Immarigeon ("L'Amérique se pense comme un aboutissement") et avec  Guillaume de Tanoüarn. Et on retrouvera aussi  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.

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