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peuple - Page 28

  • Géographie sociale et fractures françaises...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte du géographe et sociologue Christophe Guilluy, publié par Le Nouvel Economiste et extrait de son livre Fractures françaises (Bourin, 2010).

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    Boboïsation d'un quartier populaire

     

    «Fractures françaises»

    La transformation des anciens quartiers populaires en quartiers bourgeois et l’appropriation d’un parc de logements historiquement destinés aux couches populaires par des catégories supérieures ne suscitent aucun émoi particulier. Alors que les discours incantatoires sur le manque de logements sociaux n’ont jamais été aussi présents, rares sont les politiques qui s’émeuvent aujourd’hui de la conquête par une petite bourgeoisie du parc privé “social de fait” des grandes villes.

    Ce silence est d’autant plus étourdissant que c’est ce parc privé, et non le parc social, qui, jusqu’à aujourd’hui, a toujours répondu majoritairement aux besoins des couches populaires, et l’ampleur de cette perte ne sera que très partiellement compensée par la construction sociale.

    Le changement de destination d’un parc de logements occupés depuis deux siècles par des catégories modestes est d’autant moins dénoncé qu’il bénéficie aux catégories supérieures et aux prescripteurs d’opinions. On arrive ainsi à une situation ubuesque où ces catégories moyennes et supérieures, celles qui participent le plus à l’éviction des catégories populaires et à l’appropriation de leurs logements, sont aussi celles qui plébiscitent le plus la mixité dans la ville et qui soulignent la nécessité de construire des logements sociaux.

    En réalité, et au-delà des discours grandiloquents, ce sont des logiques foncières et patrimoniales qui déterminent les dynamiques à l’œuvre. Ainsi, si les espaces publics dans les grandes villes ont donné lieu à un partage savant qui permet de maintenir le décorum ouvriériste ou ethnique, les commerces ethniques et les hard-discounters côtoient désormais les bistrots-bobos et les supérettes bio. En revanche, la répartition du patrimoine immobilier ne fait l’objet d’aucune “négociation” de la part des couches supérieures. On accepte à la rigueur le maintien d’un parc social marginal (surtout s’il est destiné aux petites classes moyennes), mais pas le maintien dans le parc privé des catégories populaires. Dans ces quartiers, les bobos sont en train de se constituer un patrimoine d’une très grande valeur en acquérant de grandes surfaces industrielles, artisanales ou en réunissant de petits appartements. Les services des impôts ont ainsi enregistré une explosion des ménages payant l’ISF dans tous les quartiers populaires des grandes villes et notamment à Paris.

    Pour se maintenir dans les grandes métropoles, les catégories modestes n’ont qu’une solution : intégrer le parc de logements sociaux. Hier, très majoritairement locataires dans le parc privé ou propriétaires, les catégories populaires sont dorénavant de plus en plus locataires dans le parc social. De la même manière, alors que la part des propriétaires occupants n’a cessé d’augmenter dans les grandes zones urbaines, celle des propriétaires occupants modestes baisse. Ce basculement du statut d’occupation est un indicateur culturel de la place qu’on accorde aux catégories populaires dans les grandes agglomérations.

    L’embourgeoisement des grandes villes entraîne ainsi une socialisation du statut d’occupation des couches populaires. Cette dépendance croissante vis-à-vis de l’Etat est une caractéristique des couches populaires résidant dans les grandes métropoles embourgeoisées. Elle est d’autant plus grande que, par ailleurs, la part des revenus sociaux a fortement augmenté pour ces populations qui éprouvent de grandes difficultés à s’intégrer à un marché de l’emploi très qualifié. L’évolution de leur statut souligne la marginalisation et la précarisation dont elles font désormais l’objet dans les grandes villes. La différence avec les catégories ouvrières de la ville industrielle est considérable. Intégrées économiquement et politiquement, les catégories populaires étaient hier moins dépendantes de l’Etat.

    Le processus d’embourgeoisement des métropoles risque de s’accentuer par le double effet d’une spécialisation du marché de l’emploi mais aussi de l’influence croissante d’un pouvoir “vert”, qui tend à améliorer la qualité de vie dans les grandes villes en les rendant de plus en plus attractives. L’intérêt des catégories supérieures pour l’achat d’appartements en ville, au détriment des zones périurbaines ou rurales, n’a jamais été aussi élevé.

    L’émergence de la ville mondialisée
    Le mouvement de recomposition sociale des métropoles ne se résume pourtant pas à un simple processus d’embourgeoisement. Il s’accompagne aussi d’un renouvellement des couches populaires grâce à l’arrivée de populations issues de l’immigration. La sociologie traditionnelle héritée de l’ère industrielle s’efface peu à peu pour laisser la place à une sociologie issue du développement métropolitain et de la mondialisation. Ce double mouvement de gentrification et d’immigration participe à un processus de substitution de population complexe, où les couches populaires traditionnelles, ouvriers et employés, sont remplacées par des couches moyennes et supérieures et par des couches populaires immigrées.

    Il apparaît ainsi que la spécialisation du marché du travail des grandes villes vers des emplois très qualifiés, qui a contribué à l’éviction des catégories populaires traditionnelles, ne représente pas un frein à l’arrivée des couches populaires immigrées. Le passage d’une immigration de travail à une immigration familiale a orienté les nouveaux flux migratoires vers les territoires qui concentraient déjà des populations immigrées. L’importance du parc de logements sociaux et de logements privés dégradés a rendu possible l’accueil et le maintien de ces nouvelles couches populaires dans des métropoles où le prix des loyers et des logements avait explosé.

    L’arrivée de ces nouvelles couches populaires, souvent peu ou pas qualifiées, sur un marché de l’emploi très qualifié explique l’importance des difficultés sociales de certains de ces quartiers. La déconnexion au marché de l’emploi métropolitain masque une autre réalité, celle de l’exploitation de ces populations précaires. La main-d’œuvre immigrée, parfois illégale, et mal rémunérée répond fort bien aux besoins de certains secteurs économiques.

    Si l’immigration présente un intérêt certain pour le patronat (dumping social, pression à la baisse des salaires, affaissement de la protection sociale), en revanche, on ne souligne pas assez un autre aspect de cette nouvelle exploitation, qui permet d’offrir un train de vie “bourgeois” aux nouvelles couches supérieures sans en payer véritablement le prix. La nounou et la femme de ménage immigrées, et parfois sans papiers, ne ponctionnent que marginalement le budget des cadres. De la même manière, c’est bien grâce à l’exploitation en cuisine des immigrés que le bobo peut continuer à fréquenter assidûment les restaurants pour une note assez modique. Produit de la mondialisation libérale, la ville prospère non seulement sur un marché de l’emploi très qualifié et bien rémunéré, mais aussi sur un marché de l’emploi précaire caractérisé par une forte pression sur les coûts salariaux. Perceptible dans toutes les métropoles, le remplacement des couches populaires traditionnelles, protégées et structurées politiquement, par des couches populaires immigrées sans poids politique s’inscrit dans une logique économique qui favorise une recomposition sociale basée sur les extrêmes de l’éventail social : couches supérieures et intellectuelles d’un côté, catégories populaires immigrées de l’autre.

    Le problème est que la majorité des prescripteurs d’opinions et des responsables politiques, qui le plus souvent vivent dans ces grandes villes, confondent cette “sociologie métropolitaine” avec la sociologie française dans son ensemble. Ceci explique la facilité avec laquelle la représentation d’une société divisée entre des couches supérieures (le plus souvent “blanches”) et des couches populaires précarisées issues des minorités s’est imposée de gauche à droite.

    Une nouvelle sociologie de la jeunesse
    La nouvelle sociologie des villes a également donné naissance à une nouvelle jeunesse, une jeunesse particulièrement inégalitaire. Les quartiers où la transformation sociale a été portée par un double mouvement d’embourgeoisement et d’immigration ont ainsi vu apparaître une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification.

    Cette sociologie inégalitaire de la jeunesse est à l’origine de l’accentuation des écarts socioculturels constatés dans certains collèges des grandes villes. Dans tous les quartiers populaires qui s’embourgeoisent, on assiste à une augmentation concomitante du nombre d’enfants de cadres et d’enfants issus de l’immigration, notamment dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements parisiens. Cette situation inédite revêt par ailleurs une dimension “ethnoculturelle”. Une partie de la jeunesse “petite bourgeoise”, le plus souvent blanche, “côtoie” ainsi une jeunesse populaire issue des “minorités visibles”. Ce “contact”, ou plutôt cette coexistence, entre les extrêmes de l’éventail social et culturel est souvent source de tensions et parfois de violences. Certaines manifestations ou rassemblements de jeunes et d’étudiants, comme les manifestations lycéennes de février et mars 2005, ont ainsi dégénéré en violences “anti-Blancs 78”. La cohabitation entre une jeunesse issue de l’immigration et une jeunesse issue de la gentrification, distinction dont on parle peu, est pourtant devenue un enjeu considérable dans des villes de plus en plus inégalitaires.

    Une société sur le chemin d’un modèle communautaire
    Le modèle métropolitain est plébiscité par les élites et plus largement par les catégories qui bénéficient le plus de la mondialisation. Modèle économique, il dessine aussi les contours d’un nouveau modèle d’organisation sociale. Dans ce système, les inégalités sociales laissent la place aux inégalités ethnoculturelles au plus grand bénéfice des classes dominantes. Mieux encore, il apparaît que des populations a priori en conflits d’intérêts, couches supérieures et couches populaires immigrées, adhèrent dans une même euphorie au processus d’intégration à l’économie-monde et aux valeurs d’une société multiculturelle “déterritorialisée”. Comment expliquer ce paradoxe ?

    Jamais la “bourgeoisie” ou la “petite bourgeoisie” n’a vécu dans des espaces aussi inégalitaires. Cette accentuation des inégalités au cœur des lieux de pouvoir n’a pourtant débouché sur aucun conflit social majeur. Si les violences urbaines et les émeutes sont récurrentes, elles ne traduisent nullement une contestation radicale du système et restent donc inoffensives. L’économie de marché et l’idéologie libérale ne souffrent d’aucune remise en cause dans les quartiers dits sensibles. D’ailleurs, les émeutes n’ont jamais débouché sur la moindre conquête d’acquis sociaux mais sur des relances de la politique de la ville centrée sur la discrimination positive.

    Laboratoire sociologique et idéologique, les grandes métropoles montrent leur capacité à gérer une société de plus en plus inégalitaire en substituant la question ethnoculturelle à la question sociale. Cette opération vise à désamorcer par avance tout conflit de classes, potentiellement très coûteux. Paradoxalement, dans ce système, les inégalités socioculturelles favorisent la cohabitation. Les différences de classes entre couches populaires immigrées et catégories supérieures disparaissent, tandis que les différences culturelles sont valorisées. La diversité culturelle des grandes métropoles participe ainsi à un efficace brouillage de classe qui permet aux couches supérieures urbaines de maintenir leur domination.

    On comprend dans ce contexte l’attachement de plus en plus marqué des classes dominantes des pays développés à une diversité qui rend acceptables les inégalités en faisant disparaître toute concurrence. La lutte des classes pour l’égalité sociale laisse ainsi la place à un combat pour la diversité et à une légitimisation de l’inégalité. Ne doutons pas d’ailleurs que les minorités visibles puissent obtenir rapidement une meilleure représentation, notamment politique, c’est le prix, relativement modique, de la continuité du système. On comprend donc que, dans les métropoles, l’immigration soit majoritairement perçue comme un processus positif. Elle empêche toute résurgence du conflit de classes, assure la pérennité d’un système de plus en plus inégalitaire socialement pour un coût relativement modeste en comparaison des bénéfices tirés de la mondialisation économique.

    Débarrassé d’une “question sociale”, aujourd’hui délocalisée dans les espaces périurbains et ruraux où se concentrent désormais la majorité des ouvriers et des employés, le champ politique des métropoles s’avère particulièrement apaisé. Les débats politiques se focalisent sur les sujets de société où les socialistes et les Verts excellent. Des majorités vertes et roses se sont ainsi constituées dans la plupart des grandes métropoles et confirment le choix d’une “gestion sociétale” de la ville inégalitaire.

    Dans ce système, les rapports entre dominants et dominés ne se déployant désormais plus que sur un registre sociétal, les nouvelles couches populaires ne peuvent plus jouer que sur la victimisation et la mauvaise conscience des couches supérieures pour influencer le jeu politique. Les politiques publiques en direction des couches populaires (politique de la ville) ou plus largement les mesures de discrimination positive ne sont pas le fruit d’une négociation sociale mais d’abord celui d’un compromis sociétal sur une base ethnoculturelle.

    On peut d’ailleurs se demander si aujourd’hui les métropoles ne sont pas le laboratoire d’un “communautarisme à la française”. Car si le renforcement des flux migratoires et les concentrations ethnoculturelles favorisent un communautarisme de fait, il convient de s’interroger sur une “gestion de plus en plus communautaire” des politiques municipales. Si cette dérive s’explique par la sociologie particulière des métropoles, elle est aussi favorisée par une nouvelle bourgeoisie dont les idéaux l’éloignent de l’égalitarisme républicain.

    La mobilité est l’une des caractéristiques des habitants des métropoles. Dans la logique de la mondialisation libérale, les individus doivent être mobiles, nomades. La positivité des concepts de “villes en mouvement”, de “mondialisation des échanges”, de “mobilité” permet de légitimer la recomposition sociale, c’est-à-dire l’embourgeoisement des villes et la relégation des couches populaires. La “mobilité” et le “nomadisme” ne décrivent plus seulement des déplacements dans l’espace, mais représentent des valeurs positives indépassables. Il apparaît ainsi que, pour les élites, le “world way of life” passe par une mobilité permanente des personnes.

    Dans ce contexte, l’immigration devient peu à peu la norme. Peu importe que le fait migratoire ne concerne en réalité qu’à peine 3 % de la population mondiale, la mobilité des personnes apparaît désormais comme un horizon indépassable. L’immigration sera ainsi perçue comme un progrès, jamais comme un arrachement.
    Dans les métropoles, cette idéologie, qui confère au “bougisme”, est d’autant plus forte que la mobilité caractérise l’ensemble de l’éventail social, des couches supérieures aux couches populaires immigrées. La sociologie des métropoles est aussi une sociologie de la mobilité. Cette dernière constitue une part de l’identité des habitants des grandes villes et sous-tend un rapport particulier au territoire et à la Nation. Cette “déterritorialisation”, qui se confond parfois avec une “dénationalisation”, explique que les métropoles mondialisées soient les territoires qui plébiscitent le plus la gouvernance européenne en attendant la gouvernance mondiale.

    Christophe Guilluy (Le Nouvel Economiste, 26 juin 2012)

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  • Le peuple et "la France moisie"...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Stéphane François, cueilli sur le site Fragments sur les temps présents et consacré au peuple, à ce peuple qui vote mal et fait peur aux éluites médiatiques. Chercheur au CNRS dans le domaine de l'histoire des idées, l'auteur a notamment publié La musique europaïenne (L'Harmattan, 2006), Les Néo-paganismes et la Nouvelle droite (Arche, 2008), Le néo-paganisme : une vision du monde en plein essor (La Hutte, 2012) et récemment L'Écologie politique - Une vision du monde réactionnaire ? (Cerf, 2012). 

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    Le peuple et "la France moisie"

    Cette campagne présidentielle a montré de nouveau le mépris de certaines élites médiatiques vis-à-vis des classes populaires, en raison du score élevé du Front national, reprenant à leur compte le postulat de Philippe Sollers quant à l’existence d’une supposée « France moisie »1. Toutefois, évidemment, la réalité est plus subtile. À l’époque, ce texte avait fait scandale, mais l’idée persista et s’enracina chez certaines élites. Elle réapparut régulièrement depuis, tel un serpent de mer, chez des « faiseurs d’opinions » et chez certains intellectuels. Nous retrouvons dans leur bouche le même mépris du peuple que celui des bourgeois de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle : un mépris de classe, les expressions « peuple » et « classes populaires » ayant dans leur discours une même connotation fortement péjorative (les « classes dangereuses »). Cela montre surtout une chose : cette élite, à l’instar de la bourgeoisie arrogante du XIXe siècle, fait preuve à la fois d’une méconnaissance du « peuple » et, paradoxalement, d’une idéalisation de celui-ci ; il doit être comme ils l’imaginent et non pas tel qu’il est. Petit retour en arrière.

    Rappel(s) historique(s)

    L’idéalisation et la méconnaissance du peuple sont anciennes : elles sont parallèles à l’apprentissage de la démocratie en France, c’est-à-dire depuis le XIXe siècle2, voire dès l’Ancien Régime, avec le soulèvement de la Ligue et des Parlements. Les différents représentants de cette gauche du XIXe, en gros des républicains libéraux, en avaient peur et se demandaient s’il était assez mature pour participer à la vie politique. Les représentants des formations radicales, tels les blanquistes, le jugeaient apathique, voire inféodés à certains élus conservateurs. Ils se proposaient donc de le guider vers la bonne voie, via leurs chefs, ancêtres du révolutionnaire professionnel marxiste-léniniste. L’histoire de la gauche et du peuple dura jusqu’à la chute du communisme en 1989. Cependant, le divorce entre le parti communiste et les classes populaires commença dès la fin des années 1970, à une époque où ce parti surfait sur un national-communisme aux accents xénophobes, cherchant à arrêter l’immigration.

    En effet, au cours de cette période, dans les bassins industriels, qui furent longtemps des bastions communiste, socialiste ou cégétiste, les votes ouvriers ont changé. Depuis le milieu des années 1980, ces régions connaissent une forte augmentation du vote Front national. Ce parti a commencé à séduire le monde ouvrier à partir de 1986, avant de l’attirer massivement à compter de 19953. Les classes populaires, ne sentant pas leurs revendications sociales prises en compte par les politiques, ont alors investi le champ idéologique identitaire comme une thématique de compensation, voire comme une volonté de réduire l’accès au travail, l’emploi se raréfiant. Ces deux points ont été cernés tôt et avec acuités par l’extrême droite. Ces thématiques ont été largement encouragées à cette époque par des stratèges d’extrême droite comme Jean-Yves Le Gallou, à l’origine avec Yvan Blot du concept de « préférence nationale ». Jean-Yves Le Gallou a joué un rôle théorique, une influence intellectuelle importante mais discrète à compter des années 1980. Dès le début des années 1970, alors membre à la fois du GRECE, du Club de l’Horloge (dont il est le cofondateur en 1974 avec Yvan Blot) et du Parti républicain, il condamna l’immigration de masse, destructrice de peuples. La décennie suivante, Le Gallou est l’un des premiers à théoriser cette « préférence nationale »4 et la combiner aux discours mixophobes issus de la Nouvelle Droite des années 1970. Dès lors, il va anticiper les positions identitaires et soutenir l’idée d’une immigration zéro, solution selon lui face à l’« invasion » que serait l’immigration.

    Parallèlement à ces formulations, les références ouvrières furent abandonnées par les partis de gauche, au profit des classes moyennes, une stratégie encore à l’œuvre dans des think tank de gauche comme Terra Nova. L’origine de cette évolution de la gauche est à chercher, dans les acquis de Mai 68, et surtout dans les évolutions des sciences sociales qui en ont découlé. Cette évolution est flagrante, par exemple chez Henri Lefebvre dès le début des années soixante-dix. Celui-ci passa à cette époque du marxisme-léninisme à la défense de la « différence » : « S’il n’y a pas de peuple ou de “culture” privilégiés, il n’y a pas davantage identité ou analogie foncière entre les cultures, les façons de vivre. Chacune à sa raison d’exister, c’est-à-dire une raison de non-identité et de non-ressemblance. L’hypothèse d’une structure intellectuelle identique était encore réductrice. Il n’est dès lors plus question de substituer à la tyrannie des privilégiés celle des modèles prétendument généraux et toujours piégés. Que chacun découvre pour la prendre en charge, en usant de ses moyens (la langue, les œuvres, le style) sa différence. Qu’il l’a situe et l’accentue. À ses risques et périls. Ce qui peut se dire de vastes unités – “L’Afrique”, les “Jaunes”, l’Islam – peut aussi s’affirmer d’unités moindre : les Basques, les Bretons, les Occitans, les Canadiens français, etc. »5.

    En outre, comme le remarque Slavoi Zizek, l’Autre, dans ce type de discours, est parfois « privé de son Altérité (cet autre idéalisé qui danse de façon fascinante, nourrit une approche écologique, saine et holiste de la réalité, dans lequel un phénomène comme celui des femmes battues n’a plus cours…) »6, ou, dans le cas inverse, enfermé dans une altérité extrême, dans une mise « sous cloche ». Dès lors, l’engouement postmoderniste pour le multiculturalisme et le différentialisme culturel devient compréhensible. Ce qui provoquera les évolutions que nous connaissons actuellement, et conduira en retour à la réaffirmation d’une forme d’ethnocentrisme.

    Cette évolution a donc permis au Front national d’investir le rôle de « porte-parole » des « français d’en bas », substituant le marqueur identitaire de classe à celui de race : « La conjoncture économique et sociale, caractérisée par un niveau de chômage élevé, une désindustrialisation rapide et une forte dépendance des sociétés privées les plus performantes par rapport aux capitaux étrangers, produit, surtout parmi les classes moyennes et populaires, un mécontentement réel par rapport à la mondialisation libérale et au désengagement de l’État, caractérisé notamment par les coupes dans le service public et les privatisations.7 » Peut-on dire dès lors que les classes populaires ont basculées massivement vers l’extrême droite ? Cela est plus compliqué. 

    Une anthropologie du peuple

    S’il est vrai que le vote frontiste est élevé chez les ouvriers, nous ne pouvons pas dire qu’ils votent tous pour le Front national. En revanche, d’un point de vue anthropologique, les milieux analysés développent un discours fortement structuré : ils condamnent la mondialisation, mais cette condamnation se double d’un refus des sociétés ouvertes, magistralement analysé en 1945 par Karl Popper8, c’est-à-dire démocratiques libérales en opposition aux « sociétés fermées » d’où est évacué l’« Autre ». Nous sommes en présence d’une sous-culture, à prendre dans le sens d’une subculture9, populaire, d’une sous-culture ouvrière10, d’une « culture du pauvre », comme pouvait la décrire Hoggart11 qui s’exprime par un sentiment d’appartenance sans conscience de classe, par une valorisation du « nous » et par conséquent par un rejet des « autres » qui ne sont pas comme « nous », sans autre forme d’idéologisation. Ce sentiment communautaire/affinitaire, pouvait être contenu, jusqu’au milieu des années 1980, par les partis et syndicats ouvriers et transcendé par un discours politique. Depuis cette époque, ce n’est plus le cas, et le « sens commun » partagé par ces classes populaires en crise d’identité, du fait de l’effacement de ses repères traditionnels, notamment produits par le monde du travail, fait que la qualité de « français » s’est substitué à l’ancienne qualification « d’ouvrier ».

    En retour, ceux-ci font l’éloge des communautés enracinées. De fait, ces milieux, à défaut d’avoir en face de soi un « Autre » lointain et exotique, s’emploient « à mettre en distance le proche (individu ou groupe) pour mieux en faire émerger ce qui constitue “son” identité »12. Bref, « Le lieu de l’altérité s’est déplacé et en quelque sorte intériorisé »13. En outre, Claude Lévi-Strauss, que nous pouvons guère suspecter de racisme, a montré dans Race et culture, une conférence prononcée en 1971, que l’esprit de fermeture et l’hostilité envers l’étranger sont des propriétés inhérentes à l’espèce humaine, donc sur une forme de xénophobie, qui protégerait les sociétés de l’uniformisation, et assurerait donc leur pérennité. D’autres anthropologues ont montré que l’altérophobie est le versant péjoratif du sentiment d’appartenance communautaire ; tandis que l’ethnocentrisme entretient pour sa part des liens étroits avec ces deux éléments. Selon Jean-Pierre Warnier, « sous peine de se marginaliser, tout individu est, et doit être à quelque degré, atteint d’ethnocentrisme »14. Cet ethnocentrisme fait obstacle aux contacts entre les cultures. Il est donc distinct du racisme, mais peut être, parfois, l’expression d’un racisme mixophobique, en particulier dans les milieux d’extrême droite. Tout particulièrement, cet ethnocentrisme, sous ses différentes variantes (extrême ou subtil), se retrouve, au début des années 2000, dans les discours des mouvements dits « identitaires ». Globalement, depuis la fin du XIXe siècle, c’est dans notre système politique « l’extrême droite » qui occupe le créneau principal de ce « nationalisme politique ». On ne saurait cependant réduire les problématiques autophiles et altérophobes à ce champ idéologique15. Ne le nions pas, « l’ethnocentrisme peut prendre des formes extrême d’intolérance culturelle, religieuse, voire politique. Il peut aussi prendre des formes subtiles et rationnelles »16.

    Ces discours correspondent aussi à ce que Pierre-André Taguieff a appelé

    « […] la quatrième vague du nationalisme, celle que nos contemporains vivent dans la fausse conscience, la crainte et la culpabilité diffuse depuis quelques années, pourrait simplement se définir comme l’ensemble des réactions identitaires contre les effets ambigus, à la fois déstructurant et uniformisant, du “turbo-capitalisme”, réactions ethno-nationalistes et séparatistes suscitées par l’achèvement du marché planétaire stigmatisé en tant que “mondialisation sauvage”. Le néo-nationalisme, ou la quatrième vague du nationalisme, renvoie à des formes de mobilisation diversifiées (de l’ethnicité au fondamentalisme religieux), à différents modes de rébellion identitaire, ou plus précisément de résistance des “communautés” ou des identités collectives (dotées ou non d’une conscience nationale) aux effets désagrégateurs, voire désintégrateurs, de la globalisation économique et de la mondialisation de l’information et de la communication, dont les conséquences les plus visibles sont le chômage structurel, la fragilisation de la condition salariale et l’imposition d’une culture de masse planétaire, porteuse d’uniformisation appauvrissante, et plus ou moins violente, des valeurs et des formes de vie.17 »

    Il s’agit donc d’une volonté de repli « entre soi », entre « mêmes » et en rejetant l’« Autre » par peur de l’« insécurité culturelle » provoquée par la mondialisation néolibérale. Nous sommes loin des discours de nos élites mondialisées dans lesquelles Jonathan Friedman voit l’expression d’un ethos cosmopolitique18 « propres aux nouvelles élites transnationales qui détiennent le pouvoir économique et exaltent les vertus de l’ouverture et du voyage »19, tel Jacques Attali. Marc Abélès, voit en outre, dans cette attitude, « un dénigrement de tout attachement au local, à l’État-nation, au collectif. Les “petits”, les rednecks, sont stigmatisés, eux qui se cramponnent à ces repères et qui demeurent “enracinés” »20, c’est-à-dire qui restent attachés à leur commune, à leur région, à leurs pratiques festives populaires, à leur lieu de travail.

    Une communauté populaire antiprogressiste

    En outre, il faut prendre en compte que le monde ouvrier n’est pas forcément intéressé par le progressisme. C’est la grande leçon de Jean-Claude Michéa. Selon, lui, le « peuple » et l’idée de « progrès », à prendre dans son sens sociétal, sont antinomiques : le peuple et ceux qui s’en inspirent s’oppose à l’idée de progrès, qui elle, est défendue par la gauche dite progressiste, faisant l’éloge du déracinement. Si cette dernière, issue des Lumières, fustige depuis les années 1980 l’enracinement, les coutumes et la tradition, les « gens ordinaires », pour reprendre l’une de ses expressions, s’y réfèrent et défendent des solidarités traditionnelles : c’est la « France moisie » de Sollers. Ainsi, Michéa écrit que « Tous ceux – ontologiquement incapables d’admettre que les temps changent – qui manifesteront, dans quelques domaines que ce soit, un quelconque attachement (ou une quelconque nostalgie) pour ce qui existait encore hier trahiront ainsi un inquiétant “conservatisme” ou même, pour les plus impies d’entre eux, une nature irrémédiablement “réactionnaire”.21 » Chez cette gauche, l’idée de progrès est directement associée au libéralisme. N’oublions pas que Georges Sorel voyait dans le progrès « une doctrine bourgeoise ». De fait, Michéa affirme que « le socialisme, à l’origine, n’était ni de gauche, ni de droite »22. En effet, dans les années 1830, lorsque le terme « socialisme » apparaît la gauche était incarnée par les libéraux, qui ne souhaitaient que réformer la société. Ce point a été très bien montré par Christopher Lasch : il a mis en évidence l’absence de « progressisme » dans les mouvements ouvriers et socialistes de cette époque23. Toutefois, cela peut mener soit vers un barrésisme en France, soit vers un socialisme lassalien en Allemagne.

    Pour ces premiers militants, il ne faut pas l’oublier, la révolution industrielle met à mal les « communautés naturelles », c’est-à-dire villageoise. En ce sens, ils se placent dans la continuité de la « société naturelle traditionnelle », théorisée en 1887 par Ferdinand Tönnies. Celui-ci distinguait la Gesellschaft (« société ») de la Gemeinschaft (« communauté ») : la première était selon lui dirigée vers un objectif abstrait, la société, où les relations sont impersonnelles et les obligations morales à l’égard des autres personnes quasiment absentes et la seconde, au contraire, étant un lien social de type naturel et organique, la communauté24. Cette préoccupation communautaire se retrouvait aussi chez un Émile Durkheim, influencée en cela par des penseurs contre-révolutionnaires comme Joseph de Maistre et Louis de Bonald. De fait, la sociologie naissante se pencha sur les maux qui frappaient la communauté. Émile Durkheim, le premier titulaire de la chaire de sociologie, considérait en effet que la société moderne était frappée d’« anomie », c’est-à-dire une dérive sans but de gens sans liens sociaux. Il s’interrogea sur les raisons de cette anomie. Il se pencha tout particulièrement sur le remplacement de la solidarité « organique », c’est-à-dire sur les liens formés dans le contexte naturel des communautés villageoises, des familles et des paroisses, par la solidarité « mécanique », autrement dit sur les liens formés artificiellement par la propagande moderne et les médias. Cette réflexion doit être replacée dans son contexte historique : les premières révoltes socialistes, prémarxistes, visaient non seulement l’égoïsme libéral, mais aussi l’atomisation croissante de la société25. Nous sommes dans un contexte qui donne raison aux thèses de l’économiste socialiste hongrois Karl Polanyi, en particulier dans la continuité des thèses développées en 1944 dans La Grande transformation26 sur l’inexistence dans l’histoire d’un marché libre.

    Toutefois, des auteurs comme Michéa ont tendance à oublier que l’idée de « préférence nationale », parfois rebaptisée « patriotisme social » par Marine Le Pen, n’est pas une innovation idéologique. La « protection du travail national » contre l’immigration de travail était un thème déjà bien connu en France depuis les dernières décennies du XIXe siècle, le socialiste Jules Guesde estimant ainsi que la main d’œuvre immigrée était une modalité patronale de casse des salaires et de la conscience prolétarienne. Les années 1880-1890 avaient vu diverses nouvelles dispositions juridiques limiter les possibilités d’emploi des étrangers en France, réservant certaines professions aux nationaux, tandis que la pratique judiciaire avait utilisé les dispositions prises à l’encontre du terrorisme anarchiste contre des réfugiés ipso facto amalgamés avec ce terrorisme sans raison empiriquement fondée27. Cette idée fut analysée en profondeur en 1997 par Marc Crapez dans sa Gauche réactionnaire28.

    Par ailleurs, dans notre contexte de mondialisation29 et de démondialisation, la solidarité populaire, « communautaire » doit être vue comme une action positive. En effet, la communauté pourrait devenir donc l’une des formes possiblesde dépassement d’une modernité finissante. Le communautarisme permettrait aussi d’arrêter la dissolution du lien social, caractéristique, selon les théoriciens communautaristes anglo-saxons, de notre époque individualiste30. Cependant, nous devons préciser que certains de ces théoriciens communautariens, comme Charles Taylor ou Michael Walzer, ne sont pas fermés à la modernité, mais sont, avant tout, des observateurs attentifs des traits singuliers de certaines « sphères de justice », selon l’expression de ce dernier31. Cette notion de « communauté » renvoie aussi à des pratiques sociales disparues : la réciprocité, l’entraide, la solidarité, les valeurs partagées, etc. De ce point de vue, le mythe communautaire institue, crée du social. Il porte en lui une forte contestation de la réalité, foncièrement néolibérale et destructrice32. Il donne en retour du sens aux déceptions et aux frustrations, permet l’élaboration des projets de régénération de l’ordre social, et enfin, nourrit l’attente d’un bouleversement radical, qui peut être vu dans le vote pour un parti comme le Front national.

    Néanmoins, il faut garder à l’esprit que les bourgeois votent aussi pour le Front national, mais en une optique complètement différente, voire opposée : par antisocialisme, et par habitus culturels. Également, il ne faut pas oublier que la critique du « bobo » conspuant l’électeur frontiste issu des classes populaire masque fréquemment une autre forme du mépris de classe, issu d’une bourgeoisie réactionnaire et cherchant à légitimer en retour un discours que nous pourrions qualifier de « lepénisant ». En effet, par une pirouette conceptuelle, ces personnes, comme Éric Zemmour, ou ces médias, tel Causeur, qui, en condamnant la « boboïtude », tente à la fois de légitimer un discours altérophobe ( avec la critique omniprésente des individus d’origine arabo-musulmanes), proche de celui du Front national et de déligitimer la gauche, forcément « bobo » et mondialiste, auprès des classes populaires et moyennes paupérisées, tout en cherchant à préserver le néolibéralisme. 

    Φ

    L’étude de ces milieux sociaux, populaires, montre un net scepticisme à l’égard de l’expertocratie médiatique, vue comme le lieu de l’émission de la « pensée unique », voire un lieu d’émission d’une « science officielle ». En ce sens, les couches populaires suivent Nietzsche qui écrivait : « Maintenant, pour atteindre la connaissance, il faut trébucher sur des mots devenus éternels et durs comme de la pierre, et la jambe se cassera plus facilement que le mot »33… Ce qui n’est pas forcément un mal. Toutefois, les personnes étudiées ici ont un trait psychologique marqué, commun avec les milieux conservateurs : ils refusent de faire confiance aux hommes et au temps. Or, cette méfiance est l’une des caractéristiques du discours de droite. Et ce point déplaît aux belles âmes qui y voient l’expression d’une « idéologie française »34, quand ils ne considèrent pas les électeurs du Front national comme de grands enfants caractériels qui ont besoin d’une leçon, comme le firent Caroline Fourest et Fiammenta Venner35. Mais, il est vrai que dans cette vision du monde, le présent est odieux en ce qu’il est une étape de la dégradation d’un modèle d’origine valorisé comme un temps béni, un paradis, perdu sous les coups de la modernité36. Pourtant, certains, tel l’écologiste Jean-Paul Besset, essaient ne plus être « progressiste sans devenir réactionnaire »37 : il s’agit, selon nous, de la voie à suivre pour récupérer de nouveau les voix des classes populaires, l’objectif étant de défendre une démondialisation et les emplois industriels. En outre, un intellectuel comme Christopher Lasch, a réhabilité une forme de populisme dans son ouvrage La Révolte des élites, paru en 1995 et traduit en français dès l’année suivante38. Il s’agit aussi d’un exemple à suivre, les classes populaires n’ayant plus confiance dans l’« expertocratie » médiatique, expression, avant tout, de la pensée unique qui a fait tant de ravage. En effet, pendant longtemps nous avons cru en Occident à la révolte des masses. Or, de nos jours, la menace viendrait plutôt de la pensée unique émanant de nos « élites politico-médiatiques ». Il est temps de relire Lasch et de mener un combat pour la liberté et l’égalité au nom des vertus populaires.

    Stéphane François (Fragments sur les temps présents, 7 mai 2012)

     

    Notes

    1 Philippe Sollers, Le Monde, 28 janvier 1999.

    2 Laurent Bouvet, Le Sens du peuple. La gauche, la démocratie, le populisme, Paris, Gallimard, 2012.

    3 Nonna Mayer, Ces Français qui votent Le Pen, Paris, Flammarion, 2002, pp. 35-36. Voir aussi Jean-Yves Camus, Le Front national, histoire et analyse, Paris, Éditions Olivier Laurens, 1996 et Erwan Lecoeur, Un Néo-populisme à la française. 30 ans de Front national, Paris, La Découverte, 2003.

    4 Jean-Yves Le Gallou, La Préférence nationale. Réponse à l’immigration, Paris, Albin Michel, 1985.

    5 Henri Lefebvre, «  Le Manifeste différentialiste », inStéphane Courtois, Jean-Pierre Deschodt et Yolène Dilas-Rocherieux (dir.), Démocratie et révolution. 1789-2011. 100 textes fondateurs, Paris, Éditions du Cerf, 2012,p. 1033.

    6 Slavoi Zizek, Bienvenue dans le désert du réel, Paris, Flammarion, 2005, p. 31.

    7 Jean-Yves Camus, « Le Front national : état des forces en perspective », Les Cahiers du CRIF, n°5, novembre 2004, p. 8.

    8 Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, Paris, Seuil 1979, p. 20.

    9 Nous employons le terme « subculture », à « sous-culture », car cette dernière expression « contre-culture » a une connotation négative, dommageable pour la compréhension de l’idée sous-jacente.

    10 Cf. Michel Wieviorka, La France raciste, Paris, Seuil, 1992.

    11 Richard Hoggart, La Culture du pauvre, Paris, Minuit, 1970.

    12 Marc Abélès, Anthropologie de la globalisation, Paris, Payot, 2012, p. 79.

    13 Marc Augé, « Qui est l’autre ? Un itinéraire anthropologique », L’Homme, n° 103, 1987, pp. 7-26.

    14 Jean-Pierre Warnier, La Mondialisation de la culture, La Découverte, Paris, 2003, p. 29.

    15 Cf. Nicolas Lebourg, « La diffusion des péjorations communautaires après 1945. Les nouvelles altérophobies », Revue d’éthique et de théologie morale, n° 267, 2011, p. 35-58.

    16 Denys Cuche, La Notion de culture dans les sciences sociales, La Découverte, Paris, 2010, p. 23.

    17 Pierre-André Taguieff L’Effacement de l’avenir, Paris, Galilée, 2000, p. 157.

    18 Jonathan Friedman, « Globalization », in M. Edelman & A. Haugerud (dir.), The Anthropology of Development and Globalization. From Classical Political Economy to Contemporary Neoliberalism, Malden, Blackwells, 2005, pp. 179-197.

    19 Marc Abélès, Anthropologie de la globalisation, op. cit., p. 34.

    20 Ibid., p. 34.

    21 Jean-Claude Michéa, Le Complexe d’Orphée. La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Paris, Climats, 2011, p. 14.

    22 Ibid., p. 22.

    23 Christopher Lasch, Le Seul et vrai paradis. Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques, Paris, Climats, 2002.

    24 Cf. Ferdinand Tönnies, Communauté et société, Paris, Presses Universitaires de France, 1946.

    25 Sur le premier socialisme français, voir Tony Judt, Le Marxisme et la gauche française 1830-1981, Paris, Hachette, 1987, en particulier les pages 37-123.

    26 Karl Polanyi, La Grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983.

     

    27 Léon Gani, « Jules Guesde, Paul Lafargue et les problèmes de population », Population, n°6, 1979, pp. 1023-1044 ; Pierre Guillen, « L’Evolution du statut des migrants en France aux XIXe-XXe siècles », L’Emigration politique en Europe aux XIXe et XXe siècles. Actes du colloque de Rome (3-5 mars 1988), École Française de Rome, Rome, 1991. pp. 35-55 ; Laurent Dornel, La France hostile. Socio-histoire de la xénophobie en France (1870-1914), Hachette Littératures, Paris, 2004.

    28 Marc Crapez, La Gauche réactionnaire. Mythes de la plèbe et de la race, Paris, Berg International, 1997.

    29 Cf. Marc Abélès, Anthropologie de la globalisation, Paris, Payot, 2012.

    30 Cf. Laurent Bouvet, Le Communautarisme: Mythe et réalité, Paris, Lignes de repères Éditions, 2007.

    31 Cf. Charles Taylor, Multiculturalisme. Différence et démocratie, Paris, Aubier, 1994 ; Michael Walzer, Pluralisme et démocratie, Paris, Esprit, 1997.

    32 Serge Audier, Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris, Grasset, 2012

    33 Friedrich Nietzsche, Aurore, inŒuvres complètes, t. 1, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1993, p. 998.

    34 Bernard-Henri Lévy, L’idéologie française, Paris, Grasset, 1981.

    35 Caroline Fourest & Fiammenta Venner, Marine Le Pen, Paris, Grasset, 2011.

    36 Michel Winock, « L’éternelle décadence », Lignes, nº 4, octobre 1988, p. 62.

    37 Jean-Paul Besset, Comment ne plus être progressiste sans devenir réactionnaire, Paris, Fayard, 2005.

    38 Christopher Lasch, La Révolte des élites, Paris, Climats, 1996.

     

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  • Eloge du populisme...

    Il faut s’arrêter un instant sur l’expression des adversaires de l’immigration, qui caractérisent celle-ci comme une immigration “de peuplement”. On s’accorde généralement à faire de 1974 un point de bascule quant à la nature de l’immigration, par l’effet du regroupement familial. On passa alors de l’immigration provisoire d’individus, dont les motifs étaient économiques ou de refuge (asile politique), à une immigration d’implantation. Si l’expression “immigration de peuplement” est plus juste encore que ceux qui l’emploient ne le croient, c’est parce qu’elle n’est pas seulement un phénomène quantitatif, mais un phénomène qualitatif : il s’agit effectivement de “faire peuple” à l’intérieur d’un peuple déjà existant. Ce phénomène, qui est loin d’être majoritaire, est en partie nouveau, ne se limite pas à la France, et crée de véritables diasporas à l’intérieur des pays d’accueils. C’est dans la mesure où les immigrés veulent conserver leur similitude avec le peuple du pays d’origine qu’ils refusent l’assimilation au peuple d’accueil, et cela parce qu’il est impossible d’être similaire à deux modèles contradictoires. Il est curieux que l’on déplore comme “populiste” l’attachement du peuple d’accueil à sa similitude, et que l’on encense l’attachement des immigrés à la similitude de leur peuple d’origine.

    Les éditions Elya viennent de publier Eloge du populisme, un essai signé par Vincent Coussedière. Professeur de philosophie, Vincent Coussedière en appelle au travers de ce livre à une recomposition de l'offre politique.

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    "Si un éloge du populisme reste possible, c’est parce que le populisme n’est pas ce phénomène de ressentiment identitaire critiqué par les experts, confondant populisme du peuple et démagogie populiste. Le populisme est d’abord une affirmation, l’affirmation d’un attachement profond à une tradition qu’il s’agit d’imiter. Ce que le peuple veut conserver, ce n’est pas son identité, car il n’a pas d’identité et il le sait. Ce qu’il veut conserver, c’est sa capacité d’imiter une tradition et de reconnaître la similitude de ceux qui l’imitent avec lui. C’est très maladroitement que les mouvements populistes expriment leur revendication dans un langage identitaire, tombant ainsi dans le piège des démagogues. Etre conservateur ne consiste pas à vouloir conserver une identité mais à vouloir conserver une liberté.
    A rebours de cette interprétation méprisante du « populisme », cet essai propose une réévaluation du phénomène. Le populisme n’est plus rabattu sur une forme de démagogie et d’appel au peuple, mais il est repensé comme la réaction, saine en elle-même, d’un peuple politique à sa destruction. Car il y a plus de mémoire politique dans le populisme du peuple que dans les interprétations que proposent les experts de « la tentation » populiste ou de « l’illusion » populiste. C’est cette mémoire politique, retenue encore dans le peuple populiste, et perdue par les élites, qui ménage paradoxalement un avenir au peuple français."

     

     

     

     

     

     

     

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  • L'alternance unique...

    Le 6 octobre 2011, l'essayiste Jean-Claude Michéa était l'invité de l'émission Les Matins, sur France Culture, à l'occasion de la sortie de son livre Le complexe d'Orphée. Vous pouvez regarder - et écouter ! - cette émission ci-dessous.

     


    les matins - Jean-Claude Michéa par franceculture

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  • Les hommes providentiels, une fascination française ?...

    Les éditions du Seuil publient cette semaines un essai de Jean Garrigues intitulé Les hommes providentiels - Histoire d'une fascination française. Professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Orléans, Jean Garriges est notamment l'auteur de La France de la Ve République 1958-2008 (Armand Colin, 2008) et de Les scandales de la République - De Panama à l'affaire Clearstream (Nouveau Monde, 2010).

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    "De Bonaparte à de Gaulle, en passant par Boulanger, Clemenceau, Pétain ou Pinay, et jusqu’à Nicolas Sarkozy, les hommes providentiels ponctuent l’histoire de France. Indissociables des contextes de crise (ce qui les distingue des grands hommes), ils traduisent la rencontre entre le désir collectif d’un peuple et la prophétie d’un sauveur. Quels sont les ingrédients qui composent cette alchimie selon les différentes époques de l’histoire contemporaine ? Quelles circonstances mais aussi quels moyens, quel discours, quelle propagande, quelles images, quelle stratégie pour aboutir à cette figure indispensable qui s’impose à la nation tout entière ?

    Puis il faut passer de l’état de grâce, qui suit la prise du pouvoir, au culte de la personnalité, qui seul permet d’entretenir le mythe. Dès lors, comment cette figure idéale voire fantasmée du sauveur peut-elle se confronter aux enjeux du réel ? Comment évoluent son discours et sa représentation en situation de pouvoir ? Quels sont ses hérauts, ses thuriféraires, ses idolâtres, mais aussi ses caricatures et ses détracteurs ? Et comment enrayer l’effondrement du mythe, comment prévenir le chaos ? Enfin, quand le chêne s’abat, comment resurgit le mythe, comment se réinstalle pour la postérité la figure du sauveur ?"

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  • Un nouveau national-populisme ?...

    « Chez les élites arrogantes et émancipées vivant dans un espace sans territoires ni frontières, l'usage accusatoire du terme "populisme" va souvent de pair avec un mépris du peuple, un mépris affiché doublé d'une peur des mauvais penchants prêtés à ceux qui restent attachés à leur patrie, se sentent enracinés et héritiers d'une longue histoire, et veulent conserver leur identité culturelle.»

     

    Les éditions du CNRS viennent de publier Le nouveau national-populisme, un court essai de Pierre-André Taguieff. Contempteur un peu obsessionnel d'une judéophobie polymorphe et toujours renaissante, Pierre-André Taguieff sait néanmoins, quand il s'éloigne de ce sujet, redevenir l'historien des idées et l'analyste stimulant qu'il a été. On notera, au passage, qu'il distribue quelques beaux coups de sabre aux contre-réactionnaires. A lire !...

     

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    "Après avoir théorisé et imposé l’expression « national-populisme » dans le champ intellectuel à l’orée des années 1980, Pierre-André Taguieff revient, 30 ans plus tard, sur les mutations de ce concept et s’interroge sur son devenir à l’heure de la mondialisation et des bouleversements socio-économiques contemporains. Le nouveau national-populisme désigne aujourd’hui aussi bien les droites radicales européennes que les régimes autoritaires latino-américains ou certaines théocraties islamistes. Un « style » politique arc-bouté sur des principes communs : valorisation des particularismes identitaires, défense du « peuple » contre les « élites », dénonciation du multiculturalisme, refus de la globalisation… Les nouveaux visages du populisme hantent la démocratie et profitent des formidables ressources de la Toile pour se développer. Une poussée inquiétante que Pierre-André Taguieff appelle à combattre par un retour assumé aux grands principes du pacte républicain."

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