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peuple - Page 32

  • La chronique d'analyse politique d'Emmanuel Ratier - 2

    Animateur de la remarquable lettre d'information Faits et documents, Emmanuel Ratier nous livre sa deuxième chronique d'analyse politique et la consacre à la situation du parti socialiste et aux manoeuvres autour de la candidature de Dominique Strauss-Kahn...

     

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  • De la censure en France...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial d'Hervé Juvin, auteur du Renversement du monde (Gallimard 2010), publié sur son site personnel, Regards sur le renversement du monde.

     

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    Censeurs, savez-vous bien ce que vous faites ?

    Ce n’est pas loin, 1976. Cette année-là, on a brûlé dans la cour du Palais de Justice, les bandes du film « L’Essayeuse », de Serge Korber, sur les plaintes d’associations familiales, en raison du caractère pornographique du film. C’était peu de temps après que le doux poète, André Hardellet, ait été condamné pour le livre « Lourdes Lentes » (publié en 1969, le livre fut condamné en 1973 par la 17è chambre correctionnelle pour « outrage aux bonnes mœurs ), au moment où le livre « Le Château de Cène », de Bernard Noël, lui aussi déclenchait les foudres des critiques et des ligues de vertu. Dans les mêmes années 1970, un grand et prestigieux éditeur français publiait, entre autres, « La Petite Marie» (1972), petit livre sous couverture bleue, racontant en termes choisis mais précis l’initiation d’une élève de treize ans par sa professeure et l’amant de celle-ci (1). Et qui se souvient des écrits de Tony Duvert, de Gabriel Matzneff et de tant d’autres ?

    Vingt-cinq ans plus tard, j’ai vu, sur une chaîne de télévision, à une heure de grande écoute, un film à peine coupé du même Serge Korber. Vingt-cinq ans plus tard, nul ne trouverait rien à redire sans doute à ce que le livre d’André Hardellet, celui de Bernard Noël, figurent dans des programmes d’enseignement ; mais il est clair que l’auteur, l’éditeur, les critiques favorables à « La Petite » seraient sans forme de procès embastillés, privés de défense et condamnés par l’opinion avant de l’être par la cour – pensez, une mineure de treize ans !

    Il faudra bien un jour écrire une histoire de nos sensibilités modernes, et prouver à une opinion incrédule à quel point les années, sur le même sujet, et sur les mêmes publics, condamnent ce qui était célébré, et célèbrent ce qui était condamné – en moins d’une génération ! Et il faudra aussi écrire l’histoire de la censure, pour montrer par quels procédés et par quels détournements ceux qui cultivent la haine du peuple et se défient des Français comme de la France, s’emploient à interdire aux Français de dire, de débattre et de décider. Un détour par les Etats-Unis, puritains si l’on veut, sidérés par les étalages de chair aux étalages de nos kiosques à journaux, mais qui titraient, en première page de USA Today, lors de la convention démocrate de Los Angeles, à Beverly Hills, en août 1999, « Est-il bon pour les Etats-Unis d’avoir un vice-Président juif ? » à propos de la désignation du sénateur Liebermann comme second d’Al Gore dans la course à la présidence (2), est significatif  ; une écoute de nouveaux arrivants musulmans, incrédules devant ce qu’ils ressentent comme une provocation sexuelle permanente, conscients de l’abandon de parts grandissantes du territoire aux mafias et aux clans, lucides devant le rôle des réseaux confessionnels dans l’organisation future de ces territoires, l’est tout autant ; et l’aveu récent de Chinois, hommes d’affaires multipliant récemment les allers-retours commerciaux sur la France, incrédules devant les plaintes portées contre des Préfets et des Ministres, et s’étonnant d’une population française bien étrangère à leurs représentations et à leurs attentes, confirme ce que suggère toute écoute d’une conversation de cantine professionnelle ou de table familiale ; « le renversement du monde » est aussi le renversement du domaine de la censure. La diversité humaine est devenue ce qu’était le sexe, ce qui ne se montre pas, ce qui se nie, ce qui se cache à tout prix. Censurer le politique pour débrider le commerce, voilà l’objet caché de la vertu moderne. Tout ce qui peut exciter, affamer, ou seulement réchauffer les désirs d’un consommateur saturé de sollicitations, est désormais autorisé ; et l’épuisement du plus fondamental des désirs humains, le désir sexuel, est programmé par sa sollicitation permanente et détournée vers son unique objet véritable ; le commerce et la banque. En revanche, et c’est le fait nouveau, tout ce qui peut arracher l’individu à sa condition de consommateur désirant sans fin, tout ce qui pourrait lui donner conscience d’une appartenance et d’un lien, d’une identité et d’une foi, d’une singularité et d’une autonomie, doit être interdit, banni et censuré. Vous êtes priés de ne pas penser, désirez seulement ! Le culte de l’indétermination de l’individu est présenté sous les couleurs chatoyantes de sa libération ; libéré de tout, même de lui-même, même de sa liberté et de son autonomie, l’individu isolé moins encore que désolé est livré à l’industrie de production du désir qui règne sans partage.

    Et voilà à quoi sert désormais la censure ; à empêcher que les Français disent ce qui leur importe, parlent de ce qui compte pour eux, et débattent des sujets politiques, c’est-à-dire de leur singularité, de leur circonscription et de leur projet. Passez, il n’y a rien à voir ! Interdit de voir, de compter et de nommer, en parler est déjà coupable ! L’instance mondialiste appuie à fond pour en finir avec la singularité française. Et voilà comment la France n’est plus le pays de la liberté de pensée, depuis qu’elle a laissé passé cette indignité qu’est une loi créant un délit d’opinion. Et voilà comment la France n’est plus une démocratie, depuis que ce qui fait la France et les Français ne peut plus être nommé, compté et désigné. Entre ce que disent les Français entre eux, sur les incivilités et l’insécurités, sur ce que signifie être Français, sur la nécessité d’introduire le droit du sang dans l’accès à la nationalité, sur leur confrontation à des mœurs, des comportements et des relations qui bafouent ce qu’ils ont appris être le Bien et le Vrai, moins du tiers est susceptible d’être exprimé en public, moins du tiers est susceptible d’éviter les foudres des ligues de vertu et des mouvements de dissolution de la France dans le grand tout mondialisé, globalisé et métissé qui habille si bien la haine de soi et des siens. 

    Chacun comprend l’intérêt des censeurs, qui garantissent des parts de marché à l’expression publique autorisée, qui assurent au capitalisme financier un recours illimité à l’esclavage et au trafic de main d’œuvre, qui confortent le pouvoir de mafias autoproclamées et autonettoyantes sur l’espace public médiatique, avec les rétrocommissions assurées. Mais attention ! Le réel se venge toujours. Il est grave que débat politique soit réduit au non-dit, aux sous-entendus, ou au déni. Il est grave que le débat d’idées soit arbitré par le juge, qui n’a ni qualité, ni légitimité, à déterminer ce que les Français peuvent dire, penser, et choisir. Ceux qui croient bon d’attaquer en justice un ministre ou un préfet, simplement parce qu’ils défendent la France et les Français, mesurent-ils l’affaiblissement de l’Etat et de la justice qui découle de ces parodies d’accusation, de défense et de jugement ? Les mensonges sur les vrais chiffres de l’immigration, sur ses coûts et ses avantages, quand ils contredisent si évidemment la réalité, détruisent la foi dans les comptes et les statistiques publics. Les mensonges sur la réalité des délocalisations et du libre-échange, la destruction de l’emploi industriel en France et les bénéfices qui en résultent pour les entreprises, détruisent la confiance dans la politique économique. Les mensonges de l’individualisme méthodologique opposés à l’évidence de la construction dans le temps d’un peuple et d’une Nation, notamment sur le nombre de générations qui font un Français, notamment sur le temps qui fait que tous, peut-être, seront de bons Français, mais dans vingt, trente ans, après quelles épreuves et quels errements !, le déni plus encore du droit des Français à savoir, à dire, et à décider, ne peuvent avoir qu’un effet ; le repli dans le malheur individuel d’abord, la violence de la dignité bafouée et de la survie menacée, ensuite. Ceux-là même qui entendent célébrer et la démocratie, et la République, doivent entendre le message que la démocratie américaine nous envoie ; il n’est aucune question, il n’est aucun sujet qui soit dans l’opinion qui ne puissent être exprimés, instruits, et débattus. Il est certainement des réponses, des propositions et des lois qui sont mauvaises, dangereuses, et qui doivent être refusées. C’est l’objet de la démocratie, et nul des bien pensants par tribu, des sachants par naissance et des autorisés d’eux-mêmes n’a qualité pour dire aux Français ce qu’ils doivent savoir, débattre, et déterminer. Contre la censure, contre le détournement du débat public, contre la confiscation de la démocratie, la tâche de ceux qui croient à la République, à la souveraineté du peuple, condition de l’autorité de l’Etat et de la justice rendue, est urgente, elle sera courageuse, c’est un nouveau combat de Libération qui requiert l’énergie la plus haute, celle de la liberté nationale. 

    Hervé Juvin (10 avril 2011)

    1 – L’éditeur s’appelait Gallimard… Ceux qui veulent prendre du recul sur l’hystérie contemporaine à propos des relations amoureuses entre adultes et mineurs liront avec intérêt l’affaire Gabrielle Russier, et plus encore les débats consacrés à la révision du Code pénal concernant la sexualité et l’enfance, en 1979, tels que le tome 2 consacré aux « Dits et Ecrits » de Michel Foucault ( Quarto, Gallimard), membre de la commission aux côtés de Guy Hocquengem, entre autres, en rend compte ( p. 763 et suivantes, par exemple ). 

    2 – pour conclure, après avoir présenté sur deux colonnes les arguments pour et contre, à l’intérêt pour le peuple des Etats-Unis, d’avoir à la vice-présidence un homme dont la vertu personnelle, la foi religieuse, la quête spirituelle et l’engagement communautaire garantissaient des valeurs fortes.

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  • Orwell, entre littérature et politique...

    La revue Agone consacre son dernier numéro (n°45) à Georges Orwell. Les textes publiés sont issus des contributions d'un colloque universitaire qui s'est déroulé à Lille en mars 2010.  

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    Numéro issu du premier colloque consacré à George Orwell en France, à l’université de Lille III, en mars 2010 : « Orwell, une conscience politique du XXe siècle ».

    Orwell n’a peut-être pas été ce prophète que d’aucuns aimeraient voir en lui, mais sa critique de la gauche offre toujours une base à partir de laquelle repenser la crise des gauches contemporaines. L’honnêteté sans faille de cette critique, la haine de tout ce qui prend l’apparence du politique en éludant les vraies questions ne nécessitent qu’un léger ajustement aujourd’hui.
    Ce qui mérite d’être ravivé, dans ce monde mielleux de tolérance, de réforme modeste et de gauche « propre sur elle », c’est la colère qu’Orwell puisait dans sa haine de l’indécence. La disparition des pauvres et des parias du discours politique montre que la gauche, au bout du compte, accepte les distinctions de classe. Il nous faut réapprendre auprès d’Orwell cette décence qui naît de la colère : son indignation face à l’état du monde, mais également face aux excès des intellectuels de gauche, qui, à bien des égards, ont l’indécence d’ignorer le « peuple » et ses contradictions.



    SOMMAIRE

    Orwell le moderniste, Patricia Rae
    Comme John Rodden nous l’a rappelé dans un livre novateur publié en 1989 sur la réputation de George Orwell, quantité d’étiquettes lui ont été appliquées : « La Voix de la Vérité », « le Rebelle », « l’Homme ordinaire », « le Prophète », « l’Homme vertueux », ou encore « le Saint ». Les critiques en ont ajouté une myriade d’autres, souvent contradictoires en apparence : le Socialiste, le Libéral, le Conservateur, l’Anarchiste Tory. Dans cet article, je me propose d’ajouter à cette liste une épithète qui pourrait même réconcilier certaines de ces appellations contradictoires : le Moderniste. Selon moi, Orwell a sa place aux côtés d’auteurs comme Joseph Conrad, James Joyce, T.S. Eliot, T.E. Hulme et Ezra Pound, qui sont autant de figures canoniques du modernisme littéraire anglo-américain.

    Ni anarchiste ni tory. Orwell et « la révolte intellectuelle », Jean-Jacques Rosat
    Qu’est-ce qui a détourné Orwell de l’anticonformisme de droite d’un Swift ou d’un Waugh, un destin politique qui était particulièrement probable étant donné ses origines sociales, son éducation, et ce qu’il était à dix-huit ans ? (On se souvient du portrait qu’il a rétrospectivement tracé de lui-même : « À dix-sept, dix-huit ans, j’étais à la fois un petit snob poseur et un révolutionnaire. Je n’hésitais pas à me parer de la qualité de “socialiste”, mais il m’était toujours impossible de me représenter les ouvriers comme des êtres humains. J’ai l’impression d’avoir passé une moitié de mon temps à vilipender le système capitaliste, et l’autre moitié à pester contre les receveurs d’autobus. »)
    À mon avis, trois choses au moins l’ont détourné de cette trajectoire : (1) un ensemble de sentiments moraux et sociaux égalitaires, profondément enracinés dans sa propre expérience ; (2) un rapport politique, et non intellectuel ou théorique, au politique : son souci premier n’était pas les idées mais la volonté et l’action ; (3) une analyse rationnelle de l’état du monde en 1936.

    Le peuple d’Orwell, John Crowley & S. Romi Mukherjee
    La référence au « peuple » est omniprésente dans l’œuvre d’Orwell, aussi bien dans ses romans que dans ses essais et articles. Une certaine idée du « peuple » est sous-jacente à ses nombreuses remarques sur des entités collectives plus concrètes comme la classe ouvrière ou la classe moyenne, ou sur des figures représentatives comme le travailleur, l’homme de la rue ou « celui qui gagne cinq livres par semaine », ou encore sur des notions comme celles de décence commune et de sens commun.
    Pourtant, loin d’être systématique ou même cohérent, le populisme politique d’Orwell est avant tout un espace conflictuel, un espace de lutte. Cette lutte résulte de son refus d’invoquer un « peuple » abstrait, messianique et utopique, et de son attention constante aux hommes et aux femmes tels qu’ils sont, à leurs odeurs, leurs angoisses, leur laideur et leurs espoirs. Cette lutte représente bel et bien la tentative opiniâtre d’Orwell pour affronter l’impossibilité apparente d’une conscience politique véritable.

    George Orwell et la question palestinienne, Giora Goodman
    Cet article analyse l’attitude de George Orwell vis-à-vis du sionisme et de la question palestinienne – un sujet qui, aujourd’hui comme de son vivant, n’est pas sans susciter émotions et controverses au sein des milieux de gauche. Si quelques études ont été publiées sur son attitude par rapport aux Juifs et à l’antisémitisme, il reste que sa position sur la question palestinienne mérite qu’on y regarde de plus près, principalement pour deux raisons. Premièrement, sur ce sujet comme sur d’autres, les opinions d’Orwell – où domine l’antisionisme – le plaçaient en porte-à-faux par rapport à beaucoup d’intellectuels de gauche de son époque, qui comptaient pour certains parmi ses amis les plus proches, et pour d’autres parmi ses alliés politiques. D’autre part, il a exprimé ces opinions alors que le conflit palestinien connaissait une véritable flambée en cette dernière décennie du mandat britannique – moment historique clef dont, faut-il le rappeler, les conséquences se font sentir aujourd’hui encore.

    L’anticolonialisme de George Orwell et Bertrand Russell, Olivier Esteves
    Je propose d’étudier ici la pensée anticolonialiste de ces deux intellectuels, en prenant en compte le contexte historique dans lequel chacun d’eux a ­évolué : en effet, si Russell a été témoin de la guerre des Boers (1899–1902) avant de pourfendre, une soixantaine d’années plus tard et notamment pendant sa période dite « guévariste », l’impérialisme américain au Vietnam, l’anticolonialisme d’Orwell s’est surtout nourri de son expérience en Birmanie (1922–1927) et de celle des années 1920 et 1930, avant qu’il puisse assister, au soir de sa vie, à la partition de l’Inde (1947). On n’oubliera pas que, malgré toutes les affinités qui seront relevées, la question de l’Empire est proprement centrale chez Orwell, tandis qu’elle se trouve, chez Russell, en quelque sorte subsumée dans une réflexion plus générale sur des questions aussi diverses que la technologie et l’industrialisme, le libre-échange, les droits de l’homme, la nature du pouvoir, la démocratie et l’internationalisme.

    La fabrication d’une icône : « Orwell l’européen », Christophe Le Dréau
    Au mois de janvier 1947, la rédaction de Partisan Review envoie une ­proposition éditoriale à quelques auteurs qui incarnent la gauche anti­stalinienne : Arthur Koestler, James Burnham, Granville Hicks, Arthur Schlesinger, Victor Serge et George Orwell. Elle leur demande d’y ­répondre sous la forme de contributions qui sont toutes publiées sous un titre ­identique, « The Future of Socialism ».
    Au-delà du sous-titre « Toward European Unity », à première vue sans ambiguïté et qui résonne comme un programme, le contenu de l’article d’Orwell est assez problématique. Il défend avant tout le socialisme et George Orwell s’y montre assez critique à l’égard de l’Europe : s’il approuve le slogan « États-Unis d’Europe », il ne croit absolument pas à sa réalisation ; c’est pour lui un beau rêve, un slogan parfait mais utopique. Donc, si l’unité européenne pourrait être un moyen, elle n’est en aucun cas une fin. L’unité européenne n’est pas bonne en soi ; elle serait bonne si elle devenait le moyen d’imposer le socialisme démocratique en Europe.

    French Orwellians ? La gauche hétérodoxe et la réception d’Orwell en France à l’aube de la guerre froide, François Bordes
    Dans l’étrange et spectaculaire reconnaissance de la figure d’Orwell, le patient travail de lecture et d’interprétation, les enquêtes minutieuses que peuvent mener les historiens et les philosophes avec leurs modestes moyens restent d’une évidente nécessité. À son échelle, le présent article propose d’apporter quelques éléments sur la réception d’Orwell en France à l’aube de la guerre froide, de 1945 à 1948. Il espère ainsi éclairer un peu cette « énigme » que constitue la situation longtemps faite en France à cette œuvre majeure.
    Existe-t-il un courant orwellien en France ? George Orwell, cette grande « conscience politique du XXe siècle », a longtemps été méconnu en France où son œuvre fut le plus souvent réduite à 1984. Ce n’est qu’à partir du « moment antitotalitaire » des années 1970 et du chantier éditorial lancé par les éditions Champ libre que la situation d’Orwell s’est réellement « débloquée ». Il faut donc repartir de ce moment-là.

    Un peu partout avec G. Orwell, interview de George Orwell par William G. Corp

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  • Le garrot...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte intéressant cueilli sur le blog de Maxime Tandonnet. L'auteur aborde la question des normes juridiques imposées par des "autorités judiciaires européennes ne possédant aucune légitimité démocratique. Maxime Tandonnet est un haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, conseiller à l'Elysée et auteur de plusieurs essais, notamment : Le Grand bazar ou l'Europe face à l'immigration (L'Harmattan, 2001) ; Migrations, la nouvelle vague (L'Harmattan, 2003) ; Le défi de l'immigration : la vérité, les solutions (François-Xavier de Guibert, 2004) ; Migration : sortir du chaos (Flammarion, 2006) ; et Géopolitique des migrations : la crise des frontières (Ellipses, 2007).

     

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    Le garrot

    Nous observons en ce moment une prolifération de décisions des juridictions dans les domaines régaliens qui deviennent un obstacle réel à la conduite des politiques. Bien sûr ce phénomène n’a rien de bien nouveau mais il s’accélère depuis quelques années à un rythme vertigineux. Un double mouvement est ainsi à l’œuvre : d’une part l’empilement de lois européennes, de règlements et de directives, qui échappe au contrôle des autorités nationales les décisions étant prises à la majorité qualifiée et en « codécision » avec le Parlement européen ; d’autre part des juridictions, européennes et française, cour de justice européenne, cour européenne des droits de l’homme, conseil constitutionnel, cour de cassation, conseil d’Etat qui s’appuient sur ces textes, sur ces normes pour développer des jurisprudences dont l’effet est d’entraver l’action des pouvoirs publics.

    Quelques exemples récents soulignent cette boulimie normative, procédurière et jurisprudentielle à l’impact dévastateur pour l’autorité de l’Etat:

    - S’appuyant directement sur « la directive retour de 2008 », le Conseil d’Etat vient de rendre un avis le 21 mars 2011 qui de facto, bloque en grande partie les reconduites à la frontière des migrants en situation illégale, jusqu’à la promulgation d’une future loi en débat au Parlement.

    - Un avis de la Cour de Justice de l’Union européenne du 22 juin 2010 limite fortement, en vertu du système Schengen et de la libre circulation, la possibilité d’opérer des contrôles frontaliers dans une bande de 20 kilomètres pour lutter contre l’immigration illégale.

    - La Cour européenne des droits de l’homme, par un arrêt du 23 septembre 2010 (Boussara), interdit à l’administration d’expulser un étranger condamné à 5 ans de prison pour trafic de stupéfiants, l’oblige à le régulariser au nom du droit au respect de la vie privée et familiale.

    - L’article 32 du code communautaire des visas (règlement du 13 juillet 2009) force l’administration à compter du 5 avril 2011, à motiver, justifier tout refus d’accorder des visas de court séjour (2 millions par an) ce qui ouvre la voie à une explosion du contentieux.

    - Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 7 avril 2010 (Jabnoun) oblige l’administration à régulariser un étranger malade, en situation irrégulière, s’il n’a pas personnellement les moyens d’être soigné dans son pays d’origine par exemple une couverture sociale.

    - La Cour européenne des droits de l’homme s’apprête sans doute à remettre en cause la « procédure prioritaire » qui permet de traiter en quelques jours, les demandes d’asiles abusives rendant alors notre système d’asile ingérable.

    -On pourrait aussi parler de la réforme de la garde à vue, imposée par la cour européenne des droits de l’homme et par le Conseil constitutionnel, rendant obligatoire la présence de l’avocat dès le début, et qui préoccupe beaucoup les policiers quant à l’efficacité des enquêtes.

    La seule chose qui est nouvelle, encore une fois, c’est l’accélération stupéfiante de ce phénomène en quelques mois, quelques années. Il correspond sans doute à une tendance globale, la judiciarisation des sociétés sur le modèle américain. Il contribue à affaiblir le politique. L’Etat de droit semble s’emballer, devenir comme fou, au détriment de l’autorité politique, contre le pouvoir du peuple et celui de ses représentants élus, contre la démocratie. Il a sans doute aussi des explications idéologiques : les instances européennes, les juridictions suprêmes font partie de ces élites sous l’emprise de la pensée unique sur la sécurité et l’immigration, qui privilégient les droits formels des individus sur l’intérêt général ou celui des personnes dans leur vie quotidienne. Pour reprendre une expression banale mais juste: trop de droit finit par tuer le droit.

    Nous luttons contre cette tendance, avec acharnement, point par point, sans relâche, mais à contre-courant … On ne pourrait vraiment sortir de ce mécanisme que par une logique de recours au référendum, si un jour les conditions politiques le permettaient sans risque de confusion entre la question posée et un vote de protestation. Face à une décision émanant directement du peuple, on peut supposer que les hautes juridictions choisiraient de se soumettre, sauf à abolir ouvertement la démocratie.

    Pardon à mes lecteurs pour la complexité de ce texte, je crains qu’il ne soit incompréhensible pour des personnes non familières du jargon juridique. C’est une éternelle question: comment expliquer en termes simples, non technocratiques et en quelques mots des sujets d’une complexité inouïe mais vitaux pour notre vie collective.

    Maxime TANDONNET (Le blog de Maxime Tandonnet , 1er avril 2011)

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  • Culture de masse ou culture populaire ?...

    Les éditions Climats rééditent Culture de masse ou culture populaire ?, un essai du sociologue critique américain Christopher Lasch, mort en 1994, dont l'oeuvre a influencé des auteurs comme Jean-Claude Michéa ou Alain de Benoist. Ses ouvrages les plus connus sont désormais disponibles en collection de poche : La culture du narcissisme (Champs Flammarion, 2008), Le seul et vrai paradis (Champs Flammarion, 2006) ou La révolte des élites et la trahison de la démocratie (Champs Flammarion, 2010).

     

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    "La culture de masse est défendue à partir de l'idée qu'elle a permis de faire accéder chacun à un éventail de choix autrefois réservé aux plus riches. La confusion entre démocratie et libre circulation des biens de consommation est si profonde que toute protestation contre l'industrialisation de la culture est automatiquement perçue comme une protestation contre la démocratie elle-même. Alors que le marketing de masse, dans le domaine culturel comme ailleurs, n'augmente pas, mais réduit les possibilités de choix des consommateurs. La culture de masse, homogénéisée, des sociétés modernes n'engendre nullement une " mentalité " éclairée et indépendante, mais au contraire la passivité intellectuelle, la confusion et l'amnésie collective. Ce pseudo pluralisme culturel appauvrit l'idée même de culture et ignore le lien intrinsèque existant entre liberté intellectuelle et liberté politique.
    Une culture vraiment moderne ne répudie pas les schémas traditionnels. La gauche doit donc réviser ses idées sur ce qui fait accéder les hommes à la modernité."

     

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  • Essai sur la schizophrénie de l'opinion...

    Nous publions ci-dessous un point de vue percutant de Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur le site de la fondation Polémia, à propos du livre de Jean Raspail, Le Camp des Saints...


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    Lire ou relire « Le Camp des Saints » : essai sur la schizophrénie de l'opinion

    Il faut lire et relire le livre de Jean Raspail, Le Camp des Saints, l’histoire d’un afflux massif d’un million d’immigrants : ce n’est pas seulement un livre prophétique, c’est la plus pertinente analyse de la situation des quarante dernières années. La fiction romanesque apporte le meilleur éclairage d’une réalité politique fondée sur la tyrannie médiatique et le déni de réalité ethnique.
    Explications :

    Lorsque j’ai appris la réédition du Camp des Saints, j’ai cherché le livre dans ma bibliothèque pour le relire. L’ouvrage avait disparu : sans doute l’avais-je prêté ou donné comme tout un chacun l’a fait pour ce livre qui, comme un samizdat, est passé de mains en mains. J’ai donc racheté Le Camp des Saints et je l’ai relu avec un bonheur (ou un malheur) renouvelé.

    Big Brother, Big Mother et Big Other

    D’emblée Jean Raspail campe la situation dans sa nouvelle préface. L’Europe, la France vivent sous le joug d’une idéologie unique : Big Other. Une admiration sans bornes de l’autre, doublée de la haine de soi, de sa culture, de sa civilisation. Une idéologie unique qui nous assujettit grâce aux méthodes de Big Brother : la société de surveillance que nous connaissons où la police de la pensée est omniprésente. Une idéologie unique qui s’impose d’autant plus facilement aux individus qu’ils sont affaiblis par la tutelle de Big Mother : le principe de précaution qui doit s’appliquer du berceau à la tombe. Sauf dans un domaine, semble-t-il, celui des… politiques migratoires.

    La tyrannie médiatique

    Passons la préface, entrons dans le roman : on y rencontre des autorités politiques impuissantes et des médias qui manipulent l’opinion. Cela ne vous rappelle rien ? Allumez la télévision, ouvrez le poste de radio et vous croirez entendre les grandes consciences bavardes qui peuplent le roman de Raspail : les Dio, les Durfort, les Vilsberg, les Rosemonde Real. Ils sont toujours là pour plaindre le sort des clandestins de Lampedusa et soutenir les « mal logés ». Et l’omniprésent Réseau éducation sans frontières (RESF) utilise les mêmes méthodes que le comité de soutien aux « enfants du Gange ».

    La schizophrénie de l’opinion

    Il y a plus intéressant encore dans le roman de Raspail : la description parabolique de la schizophrénie de l’opinion. Dans Le Camp des Saints, les grands médias dominants prônent l’accueil des « enfants du Gange » ; et Josiane et Marcel, dans leur HLM, se laissent prendre comme les autres par la magie du « verbe dissolvant » ; à Paris, les manifestations de solidarité se multiplient. Mais dans les départements du sud, la population fuit à l’approche du million d’immigrants pouilleux qui s’apprêtent à débarquer des bateaux. Là encore cela ne vous rappelle rien ?

    Depuis trente ans, avec leurs mains, les électeurs ont voté pour des partis peu ou pro-immigrationnistes. Et le douloureux souvenir du 21 avril 2002 où Jean-Marie Le Pen accéda au deuxième tour de l’élection présidentielle hante encore les « bonnes consciences ». Mais les mêmes ont aussi voté avec leurs pieds : beaucoup de Français de souche ont quitté les quartiers de l’immigration. L’immense majorité des fonctionnaires, quel que soit le métier qu’ils exercent et leur syndicat d’appartenance, font tout pour ne pas être affectés en Seine-Saint-Denis. Situées aux frontières des quartiers de l’immigration, l’école Sainte-Geneviève à Asnières vient de refuser 800 demandes d'inscription pour la rentrée de septembre 2011 et l’école Sainte-Jeanne-d'Arc, à Colombes, 700 ! Quel plébiscite !

    Bien sûr, les membres de l’oligarchie sont les premiers à échapper à ce qu’ils préconisent : depuis trente ans le Conseil d’Etat a imposé à la France, par sa jurisprudence et son interprétation idéologique des textes internationaux, la législation la plus laxiste d’Europe. Par une décision du 21 mars 2011, le Conseil d’Etat vient même de rendre impossible l’expulsion des clandestins. Mais 95% de ces éminents juristes, auto-érigés en législateurs, habitent les beaux quartiers et pas un de leurs enfants n’a fréquenté d’école à forte présence de l’immigration. D’un côté les beaux et bons sentiments, de l’autre l’égoïsme salvateur !

    Trancher le Nœud gordien !

    Dans son œuvre, Jean Raspail prête au président de la République (un Pompidou romancé) la formule suivante : « Eh bien, messieurs, il vous faudra attendre (…) pour résoudre l’unique problème du monde contemporain : est-ce que les droits de l’homme auxquels nous tenons tant peuvent être préservés au détriment du droit des autres hommes ? » Quarante ans plus tard, le problème reste crucial : le droit actuel de l’immigration reconnaît tout au droit des individus à immigrer, rien au droit des Etats à contrôler l’immigration qu’ils subissent. Seul le point de vue individuel est pris en compte, jamais le point de vue du collectif et du national.

    Or rien ne sera possible sans affirmation préalable du droit des peuples à sauvegarder leur identité. Après avoir laissé voter la liberticide loi Pleven, Georges Pompidou avait quitté le monde en laissant derrière lui un curieux ouvrage posthume : Le Nœud gordien. Il y posait brillamment les problèmes qu’il n’avait ni pu, ni su, ni voulu résoudre. Qui demain tranchera le Nœud gordien ?

    Jean-Yves Le Gallou
    Polémia
    23/03/2011

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