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peuple - Page 30

  • Les marchés et les oligarques n'aiment pas la démocratie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la crise grecque. A l'issue de ces quelques jours, on a bien compris que non seulement les oligarques n'aimaient pas la démocratie mais aussi qu'ils ne rechigneraient pas à la museler le cas échéant... Nous sommes plus si loin de la doctrine de la souveraineté limitée chère à Brejnev et aux dirigeants de l'Union Soviétique...

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    Les marchés et les oligarques n'aiment pas la démocratie

    Après des semaines de palabres et de sommets internationaux, les gouvernements avaient laborieusement mis au point un nouveau plan de sauvetage de la petite Grèce dont le risque de faillite menaçait, paraît-il, la survie de l’euro : un plan qui exigeait de nouveaux « efforts » de la part des Grecs. Les marchés retrouvaient déjà l’euphorie à l’annonce de ce succès magnifique ! Car les marchés aiment bien que ce soient les peuples qui fassent les sacrifices à leur place.

    Quelle audace !

    Mais voilà que le premier ministre grec annonce qu’il soumettra ce nouveau plan – c'est-à-dire les engagements qu’il a été contraint de prendre au nom de son pays – ainsi que le maintien de la Grèce dans la zone euro, à un prochain référendum.
    Panique dans les salles de marchés : la Bourse de Milan perd du coup 6,8%, celle de Paris 5,38% et New York 2,48% ! Quelle audace ! De quoi se mêle-t-il, celui-là ?

    La propagande de l’oligarchie financière

    Nicolas Sarkozy s’est immédiatement fendu d’un communiqué indiquant que « si donner la parole au peuple est toujours légitime » il convenait néanmoins que chaque pays fasse les efforts requis par la solidarité européenne. En d’autres termes, les Grecs seraient autorisés à voter, mais seulement pour adopter les sacrifices requis par les « grands argentiers ». Le peuple grec, qui souffre depuis quatre ans d’une cascade de mesures de rigueur sans précédent en Europe, ne doit surtout pas s’inviter à la table des négociations. La survie de l’euro est une chose trop grave pour la confier à ces Grecs mafieux, feignants et vivant sur la bête européenne comme tend à nous le faire croire une propagande insidieuse au service de l’oligarchie financière depuis quelques mois.

    L’hypocrite communiqué de Nicolas Sarkozy prend toute sa saveur dans la bouche de celui qui a refusé de tenir compte des résultats négatifs en France du référendum sur la prétendue constitution européenne et qui s’est empressé de l’imposer par la voie détournée de la ratification parlementaire du Traité de Lisbonne.

    Les marchés n’aiment pas les peuples

    Car les marchés n’aiment pas les peuples souverains et fiers d’eux-mêmes. Ils préfèrent avoir affaire à des foules solitaires manipulées, à des consommateurs endettés et à une docile ressource humaine, sommée de s’adapter en permanence à leurs exigences changeantes.

    La démocratie qu’ils souhaitent est une démocratie domestiquée : domestiquée par le politiquement correct, par les médias, par le chantage économique, le cas échéant. Et peut-être un jour par la guerre. Les Irlandais ont été priés de revoter jusqu’à ce qu’ils approuvent le traité constitutionnel : pour les y contraindre les grandes entreprises transnationales ont menacé de remettre leurs projets d’investissement et donc de frapper directement l’emploi des Irlandais. Vous avez dit « Etat de droit» ?

    Un déni permanent de démocratie

    Toute la construction européenne repose ainsi sur un déni permanent de démocratie : elle se résume, en effet, à la mise en place d’un ordre oligarchique qui repose sur trois piliers : la Commission, c'est-à-dire les bureaucraties bruxelloises, les juges de la Cour de justice européenne et, enfin, l’indépendance de la Banque centrale européenne ; trois entités qui ont justement pour caractéristique d’être irresponsables devant les peuples dont ils façonnent pourtant chaque jour un peu plus le destin. L’Union européenne repose sur la déconstruction de la souveraineté des Etats, c'est-à-dire de la souveraineté des peuples européens. Elle repose aussi sur le refus d’assumer et de protéger ses frontières, que l’on a cherché au contraire à détruire avec constance car derrière les frontières il y a l’identité européenne. Mais l’oligarchie européenne ne rêve que d’une Europe ouverte à tous les vents, composée surtout d’immigrés, car elle ne veut surtout pas que notre continent soit un « club chrétien ».

    Les peuples européens n’ont été nullement consultés directement sur cette dérive oligarchique et totalitaire des institutions européennes, que le prétendu « parlement européen » a toujours revêtu de son onction.

    Quand on croyait encore à la croissance tout allait bien. Mais maintenant que vient l’heure des comptes et des sacrifices, on commence à s’interroger sur les belles promesses dont on nous a bercés. L’euro nous rend plus forts ? Mais ce n’est manifestement pas le cas dans les pays du sud de l’Union. Et comment se fait-il que la croissance stagne justement dans la zone euro ? La BCE nous protège de l’inflation ? Oui mais pas des déficits ni du chômage ! Et pourquoi faut-il que le contribuable renfloue les banques ?

    Qui t’a fait roi, disent désormais de plus en plus fort les peuples « indignés » à l’encontre de l’oligarchie européenne.

    Vive la Grèce !

    Quel symbole : la petite Grèce, patrie historique de la démocratie sur notre continent, mère des sciences et des arts et qui a su se libérer du joug ottoman, menace le diktat des marchés. L’ombre de quelques bulletins de vote fait trembler Wall Street ! Tout n’est donc pas perdu. La Grèce nous ouvre une porte.

    Michel Geoffroy (Polémia, 2 novembre 2011)

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  • Chérie, j'ai rétrécie le peuple !...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Christophe Guilluy publiée sur le site Les influences. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010), qui a bousculé quelques dogmes de la bien-pensance.

     

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    Chérie, j'ai rétrécie le peuple

    Dans l’espace médiatique et politique, certains think tanks pèsent plus que d’autres. C’est le cas, dans la période récente, de la fondation progressiste Terra nova et de l’Institut Montaigne. Si l’un est classé à gauche et l’autre plutôt à droite, les deux sont libéraux et donc en phase avec les choix économiques de la classe dirigeante ce qui n’est pas vraiment surprenant puisque, de gauche ou de droite, ces laboratoires d’idées sont financés par les mêmes donateurs, pour l’essentiel, on retrouve des entreprises du CAC 40.

    Le problème est que ces cercles de réflexions ne se contentent pas de faire la promotion du libre-échangisme. Ils produisent aussi de « la représentation sociale ». Et, force est de constater, que, en la matière, ils ont été plutôt efficaces. Les analyses sociales de la fondation Terra Nova ont ainsi très largement été adoptées par le parti socialiste. L’idée que la gauche devrait se concentrer sur un nouvel électorat constitué par des couches supérieures et les minorités, en abandonnant au passage la classe ouvrière, imprègne déjà le PS d’en haut. De la même manière, l’institut Montaigne contribue à imposer l’idée que l’avenir des classes populaires et de la jeunesse se joue désormais en banlieue. L’ennui est que l’essentiel des classes populaires et de la jeunesse populaire ne vit pas sur ces territoires. De gauche à droite, les think tanks libéraux diffusent ainsi une vision très restrictive des classes populaires. Le problème est que cette représentation est désormais adoptée par une majorité des classes dirigeantes.

    L’invisibilité des classes populaires majoritaires à l’écart des grandes métropoles

    Il faut dire que l’idée d’une société divisée entre des classes supérieures et moyennes et des catégories populaires issues de l’immigration a un grand mérite : elle permet de mettre en avant des catégories sociales en phase avec la mondialisation. Cette sociologie est d’ailleurs précisément celle des grandes métropoles c’est-à-dire des territoires qui ont le plus bénéficié de la mondialisation. Dans cette représentation, les catégories populaires, pourtant majoritaire, et qui vivent à l’écart des métropoles dans des espaces périurbains, ruraux et industriels, disparaissent, avec elles, la question sociale. Cette dernière laisse alors la place à une question sociétale, celle de la place des minorités ; soit une thématique bien peu subversive pour les tenants du libre-échange mondialisé.

    Exit la question sociale, exit aussi la recomposition sociale sans précédent à laquelle on assiste avec l‘implosion de la classe moyenne et l’émergence d’une nouvelle classe populaire. S’il n’existe pas de conscience de classe, l’employé du lotissement pavillonnaire, l’ouvrier rural, l’indépendant, le chômeur du bassin minier mais aussi le petit paysan se reconnaissent dans une perception commune de la mondialisation et de ses effets. Cet ensemble forme désormais un ensemble socio-culturel cohérent et définit les contours d’une nouvelle « classe populaire ». Une classe populaire qui s’abstient beaucoup pour les élections, à l’exception notable des Présidentielles.

    Christophe Guilluy (Les infuences, 22 octobre 2012)

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  • "Il va y avoir des territoires qui vont s'ethniciser..."

    Vous pouvez écouter ci-dessous un entretien passionnant avec Christophe Guilluy sur France Culture. Géographe, Christophe Guilluy est l'auteur de l'essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010), qui a quelque peu bousculé le politiquement correct ambiant... 


    Christophe Guilluy - "Fractures françaises" par lAfOIREaUXaTROCITES

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  • Pour un anarchisme conservateur ?...

    A l'occasion de la publication aux éditions Climats de son nouvel essai intitulé Le Complexe d'Orphée - La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Le Nouvel observateur a publié un entretien fort intéressant avec Jean-Claude Michéa, que nous reproduisons ci-dessous. 

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    Pour un anarchisme conservateur

    Dans un essai décapant, Jean-Claude Michéa s'interroge sur la gauche et sa religion du progrès, et défend l'idée d'une «société décente» dans la lignée d'Orwell. Entretien avec un philosophe inclassable.

     

    Le Nouvel Observateur - En quoi le complexe d'Orphée, titre de votre livre, définit-il pour vous l'imaginaire de la gauche progressiste?

    Jean-Claude Michéa - Tout comme un pythagoricien aurait préféré mourir plutôt que de traverser un champ de fèves, un militant de gauche éprouve immédiatement une terreur sacrée à l'idée que quelque chose ait pu aller mieux dans le monde d'avant. Une pensée aussi incorrecte le conduirait en effet à remettre en question le vieux dogme progressiste selon lequel il existe un mystérieux sens de l'histoire, porté par le développement inexorable des nouvelles technologies, et qui dirigerait mécaniquement l'humanité vers un monde toujours plus parfait - que celui-ci ait le visage de l'«avenir radieux» ou celui de la «mondialisation heureuse».

    Difficile alors de ne pas penser au pauvre Orphée qui, pour ramener Eurydice des Enfers, avait dû s'engager à aller toujours de l'avant sans jamais s'autoriser le moindre regard en arrière. Mais la comparaison avec le Juif errant d'Eugène Sue aurait été tout aussi appropriée.

    En quoi l'«anarchisme conservateur» d'Orwell et sa défense d'une «décence commune» des «gens ordinaires» restent-ils pour vous d'actualité?

    Contrairement à Marx - pour qui l'idéal socialiste devait uniquement reposer sur la science-, Orwell a toujours pensé que la critique du capitalisme prenait sa source dans un sentiment moral d'indignation et d'injustice. Il retrouvait ainsi l'esprit des fondateurs du socialisme qui dénonçaient d'abord dans l'ordre libéral un système structurellement fondé sur l'égoïsme et la guerre de tous contre tous.

    Or la compréhension morale qu'«il y a des choses qui ne se font pas» (Orwell) suppose des conditions anthropologiques très strictes. Elle implique, disait Mauss, un système de rapports en face à face structurés par la triple obligation de «donner, recevoir et rendre» et qui constitue à ce titre le «roc» (le terme est de Mauss) sur lequel s'édifie toute communauté possible.

    Certes, pour pouvoir placer ainsi l'idée de décence commune au coeur du projet socialiste, il fallait au préalable la dégager de toutes ses limites historiques (limites qui tenaient moins, d'ailleurs, au fait communautaire lui-même qu'à ses différentes formes d'organisation hiérarchique). Il reste que ce mouvement d'universalisation critique de la common decency trouve nécessairement son point d'ancrage dans ces structures élémentaires de la réciprocité qui fondent depuis toujours la possibilité même d'une vie collective.

    Or ce sont justement ces solidarités premières (les fameux «groupes primaires» de Charles Cooley) que le développement illimité du marché et du droit (donc de l'esprit de calcul et de l'esprit procédurier) menace désormais de détruire de façon irréversible. Orwell avait donc parfaitement raison de souligner le moment «conservateur» de tout projet politique révolutionnaire. La possibilité d'une véritable société socialiste dépendra en grande partie de la capacité des gens ordinaires à préserver les conditions morales et culturelles de leur propre humanité.

    La gauche a-t-elle abandonné l'ambition première du socialisme, mot forgé par Pierre Leroux en 1834?

    Je dirais plutôt qu'elle est redevenue ce qu'elle était avant l'affaire Dreyfus. Jusqu'à cette époque, la gauche - nom sous lequel on regroupait alors les différents courants libéraux et républicains - avait toujours combattu sur deux fronts. D'un côté, contre le «péril clérical et monarchiste» - incarné par les «blancs» de la droite conservatrice et réactionnaire - de l'autre, contre le «danger collectiviste» - symbolisé par les «rouges» du camp socialiste fermement attachés, quant à eux, à l'indépendance politique du prolétariat (c'est pourquoi on ne trouvera jamais un seul texte de Marx où il se réclamerait de la gauche ou, a fortiori, de son union).

    Ce n'est qu'en 1899 - face à l'imminence d'un coup d'Etat de la droite d'Ancien Régime et de ses nouveaux alliés «nationalistes» - que la gauche moderne va véritablement prendre naissance, sur la base d'un compromis - au départ purement défensif - entre les «bleus» de la gauche originelle et les «rouges» du mouvement ouvrier (et cela malgré l'opposition farouche des anarcho-syndicalistes).

    C'est donc ce compromis historique ambigu entre libéraux, républicains et socialistes - compromis scellé contre la seule «réaction» et qui allait donner à la gauche du XXe siècle sa mystique particulière - qui s'est trouvé progressivement remis en cause, au début des années 1980, à mesure que s'imposait partout l'idée que toute tentative de rompre avec le capitalisme (c'est-à-dire avec un système qui soumet la vie des gens ordinaires au bon vouloir des minorités privilégiées qui contrôlent le capital et l'information) ne pouvait conduire qu'au totalitarisme et au goulag.

    C'est avant tout dans ce nouveau contexte que la gauche officielle en est venue à renouer - sous un habillage antiraciste et citoyen - avec ses vieux démons modernistes du XIXe siècle, lorsque sous le nom de «parti du mouvement» elle avait déjà pour mot d'ordre «ni réaction ni révolution».

    Et comme la droite d'Ancien Régime a elle-même cédé la place à celle des adeptes du libéralisme économique de Tocqueville et de Bastiat (qui, on l'oublie trop souvent, siégeaient tous les deux à gauche), on peut donc dire que l'opposition de la droite et de la gauche, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, ne constitue plus, pour l'essentiel, qu'une réactualisation de certains clivages qui, à la fin du XIXe siècle, divisaient déjà le vieux «parti du mouvement» (on dirait maintenant le parti de la croissance et de la mondialisation). Cette disparition progressive des anciens partis blanc et rouge au profit d'un antagonisme électoral intérieur au seul parti bleu explique bien des choses.

    En quoi le capitalisme, qui selon vous se pense prospère et sans limites, est-il historiquement suicidaire?

    A l'origine, le libéralisme se voulait simplement une doctrine des limites qu'il convenait d'imposer à l'emprise de l'Etat, des Eglises et de la tradition afin de protéger la liberté individuelle. Dans la pratique, cette doctrine conduisait donc à défendre le modèle d'une société «axiologiquement neutre» (ou sécularisée) dans laquelle chacun pourrait vivre comme il l'entend, sous réserve de ne pas nuire à autrui (le libre-échange n'étant que l'application de ce principe général à la sphère particulière des activités économiques).

    Si ce système a pu fonctionner si longtemps de façon cohérente, c'est toutefois parce qu'il continuait de s'appuyer implicitement sur un certain nombre de valeurs (de «gisements culturels», disait Castoriadis) dont personne ne songeait encore à questionner l'évidence. Presque tout le monde, par exemple, s'accordait sur l'idée qu'il existait des critères de bon sens permettant de distinguer une action honnête d'une action malhonnête, un fou d'un homme sain d'esprit, un enfant d'un adulte ou un homme d'une femme.

    Or, à partir du moment où toutes les formes existantes de catégorisation philosophique commencent à être perçues comme de pures constructions arbitraires et discriminantes (et le libéralisme culturel conduit tôt ou tard à cette conclusion postmoderne), le système libéral devient nécessairement incapable de définir par lui-même ses propres limites. Et de même qu'une croissance économique illimitée est condamnée à épuiser progressivement les ressources naturelles qui la rendent possible, de même l'extension illimitée du droit de chacun à satisfaire ses moindres lubies personnelles ne peut conduire, à terme, qu'à saper tous les fondements symboliques de la vie en commun.

    A l'image du roi Midas, mort de pouvoir tout transformer en or, il semble donc que les élites globales du libéralisme moderne soient désormais philosophiquement prêtes, pour satisfaire leur cupidité, à détruire jusqu'aux conditions même de leur propre survie.

    Propos recueillis par Gilles Anquetil et François Armanet (Le Nouvel Observateur, 22 septembre 2011)

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  • Apesanteur...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue d'Hervé Juvin, publié sur son blog, Regards sur le renversement du monde,  consacré à ces idéologues, inspirateurs des socialistes français, qui rêvent d'une démocratie sans peuple...

     

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    Apesanteur

     

     

    Un article du tonitruant et controversé Marc Steyn ( The National Post, 25 août 2011), « The post-american Président », éclaire l’étrange sentiment d’apesanteur ressenti à la lecture de maintes contributions au débat socialiste, dans les échanges avec quelques-uns de ceux qui parlent et qui comptent, un sentiment que la lecture du dernier livre de Pierre Rosanvallon ( abondamment présenté par Libération, samedi 27 août ) a renouvelé et approfondi. Avec des talents variables et des convictions respectables, les uns et les autres cherchent à construire leur projet de société. L’un poursuit son travail sur la démocratie, travail novateur puisqu’il suppose, si on l’a bien lu, que l’élection au suffrage universel ne soit plus qu’un accessoire dans un dispositif dont, on respire, les sachants et les bien pensants auraient la maitrise, sans doute pour protéger le peuple de lui-même. D’autres, ou bien le même, se propagent sur l’égalité, ses conditions fiscales, sociales, morales, et j’en passe. D’autres encore traitent de l’homme nouveau, l’homme du XXIè siècle, l’homme sans frontières, sans origine, sans foi et sans sexe, dont il convient que l’Etat lui assure le bonheur, au prix de quelques renoncements accessoires d’ailleurs peu mentionnés, et dont la rigoureuse censure des opinions et du débat est sans doute le préalable.

    Voilà où Mark Steyn pointe un doigt qui porte. Au-delà des polémiques américano-américaines sur les conditions réelles d’acquisition de la nationalité américaine par Barack Obama, le fait est qu’un Président des Etats-Unis d’Amérique choisit de commencer son discours de Berlin par «  People of the world ». Le fait est que, dans son discours du Caire, c’est en dirigeant d’une entité planétaire qu’il choisit de se placer au-dessus des religions, des Nations, pour délivrer un message promptement étouffé par la réalité des intérêts et des engagements américains, dont les débats sur la création d’un Etat palestinien vont vite rappeler la nature. Et le fait est que le talent, l’ambition peut-être, les capacités certainement, des braves candidats à la candidature socialiste, comme de leurs donneurs à penser, ne sauraient s’arrêter à la France et aux Français ; même l’Europe et les Européens les mettent à l’étroit, eux qui oeuvrent dans l’idéal, dans le projet et dans le modèle. De tout ce qui pourrait caractériser la France, de tout ce qui pourrait suggérer qu’il y a peut-être des réalisations, une consistance, une singularité, qui valent d’être défendues, promues, affirmées ; de tout ce qui suggérerait que les Français, dans leur histoire et sur leur terre, et même dans leur frontière et dans leur identité, ont des intérêts qui leur sont propres, sont légitimes à débattre et à faire appliquer leurs choix, plus légitimes encore à vouloir défendre ce moyen suprême de la liberté collective qui s’appelle souveraineté du peuple, pas un mot, pas une trace. Dans l’empyrée  des idées vagues, M. P. Rosanvallon traque l’idéal de la démocratie sans hommes – sans hommes de leur terre, de leur sang, et des leurs. C’est que l’idéologie du sans-frontiérisme, du libre-échangisme et du métissage ravage les consciences molles et les propriétaires du bien. C’est que l’égalité est humaine, ce qui évite de s’interroger sur les conditions concrètes des mutualisations et organisations sociales qui reposent d’abord sur la clôture – et, oui, la discrimination entre ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas. C’est que tout ce qui se nomme particularité nationale, singularité historique, unité culturelle ou politique, est nécessairement haïssable qui en appelle nécessairement à la circonscription géographique de la frontière, humaine de l’identité. C’est qu’il faudrait pour en sortir reconnaître que tous les hommes ne seront pas Américains comme  les autres, ou bien que tous les hommes ne seront pas, ne peuvent pas et d’ailleurs ne veulent pas être des Français comme les autres.

    Ici sans doute, l’analyse doit se préciser et le jugement s’aiguiser. Dans les discours de Barack Obama, l’oreille de Mark Steyn pourrait entendre une toute autre musique, celle dont son patron, le tycoon Conrad Black ( longuement emprisonné pour abus de confiance et présentation de comptes falsifiés), s’est outrageusement fait l’écho ; l’Amérique doit être le monde, et tout ce qui est bon pour l’Amérique est bon pour le monde, et tout ce qui résiste aux intérêts américains incarne le Mal et doit être détruit. Cette vision impériale, et plus encore missionnaire, pour ne pas dire intégriste, vit sans doute ses derniers moments, et il faut s’en réjouir ; le non-interventionniste Ron Paul fait sortir les Républicains de leur vertige de la canonnière, et il y réussit bien. On ne suppose pas que les dirigeants socialistes français aient la même ambition, eux dont un Lionel Jospin, ancien Premier ministre, se fait gloire d’avoir été le bon exécutant de ses maitres américains, en privatisant, en gérant, en sans-frontiérisant et en démantelant ce qui restait des frontières commerciales…  On frémira seulement devant cette alternative ; ou bien, devant le peuple de France qui s’éloigne d’eux, ils rêvent de dissoudre le peuple et de se passer de l’élection ; ou bien ils préparent leur participation au directoire planétaire d’un monde unifié, un monde où les mots de peuple, de Nation et de France n’auraient plus cours, le monde de M. Pierre Rosanvallon, le monde de la fin de la France, des peuples et des Nations.

    Faut-il ajouter que tout cela fait le meilleur garant de la réélection de M. Nicolas Sarkozy ?

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 2 septembre 2011)

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  • Mon traître...

    Disponible au Livre de poche,  Mon traître est un magnifique roman de Sorj Chalandon, dont nous vous vous recommandons la lecture. Amoureux de l'Irlande et sensible au combat de son peuple pour la liberté, l'auteur, qui a couvert le conflit nord-irlandais pour Libération, nous livre aussi une belle réflexion sur l'amitié et l'engagement.

    Vous pouvez lire en lien un entretien avec l'auteur : interview de Sorj Chalandon

     

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    "Mon Traître est l’histoire d’Antoine, luthier parisien qui découvre l’Irlande des violons. Il ne sait rien du Nord. Peu lui importe. Ses héros sont archetiers, grands luthiers de légende. La guerre n’est pas encore passée par lui puis, un jour, elle s’impose. Antoine va devenir Tony, pour les gens de Belfast, parce qu’il les verra vivre et souffrir et se battre. Et qu’ils l’aimeront en retour comme un fils. Et puis il y a Tyrone Meehan. L’Irlande est sa bataille. Il boit, il chante, il vous enlace, il vous prend le bras pour parler en secret. Il est engagé à jamais, sans que jamais rien ne le trahisse. Il est l’insoupçonnable. Tyrone donc, l’ami d’Antoine, son frère, son traître à lui. Tyrone n’est pas Denis (le personnage réel qui a inspiré Tyrone). Leurs regards se ressemblent pourtant. Sorj Chalandon n’est pas Antoine, leur douleur est pourtant la même. Denis Donaldson a été exécuté le 4 avril 2006, alors que Sorj Chalandon écrivait l’histoire de Tyrone Meehan. Il a été tué par une arme de chasse, dans le petit cottage familial qui le cachait. Nous ne savons pas qui tenait le fusil. Personne n’a été accusé ce jour."

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