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occident - Page 37

  • Tour d'horizon... (5)

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    Au sommaire :

    - sur Marianne, Patrick Trannoy voit en Dominique Strauss-Kahn le "candidat surnaturel des marchés" ! 

    DSK, le candidat des marchés ?

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    - sur Metamag, Jean Bonnevey voit dans la guerre de Libye le chant du cygne d'une "communauté internationale" aux ordres de l'empire américano-atlantiste.

    Libye : la communauté internationale en difficulté

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  • Oublier l'occident...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist), publié dans le numéro 139 (avril - juin 2011) de la revue Eléments, actuellement en kiosque. Le magazine des idées bénéficie d'une nouvelle présentation que nous vous conseillons de découvrir.

    Nous rappelons qu'il est est possible de se procurer directement ce numéro sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com

     

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    Oublier l'Occident

    L' « Occident»? Raymond Abellio avait observé que « l'Europe est fixe dans l'espace, c'est-à-dire dans la géographie», tandis que l'Occident est « mobile». De fait, 1'« Occident» n'a cessé de voyager et de changer de sens. Au départ, le terme évoque seulement la terre du Couchant (Abendland), par opposition au pays du soleil levant (Morgenland). A partir du règne de Dioclétien, à la fin du IIIe siècle de notre ère, l'opposition entre Orient et Occident se ramène à la distinction entre l'empire romain d'Occident (dont la capitale fut Milan, puis Ravenne) et l'empire romain d'Orient installé à Constantinople. Le premier disparaîtra en 476, avec l'abdication de Romulus Augustule. Occident et Europe se confondent ensuite, durablement. Cependant, à partir du XVIIIe siècle, l'adjectif « occidental» se retrouve sur les cartes maritimes en référence au Nouveau Monde, appelé aussi « système américain », par opposition au « système européen» ou à 1'« hémisphère oriental» (qui comprend alors aussi bien l'Europe que l'Afrique et l'Asie). Dans l'entre-deux guerres, l'Occident, toujours assimilé à l'Europe, par exemple chez Spengler, s'oppose globalement à un Orient qui devient à la fois un objet de fascination (René Guénon) et un repoussoir (Henri Massis). Durant la guerre froide, l'Occident regroupe l'Europe occidentale et ses alliés anglo-saxons, Angleterre et États-Unis, pour s'opposer cette fois au « bloc de l'Est» dominé par la Russie soviétique. Cette acception, qui permet aux États-Unis de légitimer leur hégémonie, survivra à la chute du système soviétique (ainsi chez Huntington).

    Aujourd'hui, l'Occident a encore changé de sens. Tantôt il reçoit une définition purement économique: sont « occidentaux» tous les pays développés, modernisés, industrialisés, aussi bien le Japon et la Corée du Sud que l'Australie, les anciens« pays de l'Est », l'Amérique du Nord ou l'Amérique latine. « Ex Oriente lux, ex Occidente luxus », disait plaisamment l'écrivain polonais Stanislaw Jerzy Lee. L'Occident perd alors tout contenu spatial pour se confondre avec la notion de modernité. Tantôt, il s'oppose globalement à la dernière incarnation en date de la furor orientalis aux yeux des Occidentaux: l'islamisme. Dans cette vision, une fracture essentielle opposerait l' « Occident judéo-chrétien» à 1'« Orient arabo-musulman », certains n'hésitant à prédire que la lutte finale de « Rome» et d' « Ismaël» -la guerre de Gog et de Magog - débouchera sur l'ère messianique.

    En réalité, il n'existe pas plus d'« Occident» unitaire que d'« Orient» homogène. Quant à la notion d'« Occident chrétien» elle a perdu toute signification depuis que l'Europe a majoritairement versé dans l'indifférentisme et que la religion y est devenue une affaire privée. L'Europe et l'Occident se sont totalement disjoints - au point que défendre l'Europe implique bien souvent de combattre l'Occident. Ne se rapportant plus à aucune aire géographique ni même culturelle particulière, le mot « Occident » devrait en fait être oublié.

    Parlons donc plutôt de l'Europe. En inventant l'objectivité, c'est-à-dire le décentrement par rapport à soi, en cherchant à statuer objectivement sur le vrai, le juste et le bien, l'Europe a voulu d'emblée accéder à l'universel, souci que l'on ne retrouve pas dans les autres cultures. Jean-François Mattéi parle très justement de « regard théorique de l'universel ». Ce souci de l'universel a ensuite dégénéré en universalisme, religieux d'abord, puis profane (il y a autant de distance entre l'universel et l'universalisme qu'entre la liberté et le libéralisme). L'universalisme se résume dans l'idéologie du Même, dans la recherche de la Mêmeté au détriment de la Différence, dans l'affirmation du primat de l'Un sur le Multiple. Mais c'est aussi un ethnocentrisme masqué, dans la mesure où tout souci de l'universel reflète inévitablement une conception particulière de l'universel. Au départ, on avait voulu comprendre les autres à partir des autres, non à partir de soi-même, ce qui était aussi louable que nécessaire. Après quoi, on a renoncé à être soi, ce qui s'est révélé dramatique.

    L'Europe paraît aujourd'hui en déclin sur tous les plans. La construction européenne elle-même se liquéfie sous nos yeux. L'Europe n'est pas seulement 1'« homme malade de la planète économique» (Marcel Gauchet). Elle connaît une crise sans précédent de l'intelligence et de la volonté politique. Elle aspire à sortir de l'histoire, portée par l'idée que l'état présent des choses - l'illimitation du capital et de la technoscience - est appelé à se maintenir indéfiniment, qu'il n'en est pas d'autre possible, et surtout qu'il n'en est pas de meilleur. S'abandonnant à un mouvement qui en a fait l'objet de l'histoire des autres, elle s'exonère d'elle-même. Entre destitution du passé et peur de l'avenir, elle ne croit plus qu'à une morale abstraite, à des principes désincarnés qui lui épargneraient d'avoir à persister dans son être - fût-ce en se métamorphosant. Oubliant que l'histoire est tragique, croyant pouvoir rejeter toute considération de puissance, recherchant le consensus à tout prix, flottant en état d'apesanteur, comme entrée en léthargie, non seulement elle paraît consentir à sa propre disparition, mais elle interprète cette disparition comme la preuve de sa supériorité morale. On pense évidemment au « dernier homme» dont parlait Nietzsche. C'est pourquoi la seule chose qui ne décline pas, c'est l'interrogation sur le déclin - qui se décline partout. Cette interrogation ne relève pas simplement de la tradition du pessimisme culturel. Il s'agit de savoir si l'histoire obéit à des lois intrinsèques excédant l'action des hommes. S'il y a déclin de l'Occident, en tout cas, ce déclin vient de loin et ne saurait se ramener à la conjoncture actuelle, la mondialisation par exemple. Le destin d'une culture est contenu dans son origine. Sa fin même est déterminée par l'origine, car c'est cette origine qui détermine sa trajectoire, sa capacité narrative et le contenu de sa narrativité. Historiquement, l'idée occidentale s'est d'abord exprimée sous une forme métaphysique, puis idéologique, puis « scientifique». Elle s'épuise aujourd'hui, de toute évidence. L'Occident a exprimé tout ce qu'il avait à dire, il a décliné ses mythèmes sous toutes les formes possibles. Il s'achève dans la dissolution chaotique, l'épuisement des énergies, le nihilisme généralisé.

    Toute la question est de savoir s'il existe une autre culture qui, s'étant déjà approprié la modernité, puisse proposer au monde une nouvelle forme de maîtrise de l'universel théorique et pratique, ou si la culture occidentale, parvenue en phase terminale, donnera d'elle-même naissance à une autre. Quand une culture s'achève, en effet, une autre peut toujours la remplacer. L'Europe a déjà été le lieu de plusieurs cultures, il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse pas être encore le foyer d'une culture nouvelle, dont il s'agit alors de déceler les signes avant-coureurs. Cette nouvelle culture fera suite à la précédente, mais n'en sera pas le prolongement. Plutôt que de verser dans des lamentations inutiles, il vaut mieux avoir le regard assez aigu pour voir où - dans quelles marges - croît ce qui permet de garder espoir. On en revient à Spengler, mais avec un correctif: ce qui s'achève annonce un nouveau commencement.

    Robert de Herte

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  • Les snipers de la semaine... (19)

     

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    Au sommaire :

    - sur Investig'Action, le site de Michel Collon, Jean Bricmont allume l'impérialisme humanitaire, à géométrie variable, de l'Occident.

    La Libye face à l'impérialisme humanitaire

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    - sur Voxnr, Christian Bouchet ajuste l'agité de l'Elysée et sa (nouvelle) guerre américaine.

    La grande guerre de Nicolas le petit

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  • Balkans, boucherie et bidonnages...

    Retour douze ans en arrière sur l"ingérence humanitaire" des troupes de l'OTAN contre les Serbes au Kosovo... Xavier Raufer revient sur ce conflit et sur la campagne de désinformation massive à laquelle il a donné lieu, dans un article publié par Le nouvel économiste le 15 février 2011...

     

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    Balkans, boucherie et bidonnages

    Bienvenue dans la boucherie balkanique, rayon Kosovo. Fin janvier, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adoptait un rapport du sénateur helvétique Dick Marty, dont le contenu, de type Grand Guignol, fait dresser les cheveux sur la tête.

    On y lit que de l'été 1998 à octobre 1999, alors que l'UCK contrôle peu ou prou le Kosovo, des chefs de cette guérilla mafieuse kosovare ont fait assassiner des prisonniers, surtout serbes, détenus dans des camps secrets. Les organes de ces victimes étant ensuite prélevés et vendus, aux fins de greffes, sur le marché noir international.

    Une immense machine criminelle internationale s'était alors constituée : un réseau extensif de planques et de cliniques existait, entre le Kosovo et le nord de l'Albanie, jusqu'à l'aéroport de Tirana, servant aux "livraisons". Plus, nombre de complices étrangers, intermédiaires louches, médecins ripoux, cliniques véreuses, etc.

     

    Combien de victimes pour ce crime contre l'humanité chimiquement pur ? "Des centaines de Serbes, de Roms ou d'Albanais "collabos" ont été séquestrés et torturés dans des camps secrets de l'UCK", dit le rapport Marty. Là-dedans, une désormais inévitable enquête devra dire si les victimes des Frankenstein de Pristina se comptèrent alors par dizaines ou bien par centaines.

    Silence gêné sur les deux rives de l'Atlantique à la publication du rapport Marty, les Etats-Unis et nombre de pays d'Europe ayant, à l'époque, soutenu, armé et financé l'UCK, avant de lancer la croisade anti-Serbes du printemps 1999. Silence d'autant plus lourd que cette histoire d'organes était, dans la région, le secret de Polichinelle, nul n'ignorant, de Washington à Ankara, que le Kosovo n'est en fait qu'une zone grise criminelle. Un drame pour la population locale, étouffée par la féroce loi du silence imposée par ses propres mafieux et facilitée par ses "libérateurs" qui, tel Bernard Kouchner, proconsul local de 1999 à 2001, déclarait au quotidien suisse Le Matin (24/11/2000) : "Ne croyons pas à la légende de ce pays mafieux."

    Tous ces silences, cette muette complicité, au nom de la "stabilité" : plutôt la mafia que le désordre. Tout plutôt qu'on apprenne que, voici dix ans, deux millions de malheureux furent livrés à des mafieux, sous la botte desquels ils vivent encore. Mais il y a pire encore, car si l'enquête Internationale sur les trafics d'organes humains fait bien son travail, elle devra forcément s'intéresser aux conditions mêmes dans lesquelles la "guerre de libération" du Kosovo s'est engagée. Là, elle tombera sur la plus incroyable campagne mondiale de désinformation de l'histoire récente - qui pourtant n'en manque pas.

    Voyons plutôt :

    - En janvier 1999, quelque quarante cadavres d'hommes, tués par balles, sont découverts entassés près du village de Račak, au Kosovo. Tempête immédiate ! Le "Massacre de Račak" enflamme (imprudemment) les médias mondiaux. Sauf que : nul ne sait si les victimes sont des civils, ou des guérilleros de l'UCK tués au combat de par le Kosovo et regroupés pour les besoins du show ; nul ne sait (omerta oblige...) si les victimes proviennent de Račak ou de la région ; un seul corps porte des traces de poudre révélant un tir mortel à bout touchant. Les médecins légistes finlandais chargés des autopsies révéleront ensuite avoir subi de longues, d'intenses pressions, pour consentir à parler de "massacre". Fort prudente, l'assemblée parlementaire de l'OTAN parlera enfin, du bout des lèvres, de "massacre présumé de Račak, qui n'a toujours pas été élucidé".

    - En avril 1999 (deux semaines avant le début des frappes aériennes sur la Serbie), Joshka Fisher, ministre allemand des Affaires étrangères, annonce, mélodramatique, que le plan secret de l'état-major serbe, visant au nettoyage ethnique du Kosovo, a été découvert : les Albanais, dit ce ministre, doivent y être massacrés par l'armée yougoslave, puis chassés vers la Macédoine et l'Albanie. Sans rien vérifier, la presse du monde entier révèle alors cette "opération Fer à cheval". Un faux, révèle en février 2000 le général allemand Heinz Loquai, associé au bidonnage ("Serbian ethnic cleansing scare was a fake, says general", Sunday Times, 22/02/2000). Si grossier le faux, que le terme utilisé pour fer à cheval, "Potkova", n'est pas un mot serbe, mais... croate ! Par la suite, l'OTAN se déclare pudiquement "incapable de retrouver l'origine de l'histoire "fer à cheval"". Au même moment, Washington parle du "comportement génocidaire" des Serbes au Kosovo. Le 14 avril 2000, le Monde titre sur "Les sept cent mille fantômes du Kosovo" ; et M. Antoine Garapon, humaniste émotif, lamente à Télérama (23/06/1999) les "centaines de milliers de Kosovars massacrés". Rappel : Le Tribunal pénal international estime en août 2000 (Le Monde, 19/08/2000, une "brève" de 15 lignes) que "le nombre définitif des corps découverts... se situera sans doute entre 2.000 et 3.000"

    Bien sûr, les mafieux et bouchers albano-kosovars doivent être châtiés - notre total rejet de la culture de l'excuse ne s'arrêtant pas aux portes des Balkans. Cependant, ceci : les mafieux des Balkans ne sont pas de grands Machiavels. L'auteur de ces lignes en a côtoyé plus d'un : ils sont violents, madrés, émotifs, sadiques parfois - mais pas très doués. Séculairement, dans leurs fiefs, ils tendent à calquer leur attitude sur ceux qui, à l'instant, les dominent. Leur expérience est millénaire ! Byzantins, Ottomans, Austro-Hongrois, communistes - ils ont tout vu passer chez eux.

    D'où leur sens inné de la réciprocité - comme tu es, je suis ; comme tu agis, j'agis.

    Ainsi, multiplier sous les yeux mêmes des mafieux locaux les coups de voyou comme ceux ci-dessus dépeints - pire, les y associer ; nier (à leur grande joie) l'existence même des mafias, tout cela stimule en eux la pulsion criminelle. Agir en voyou dans les Balkans garantit, ô naïfs de Washington et de Bruxelles, de voir les voyous s'y déchaîner.

    Xavier Raufer (Le nouvel économiste, 15 février 2011)

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  • Retour au Camp des Saints...

     « La pitié ! La déplorable, l’exécrable pitié, la haïssable pitié ! Vous l’appelez : charité, solidarité, conscience universelle, mais lorsque je vous regarde, je ne distingue en chacun de vous que le mépris de vous-mêmes et de ce que vous représentez. […] En pariant sur la sensibilité, que vous avez dévoyée, des braves gens de chez nous, en leur inculquant je ne sais quel remords pour plier la charité chrétienne à vos étranges volontés, en accablant nos classes moyennes prospères de complexes dégradants […], vous avez créé de toutes pièces au coeur de notre monde blanc un problème racial qui le détruira, et c’est là votre but. »

     

    Les éditions Robert Laffont viennent de rééditer Le Camp des Saints, l'extraordinaire roman de Jean Raspail, publié initialement en 1973, qui met en scène l'invasion pacifique d'un Occident impuissant par le Tiers-Monde. Visionnaire, prophétique, le livre l'était en identifiant les maux dont souffre notre civilisation et qui provoquent son effondrement : irénisme, veulerie, bienpensance, haine de soi, lâcheté... L'auteur a fait précéder cette nouvelle édition d'une longue préface, particulièrement incisive, intitulée Big Other, qui se veut un dernier cri d'alarme avant la submersion définitive.

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien de l'auteur avec Bruno de Cessole, publié par l'hebdomadaire Valeurs actuelles.

     

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    Jean Raspail : “Ouvrir les yeux sur les mensonges”

    Revenant sur l’étonnante aventure de son livre, Jean Raspail raconte sa genèse comme les raisons de son audience, et confie ses ultimes convictions.

    Votre livre le Camp des saints, qui est réédité ce mois-ci avec une importante préface inédite, a été publié la première fois en 1973. Comment s’est imposé à vous ce que l’on peut considérer com­me votre premier grand ro­man ?

    Effectivement, j’avais publié auparavant deux romans de jeunesse qui n’avaient pas eu beaucoup d’écho, et des récits de voyage qui avaient touché un assez large public. L’image qu’ils donnaient de moi était celle d’un écrivain voyageur, qui se penchait avec intérêt et sympathie sur des peuples étrangers ou des minorités oubliées. Le Camp des saints tranchait de façon radicale à la fois avec cette image et avec la nature de mes précédents ouvrages, et même tranche avec mes romans ultérieurs. Si un livre m’a été “donné” ou “inspiré”, ce fut bien celui-là, encore que je n’accorde pas une considération particulière à la notion romantique de l’écrivain “mage et prophète”…

    On m’avait prêté une villa au bord de mer, dans le Midi. De la pièce que j’avais choisie pour écrire j’avais une vision à 180° sur l’horizon. Un jour que je contemplais cette vue idyllique, je me suis dit : « Et s’Ils arrivaient de la mer ? » Je me suis vu à la place du vieux professeur qui, du haut de sa terrasse, aperçoit dans sa longue-vue une armada de rafiots en ruines avec leur cargaison d’émigrants misérables rêvant à la Terre promise de l’Occi­dent.

    Je n’avais aucune idée de ces “Ils”, et pas davantage des personnages du roman, de l’intrigue et moins encore de sa fin. J’ai commencé à écrire, sans aucun effort, ce qui ne m’était pas naturel, et deux ans plus tard le livre était achevé. Le titre m’est venu de la lecture de l’Apocalypse, du chapitre 20, qui annonce qu’au terme de mille ans, des nations innombrables venues des quatre coins de la Terre envahiront « le camp des saints et la Ville bien-aimée ».

    En aucune façon vous n’avez été sensible à la pression de l’actualité ?

      Nullement, car on parlait peu à cette époque des flux migratoires. C’est sous la présidence de Giscard qu’a été inaugurée la politique de regroupement familial, qui a généré ces flux. Le Camp des saints ne fait pas référence à une communauté précise d’émigrants. Il n’est question ni des populations du Maghreb ni de l’Afrique, et aucunement d’une communauté religieuse particulière.

    Les migrants que j’évoque représentent le tiers-monde dans son ensemble. Si je les appelle les « gens du Gange », c’est que l’idée de multitude innombrable était liée dans mon esprit au continent indien. Quant à l’armada de bateaux hors d’âge sur lesquels ils embarquent, il s’agit d’une réminiscence de l’Exodus et aussi du phénomène plus récent des boat people, à cette exception près que les raisons de l’exode de ces derniers étaient politiques.

    Quelles ont été les réactions de l’éditeur à la réception de votre manuscrit, puis de la presse et du public à la sortie du livre ?

    Robert Laffont, mon éditeur, et toute son équipe lui ont réservé un accueil très chaleureux. Du côté de la presse, qui, au début, n’a pas été très abondante, les journaux de gauche sont restés silencieux et, dans la presse de droite, le livre, s’il a été loué par Valeurs actuelles, sous la plume de Pol Vandromme, a été éreinté par le Figaro

    En fait, la critique s’est surtout manifestée lors de la réédition de 1985, pour laquelle j’avais donné une préface, sous le premier septennat de François Mitterrand. C’est alors que j’ai fait l’objet d’un tir de barrage et qu’on m’a décrété infréquentable. Il y a eu de vio­lentes attaques, notamment celle de Max Gallo, qui, depuis, a quelque peu changé d’avis…

    À l’étranger, le Camp des saints a été traduit dès 1975 aux États-Unis chez Charles Scribner’s Sons à New York et a suscité quantité d’articles. Le livre a été bien accueilli du public, et même des universitaires, qui l’ont inscrit au programme de plusieurs établissements. Dans la foulée, de nombreuses traductions étrangères ont suivi… En France, le livre s’est écoulé à 15 000 exemplaires, moins que ce qu’espérait Laffont, puis, vers la fin de 1974, alors qu’il aurait dû achever sa carrière, les commerciaux, à leur surprise, ont observé qu’il poursuivait sa progression. Jusqu’à la réédition de 1985, quelque 8 000 exemplaires par an, en moyenne, se sont vendus grâce au bouche à oreille. Je n’ai jamais rencontré un seul de ses lecteurs qui n’en en ait acheté qu’un exemplaire. Ils le prê­taient, on ne le leur rendait pas, ils en acquéraient un autre. Ainsi le Camp des saints a-t-il élargi son audience pour atteindre, toutes éditions et traductions confondues, près de 500 000 exemplaires jusqu’à aujourd’hui.

    Attachez-vous un prix particulier à cette réédition de 2011 et à la préface “musclée” que vous avez rédigée, sous le titre : « Big Other »?

    Cette réédition revêt pour moi une importance plus haute que les précédentes car il me semble que le moment où elle s’inscrit est crucial. La vi­sion développée dans le roman sera sans doute une réalité au­tour de 2050. La plupart des démographes sont d’accord sur le caractère inéluctable du phénomène, qui touche d’autres pays d’Europe. Les minorités dites visibles seront alors des majorités et ce sont les Français dits de souche qui seront minoritaires. Des pans entiers de ce pays seront peuplés de Français d’origine extra-européenne.

    On me dira que la France a été constituée par des vagues d’immigration successives. Certes, mais l’immigration des siècles précédents était composée d’immigrés d’origine européenne, qui, en deux ou trois générations, se sont intégrés dans le modèle français. Or, le modèle d’intégration républicain se révèle inopérant depuis au moins une décennie. On assiste à la prolifération du communautarisme, à la juxtapo-sition de groupes revendiquant leurs différences ethniques, religieuses, culturelles, qui ne se reconnaissent pas dans le “vouloir vivre ensemble” qui fait le ciment d’une nation, comme le soulignait Renan.

    Je défie nos gouvernants de prétendre qu’il s’agit là d’un progrès. Nous sommes ou serons confrontés à un retour à la tribalisation, qui m’apparaît comme le contraire de la civilisation. On a beaucoup parlé, récemment, de la nature de l’identité française, des limites de notre capacité assimilatrice, et puis on a enterré le débat dès que Big Other a froncé le sourcil. Qu’est-ce que Big Other ? C’est le produit de la mauvaise conscience occidentale soi­gneusement entretenue, avec piqûres de rappel à la repentance pour nos fautes et nos crimes supposés –  et de l’humanisme de l’altérité, cette sacra-lisation de l’Autre, particulièrement quand il s’oppose à notre culture et à nos traditions. Perversion de la charité chrétienne, Big Other a le monopole du Vrai et du Bien et ne tolère pas de voix discordante.

    Je n’ai jamais été un écrivain engagé, mais je n’ai jamais, non plus, dissimulé mes convictions, et j’aimerais que le Camp des saints ouvre les yeux des lecteurs sur les mensonges et les illusions qui pervertissent notre vie publique. Depuis sa parution, j’ai reçu énormément de courrier, et j’ai discuté avec nombre d’hommes po­litiques, de droite et de gau­che. Ce qui m’a frappé, c’est le contraste entre les opinions exprimées à titre privé et celles tenues publiquement. Double langage et dou­ble conscience… À mes yeux, il n’y a pire lâcheté que celle devant la faibles­se, que la peur d’opposer la légi-timité de la force à l’illégitimité de la violen­ce.

    Je crains, hélas ! que l’épilogue de la pièce ne soit déjà écrit, mais j’aurai au moins joué mon rôle d’estafette et essayé de libérer le pouvoir de la parole. À l’âge que j’ai, du reste, je n’ai plus rien à perdre : cette réédition est ma dernière “sortie”. L’occasion de rappeler, sans mépris et sans haine, que l’Autre, contrairement à ce qu’assurait François Mitterrand, n’est pas totalement chez lui chez moi !

    Propos recueillis par Bruno de Cessole (Valeurs actuelles, 10 février 2011)

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  • Dix questions sur les "révolutions arabes"...

    Se poser des questions, c'est commencer à réfléchir !... Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial de Polémia, daté du 2 février 2011, qui pose de bonnes bases de départ pour analyser ce flot d'images et de paroles qui nous submerge depuis plusieurs semaines.

      

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    Dix questions sur les "révolutions arabes"


    Que sait-on vraiment ?

    Des manifestations, des émeutes, des morts, un dictateur en exil, un autre fragilisé. Voilà ce que nous savons. Mais pour le reste « les écrans font écran » à la réalité et les interrogations sont multiples : peut-on croire à la spontanéité des manifestations ? Quelle est l’ampleur des pillages ? Et quelle est leur origine ? Que se passe-t-il en dehors des capitales et dans les provinces rurales ? Quels sont les jeux des différents groupes d’intérêts ? Quel est le poids des ingérences étrangères ?

    Quelles sont les raisons de l’asymétrie médiatique ?

    Les médias français – et occidentaux – ont été plus « allants » sur la Tunisie que sur l’Algérie et l’Egypte : 50 ans après l’indépendance, le FLN algérien et l’armée algérienne, quasi maffieuse, continuent de bénéficier d’une image « progressiste » ; quant à l’Egypte, il est difficile d’oublier son rôle de partenaire privilégié d’Israël et des Etats-Unis, pays qui souhaitent une « transition ordonnée ». Ce qui conduit les médias dominants à davantage de prudence sur l’Egypte que sur la Tunisie, pays moins stratégique.

    Jusqu’où ira l’impérialisme américain ?

    Au nom du « devoir d’ingérence » humanitaire les chancelleries occidentales prennent position publiquement dans les processus politiques en cours dans les pays arabes. Les Américains vont plus loin : en Tunisie, ils ont provoqué le départ de Ben Ali – qu’ils préparaient depuis trois ans – en s’appuyant sur le chef de l’armée, le général Rachid Ammar ; en Egypte, les mêmes Américains promeuvent simultanément le général Suleiman, chef des services de renseignement et jugé proche d’Israël, et Mohamed El Baradeï. Les pays européens s’alignent sur ces positions : il est vrai que la lecture des dépêches diplomatiques américaines publiées par Wikileaks fait apparaître bien des dirigeants politiques allemands, britanniques et français comme de simples « fantoches » des Américains.

    Quelle est la géopolitique des populations ?

    Partout ce sont des masses de jeunes hommes qui se mettent en mouvement. L’âge médian des populations est de 30 ans en Tunisie, de 24 ans en Egypte. Pourtant la situation de ces deux pays paraît nettement différente : la Tunisie est en transition démographique depuis 1990, le taux de fécondité y est inférieur à 2 enfants par femme et Tunis n’a que 700.000 habitants. Le Caire, 16 millions ! Et il naît encore en Egypte plus de 3 enfants par femme. Et 10% des Egyptiens sont des chrétiens coptes. Le potentiel explosif de l’Egypte est donc très supérieur à celui de la Tunisie.

    Quelles sont les insuffisances du modèle économique mondialiste ?

    La Tunisie et l’Egypte sont insérées dans les échanges mondialisés. Plutôt bien pour la Tunisie. Les taux de croissance du PIB y sont élevés, de l’ordre de 5% par an, jusqu’à 7% en Egypte. Cela ne suffit pas pour mettre ces pays à l’abri du chômage ni de disettes sur des produits essentiels ; encore moins d’une urbanisation totalement anarchique. Au contraire, le libre-échange mondial déstabilise des pans entiers des économies locales notamment paysannes, ce qui amplifie les problèmes alimentaires et les difficultés urbaines. Et les personnalités les plus impopulaires sont les affairistes liés à la superclasse mondiale. Enfin le système économique mondialisé n’offre guère de sens.

    Jusqu’où ira la recherche de sens ?

    Le manque de sens, c’est précisément la faiblesse du système. Le sens, c’est justement la force des islamistes, l’islam étant à la fois une religion et un programme politique. D’où la force du simplissime slogan : « L’islam est la solution. » C’est pour cela qu’en l’état actuel, dans tous les pays arabo-musulmans, les élections démocratiques lorsqu’elles ont lieu font le jeu des partis islamiques. D’où la contradiction de « l’Occident » réclamant davantage de démocratie… tout en craignant les Frères musulmans.

    Le sabre et/ou le Coran ?

    Sur les ruines des régimes en crise politiquement autoritaires et économiquement libéraux, deux forces semblent émerger : les islamistes d’un côté, l’armée de l’autre. C'est-à-dire deux « archaïsmes », deux structures hiérarchiques, deux institutions porteuses de sens, deux lieux de liens et de promotions sociales.

    Jusqu’où iront les révolutions arabes ?

    Les leçons de l’histoire sont claires : en règle générale des périodes longues de grande stabilité alternent avec des périodes révolutionnaires de changement rapide : de Mirabeau à Robespierre puis Bonaparte ; de Rodzyanko au prince Lvov, puis de Kérensky à Lénine ; de Chapour Bakhtiar à Khomeiny ; de Gorbatchev à Eltsine puis Poutine. Il est donc plus que probable que les hommes aujourd’hui au pouvoir à Tunis et au Caire n’y sont pas durablement !

    Quels risques pour l’Europe ?

    Vues du nord de la Méditerranée, les révolutions arabes présentent des aspects inquiétants : le risque du chaos économique et politique motivant de nouvelles vagues migratoires. Et ce alors même que les législations européennes se placent du point de vue des droits des individus (à immigrer) et non du droit des peuples à défendre leurs intérêts et leur identité. C’est le syndrome du « Camp des saints ».

    Quelles chances pour l’Europe ?

    A contrario, les peuples européens peuvent avoir des raisons de se réjouir de l’affaiblissement possible du suzerain américano-israélien et de la mise en échec des oligarchies mondialistes. Car ce sont ces mêmes oligarchies mondialistes qui leur imposent la délocalisation de leurs activités économiques et l’immigration de masse. D’autant qu’en Europe les nouveaux moyens de communication sont encore plus présents que dans les pays arabes et qu’ils y sont moins facilement neutralisables. Par nature les révolutions sont imprévisibles. Mais un rejet du système mondialiste est d’autant plus envisageable que, s’il survenait d’abord dans un pays, il pourrait par contagion s’étendre aux autres. Car comme aime à le rappeler le grand historien Dominique Venner : « L’histoire est le lieu de l’inattendu. »

    Polémia
    2 février 2011

    Lien permanent Catégories : Manipulation et influence, Points de vue, Textes 0 commentaire Pin it!