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macron - Page 26

  • La situation politique et les perspectives pour 2022 vues par Alain de Benoist...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la situation politique et les perspectives pour 2022. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Macron conserverait quelques chances de l’emporter, mais Marine Le Pen aurait de bien meilleures chances de gagner »

    Au cours de ces dernières semaines, nous avons assisté au second tour des élections municipales, puis à la mise en place d’un nouveau gouvernement. Peut-on dire qu’il en résulte un nouveau paysage politique ? Les forces en présence se sont-elles modifiées ?

    Sur les élections municipales, on a déjà tout dit. Les deux faits marquants sont l’abstention record (60 %), qui s’explique avant tout par le fait que la France périphérique n’a pas voté, et la poussée de ce qu’on a appelé la « vague verte », qui a permis à des représentants de EELV de s’emparer d’un certain nombre de grandes villes. Cette « vague » ne doit être ni surestimée ni sous-estimée. Sa cause fondamentale, au-delà de la vague sympathie que suscite le référent écolo dans tous les milieux, est la gentrification croissante des grandes villes. La droite a, bien entendu, réagi en recourant à des métaphores ringardes comme celle de la pastèque (verte à l’extérieur, rouge à l’intérieur) et en s’affolant de l’arrivée des « Khmers verts » dans les mairies. Elle est, il est vrai, totalement analphabète en matière d’écologie. Désolé, Yannick Jadot n’est pas Pol Pot ! Les Verts sont des libéraux-libertaires, grands défenseurs des migrants, qui sont beaucoup plus intéressés par la théorie du genre que par une écologie qu’ils ne conçoivent que d’une façon punitive et superficielle. De même que l’ a discrédité l’Europe, les Verts discréditent l’écologie. Ce sont les vrais partisans de l’écologie qui devraient le plus dénoncer leur imposture.

    Il n’y a pas, non plus, grand-chose à dire sur le nouveau gouvernement, qui confirme seulement la volonté d’ de débaucher de plus en plus le centre droit afin de laminer les Républicains. Macron a compris qu’il n’a plus grand-chose à grappiller à gauche. La nomination de Dupond-Moretti, le King Kong des prétoires, a suscité une levée de boucliers chez les magistrats. Celle de , préféré à Blanquer au ministère de l’Intérieur, a provoqué l’hystérie des néo-féministes (« un violeur place Beauvau ! »). L’arrivée de la Castafiore à la Culture n’a satisfait que les amateurs d’opéra. L’entrée de à Matignon a d’abord paru consacrer un Mr. Nobody qui allait permettre au chef de l’État de gouverner de façon plus « jupitérienne » et solitaire que jamais. Son image d’« énarque rural » ne doit toutefois pas faire illusion. Apparaître comme débonnaire n’empêche pas d’avoir de la poigne. Castex a d’ailleurs déjà eu la peau de Marc Guillaume, secrétaire général du gouvernement.

    À la faveur de l’épidémie de Covid-19, Emmanuel Macron semble en être revenu à certains fondamentaux plus « régaliens ». Simple tactique ou changement plus en profondeur ?

    On ne juge pas les politiciens sur ce qu’ils disent, mais sur ce qu’ils font. Il est fort possible qu’au moment du confinement, Macron ait commencé à réaliser que la dépendance de la France lui est préjudiciable, mais je pense qu’il est incapable de résister à son tropisme d’origine. C’est un libéral autoritaire, un manipulateur narcissique, pour qui la politique se résume à une affaire de dossiers. Je suis convaincu que, loin de se « remettre en question », il cherche seulement un « autre chemin » de parvenir au même but : réformer la France pour l’adapter aux exigences de la mondialisation, c’est-à-dire des marchés financiers. Ce sera seulement beaucoup plus difficile qu’avant, car dans une Europe en récession, la France se retrouve dans une position pire que presque tous ses voisins.

    Quelles leçons en tirer dans la perspective de l’élection présidentielle de  ?

    Le fait principal est le suivant : en 2022, les Français vont subir de plein fouet des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire qui vont s’avérer cataclysmiques. On n’en a pas encore pris la pleine mesure parce que les pouvoirs publics distribuent des milliards d’aides et de subventions afin de retarder les échéances, ce qui va rendre la dette publique intenable. En fait, la précarité va se généraliser, le pouvoir d’achat va s’effondrer, les faillites et les dépôts de bilans vont se multiplier (et pas seulement dans les secteurs sinistrés), le nombre des chômeurs va bondir, le tout sur fond de montée des radicalisations et d’ensauvagement de la société.

    , comme le dit le politologue Jérôme Sainte-Marie, le choix des électeurs n’a jamais été autant corrélé à leur condition sociale qu’aujourd’hui : « Plus on dispose d’un revenu élevé, plus on adhère au macronisme. » Dans ce contexte de lutte des classes, qui va de pair avec l’ébranlement du clivage droite-gauche (qui en est à la fois la cause et la conséquence), de nouvelles couches des classes moyennes en voie de déclassement, des indépendants, des cadres moyens appauvris ou ruinés vont venir massivement grossir les rangs du bloc populaire.

    Paradoxalement, et Macron ont, aujourd’hui, le même objectif : se retrouver tous les deux face à face au second tour de la présidentielle, comme ce fut le cas en 2017. La différence étant que la première n’aura pas, cette fois, à affronter un « homme nouveau », bénéficiant d’un préjugé a priori favorable, mais un personnage discrédité, au bilan lamentable et qui, durant son quinquennat, n’aura cessé de décevoir des couches de plus en plus larges de la population. Mélenchon, de son côté, ne sera pas un concurrent pour elle, puisqu’il a tourné le dos au populisme pour céder aux sirènes de l’islamo-gauchisme, ce qui l’a disqualifié auprès des catégories populaires. Macron, de son côté, redoute plus que tout de ne pas être au second tour, ce qui explique sa stratégie actuelle visant à faire disparaître tout ce qui existe entre le RN et LREM, à commencer par les Républicains.

    Dans le cas d’un nouveau duel Macron-Le Pen, Macron conserverait quelques chances de l’emporter, mais Marine Le Pen aurait de bien meilleures chances de gagner, car elle devrait pouvoir bénéficier d’une vague populaire beaucoup plus forte qu’il y a deux ans. Si, en revanche, elle avait devant elle un ou plutôt une candidate représentant un conglomérat de Verts associés aux derniers débris d’une gauche en déroute, qui ferait au second tour le plein contre elle, sa tâche serait beaucoup plus difficile. La prochaine « cheffe » de l’État pourrait alors bien s’appeler Anne Hidalgo.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 août 2020)

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  • Le confinement, un test de docilité grandeur nature ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les choix gouvernementaux face à la crise sanitaire. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Même au Moyen Âge, le confinement des bien-portants n’a jamais permis d’endiguer une épidémie ! »

    Aujourd’hui que les choses paraissent en voie d’apaisement, peut-on dire que le gouvernement, même si manifestement pris de court, en a trop fait ou pas assez face à l’épidémie, ou juste fait comme il pouvait ?

    Il n’y a pas d’autre mot pour le dire : la réaction des pouvoirs publics face au Covid-19 a été proprement calamiteuse. Cinq mois après le début de l’épidémie, nous n’avons toujours pas atteint la capacité de dépistage que nous aurions dû avoir lorsque les premiers morts sont apparus. Le gouvernement s’est d’abord réfugié dans le déni (ça ne viendra pas chez nous, c’est une grippette), après quoi nous avons assisté à un incessant défilé de cafouillages, de consignes contradictoires et de mensonges d’État. Rien n’avait été prévu, alors que des voix nombreuses s’étaient élevées, ces dernières années, pour laisser prévoir une nouvelle pandémie venue d’Asie. La cause première réside dans l’incapacité des pouvoirs publics à raisonner au-delà du court terme. Mais la cause la plus fondamentale est que, pour se conformer aux règles de l’idéologie libérale, on a voulu soumettre le secteur de la santé publique à des principes de rentabilité, de concurrence et de gestion à flux tendu qui ont entraîné la fermeture de milliers de lits, la destruction de stocks de réserves, la précarisation croissante d’un personnel déjà sous-payé. En d’autres termes, nous avons intégré au système du marché un domaine qui est, par définition, hors marché. Le résultat a été un effondrement généralisé des capacités de l’hôpital public.

    Ce n’est certes pas une révélation. Cela fait des années que le personnel hospitalier multiplie les alarmes, sans jamais être entendu. Aujourd’hui, Macron et ses clones se confondent en remerciements envers les soignants. Il aurait mieux valu leur donner les moyens de travailler et faire droit à leurs justes revendications.

    Même au Moyen Âge, le confinement des bien-portants n’a jamais permis d’endiguer une épidémie. De ce point de vue, le confinement généralisé a d’abord été un aveu d’impuissance : on a confiné tout le monde parce que l’on n’avait ni masques (qu’on a d’abord décrétés « inutiles », avant d’en rendre le port quasiment obligatoire), ni tests de dépistage, ni matériel de réanimation, ni outillage d’assistance réanimatoire. En Europe, les pays les mieux équipés sont aussi ceux qui ont le moins confiné. Puis, quand on a commencé à déconfiner, on a adopté toute une série de réglementations punitives parfaitement loufoques. Plutôt que de faire face, le gouvernement s’est retranché derrière l’avis des « scientifiques », alors que ceux-ci n’étaient pas d’accord entre eux. Bref, on a subi. Et ce n’est sans doute pas fini.

    Au-delà des considérations techniques, n’avons-nous pas assisté à un nouveau pas en direction d’une sorte de société de la trouille généralisée, avec l’intériorisation du principe de précaution, lequel peut avoir tendance à nous faire troquer un semblant de sécurité contre des privations de libertés autrement plus tangibles ?

    Depuis que l’on a posé comme synonymes le bonheur et l’allongement de la vie, il est bien connu que les gens sont prêts à accepter presque n’importe quoi en échange d’une promesse de sécurité. Sans tomber dans le conspirationnisme, il est clair que le confinement a aussi constitué un test de docilité grandeur nature. On a pu évaluer dans quelles conditions il était possible d’amener les gens à devenir leurs propres geôliers. Parallèlement, en prétextant l’état d’urgence sanitaire, on a adopté de nouvelles mesures de surveillance et de contrôle qui ont toutes chances d’être pérennisées en étant intégrées au droit commun. Les mesures adoptées dans le passé pour lutter contre le terrorisme ont pareillement fini par concerner toute la population. Chaque donne ainsi l’occasion de donner un tour d’écrou.

    Nombre de commentateurs glosent sur le « monde de demain ». Pensez-vous qu’une simple épidémie puisse suffire à remettre en cause les fondements du système actuel ? En d’autres termes, le capitalisme mondialisé devra-t-il revoir son logiciel ou a-t-il encore assez de ressources pour se perpétuer sans rien changer à son fonctionnement historique ?

    Aucune épidémie ne peut, à elle seule, provoquer une révolution politique, et moins encore la disparition d’une idéologie dominante. Il est, d’autre part, évident qu’on rêve debout quand on s’imagine que « rien ne sera plus comme avant ». Ceux qui souhaitent que rien ne change disposent de moyens énormes pour y parvenir. Mais la remise en route ne va pas se faire aisément. Ici, ce n’est pas l’épidémie qui compte, mais ce qui va se produire ensuite. Des secteurs entiers de l’activité économique sont d’ores et déjà sinistrés, et beaucoup ne vont pas s’en remettre. Le gouvernement indemnise pour l’instant le chômage partiel, mais cela n’aura qu’un temps. Durant l’année qui vient, ou plus probablement les deux années qui viennent, on peut s’attendre à d’innombrables faillites et plans de licenciement. Le chômage va remonter en flèche. La crise économique et sociale peut, elle-même, déboucher sur une crise financière de première ampleur. L’Europe est déjà entrée en récession, et pour éponger les aides d’urgence auxquelles il a dû consentir, l’endettement de l’État va atteindre une hauteur stratosphérique. Tout cela devrait aboutir à une colère sociale en comparaison de laquelle le mouvement des gilets jaunes apparaîtra rétrospectivement comme peu de choses.

    Vivant moi-même plus ou moins confiné depuis plus de trente ans, le confinement n’a pas changé grand-chose à mon mode de vie ! Mais pour les classes populaires, qui se sont retrouvées assignées à résidence pendant deux mois, le confinement a été insupportable. Ce sont ces mêmes classes populaires qui ont permis au pays de continuer à fonctionner, ce qui a permis de constater, une fois de plus, que ce sont les fractions les plus indispensables de la population qui sont aussi les plus mal payées. La crise économique qui s’annonce va aussi les frapper de plein fouet. Les conséquences sont encore imprévisibles, mais elles devraient être énormes.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 mai 2020)

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  • Partition du territoire : l'Etat aurait-il déjà accepté ?...

    Le 13 mai 2020, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Jean-Yves Le Gallou, pour évoquer avec lui la question de la crise sanitaire, notamment sous l'angle de l'immigration. Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016) et Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018). 

     

                                           

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  • Feu sur la désinformation... (281)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : L’image de la semaine
      Des militants d’extrême-gauche se réclamant de la laïcité ont scié une croix présente sur le pic Saint-Loup dans l’Hérault. Un acte évidemment répugnant.
    • 2 : Loi Avia : face à la censure, la révolte ?
      C’est hier qu’avait lieu le vote de la liberticide loi Avia. Le silence médiatique aura été quasiment total… Médiapart s’est néanmoins illustré en révélant que Laeticia Avia, le rapporteur du texte de cette loi « contre la haine », était accusée de racisme, d’homophobie et de harcèlement par plusieurs de ses anciens collaborateurs. Plus largement, nous reviendrons dans cette émission sur la question de la censure.
    • 3 : Revue de presse
      Michel Cymès de retour en grande pompe sur France 2…
      Les médias qui font semblant de ne pas comprendre la gravité du « ObamaGate »…
      Nous reviendrons comme d’habitude sur l’actualité médiatique de la semaine.
    • 4 : Macron est-il en bonne santé ?
      La santé des présidents est une question absolument taboue dans la Ve République. Nous reviendrons sur cette soumission médiatique et sur les doutes qui entourent l’état de santé d’Emmanuel Macron.
    • 5 : Coup de chapeau
      CNews lance une nouvelle émission hebdomadaire qui portera un regard chrétien sur l’actualité. Une initiative qui a irrité de nombreux journalistes de gauche.

     

                                           

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  • Face au drame social, la priorité nationale !...

    Le 8 mai 2020, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Marion Maréchal, pour évoquer avec elle la crise sanitaire, sa gestion politique par Emmanuel Macron et son gouvernement et les enseignements qu'il convient d'en tirer. Retirée de la vie politique, Marion Maréchal dirige l'Institut De Sciences Sociales Économiques & Politiques.

     

                                       

     

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  • Des LBD au confinement strict: la France à l’heure de l’Etat total...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Werner cueilli sur Antipresse et consacré au basculement progressif de la France dans le despotsme. Penseur important et trop peu connu, Eric Werner est l'auteur de plusieurs essais marquants comme L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015), De l'extermination (Xénia, 2013), ou Un air de guerre (Xénia, 2017), et de recueils de courtes chroniques comme Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) et Le début de la fin et autres causeries crépusculaires (Xénia, 2012). Il vient de publier dernièrement Légitimité de l'autodéfense (Xénia, 2019).

     

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    Des LBD au confinement strict: la France à l’heure de l’Etat total

    Il faut, comme Tocqueville, s’écarter un peu de la France pour voir à quel point la réalité de ce pays contredit les principes dont il se réclame. Par-delà les questions de personnes et de partis, n’est-il pas temps de faire table rase de son culte inconsidéré de l’État? À moins de se laisser délibérément tomber dans la tyrannie absolue ou la guerre civile.

    Nous avions évoqué il y a quelques semaines le chef-d’œuvre de Tocqueville, son grand livre sur la Démocratie en Amérique. Revenons-y une nouvelle fois, car on ne se lasse pas de le faire.

    Tocqueville est bien sûr intéressant par ce qu’il nous dit de l’Amérique. L’Amérique est le sujet du livre. Mais le lecteur comprend vite en parcourant l’ouvrage qu’il n’y est pas seulement question de l’Amérique, mais de la France. C’est peut-être même elle, surtout, le sujet. Tocqueville feint de nous parler de la démocratie en Amérique, mais au travers même de ce qu’il en dit, il nous parle de la France et de la démocratie en France. Tocqueville emprunte ce détour pour aborder des problèmes qu’il estime ne pouvoir aborder que de cette manière: non pas donc directement, mais indirectement. On est ici dans le non-dit. Mais ce non-dit se lit bien entre les lignes.

    C’est en quoi Tocqueville est un très grand penseur. Ce qu’il dit de l’Amérique est certes important. Mais ce qu’il dit de la France est presque plus important encore. Pas seulement parce qu’il le dit indirectement («obliquement», dirait Montaigne. Les choses importantes se disent toujours obliquement: sans les dire tout en les disant), mais parce qu’il est plus ou moins le seul à l’avoir dit. Que dit-il en effet? Que la France, tout comme le reste de l’Europe, va très vite, si ce n’est pas déjà fait, basculer dans la démocratie (la démocratie telle que lui, Tocqueville, la définit: non pas comme un certain régime politique, la démocratie par opposition à la monarchie, mais comme un certain type de société, celle articulée à l’idée d’égalité), mais qu’il n’est pas sûr pour autant qu’elle ne bascule pas en même temps dans le despotisme. Tant il est vrai qu’on peut très bien imaginer l’égalité sans la liberté. On l’imagine même mieux sans qu’avec.

    Égalité se passe fort bien de Liberté

    L’Amérique, elle, a très bien su concilier l’égalité et la liberté. Tocqueville est relativement optimiste sur l’Amérique. Mais il n’est pas sûr que la France, elle, réussisse à le faire. On est même porté à penser le contraire. Tocqueville nous en donne les raisons: une tradition de l’État fort remontant à l’Ancien Régime et que la Révolution française, les guerres aidant, n’a fait que renforcer encore, la centralisation qui lui est associée, la peur de l’anarchie et l’aspiration (en découlant) à l’ordre quel qu’il soit, la disparition des corps intermédiaires, l’habitude, enfin, bien ancrée en France consistant à tout attendre de l’État, alors qu’aux États-Unis les citoyens se débrouillent très bien entre eux pour résoudre les problèmes (en créant par exemple des associations).

    Voilà en gros ce que nous dit Tocqueville dans la Démocratie en Amérique. L’Amérique nous offre l’exemple d’une société égalitaire, mais tempérée par un ensemble d’habitudes et d’institutions faisant barrage au despotisme, alors qu’en France de telles habitudes et institutions n’existent pour ainsi dire pas, avec pour conséquence, effectivement, le risque de basculement dans le despotisme. C’est en comparant la société française à la société américaine que Tocqueville parvient à cette conclusion. Insistons sur l’originalité de sa démarche. Tocqueville a compris que pour parler intelligemment de la France, il lui fallait prendre un certain recul, en parler donc non pas de l’intérieur, mais de l’extérieur. C’est ce point de vue décentré qui le hisse au niveau des très grands penseurs politiques (en France, sans doute même, le plus grand). Encore une fois, s’il l’est, ce n’est pas à cause de ce qu’il dit de l’Amérique, mais de la France. Il parle de la France comme personne d’autre, après lui, ne le fera plus. En ce sens, il est resté sans héritier.

    Pourquoi est-ce que je dis tout ça? On ne reviendra pas ici sur les violences policières qui ont marqué, en France, l’épisode des Gilets jaunes. Sauf qu’elles ont eu un rôle de révélateur. Elles en ont amené plus d’un à s’interroger sur la réalité, aujourd’hui en France, de l’État de droit, en même temps que sur la nature exacte du régime aujourd’hui en place à Paris. L’État français s’érige volontiers en donneur de leçons quand il s’agit de pays comme la Hongrie et la Pologne, leur reprochant de sortir des rails en un certain nombre de domaines. En Pologne c’est l’indépendance de la justice qui est menacée, en Hongrie celle des médias, etc. C’est l’histoire de la paille et de la poutre. Demandez à François Fillon ou à Jean-Luc Mélenchon ce qu’ils pensent de l’indépendance, en France, de la justice. Ou aux gens en général ce qu’ils pensent de l’indépendance des médias publics ou même privés en France. Ou de la loi Avia.

    Dois-je le préciser, le risque actuel de basculement dans le despotisme ne se limite évidemment pas aujourd’hui à la France. Partout ou presque en Europe (davantage, soit dit en passant, en Europe occidentale que centrale et orientale), on a de bonnes raisons de s’inquiéter pour l’avenir des libertés fondamentales. La liberté d’expression est en particulier très menacée. Partout ou presque, également, on assiste à un renforcement des pouvoirs de la police et des services spéciaux, au prétexte de lutte contre le terrorisme. Sauf qu’en France cela va beaucoup plus loin qu’ailleurs. On vient de faire référence à l’épisode des Gilets jaunes, mais l’épisode actuel, celui du Covid-19, est aussi très éclairant. La France n’a pas été le seul pays d’Europe à instaurer un confinement strict de sa population, mais nulle part ailleurs la répression policière en lien avec la mise en œuvre de cette mesure, en elle-même, il est vrai, déjà très discutable, n’a comporté des traits d’une telle férocité, parfois même d’inhumanité. Certaines vidéos en font foi. L’État français traite aujourd’hui sa propre population comme s’il était en guerre avec elle. Une telle situation est complètement atypique et même unique en Europe.

    Observons au passage que les Français dans leur ensemble n’en ont pas ou que rarement conscience. Il faudrait que quelqu’un prenne un jour la peine de le leur expliquer: leur dire que nulle part ailleurs sur le continent la police ne se permettrait de traiter ainsi les gens. Ce n’est même pas imaginable. Le leur dirait-on qu’ils se montreraient peut-être moins timides dans leurs protestations. Quand on croit que c’est la même chose ailleurs, on a tendance à dédramatiser, quand ce n’est pas à banaliser. Or, justement, ce n’est pas la même chose ailleurs.

    En finir avec le culte de l’État

    Pour expliquer toutes ces dérives et d’autres encore (il semble bien, par exemple, que l’État français ait limité par directive l’accès aux urgences des personnes âgées, ce qu’on interprétera comme on voudra, mais assurément pas comme un acte de particulière philanthropie), certains rappellent que la Cinquième République est née en France d’un coup d’État militaire et que ceci explique peut-être cela. La constitution de 1958 confère au président de très grands pouvoirs. Le poste avait été taillé sur mesure pour le général de Gaulle, qui était un dictateur, mais à la romaine, autrement dit complètement dévoué au bien commun. Après lui, le poste aurait raisonnablement dû être repensé. Tout pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument, disait Lord Acton. On insistera dans ce contexte sur le fait que le président actuel et son entourage donnent souvent l’impression d’être dépourvus de tout surmoi et par voie de conséquence aussi particulièrement sujets à succomber à certaines tentations dans ce domaine. On l’a vu lors de l’épisode des Gilets jaunes, mais pas seulement (affaire Benalla).

    Ces explications éclairent une partie de la réalité, mais restent insuffisantes. Il faut remonter plus haut encore dans le temps. Je suis toujours frappé quand je lis les déclarations des hommes politiques en France par le fait que tous, qu’ils soient de droite ou de gauche, participent du même culte inconsidéré de l’État, culte les conduisant, presque unanimement également, à ne rien remettre en question de ce qui en découle: le nucléaire civil, entre autres, mais aussi militaire. C’est ici, peut-être, qu’il pourrait être utile de relire Tocqueville. La démocrature macronienne, biberonnée à l’idéologie managériale et aux nouvelles théories du maintien de l’ordre enseignées dans les séminaires de l’OTAN, n’a qu’un lointain rapport avec la statolâtrie capétienne et son retapage gaullien au XXe siècle. Mais même lointain il n’en imprime pas moins sa marque à la réalité française actuelle. Il serait peut-être temps de remettre les compteurs à zéro.

    Eric Werner (Antipresse n°232, 10 mai 2020)

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