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guerre - Page 52

  • Le «port d’arme citoyen» et le nouvel équilibre de la terreur...

    En février 2011, les citoyens suisses ont eu à se prononcer sur une initiative populaire visant à réglementer sévèrement, par le biais d'une modification de la constitution, « l'acquisition, la possession, le port, l'usage et la remise d'armes, d'accessoires d'armes et de munitions ».

    A cette occasion, l'universitaire Bernard Wicht a livré une excellente analyse de la question du «port d’arme citoyen» dans la Revue militaire suisse, que nous vous proposons de découvrir. Historien des idées et spécialiste en stratégie, Bernard Wicht a récemment publié Une nouvelle Guerre de Trente Ans (Le Polémarque 2011) et Europe Mad Max demain ? (Favre, 2013).

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    Le «port d’arme citoyen» et le nouvel équilibre de la terreur

    Dans moins d'un mois nous sommes appelés à voter sur une initiative tendant à limiter fortement l'accès et la possession d'armes par les particuliers. La motivation principale des initiants est d'augmenter la sécurité des habitants de notre pays et de limiter les suicides et la violence domestique.

    On peut adhérer ou non à ces arguments, mais force et de constater que la violence fait peur et que nos sociétés contemporaines veulent l'éradiquer du champ des relations humaines. Historiquement les groupes sociaux se sont toujours méfiés de la violence, en particulier intestine, et ont cherché par tous les moyens à la canaliser pour en éviter les débordements[1]. Or c'est là que l'on peut déjà relever une différence importante entre notre comportement actuel vis-à-vis de la violence et celui répertorié aux autres périodes de l'histoire : auparavant on cherchait à la "canaliser" (c.à.d. à en contrôler les effets), aujourd'hui on veut l' "éradiquer" (c.à.d. la supprimer purement et simplement). Nos sociétés post-modernes, post-industrielles et post-nationales ne considèrent plus la violence comme un phénomène social qu'il faut gérer avec la plus grande précaution, mais comme un mal absolu à bannir au même titre que les hérésies au Moyen Age.

    D'où vient ce changement d'attitude, cette idée collective que nous pourrions désormais vivre dans un monde sans violence régie par la tolérance ? Car c'est bel et bien de cela dont il s'agit en l'espèce : alors que l'initiative parle de limiter les suicides, paradoxalement l'idée de suicide assisté (association EXIT) et d'euthanasie active (voir le récent acquittement de la médecin cantonale de Neuchâtel ayant pratiqué un tel acte) se propage et recueille de plus en plus de soutien. Il en va de même de la légalisation croissante de l'avortement depuis quelques décennies. Ces contradictions soulignent ce changement d'attitude de nos sociétés au point qu'il est possible de parler de rupture par rapport au passé : en cherchant à éradiquer la violence, on ne veut pas nécessairement protéger la vie ! Le paradoxe est frappant et semble indiquer qu'à ce sujet, nous nous situons aujourd'hui plutôt dans le domaine de l'émotionnel que du rationnel : un peu selon le refrain "peu importe la mort, pourvu qu'elle soit douce" (on pense ici à la chanson de Georges Brassens, "mourir pour ses idées, oui mais de mort lente").

    A partir de ce premier constat, on débouche sur deux questions : d'une part, comment expliquer cette dérive émotionnelle des sociétés contemporaines et, d'autre part, se dirige-t-on vers un monde sans violence ?

    La première question trouve sans doute une grande partie de sa réponse dans le long drame du court XXe siècle (Verdun - Auschwitz - Hiroshima - le Goulag). Pour comprendre les comportements actuels, leurs tendances auto-destructrices ou excessivement émotionnelles, on ne prendra jamais suffisamment en compte les destructions morales engendrées par les interminables conflits du XXe siècle, de la Première Guerre mondiale à la décolonisation et à l'explosion de l'ex-Yougoslavie. En d'autres termes, une Longue Guerre s'étendant de 1914 à 1991, de Sarajevo à Sarajevo[2]. Cette Longue Guerre a détruit la structure interne des sociétés européennes. Ainsi, l'univers concentrationnaire nazi et communiste, le nettoyage ethnique et les autres génocides ont supprimé la distinction fondamentale entre "genre humain" et "espèces animales". Comme le disait à cet égard Primo Levi, "les nazis vaincus ont néanmoins gagné parce qu'ils ont fait de nous des animaux !" (citation de mémoire). Dans le même sens, les boucheries de Verdun et de la Somme, les hécatombes de Stalingrad, d'Iwo Jima et du Vietnam notamment ont remis en cause les fondements de l'idéal masculin (force, honneur, courage)[3]. Répétons-le, nous n'avons pas encore vraiment pris toute la mesure de cette destruction morale, de cette atomisation du corps social, de cette réduction darwinienne de l'homme à ses seules fonctions animales... et surtout des conséquences d'une telle destruction.

    Autrement dit et pour faire court, le long drame du siècle passé - la Longue Guerre - a détruit deux des principaux remparts sociaux face à la violence : "ne pas se comporter comme des bêtes", "agir avec honneur et courage". Avec pour résultat, d'un côté une violence débridée et anarchique de type testostérone pouvant surgir n'importe où et, de l'autre, une population atomisée et effrayée cherchant à fuir cette réalité avec les réactions émotionnelles que l'on vient de voir.

    Dans ces conditions, faut-il poursuivre l'objectif d'une société sans violence avec notamment comme moyen d'y parvenir, une limitation très stricte de l'accès et de la possession d'armes par les particuliers ? C'est la seconde question. Or, si la réaction émotionnelle y répond par l'affirmative, une analyse historique de la situation débouche sur un tableau assez différent.

    En effet, malgré l'injonction de Francis Fukuyama, l'histoire ne s'est pas arrêtée avec la chute du Mur de Berlin. Indépendamment des réactions émotionnelles des populations européennes, le monde a continué d'évoluer. En particulier, la guerre n'a pas disparu; comme le caméléon elle s'est transformée et, avec son corollaire l'équilibre de la terreur, s'est insinuée à l'intérieur des sociétés, en lieu et place des affrontements entre Etats des siècles précédents. Cette transformation, ce passage de la guerre inter-étatique à la guerre intra-étatique est un des caractères majeurs de la période actuelle[4]. Cela signifie que la confrontation armée ne se déroule plus essentiellement sur le champ de bataille entre unités régulières, mais à l'intérieur même du corps social... au milieu des populations. On vient de le dire, les acteurs de ces combats ne sont plus les armées nationales régulières; ce sont de nouvelles entités telles que les différents groupes armés (ETA, Al Quaïda, PKK, FARC, etc.), les mafias et les autres formes de crime organisé, les gangs composés du sous-prolétariat des grandes banlieues urbaines, les anciens services spéciaux de l'ex-bloc soviétique. Contrairement aux armées régulières que l'on peut voir dans leurs casernes ou lors des grands défilés, ces nouveaux acteurs de la guerre restent généralement invisibles, leur financement est indépendant des Etats et repose sur l'économie grise et informelle garantissant de la sorte leur "stabilité" et la poursuite de leur action dans la durée. Etant donné l'invisibilité relative de ces nouveaux acteurs, il importe de donner quelques estimations chiffrées afin de pouvoir prendre un peu la mesure de la mutation intervenue :

    -        le chiffre d'affaires annuel des différents groupes armés équivaut à deux fois le PIB du Royaume-uni[5]

    -        le chiffre d'affaires annuel des activités mafieuses est de plus de 1'000 milliards $[6]

    -        dans les grands Etats européens, l'économie grise et informelle représente 15% à 18% du PNB[7]

    -        environ 500 armes lourdes (mitrailleuse, lance-roquette, explosif, etc.) entrent chaque semaine dans les banlieues des grandes villes françaises[8].

    Bien qu'il ne s'agisse que d'estimations (les nouveaux acteurs de la guerre ne publient pas de bilan), ces chiffres sont néanmoins éloquents et traduisent la réalité de cette nouvelle forme de conflictualité qui avait progressivement disparu en Europe avec l'avènement de l'Etat moderne et des armées nationales. Bien qu'ils n'apparaissent pas sur la place publique, on peut dire que les nouveaux acteurs de la guerre se sont structurés de manière proto-étatique avec, d'une part, les moyens de coercition et, d'autre part, les moyens de financement, c'est-à-dire deux des attributs principaux de tout phénomène étatique. Cette forme de guerre ne poursuit plus des buts politiques mais économiques (prédation, pillage, rançonnement des populations, etc.). Par conséquent, nous ne sommes ni face à un phénomène passager, ni face à des adversaires occasionnels et désorganisés, ni face à une simple recrudescence du banditisme ou de la délinquance : il y a mutation de l'art de la guerre, mutation dont nous commençons à peine à prendre conscience.

    Signalons au passage que l'argument invoqué habituellement à la présentation de cet état de fait consiste à dire que c'est le travail de la police de lutter contre ce type de menaces internes. Cependant, l'argument tourne court étant donné l'affaiblissement général de l'Etat en Europe depuis la fin de la Guerre froide. Ajoutons que la crise financière de 2008 a mis les Etats européens dans une situation encore plus précaire, avec des programmes d'austérité budgétaire affectant fortement les fonctions régaliennes de l'Etat, dont la sécurité. A ce propos, l'exemple français est très parlant : le pays dispose du plus haut taux de forces de police en Europe, pourtant il ne contrôle plus ses banlieues et le gangs qui y sévissent. En ce qui concerne la Suisse, le rapport USIS (Réexamen du système de sécurité intérieure de la Suisse : Forces et faiblesses du système actuel, 2001) avait relevé il y a quelques années qu'il manquait entre 2'000 et 3'000 policiers pour garantir la sécurité du pays. Ce rapport est resté sans suite.

    A ce stade, il convient de faire intervenir la notion d'équilibre de la terreur. Car, si la guerre s'insinue dorénavant dans le corps social, son corollaire  - l'équilibre de la terreur - change également d'échelle. Alors qu'au XXe siècle il se situait entre les Etats, notamment avec l'équilibre nucléaire entre les grandes puissances, il redescend aujourd'hui directement au niveau des individus. Ce changement d'échelle, aussi difficile soit-il pour nous de le concevoir et de l'accepter, est pourtant une des principales conséquences de la transformation de la guerre. Au même titre que l'Etat devait protéger sa souveraineté par la dissuasion armée, l'individu doit aujourd'hui veiller à sa propre sécurité, à celle de ses biens inaliénables que sont la vie, l'intégrité corporelle, la liberté et la propriété[9]. Comme l'Etat se dotait des outils propres à garantir sa souveraineté, l'individu doit pouvoir - s'il le souhaite - disposer des armes nécessaires. C'est là la conséquence pratique de ce changement d'échelle de l'équilibre de la terreur.

    A l'appui de cet argument, il est intéressant de se remémorer les limites que Hobbes fixe lui-même à son Léviathan : l'individu abandonne sa liberté au profit de l'Etat en contrepartie de la sécurité, mais cet abandon ne dure que tant que l'Etat peut garantir cette sécurité, lorsque ce n'est plus le cas l'individu récupère immédiatement son droit à l'autodéfense parce que c'est un droit naturel qui n'est soumis à aucune convention.

    Dans un tel contexte, il apparaît donc peu rationnel de vouloir "désarmer" les citoyennes et les citoyens pour tenter de vivre dans une société sans violence. Pour paraphraser une formule connue, "si vous ne vous intéressez pas à la guerre, la guerre en revanche s'intéresse à vous". En témoigne la tuerie programmée (heureusement déjouée) de Copenhague, les attaques de supermarchés à l'explosif et à la kalachnikov, les rezzous nocturnes sur les dépôts et les magasins.

    A la lumière de ces quelques éléments, on constate qu'en dépit des réactions émotionnelles des individus, l'histoire continue : une fois de plus l'Europe se recompose à l'échelle macro-historique, une fois de plus cette recomposition se déroule de manière hautement conflictuelle, une fois de plus les individus seront amenés à défendre leur vie et leurs biens.

    Bernard Wicht (Revue militaire suisse, janvier 2011)

    [1] Cf. notamment René GIRARD, La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972. Dans son explication de ce qu'il appelle l'économie de la violence, l'auteur insiste sur le nécessaire exutoire dont celle-ci a besoin : « Quand elle n'est pas satisfaite, la violence continue de s'emmagasiner jusqu'au moment où elle déborde et se répand aux alentours avec les effets les plus désastreux » (p. 21).

    [2] Les historiens de la longue durée considèrent la suite presque ininterrompue de conflits entre 1914 et 1991 comme le véritable moteur de l'histoire au XXe siècle : d'où l'expression de Longue Guerre. Cf. notamment Philipp BOBBITT, The shield of Achilles : war, peace and the course of history, Londres, Allen Lane, 2002.

    [3] C'est  le constat de George L. MOSSE, L'image de l'homme : l'invention de la virilité moderne, trad., Paris, Abbeville, 1997. L'auteur relève, après 1945, ce passage de l'idéal viril vers des contretypes (androgynie, mouvement gay). De son côté, la psychologie détecte dans le même sens l'émergence de ce qu'elle appelle le „mâle doux" en lien avec cette transformation de l'idéal masculin, cf. notamment Robert BLY, L'homme sauvage et l'enfant : l'avenir du genre masculin, trad., Paris, Seuil, 1992.

    [4] Cf. en particulier Martin VAN CREVELD, La transformation de la guerre, trad., Monaco, éditions du Rocher, 1998.

    [5] Loretta NAPOLEONI, Terror Inc : tracing the money behind global terrorism, Londres, Penguin Books, 2004.

    [6] Thierry CRETIN, Mafias du monde : organisations criminelles transnationales, actualité et perspectives, Paris PUF, 3e éd., 2002.

    [7] Jean-Paul GOUREVITCH, L'économie informelle : de la faillite de l'Etat à l'explosion des trafics, Paris, Le Pré aux Clercs, 2002.

    [8] Estimation de la police française

    [9] Ces biens inaliénables de l'individu sont ceux définis par la philosophie politique moderne à partir des travaux de John Locke et des Lumières, qui constituent la base des droits fondamentaux de l'individu.

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  • L'art du combat...

    Les édition du CNRS viennent de publier Le Livre de l'Art du Combat, un ouvrage du XIVe siècle consacré aux techniques de combat à l'épée et au bouclier et illustré par de nombreuses gravures. L'ouvrage est traduit pour la première fois en français et commenté par deux historiens Frank Cinato et André Surprenant, le premier étant, par ailleurs praticien des Arts Martiaux Historiques Européens. A découvrir...

     

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    " Le plus ancien livre de combat connu en Occident. Un manuscrit unique, composé d'aquarelles dessinées à la plume let commentées en latin : la leçon d'un maître d'armes au tournant des XIIIe et XIVe siècles, enseignant à ses élèves une synthèse originale des pratiques de combat ancestrales de l'Europe romane, germanique ou celtique. Une oeuvre inachevée, énigmatique, traversée d'un souffle puissant. Voici la première édition critique, traduite en français et enrichie d'une analyse pluridisciplinaire éclairante, de cette œuvre déjà célèbre sous le nom de Royal Armouries MS. I.33. Le maître d'armes est un ecclésiastique, héritier d'une pensée scolastique qui déborde sur l'éducation du corps. Centré sur le maniement raisonné de l'épée et du bouclier, son enseignement renverse les préjugés relatifs à la brutalité des pratiques de combat médiévales. Et montre que l'escrime de cette époque n'a rien à envier, en termes de richesse, aux arts martiaux traditionnels d'Orient."

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  • Dans les pas de Dominique Venner...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro spécial de l'émission Passé - Présent, diffusée sur TV Libertés le 7 juillet 2015 et consacré à la Nouvelle Revue d'Histoire, revue fondée par Dominique Venner, et tout particulièrement à son numéro hors-série (n°10, printemps - été 2015) sur le thème de la guerre. Philippe Conrad, directeur de la publication, est interrogée par Elise Blaise...

     

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  • Dans les laboratoire du dieu de la guerre...

    Le magazine Sciences et Avenir vient de publier un numéro hors-série (n°182, juillet-août) sur le thème « Science et guerre, nouveaux conflits, nouvelles technologies. Cyberguerre, Drones, Soldat du futur, Propagande, Nucléaire, Robots...

     

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    Au sommaire :

    Édito

    Une paix traversée de guerres 

    Rencontre

     « Le champ de bataille classique disparaît »

    Propagande

     Internet, arme de persuasion massive

    Drones

    L'envol de l'avion sans pilote

    Tuer n’est pas jouer

    Cyberguerre

    L’armée des nombres

    Le cyberespace sur écoute

    La France a son Pentagone 

    Armée high tech

    Le pari du soldat augmenté

    La tenue de combat du futur

    Les robots montent au front

    La guerre à la vitesse de la lumière 

    Espace

    L’œil infaillible des satellites espions

    Guerre froide sur orbite 

    Nucléaire

    Simuler ... pour mieux dissuader

    Trente ans d’hiver ... 

    Agents toxiques

    Le spectre de l'attaque biologique

    Quarante-huit heures pour administrer un antidote

    « Le risque: qu’une forme virale dangereuse échappe au contrôle »

    Un héritage empoisonné

    De l’eau qui vaut de l’or

    Le ciel nous tombera-t-il sur la tête ?

    « Les modifications climatiques vont exacerber les conflits » 

    Cinéma

    La guerre dans le viseur des cinéastes

     

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  • Carnet de guerre et de crises...

    Les éditions Lavauzelle ont publié fin 2014 un Carnet de guerres et de crises 2011-2013 du général Jean-Bernard Pinatel. L'auteur, officier général en retraite, qui est dirigeant d'entreprise et docteur en sciences politiques, a déjà publié plusieurs essais dont Russie, alliance vitale (Choiseul, 2011).

     

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    Le général (en 2e section) Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu en intelligence économique et en gestion des risques. Consultant international, il anime le blog www.geopolitique-geostrategie.fr dont un certain nombre de chroniques, couvrant la période la plus récente, sont rassemblées dans ce « carnets de guerres et de crises » édité chez Lavauzelle. L’objectif ? Montrer comment ces conflits des années 2011-2013 révèlent, confirment ou réorientent la répartition des pouvoirs dans le monde.

    Si la France conserve des atouts importants au sein de ce jeu global, l’auteur est sévère pour nos gouvernants : « Ils ont commis de graves erreurs stratégiques car ils ont souvent réagi émotionnellement aux événements et sous l’influence des lobbies américain et israélien, sans encadrer leur action par une analyse géopolitique et stratégique des intérêts à long terme de la France. » Le bilan est en effet parfois accablant, en Libye comme au Proche-Orient avec la gestion de la crise syrienne – l’influence de la France en Afrique n’ayant été maintenue que grâce à l’efficacité de notre outil militaire.

    L’analyse est claire et le style pour le moins direct. Avec un réel patriotisme et le mépris des « éternels poncifs véhiculés par les idéologues de la pensée unique », l’auteur démontre qu’il est resté un impeccable officier parachutiste. Tout à la fois « homme de terrain et de réflexion », certes. Mais aussi de convictions. 

    Grégoire Gambier (Conflits n°4, janvier-mars 2015)

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  • L'Europe doit se défendre dans les nouvelles formes de guerre de 4e génération...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré à la guerre des "réfugiés" qui est mené contre l'Europe et à la légitimité de mesures de riposte fermes...

     

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    L'Europe doit se défendre dans les nouvelles formes de guerre de 4e génération

    Il est devenu courant de désigner par le terme de guerre de 4e génération (G4G), dite aussi guerre asymétrique, des guerres menées contre un Etat dominant par des militants dotés d'armes légères, telles que les mines ou les kalachnikovs, mais surtout impliquant la population civile. Ainsi, au sein de celle-ci, on recrutera des propagandistes de plus en plus relayés par Internet, des candidats aux actions suicides, puis progressivement de véritables armées de l'intérieur, analogues à celles des « partisans » de jadis.

    Les pays dits pauvres mènent depuis longtemps de telles guerres contre les pays riches. L'Amérique en a particulièrement souffert dans ses campagnes malheureuses au Moyen Orient. Mais les pays riches peuvent procéder de même, en suscitant notamment par l'intermédiaire de forces spéciales ou d'innombrables actions de corruption, des oppositions civiles dans les pays où ils veulent obtenir des changements de régime (regime change). La Russie non sans raisons s'en est plainte.

    Aujourd'hui, contre les pays riches et plus particulièrement contre les plus fragiles d'entre les pays européens, sont conduites des guerres que l'on pourrait dire de 4e génération et demi, ou plus explicitement guerres des réfugiés ou guerre de l'humanitaire. Il s'agit d'inonder progressivement ces pays de milliers de tels réfugiés, qui bientôt pourront devenir des centaines de milliers voire des millions. Leur arrivée submergera progressivement les structures d'accueil des pays ciblés, puis leurs structures sociales et politiques. Progressivement, les pays européens encore riches se transformeront en pays pauvres, avec tous les conflits internes inhérents à cette situation. Mais les Européens ne pourront pas se défendre, autrement dit repousser ces flux migratoires, parce que leurs convictions y verront des victimes fuyant des tyrannies ou des conflits, plutôt que des combattants d'une nouvelle forme de guerre.

    La très grande majorité d'entre eux seront effectivement des victimes, avec leurs cortèges de femmes et d'enfants attendrissants. Mais parmi eux, il y aura de plus en plus de combattants dissimulés, organisés pour mener sinon le djihad proprement dit, du moins la destruction progressive des pays d'accueil. Il y aura aussi des trafiquants de la pire espèce qui, non contents de s'enrichir aux frais des migrants pour lesquels ils auront joué le rôle de passeur, répandront en Europe, qui déjà n'en manque pas, toutes les pratiques maffieuses imaginables.

    Les bonnes âmes refuseront cette vision qui sera qualifiée de conspirationniste, selon laquelle les flux actuels et futurs de réfugiés, au lieu de se produire spontanément, seraient organisés sciemment par des intérêts hostiles aux Européens. Mais elles seraient bien naïves. Même si ce n'est pas encore le cas aujourd'hui, cela le deviendra vite. La tentation est trop grande et sera exploitée sur des échelles de plus en plus étendues.

    Les moyens pour y arriver sont particulièrement économiques. Il suffit de quelques mouvements du type de Boko Aram pour terrifier les populations et de réseaux de passeurs ou simplement d'incitateurs à passer pour organiser les migrations. Les cargos pourris ne manquent pas, pour la voie maritime, mais la voie terrestre sera de plus en plus utilisée.

    Que faire contre cette forme de guerre?

    Mais, à supposer que l'on accepte l'analyse présentée ici, que faire? Une partie des Etats européens affirment encore qu'il n'y a rien à faire de plus que les mesures actuelles, d'une inefficacité croissante et qui sont par ailleurs principalement à la charge de l'Italie. Ils changeront d'avis quand ils seront directement touchés,mais ce sera trop tard. C'est maintenant qu'il faut agir. Le gouvernement italien pour sa part appelle l'Union européenne à l'aide, mais sans résultats. Aussi, en Italie, une partie de l'opposition, notamment appartenant à la droite radicale, commence à intervenir directement, notamment par des destructions de centres d'hébergement. Les attaques physiques contre les migrants ne tarderont pas. Les bonnes âmes, là encore, s'indigneront. Mais ces mêmes bonnes âmes accepteraient-elles d'héberger des familles de migrants dans leurs domiciles? On peut en douter. L'humanitaire se limitera souvent à offrir de recharger les batteries de téléphones portables.

    Plus officiellement, dans certains pays, Italie, France, Espagne, des parlementaires ou des militaires affirment qu'il faut agir en amont, c'est-à-dire intervenir militairement dans les pays qui aujourd'hui ou demain, serviront de base arrière aux passages, Libye notamment. Mais sous quelles formes, bombardements aériens, corps expéditionnaires à terre? Et où exactement? Pourquoi ne pas envisager d'autres pays africains, eux-aussi bases de départ, Mauritanie, Érythrée, Éthiopie, Somalie, voire une dizaine d'autres. Cependant il faut bien voir que, simplement en Libye, et malgré les demandes de l'Egypte, des interventions européennes seraient hors de porté d'une défense européenne qui pour le moment encore, n'existe pas. A plus forte raison serait-ce le cas s'il fallait faire la guerre dans pratiquement les trois quarts des pays africains.

    Une solution plus simple, et qui serait légitime au cas où une guerre de 4e génération contre l'Europe, utilisant l'arme des migrations, se précisait, serait de couler les navires affrétés par les passeurs et, par ailleurs, comme les Etats-Unis commencent à le faire sur leur frontière avec le Mexique, de tirer à vue sur les groupes de migrants. Il y aurait évidemment de nombreux morts, parmi ceux-ci, suscitant l'indignation d'une partie des opinions européennes, celles n'étant pas aux première ligne des vagues d'invasion notamment. Mais il faut bien voir, comme cela a d'ailleurs été dit sans résultats plusieurs fois, que les associations humanitaires européennes sont complices de la mort des migrants, en laissant espérer à ceux-ci qu'ils seront finalement accueillis et intégrés en Europe, ce qui n'aura évidemment pas lieu.

    Il n'est pas interdit de penser au contraire que, devant une réaction dure de l'Europe, les candidats aux migrations prendraient leur sort en mains dans leurs propres pays. Plutôt que se laisser terroriser par des bandes armées autochtones, ils s'armeraient pour se défendre contre ces dernières. C'est ce qu'ont fait récemment les Kurdes face aux agressions de Daesh et d'autres pays décidés à leur refuser des droits politiques. Ils ont constitué une armée qui commence à les faire respecter. Indiquons que la chose, sur un plan différent, se présente un peu similairement concernant les droits des femmes en pays musulmans. Si les femmes ne s'y défendent pas elles-mêmes, comme l'avait fait leurs sœurs ainées en Europe il y a un siècle, nul ne le fera à leur place. Ce ne sera pas en rêvant d'émigrer en Europe qu'elles pourront espérer changer de statut.

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 15 avril 2015)

     

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