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guerre - Page 52

  • Le dilemme du "Chevalier blanc" sans armure

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue lucide de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la guerre contre l'Etat islamique d'Irak et du Levant dans laquelle s'est engagée la France. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre  (Nuvis, 2013).

     

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    Le dilemme du "Chevalier blanc" sans armure

    Frappes ou pas frappes, les exécutions macabres d'otages occidentaux par les émules franchisés et galvanisés du chef des djihadistes de l'EI Al-Baghdadi vont se poursuivre, et le pire est sans doute encore à venir : la décapitation d'innocents à domicile. Face à cette agression radicale, la coalition qui frappe en Syrie et en Irak ressemble à une escadrille de Canadair déversant un peu d'eau sur une gigantesque forêt embrasée. Qui a mal éteint son feu de camp et laissé des braises couver sous la cendre ? La question n'est déjà plus là. En revanche, pour mener ce combat avec certaines chances de succès, nous devons d'abord répondre à quelques questions.On ne sait pas contre qui on se bat. Après avoir - pour des raisons différentes - diabolisé les régimes iranien, syrien et russe, nous sommes contraints à une alliance objective avec eux pour frapper le nouvel "ennemi" commun, financé, appuyé et/ou armé, sans qu'on s'en émeuve outre-mesure, par des États qui désormais participent de notre coalition. Ce jeu de dupes à entrées multiples met à mal le discours sur la "moralité" de l'affrontement. La guerre, c'est en effet le fer, le feu, le rapport de force, mais aussi la hiérarchie des cibles, les victimes civiles, la gestion toujours imparfaite et moralement insatisfaisante des paradoxes et des contradictions. En niant ces données objectives au nom de la morale - en refusant d'admettre que contrer l'État islamique fait de Bachar el-Assad notre allié objectif (et de Téhéran un partenaire précieux), en continuant à le dire notre ennemi, en cherchant à se convaincre qu'il existe des islamistes "modérés" qui nous sauront un jour gré de notre soutien pour le renverser ! -, c'est l'inefficacité militaire et le discrédit politique qui nous guettent. La guerre n'est jamais propre, jamais "juste". Arrêtons de nous payer de mots. Même nos populations n'y croient plus.

    Faire la guerre... sans mourir !

    Ensuite, que veut-on faire ? Là encore, on n'est pas sûr. L'alignement précipité sur l'Amérique, qui a son propre agenda, ne fait pas une politique. Même la Grande-Bretagne a prudemment pris son temps pour entrer dans la coalition, et l'Allemagne participe à bas bruit et avec circonspection. Veut-on frapper pour contenir localement des mouvements radicaux et éviter leur consolidation progressive sur nos territoires ? Pour casser la dynamique de succès du groupe EI, qui est en train de redessiner la carte politique du Moyen-Orient ? Frapper quelques raffineries ne suffira pas. C'est aux financiers étatiques ou privés de "Daech" qu'il faut s'attaquer, et c'est une autre histoire car certains sont pour le moins "ambivalents", voire nous sont utiles sur d'autres sujets (Turquie, Qatar et Arabie saoudite). Veut-on alors détruire l'organisation État islamique ? Mais c'est une organisation rhizomique, une structure à la fois concrète et déterritorialisée, dont la puissance réside aussi dans son immatérialité à la fois messianique et apocalyptique, et qui clame sa nature transnationale, un État sans frontières qui veut abolir les nôtres.Contre lui, les frappes aériennes sont évidemment insuffisantes. Son imbrication dans la population transformée en bouclier humain limite l'impact de l'arme aérienne, sauf à faire de gros dégâts civils qu'on ne peut plus présenter comme des "dommages collatéraux" si l'on veut pouvoir affirmer que les populations civiles locales sont les bénéficiaires ultimes de notre action de force.
    Pourtant, à chaque exécution d'otage, la pression monte sur le politique, et la proportionnalité de l'emploi de la force comme la réversibilité des postures paraissent décalées face à la barbarie des modes d'action de l'adversaire. Bref, notre moralisme entêté nous place dans la situation intenable du "chevalier blanc" sans armure.
    Il est vrai que nous voulons faire la guerre... sans mourir ! À distance, de très haut ou de très loin, face à un adversaire qui espère la mort comme nous chérissons la vie, un adversaire qui, ne pouvant faire la course à la technologie, compense par l'exercice d'une violence au plus près et sans limites un adversaire dont les chefs n'ont aucun problème de recrutement, d'effectifs ou de financement, et que chaque attaque aérienne ou de drone fanatise ! Un adversaire rustique, robuste, endurant, fondu dans la population et prêt à la sacrifier pour ses buts guerriers. Bref on voudrait que la technologie nous aide à gagner la guerre sans devoir la faire au sol, en nombre suffisant et dans la durée. Car les pertes humaines semblent scandaleuses et dangereuses à nos politiques. À leurs yeux, le héros est mort, le soldat est devenu un individu à protéger, un citoyen comme les autres, c'est-à-dire de moins en moins citoyen. La vaillance disparaît de la symbolique guerrière... Sauf chez l'adversaire, qui, lui, valorise le sacrifice, promet le paradis, stigmatise notre attachement à l'existence hic et nunc comme une insigne faiblesse.

    Arbitrages politiques inconséquents

    Enfin, "schizophrénie" ultime, nous voulons intervenir partout, mais sans moyens... La France a réduit les formats et les équipements de ses armées à une peau de chagrin. Nous sommes "à l'os", une armée "échantillonnaire" que le prescripteur politique, pourtant, engage avec prodigalité sur tous les théâtres, pour contenir la violence du monde et manifester la souveraineté du pays. Mais l'expression "intervention symbolique" est malheureusement à double sens... Dans l'incurie généralisée d'un État entropique et nécessiteux à force de gloutonnerie, les armées ont été les seules à obéir à l'injonction budgétaire sans paralyser le pays et à se laisser réduire à la portion congrue sans broncher... jusqu'à maintenant. La réalité du monde nous rattrape. Un monde de plus en plus dangereux, en partie du fait des fronts ouverts de notre propre initiative au nom d'une volonté de transformation bienveillante des équilibres régionaux, au nom de la démocratie et de la justice, au nom des peuples, qui se retrouvent pourtant souvent massacrés ou instrumentalisés pour des luttes abstraites dont ils sont les perpétuels otages.
    L'ingéniosité de nos chefs militaires et de nos soldats, leur courage intrinsèque, leur volonté de "faire avec", de remplir coûte que coûte les missions attribuées ont certes déjà permis des miracles, mais la réalité est là. On ne peut être partout sans effectifs ni moyens conséquents en nombre et en état. Le "maintien en condition opérationnelle" de nos matériels comme de nos soldats est mis en danger par des arbitrages politiques inconséquents. Il faut cesser de gager l'action de nos armées sur des "ressources exceptionnelles" hypothétiques, elles-mêmes dépendantes d'une croissance spectrale et de la vente d'actifs surévalués... Le début d'une remise en cohérence de nos ambitions, de nos intérêts et de nos moyens est à ce prix. Les Français comprendront alors parfaitement que leurs armées servent à quelque chose, à chacun, chaque jour. Ils ont tout à y gagner.

    Caroline Galactéros (Le Point, 10 octobre 2014)

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  • Tour d'horizon... (74)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog Défense en ligne, Philippe Leymarie évoque l'épidémie de fièvre d'Ebola et la crainte de contagion générale...

    Ebola, une affaire de sécurité nationale

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    - sur Theatrum Belli, un texte de Régis Boyer, spécialiste de la mythologie nordique et des sagas scandinaves...

    Le guerrier nordico-germanique face au Destin

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  • Les fondations de la science de la guerre...

    Les éditions Economica viennent de publier dans leur collection "Bibliothèque stratégique" un recueil de textes du général J.F.C. Fuller, intitulé Les fondations de la science de la guerre et traduit de l'anglais par le lieutenant-colonel Olivier Entraygue. Ce dernier a consacré une étude, Le stratège oublié (Brèches, 2012), à ce penseur de la guerre britannique non-conformiste, oublié en France au profit de son cadet Liddell Hart en raison de son engagement au sein de la British Union of Fascists de Mosley...

     

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    " Officier général, britannique, intellectuel, militaire rebelle, hérétique, iconoclaste, occultiste, progermanique, non-conformiste, agitateur d’idées, provocateur, journaliste, historien, politicien et philosophe le Major-General J.F.C. Fuller doit être considéré comme le véritable prophète de la Blitzkrieg et le chef de file de la pensée militaire moderne née de la Grande Guerre. 

    Dans cet ouvrage, est réuni l’ensemble des conférences de stratégie écrites par le colonel J.F.C. Fuller lorsqu’il était directeur de l’instruction au Staff College de 1923 à 1925. "

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  • Les contradictions de l'intervention occidentale en Irak...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 18 septembre 2014 et consacrée à l'intervention occidentale en Irak contre l'Etat islamique en Irak et au Levant...

     


    Éric Zemmour : "Les contradictions de l... par rtl-fr

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  • Jean Mabire, un conteur des guerres et de la mer...

    Les éditions Dualpha viennent de publier Entretien avec Jean Mabire, conteur des guerres et de la mer, un livre de Francis Bergeron. On doit déjà à la plume talentueuse de Francis Bergeron des biographies de  Béraud, Léon Daudet, Saint-Loup, Monfreid, Hergé, Bardèche ou Paul Chack, dans la collection Qui suis-je de chez Pardès.

     

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    Jean Mabire fut un journaliste et un écrivain, mais aussi un soldat et un militant. En 1995, Francis Bergeron a réalisé une interview fleuve de l’auteur de la fameuse trilogie sur l’histoire des SS français, auteur également de livres cultes pour toute une génération : Commando de chasse, Drieu parmi nous, Les Paras perdus. Le texte de cette rencontre était resté inédit pendant près de 20 ans.

    Pourtant cet entretien constitue l’amorce passionnante d’une autobiographie, un retour en arrière, qui éclaire toute l’œuvre de celui que Didier Patte, président du Mouvement normand, et beaucoup de ses amis appelaient affectueusement Mait’Jean ; il nous aide à comprendre ce que celui-ci nous a apporté. C’est le « chantre de tous les braves », comme l’explique l’historien Éric Lefèvre, et coauteur de certains de ses livres : « Il voulait célébrer la grande aventure, les prouesses guerrières, sous n’importe quel drapeau. »

    Jean Mabire est aussi le chantre des aventures maritimes. Et, sur les pas de La Varende, un passionné de sa Normandie.

    « Nous ne changerons pas le monde, il ne faut pas se faire d’illusion, mais le monde ne nous changera pas. »

    Auteur de plus d’une centaine de livres, dont certains eurent un énorme succès de vente, et de milliers d’articles, préfaces et participations à des ouvrages collectifs, Jean Mabire restera enfin comme l’une des figures majeures du politiquement incorrect des années 60 à l’an 2000.

    Ses essais et ses ouvrages d’histoire contemporaine sont d’ores et déjà recherchés, collectionnés, réédités, gages de la pérennité d’une vision historique,  de l’influence de celui qui fut et restera un conteur et un trans­metteur de premier plan, mais aussi et peut-être d’abord un maître à vivre.

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  • Guerre totale ?...

    "Dès qu'un pays a décidé de faire la guerre, il met les forces armées, l'économie du pays et le peuple lui-même à la disposition du chef qui aura à conduire cette guerre. La politique doit servir le haut commandement ; le général en chef devient la seule force dirigeante." E. Ludendorff, La guerre totale

    Avec La guerre totale, livre publié en 1935, le général Erich Ludendorff, vainqueur de Tannenberg et quasi-dictateur militaire de l'Allemagne, aux côtés du Maréchal Hindenburg, entre 1916 et 1918, se fait le théoricien d'un certaine hybris militariste, où la guerre devient presque une fin en soi. Les éditions Perrin viennent de rééditer en format poche dans la collection Tempus ce classique de la stratégie avec une copieuse préface de Benoît Lemay, qui a publié chez le même éditeur des biographies de Rommel et von Manstein.

     

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    "Inversant la thèse de Clausewitz dans son ouvrage De la guerre, le général Ludendorff, adjoint de Hindenburg pendant la Grande Guerre et vainqueur de la bataille de Tannenberg, affirme que la politique, en cas de conflit, doit être entièrement subordonnée au militaire. Tout en inscrivant la " guerre totale " dans le cadre d'une dictature, il la définit par la mobilisation de tous les moyens de production du pays et par une stratégie largement offensive, quitte à frapper les civils.
    Publié en 1935, cet essai rencontra d'emblée un succès important en Allemagne. Il apparaît aujourd'hui prophétique dans la mesure où Ludendorff émet des préconisations qui seront reprises par Hitler quelques années plus tard - à commencer par le concept de guerre totale qui devint, pour le malheur de l'humanité, la vulgate du régime nazi."

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