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france - Page 49

  • Le dilemme français...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Eric Branca publié dans Spectacle du monde et consacré aux choix qui s'offrent à la France en matière de politique étrangère...

     

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    Le dilemme français

    Héritière d’une prestigieuse tradition remontant à l’Ancien Régime, la diplomatie française de la Ve République, sous l’impulsion initiale du général de Gaulle, sut faire entendre une voix originale et respectée. Une voix nonalignée. En dépit d’inflexions de plus en plus sensibles – surtout après la fin de la guerre froide (1991) et le traité de Maastricht (1992) –, les successeurs de Charles de Gaulle, de Georges Pompidou à Jacques Chirac inclus, se sont attachés à inscrire leur action dans une certaine continuité, à préserver un certain esprit d’indépendance, quelques principes. Ayant fait campagne, en 2007, sur le thème de la « rupture », Nicolas Sarkozy n’avait pas dissimulé, alors, que celle-ci visait aussi cet héritage. Aujourd’hui, alors que son quinquennat arrive à son terme, quel bilan peut-on tirer de son action, quelle est l’image de la France dans le monde, quelles perspectives d’avenir peut-on esquisser ?

    De Gaulle estimait que la France se devait d’avoir une « grande politique » sous peine de ne plus exister. Giscard préférait indexer notre influence sur son poids : « 1 % du monde ». La contradiction est d’autant moins résolue que, depuis trente ans, les traités européens auxquels nous souscrivons multiplient les ligotis juridiques censément « irréversibles »…

    Ceux qui ont lu les Mémoires de guerre du général de Gaulle se souviennent du passage célèbre où, décrivant ses débuts à Londres, dans les premiers jours de l’été 1940, il fixe la stratégie à laquelle le contraint son isolement et même, alors, son anonymat : « Ce dénuement même me traçait ma ligne de conduite. C’est en épousant, sans ménager rien, la cause du salut national que je pourrais trouver l’autorité… Les gens qui, tout au long du drame, s’offusquèrent de cette intransigeance ne voulurent pas voir que, pour moi, tendu à refouler d’innombrables pressions contraires, le moindre fléchissement eut entraîné l’effondrement. Bref, tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner des sommets et n’en descendre jamais plus. »

    Vision immédiate du rapport de force (en l’espèce, le plus défavorable qui se puisse imaginer, à la fois pour la France, dépecée par l’ennemi, et pour de Gaulle, prétendant la relever à partir de rien) et choix du meilleur levier pour le rééquilibrer (en l’occurrence, le plus inattendu : cet acte de volonté brute en forme de coup de poker qui prendrait de court les Britanniques, rompus, depuis les années 1930, à décider pour les Français), tout se tient. Le premier geste historique du futur fondateur de la Ve République est d’abord un geste de politique étrangère qui fondera, plus tard, sa légitimité dans l’ordre intérieur. Face aux Britanniques, de Gaulle comprend que s’il n’est pas reconnu comme un allié à part entière, il n’incarnera pas la France aux yeux du monde ; et que, sans cette base de départ, il est vain d’espérer que, même en cas de victoire alliée, la France, mise hors jeu par l’armistice, recouvre jamais son statut d’Etat souverain. Mais en réaliste, il comprend aussi que cette volonté d’incarner la France doit se traduire juridiquement : ayant été reconnu, faute d’autres candidats, seul chef des Français libres par Churchill, son souci primordial est de faire en sorte que ses premiers partisans n’incarnent pas une légion de combattants au service de la Grande-Bretagne, mais l’embryon d’une organisation appelée, le jour venu, à incarner la légitimité française.

    Non sans humour, le grand juriste René Cassin, que de Gaulle avait chargé, le 29 juin 1940, de rédiger dans ce sens les ordonnances fondatrices de la France libre, décrira après la guerre l’image qui lui traversa l’esprit à ce moment précis : « Si Hitler regardait par le trou de la serrure, et entendait ce professeur de droit qui doctrinait : “Nous sommes l’armée française’’, et ce général à titre provisoire qui renchérissait : “Nous sommes la France’’, il s’écrierait certainement : “Voilà deux fous dignes du cabanon !”... »

    Pourtant, cinq semaines plus tard, le « fou » obtiendra gain de cause en signant avec Churchill les accords du 7 août 1940 par lesquels le Royaume- Uni reconnaissait à la France libre un statut d’allié à part entière. Ceux-ci lui permettront de se doter d’une administration et de finances propres, qu’alimenteront les dons recueillis par les comités de Français libres du monde entier et surtout les avances remboursables consenties par la Grande- Bretagne. Ce dernier détail est essentiel, car s’ils n’avaient pas d’emblée été conçus comme tels, ces subsides auraient privé la France libre de toute marge de manoeuvre à l’égard de son hôte. De fait, la plupart de ces avances seront remboursées, dès avant la fin de la guerre, sous forme de fournitures militaires (les navires, par exemple, que les jeunes Forces navales françaises libres ne pouvaient armer en raison de la faiblesse de leurs effectifs) et de matières premières livrées à la Grande-Bretagne à partir des territoires ralliés à la France libre.

    C’est que, pour de Gaulle, qui s’inscrit dans une tradition à la fois chrétienne et platonicienne, l’essence précède l’existence : « l’idée de la France » existant indépendamment de son incarnation, il suffisait de poser sa survie avec suffisamment de foi pour que les faits – appuyés sur une logique rigoureuse (« vaincus par une force mécanique supérieure, nous pourrons vaincre, demain, par une force supérieure encore », etc.) – lui donnent raison. Toute sa politique future en découlera, mélange d’empirisme parfois brutal et de vision spirituelle à long terme : la dissuasion du faible au fort comme antidote à la double hégémonie convenue des hyperpuissances et comme garantie contre la protection abusive d’alliés trop envahissants ; la sortie du commandement militaire intégré de l’Otan afin que les armes de la France ne concourent pas à des buts de guerre contraires à ses intérêts vitaux ; la promotion d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural » comme alternative au rideau de fer…

    Pour spectaculaire qu’ait été ce retour en force de la France dans les affaires du monde aux yeux d’une opinion internationale déshabituée, depuis 1918, à voir la France jouer un rôle de premier plan, de Gaulle ne s’en inscrivait pas moins dans la droite ligne de la politique classique de la monarchie française : la priorité traditionnelle aux alliances de revers pour équilibrer le poids de l’Empire (avec le pape contre le Saint Empire, sous Saint Louis ; avec le Grand Turc contre Charles Quint, sous François Ier), se traduirait, dans les années 1960, par l’engagement de la France dans deux directions simultanées et complémentaires, destinées à équilibrer la thalassocratie anglo-saxonne : une politique résolument continentale (dégagement colonial, rapprochement franco-allemand, détente avec l’URSS) et une prise en compte des revendications du tiers-monde afin de pouvoir compter sur des alliés sûrs à l’ONU.

    Mais, en 1974, changement de cap : avec l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing, la France renoue avec la logique de « sécurité collective » qui avait prévalu entre les deux guerres, sous l’influence de Jean Monnet, l’un des pères de la Société des nations (SDN) avant de devenir celui de l’Europe supranationale actuelle. Dans cette conception, les Etats sont moins des entités historiques, dotés, d’intérêts vitaux dont les gouvernements sont comptables que des pions sur l’échiquier d’une démocratie mondiale où tout se décide par le vote.

    Après l’essentialiste de Gaulle, voici l’existentialiste Giscard, pour qui toute politique étrangère se fonde sur le poids relatif des Etats. On connaît celui, démographique de la France, qu’il prend soin de rappeler à ses concitoyens, dès les premiers jours de son mandat : « 1 % du monde ». A de Gaulle, qui, d’un constat plus pessimiste encore (le nanisme politique de la France libre) tirait la conclusion que seule une « très grande politique » pouvait nous préserver de la disparition, succède une philosophie, progressivement acceptée par tous, selon laquelle la volonté s’efface devant la nécessité.

    Ecoutons Valéry Giscard d’Estaing dresser les grandes lignes de sa politique étrangère, à l’occasion de sa première conférence de presse consacrée au sujet, le 20 décembre 1974 : «Nous passons d’une civilisation de groupe à une civilisation mondialiste. La politique étrangère, c’est essayer de trouver des solutions qui permettent réellement de traiter les problèmes de l’espèce, la paix, la pollution, le développement, ainsi de suite… Ce qui fait que, nécessairement, la politique étrangère de la France sera une politique mondialiste et de conciliation. A l’heure actuelle, la France n’a plus aucune revendication d’aucune sorte. [Sa vocation], c’est d’aider à l’apparition d’un certain mondialisme des problèmes… C’est pourquoi on peut dire : “Vous êtes l’ami de tout le monde, vous êtes l’ami des Soviétiques, vous êtes l’ami des Américains”… Effectivement, notre rôle, c’est d’être un facteur de conciliation chaque fois que c’est possible… »

    Ainsi, si la France se doit d’être partout présente, ce n’est plus, comme naguère, pour défendre ses intérêts spécifiques, mais, au contraire, pour aider indistinctement l’URSS et les États-Unis, à désamorcer les tensions. Pour la première fois, le refus des rapports de force devient un axiome et l’angélisme un mode d’expression. De fait, Giscard ne croit pas que le condominium soviéto-américain, que de Gaulle n’avait de cesse de briser, soit un danger pour la paix du monde. Mieux : il estime nécessaire d’enrôler la France à son service.

    Les conférences sur le désarmement, que de Gaulle autant que Pompidou refusaient de cautionner parce qu’ils les tenaient pour un moyen de neutraliser le pouvoir d’équilibre des non-alignés ? Giscard promet d’y participer tôt ou tard, et l’annonce même d’emblée à Leonid Brejnev ! D’où le choix – par contraste avec un Maurice Couve de Murville ou un Michel Jobert – de ministres en phase avec la modestie des buts assignés à la France, « puissance moyenne » selon Giscard. Au reste, que demander à un Jean Sauvagnargues, à un Louis de Guiringaud, ou même à un Jean François-Poncet, si ce n’est « gérer l’imprévisible », selon la formule mise à la mode par le nouveau président de la République ?

    Gérer l’imprévisible : au nom de ce principe, quelle direction donner à la politique hors celle que semblent indiquer les événements ? Même le Monde, naguère si prompt à dénoncer la politique de la « France seule » qui fut, à l’en croire, celle des deux précédents présidents, s’inquiète alors de l’absence de lisibilité du dessein giscardien. Avec Giscard, résume André Fontaine le 26 octobre 1974, ce n’est plus “l’intendance suivra”, comme sous de Gaulle, mais l’“intendance précède”. Et d’appliquer au chef de l’Etat cette formule tirée des Faux-monnayeurs de Gide : « Il ne s’oublie jamais dans ce qu’il éprouve, de sorte qu’il n’éprouve jamais rien de grand. »

    Mais de même que les gadgets de la « décrispation » giscardienne dissimulaient un vrai projet – rendre inutile l’alternance en vidant le programme commun de son contenu –, de même l’apparente résignation du nouveau pouvoir à laisser la France glisser du statut de sujet à celui d’objet de la vie internationale n’est pas le fruit du hasard. Elle doit tout à l’influence de Jean Monnet, qui, un mois à peine après l’élection de Giscard, décida de dissoudre son Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe, créé dix-huit ans plus tôt et devenu sans objet, puisqu’il avait propulsé l’un de ses membres à l’Elysée.

    Dès 1974, le programme Monnet, conçu comme une fusion progressive des nations européennes en un Etat fédéral expérimental, prodrome d’un gouvernement mondial (lire à ce sujet ses Mémoires, parus chez Fayard, en 1976), sort des cartons et prend vie : création du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, décision, en 1977, d’élire le Parlement européen au suffrage universel direct (dernier projet supervisé par Jean Monnet, alors âgé de quatrevingt- huit ans) ; création, surtout, du Système monétaire européen (1979), matrice d’où sortira, avec le traité de Maastricht (1992), l’instauration d’une monnaie unique européenne, le 1er janvier 1999.

    Avec Maastricht est inauguré un type d’accord international jusqu’alors inédit : la matière négociée ne s’impose plus à la loi interne des Etats seulement sous réserve de réciprocité, comme dans les traités internationaux classiques, mais en toutes circonstances ; et surtout, celle-ci vaut acceptation d’un droit externe supérieur aux lois nationales forgées par les Parlements. La souveraineté qui, depuis Aristote, était un absolu (de même qu’une porte est ouverte ou fermée, on est libre ou on ne l’est pas), devient une valeur relative. Donc, n’existe plus dans sa définition classique. Le pli est pris qui, de jurisprudence en jurisprudence, va soumettre la loi votée, expression de la souveraineté populaire, à des textes édictés par des instances représentatives non élues, en l’occurrence les organes de l’Union européenne, la Commission de Bruxelles et la Cour de justice de Luxembourg, respectivement garante et interprète suprême des traités…

    Le dessaisissement des Etats va donc se poursuivre suivant un scénario bien rôdé : avec Maastricht, pas moins de dix-neuf matières seront reconnues de compétence communautaire, depuis la politique commerciale et douanière jusqu’au tourisme, en passant par l’industrie, la concurrence, l’environnement, la recherche, la santé et la protection du consommateur ; en 1998, le traité d’Amsterdam ajoutera l’immigration et la sécurité commune ; en 2009, le traité de Lisbonne, ratifié par voie parlementaire et reprenant point par point le texte de la Constitution européenne, refusé en mai 2005 par le peuple français, parachèvera l’évolution en soumettant, non plus seulement les droits internes, mais les droits constitutionnels nationaux au droit communautaire…

    Et voici que, sous la pression de la crise, exacerbée par les critères de convergence d’une monnaie unique imposant les mêmes obligations à des zones au développement divergent (pour faire court, la Bavière et le Péloponnèse), le futur traité – négocié sous la pression des marchés par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le 5 décembre 2011 –, se propose de communautariser les questions budgétaires, donc fiscales !

    Un Etat privé de sa liberté budgétaire, donc incapable de fixer sans l’accord de ses voisins les marges de manoeuvre nécessaires à la défense de ses intérêts au sens large, peut-il, de fait, se targuer d’avoir encore une politique étrangère indépendante ? Comme on le dit d’un disque dur d’ordinateur, celle-ci se trouve ipso facto « formatée » : le logiciel fixe non seulement les moyens disponibles, mais encore et surtout, le but à atteindre. La standardisation s’impose pour les Etats de la même manière qu’elle s’impose pour les armées, dans le cadre de l’organisation intégrée de l’Otan, rejointe par la France en 2009.

    Ainsi est-on parvenu au résultat de « l’effet d’engrenage » (ou spill over effect) vanté par Jean Monnet au moment de l’entrée en vigueur de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), en 1952 : un transfert en douceur des compétences traditionnellement régaliennes vers des organismes techniques échappant aux « aléas » – comprendre : à la volonté des peuples.

    Ce spill over effect, selon le vocable emprunté à l’école néofonctionnaliste américaine, chère aux disciples de Jean Monnet, a été fort bien résumé par Jacques Delors, alors président de la Commission de Bruxelles, le 30 novembre 1989, à l’occasion d’un colloque du Center for European Studies de Boston : « Le secret de la construction européenne est celui d’une dialectique entre la force des engagements fondamentaux et le développement spontané de ses multiples effets d’engrenage… »

    Contre de Gaulle, qui ne concevait l’économie que comme une discipline ancillaire du politique, Monnet aura bel et bien imposé l’ordre inverse : la soumission de la politique – qui implique la liberté de choix, donc l’existence de plusieurs possibles – à la technique économique, laquelle ne souffre aucune alternative, puisqu’elle se conçoit elle-même comme détentrice d’une rationalité suprême !

    En 2011, la boucle était bouclée, qui permettait à Jacques Attali d’expliquer comment la monnaie unique avait été conçue, à l’insu même des peuples, auxquels on l’avait « vendue » sous les espèces d’un produit miracle destiné à empêcher les crises, comme un engrenage destiné, au contraire, à imposer la création d’une super-administration pas nécessairement confinée aux frontières politiques de l’Europe : « Lorsque nous avons créé le marché unique, en 1984, confiait-il, le 11 août 2011 à la revue sur Internet du Council on Foreign Relations (CFR), nous savions que le marché unique ne pourrait pas fonctionner sans une monnaie unique, et nous avons créé une monnaie unique. Et lorsque nous avons créé cette monnaie unique, nous savions que la monnaie unique ne pourrait pas survivre sans un budget fédéral. » Il concluait : « Nous sommes en train de voir apparaître un marché mondial sans un Etat de droit mondial. Nous avons donc besoin d’une primauté globale du droit […] et d’un nouveau système international où la charge de la réserve de monnaie mondiale serait répartie entre les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Europe. »

    De l’Europe à la crise et de la crise, conçue comme un levier, vers un gouvernement mondial : on voit à quoi ont abouti, depuis Maastricht, les ligotis acceptés par les Etats, de traité en traité, au prétexte d’assurer à l’Europe une prospérité qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne s’est pas imposée comme la contrepartie spontanée de l’extinction de leurs souverainetés.

    « On lie les boeufs par les cornes, et les peuples par les traités », résumait Antoine Loysel, l’un des plus grands légistes français, qu’admirait Richelieu. Quatre siècles plus tard, le dilemme de la politique étrangère française reste entier : garder les mains libres ou se soumettre aux engrenages, au risque de s’y faire broyer.

    Eric Branca (Le spectacle du monde, janvier 2012)

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  • La France de Nicolas Sarkozy...

    Les éditions Desclée de Brouwer publient cette semaine La France de Nicolas Sarkozy, un recueil des chroniques de François Taillandier publiées dans le quotidien L'Humanité entre 2007 et 2011. Auteur de plusieurs essais, comme Les parents lâcheurs (Rocher, 2001), François Taillandier est aussi romancier et a, notamment, écrit une magnifique fresque romanesque en cinq volumes, intitulée La grande intrigue, parue chez Stock (mais en cours de publication en poche dans la collection Folio), que nous vous recommandons.

    Métapo infos a reproduit deux textes de cet auteur, «Pass contraception : just do it» et «Le bruit des baskets», que nous vous invitons à découvrir...

     

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    "2012 est une année d’échéance électorale importante pour la France : présidentielles, légistlatives, avec peut être une alternance en vue. C’est aussi l’occasion de bilans d’ordre politique, économique ou de société. À la croisée des chemins, notre société s'interroge sur ses options fondamentales.
    Mais qu’est donc devenu la France au cours du quinquennat de Nicolas Sarkoy ? En quoi a-t-elle changé ? Est-ce le pays du « Président des riches » pour reprendre le titre d’un récent best-seller ? Quelles sont les valeurs et les mentalités de ceux qui l’habitent ?
    En reprenant et relisant ses chroniques écrites pour le quotidien L’Humanité durant toute cette période, François Taillandier dresse un tableau vif et suggestif de notre société contemporaine."

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  • Afghanistan :le service inutile ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Metamag et consacré à l'impasse de l'engagement français en Afghanistan au service des intérêts américains...

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    Afghanistan : le service inutile

    Quatre nouveaux morts en Afghanistan et douze blessés rapatriés à l’hôpital militaire de Clamart, dont cinq dans un état grave. Le bilan est préoccupant pour l’armée française. Dès le vendredi, le Ministre de la Défense, Gérard Longuet ne mâchait pas ses mots et qualifiait la dernière attaque d’« assassinat ». On susurrait même la remise en cause de notre présence à Kaboul.

    Les quatre militaires français ont été abattus à l’intérieur de leurs bases, alors même qu’ils faisaient leurs exercices physiques du matin. Ils n’avaient donc ni armes, ni gilets pare-balles lorsqu’un homme, habillé en soldat afghan, a tiré à l’arme automatique dans la cour. Il s’agirait d’un élément taliban infiltré récemment, d’un opposant à la coalition, qui n’aurait pas supporté la vidéo récente (sur Liveleak) de marines américains urinant sur les cadavres d’insurgés, une bouteille d’eau placée même, de manière très équivoque, entre les cuisses d’un des corps.


    L’armée française assure la formation de ces recrues afghanes en les entraînant au maniement des armes, à l’usage des explosifs. Mission risquée puisque, parmi ces soldats, comme dans toute guerre de partisan, des éléments hostiles peuvent être infiltrés. Le mois dernier déjà, au moment où nous procédions à une analyse géopolitique du conflit, deux légionnaires français étaient tués, dans le dos  et à bout portant, par un afghan portant l’uniforme.

    « Plus question d’aller au contact de ces militaires ». C'est la mesure immédiate prise par Nicolas Sarkozy, le matin même de la nouvelle qui tombait très mal; c’était le jour où il adressait ses vœux au corps diplomatique. «Toutes les opérations de formation et d’aide au combat sont suspendues ». Et Nicolas Sarkozy de rajouter comme à son habitude, dans l’émotion et la précipitation, « si les conditions de sécurité ne sont pas clairement établies, se posera la question du retour du contingent français en France ».

    Les Américains bloquent notre départ

    Le lendemain, Gérard Longuet n’en dit pas un seul mot devant les corps de nos cinq soldats à Kaboul. C'est qu’entre temps et très rapidement, la réponse américaine n’avait pas tardé et pas par la bouche de n’importe qui. Par celle de Hillary Clinton. C’est-à-dire directement en provenance du clan pro-guerre et sioniste de la Maison Blanche : « Nous n’avons aucune raison de penser que la France ne va pas continuer à prendre part au processus délicat de transition » déclara, dans une posture très solennelle, Hillary Clinton. La menace clintonnienne, qualifiée hypocritement d’ « injonction courtoise », est transparente : il n’est pas question, pour les Etats-Unis, de se retrouver seuls en Afghanistan.

    Un autre, en France, avait déjà fait le boulot atlantiste, c’est le soi-disant « spécialiste de la défense », en réalité porte-parole servile et notoire du contre-espionnage français, Pierre Servent. Pour lui, les conséquences d’un retrait de nos troupes d’Afghanistan avant 2014, date officiellement retenue, seraient catastrophiques.

    Cela donnerait un signe négatif à la coalition, en adressant un message indirect aux autres pays membres de s’en retirer. Et second signe, qui serait pire sur le terrain, selon lui, c’est que cela conforterait les Talibans dans leur stratégie de déstabilisation, les encouragerait à poursuivre ce type d’opérations. Pierre Servent feint d’ignorer la débandade occidentale sur place, la fragilité des positions françaises et l’évolution négative de la situation.

    En attendant, Paris vient d’envoyer une délégation ministérielle à Kaboul. Elle doit y évaluer les conditions de sécurité de nos troupes. Un retrait d’Afghanistan est-il possible ou sommes-nous pris dans un bourbier, enserrés dans un piège ? Et quel bourbier ? Quel piège ? Le piège géopolitique de la vision « démocratique » de la gouvernance mondiale. Pourtant, le retrait est peu sûr, voire improbable. Pourquoi ? La guerre d’Afghanistan a été perdue.

    Nicolas Sarkozy ment: nous avons perdu la guerre

    La guerre en Afghanistan est une guerre perdue pour le camp occidental. On ne fait aujourd’hui qu’y chercher une sortie honorable, pour éviter le même type d’humiliation subie par les soviétiques, il y a 23 ans. L’opinion publique américaine ne voit plus l’intérêt de maintenir des troupes là-bas et le retrait est planifié pour fin 2014. En France, alors que cette opération extérieure coûte la bagatelle de un million d’euros par jour, seuls quelques nationalistes défilent dans la rue, à Lyon, pour réclamer la fin de la guerre. L’opinion publique est amorphe. Puis, il y a la surenchère électoraliste d’un François Hollande promettant, s’il est élu Président, de retirer, avant la fin de l’année, une partie de nos troupes.

    Nicolas Sarkozy, au plus bas dans les sondages, a peut-être cru qu’il fallait, là-aussi, prendre le train en marche. Il aurait eu au téléphone, vendredi, son collègue Obama qui lui aurait promis de lui laisser toute l’initiative de prendre une décision. C’est oublier qu’en politique étrangère et dans le domaine de la Défense, Obama ne tient rien du tout et qu’il est même ligoté, depuis le début, par l’accord passé au moment des primaires de 2008 avec les clintonniens.

    Il est vrai qu’un retrait français, dans la situation actuelle, serait un coup dur, voire fatal pour la coalition et qu’il n’est donc pas envisageable puisqu’il hypothéquerait, de fait, toutes les chances de stabilisation de la région. Car, dans quel état se trouve maintenant le pays ?

    Le Président Hamid Karzaï est un homme corrompu et l’Afghanistan se prépare à vivre des lendemains d’autant plus sombres que les Talibans gagnent du terrain partout. Ils ont infiltré les services de sécurité afghans et le tiers de l’armée pakistanaise voisine. Toute la région afgho-pakistanaise est devenue une poudrière et l’Inde est de plus en plus inquiète et menacée à l’Ouest mais aussi d’ailleurs à l’Est par les rébellions maoïstes. Elle s’attend, d’ailleurs, à des attentats ou à des opérations sur son territoire et ses services secrets sont, comme toujours, en état d’alerte maximale. L’Inde, dont l’Afghanistan constitue un état tampon pour sa sécurité, semble perdre ses appuis tribaux officieux sur le terrain.

    C’est que le peuple afghan, il faut bien le dire, est un peuple noble, guerrier, mais aussi tortueux. Les mallettes de dollars, l’héroïne, les promesses chinoises, sont autant de raisons de trahir, aujourd’hui, les amis d’hier. Comment les occidentaux pourraient-ils leur faire confiance ? Les Américains, souvent ignorants de l’Orient, y ont peut-être cru; pas les Français.

    L’Asie centrale est, avec l’Irak où Obama a retiré ses troupes, l’échec cuisant de la géopolitique mondialiste. Croire qu’on pourrait contenir la puissance chinoise par l’Orient était déjà un rêve chimérique, le résultat d’une vision cartographique quelque peu dépassée à l’ère satellitaire et cybernétique. Les Talibans vont devenir les maîtres de l’Afghanistan et, en Irak, l’Iran a tous les atouts pour actionner ses alliés chiites et faire, de ce pays, une énième république islamique.

    Ainsi, l’échec de l’intervention afghane est un double échec pour les Occidentaux. Que Longuet rectifiasse le tir sarkoziste maladroit en n’évoquant plus, sur place, le retrait ou l’accélération du retrait anticipé de nos troupes ne changera rien. Nous continuerons d’essuyer des pertes et nous partirons, comme les Anglais de Gandarak, comme les Soviétiques, la queue entre les jambes.

    Un soldat afghan simplement résistant

    Le soldat afghan qui a tiré à l’arme automatique sur nos soldats avait 21 ans. Soyons franc et juste. D’un point de vue patriotique, son parcours est exemplaire : il avait déserté de l’armée nationale de collaborateurs en s’en faisant renvoyer, était parti compléter sa formation au Pakistan pour se réengager dans l’armée officielle d’un point de vue résistant. Nous savons bien, depuis les guerres d’Indochine et d’Algérie, que n’importe quelle armée régulière, aussi performante technologiquement parlant, ne peut rien contre le sentiment national d’un peuple, la fierté identitaire d’un soldat-militant. C’est le propre des sales guerres de partisan que de n’être jamais loyales. Il est évident que les officiers français, sur le terrain, sont déstabilisés et ont perdu la confiance qu’ils avaient pu avoir –si tant est qu’ils l’ont eu! – avec l’armée afghane.

    Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, a rencontré samedi un général afghan pour déterminer les circonstances de la mort des Français et pour adresser un message de fermeté. Il lui aurait demandé de s’engager sur la loyauté de ses troupes et de faire des contrôles internes pour contrer toute infiltration terroriste. C’est un peu croire au Père Noël.

    Déjà, pour connaître personnellement le terrain, la loyauté n’a pas du tout le même sens en français et en urdu. Les soldats français, indéniablement, se sentent trahis. Un entretien est prévu entre le Ministre français et le Président Karzaï. Longuet devrait rentrer avec un rapport sous le bras pour établir la sécurité de nos 3 600 soldats sur place et en parler avec Nicolas Sarkozy de retour de Guyane.

    Dès le samedi 21 janvier, soit le lendemain de l’attaque du camp français de Fob Gwan, les Talibans revendiquaient l’attaque et avouaient avoir recruté des militaires dans l’armée nationale afghane. Qu’il y ait diversifications des interventions terroristes en Afghanistan ne fait aucun doute sans compter que l’armée afghane recrute à la va vite et très largement des éléments, pas forcément talibans mais hostiles –ne serait-ce que par le fait religieux – aux forces occidentales.

    Combien de sympathisants talibans parmi les quatre-vingt mille hommes qui constituent aujourd’hui l’armée nationale ?  La question hante forcément les états-majors occidentaux et personne n’a la réponse. Ce qui est certain, c’est que ce type d’opérations s’est multiplié l’année dernière dans les bases militaires américaines mais que, jusqu’alors, l’armée française avait été épargnée. De plus, à partir du moment où les troupes de l’Otan ne sortent plus ou sortent moins et se replient sur leurs bases, ce type d’opérations sera de plus en plus courant.

    L'armée française victime de l'atlantisme et de l'Etat major

    C’est la logique de la guerre et du combat comme est naturelle la haine grandissante dans le camp afghan des soldats occidentaux, de ces marines américains urinant sur les cadavres. Les soldats afghans le disent : ils ont de plus en plus le dégoût et le rejet de l’armée américaine et de ses méthodes : paroles humiliantes, opérations nocturnes contre les civils. Tout cela finit forcément par s’accumuler dans le sentiment anti-américain. Or, pour un soldat afghan de base, il n’y a guère de différence entre un soldat américain et un militaire français.

    Pourtant, il y en a bien une, qu’on ne relèvera jamais. Les hommes qui périssent en Afghanistan sont des militaires chevronnés et formés. Nous pouvons même dire que ce sont les meilleurs d’entre eux. L’armée américaine a beaucoup moins de scrupules pour ceux qu’elle envoie au front. Ce sont des haïtiens, des latinos en quête de papier. Nous avons suivi le parcours d’un d’entre eux pour la carte verte, après le tremblement de terre de Port-au-Prince. Engagé en août 2009, six mois de formation aux Etats-Unis, six mois sur la base d’Okinawa au Japon et le voilà arrivé, la semaine dernière en opération en Afghanistan, la tête bourré de préjugés, à peine formé au maniement des armes et sans aucune notion de civilisation.

    Ces soldats américains, qu’on rencontre sur le terrain, n’ont donc rien à voir avec l’intelligence et la formation morale de nos soldats avec lesquels, par la faute de la haute hiérarchie militaire, ils seront pourtant confondus. C’est à ce titre que l’amiral Edouard Guillaud, toujours à la remorque des politiques, y compris comme artisan de la charia-cratie en Libye, peut être considéré comme responsable de l’aveuglement stratégique de la position française, à la différence du général Desportes. Le patron de l’Ecole de Guerre avait, à l’été 2010, tiré la sonnette d’alarme dans Le Monde, en un texte incisif mais clairvoyant, pour lequel le pacha Guillaud, dans une colère noire, s’empressa de le limoger avec fracas, puisque Nicolas Sarkozy, en lisant l’article du Général Desportes, était rentré dans un état sauvage !

    La fin de la France en tant que nation? Ce n’est pas seulement les échecs de la politique de la ville en banlieue, la désindustrialisation de l’économie. C’est aussi la dépendance stratégique dans lequel la lâcheté de l’état-major français et les  diplomaties atlantistes de nos politiques nous ont conduits. Un constat pour l’armée française amer, violent et sans concessions de la fin de la « France ».

    Michel Lhomme (Metamag, 25 janvier 2012)

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  • Les écrivains et l'occupation...

    Alors que les éditions Gallimard doivent publier au mois d'avril un volume d'oeuvres de Pierre Drieu la Rochelle dans la collection de la Pléiade, le Magazine Littéraire consacre le dossier de son numéro de février 2012 aux écrivains pendant la période de l'occupation. 

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    "Tandis que le monde affronte l’une des plus grandes crises économiques de son histoire, la période de l’Occupation en France offre le meilleur terrain d’étude et de méditation. Comment les écrivains ont-ils réagi ? Claire Paulhan nous guide dans les archives où se reflète la complexité des options pour les écrivains de l’époque. Le Magazine Littéraire revient sur le difficile cas Drieu la Rochelle, avant de tracer l’itinéraire de ceux qui ont fui outre Atlantique comme Saint-Exupéry ou Saint-John Perse. Sous forme de courts portraits, le Magazine Littéraire décrit le parcours de onze auteurs (Cocteau, Giono, Guitry, Sartre…) durant les «années noires», de lignes droites en zigzags, d’attentismes en revirements.

    Dossier coordonné par Maxime Rovere, avec Claire Paulhan et les contributions de : Laurent Jeanpierre, Gisèle Sapiro, Emmanuelle Loyer, Hélène Baty-Delalande, Olivier Barbarant, David Alliot, Dominique Fernandez et Pierre Assouline."

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  • Le soulèvement ou l'effondrement...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une intervention particulièrement percutante de l'économiste hétérodoxe Frédéric Lordon à l'occasion d'une table-ronde organisée par l'association ATTAC.


    "Leur dette, notre démocratie" : Frédéric Lordon par BTrenaissance

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  • On peut endiguer la violence !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur le site de Valeurs actuelles et consacré à la criminalité de rue et à la possibilité qui existe de la combattre efficacement sous réserve d'en prendre , et d'en assumer, la décision politique...

     

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    On peut endiguer la violence !

    Au foot, on appelle classico un match événement rituel, attendu, presque inévitable. Eh bien, voilà un classico de tout début de campagne électorale, version droite : l’oubli de la sécurité. Cela ne rate jamais : dès que s’amorce une campagne majeure, présidentielle ou législative, la droite parlementaire, qui pourtant ne devrait pas avoir à rougir de son action – surtout par rapport à la gauche –, occulte les pro­blèmes criminels.

    Prolixe sur tout le reste – chômage, pouvoir d’achat, certes importants, nul n’avancera le contraire –, elle ne pipe mot sur ce sujet stratégique.

    Tout aussi classiquement bien sûr, la réalité insupportable (mais « irrémédiable », ajoute le philosophe Clément Rosset) se rappelle vite et fort aux oublieux qui, en matière criminelle, bricolent alors dans la panique une stratégie de communication sur ce dossier pourtant incontournable. In­contournable car, dit l’Insee, 15 des 63 mil­lions de Français habitent les « espaces pé­riurbains », banlieues, quartiers et cités souvent marqués par le crime et les violences urbaines, ce qui fait, excusez du peu, 10 millions d’électeurs. Des territoires soit ravagés par le crime – Marseille et sa région, la Seine-Saint-Denis –, soit craignant de subir bientôt de telles violences : tout l’environnement urbain du millier de “quartiers sensibles” recensés en France.

    Rappelons qu’à Marseille la police a confisqué 72 fusils d’assaut Kalachnikov de janvier à novembre 2011, ce qui signifie clairement, au rythme où vont les saisies d’objets illicites, qu’il en circule des centaines d’autres, toujours aux mains des bandits. Sans oublier ce que, sur place, on appelle gentiment un “barbecue” : une tuerie entre gangsters qui voit un véhicule incendié avec son ou ses occupants. Or ces “barbecues” se font désormais non plus à l’unité mais en gros, par deux ou trois voyous assassinés, victimes d’une constante et féroce guerre des gangs.

    Mais il n’y a pas que les “barbecues”, ni que Marseille : la criminalité en col blanc sévit aussi. Là, fleurissent les escrocs financiers : les Madoff éclosent comme cham­pignons après la pluie, devenant une sorte de spécialité rurale, type crêpes ou fromages : après “le Madoff du Chinonais”, voici celui “du Boulonnais”, etc.

    Il y aurait donc à dire sur les diverses criminalités affectant la France – mais hélas, les ténors de la droite parlementaire se taisent ! Retroussons donc nos manches et rappelons ici quelques fondamentaux en matière de sécurité. En France, la “criminalité des rues” – braquages, agressions, violences, cambriolages, incendies volontaires, etc. – affecte surtout 26 départements métropolitains. Les “noyaux durs”, acteurs essentiels de cette criminalité, sont peu nombreux : de 3 000 à 4 000 individus pour toute la France. Si peu ? Oui, car la criminologie contemporaine a isolé et défini un type criminel original, le “prédateur violent”, qui, seul ou en groupe, commet une énorme masse d’infractions. On estime ainsi – ce que confirment des statistiques d’Île-de-France – que 5 % des malfaiteurs accomplissent la moitié des méfaits ; à 18 ans, ces hyperactifs du crime sont déjà connus pour 50, voire 100 infractions ! Cela, le réel criminel le confirme : voici trois ans, en grande banlieue parisienne, le décès (accidentel) de deux caïds a permis de voir la criminalité locale diminuer de moitié.

    Allons plus loin : ces quelques milliers de bandits sont-ils inconnus ? Vivent-ils dans la clandestinité ? Au contraire ! À domicile, ils sont célèbres, passant leur vie au commissariat (“Encore toi, Momo !”) ou chez le juge. À force de rédiger des procès-verbaux à leur propos, les brigades anticriminalité (Bac) de banlieue en savent localement la liste par cœur.

    Enfin, on sait que ces criminels hyperactifs sont imperméables à tout travail social – ils récidivent d’usage, à peine sortis de réinsertion. En revanche, un renseignement criminel ciblé et précis les neutralise efficacement, dans le plus strict respect des lois en vigueur. Un précédent existe, parfaitement datable : celui de l’année 2000. Deux ans avant le passage à l’euro et ses multiples convois de billets de banque qui sillonnent le pays, la police cible précisément les gangs de braqueurs de fourgons ; elle anticipe leurs actions, les “marque à la culotte”. Résultat (sans nul travail social associé ni subventions généreuses, insistons bien) : un braquage de fourgon dans toute l’année, contre en moyenne… deux par mois.

    Mais alors, s’indigne le lecteur, qu’attend-on ? Si la police sait faire, si la cible est connue, si l’on peut vraiment réduire la “criminalité des rues”, que ne le fait-on ? C’est que, dans un État de droit, la police n’agit pas d’initiative. Elle obéit aux ordres de l’exécutif – et la décision de faire de ces prédateurs violents une priorité est éminemment politique – premier cours de Sciences Po, “Est souverain celui qui désigne l’ennemi”.

    La campagne présidentielle commence – là encore, rien de plus politique. Le candidat qui saura emprunter la voie réaliste, celui qui garantira à la France périurbaine le retour à la paix et au calme, fera un grand pas vers la victoire.

    Xavier Raufer (Valeurs actuelles, 12 janvier 2012)

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