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  • Un plaidoyer pour la France !...

    Collaborateur régulier de la revue Éléments et auteur d'un article sur le Risorgimento paru dans le dernier numéro de Nouvelle ÉcoleYves Branca a eu l'amabilité de nous communiquer une note de lecture sur l'essai de Marine Le Pen, Pour que vive la France, dont nous avions signalé la parution. 


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    Le plaidoyer de Marine pour la France

    Le manifeste d’une très singulière candidate à la présidence de la République Française était attendu depuis le 15 janvier 2012. Paru enfin le premier février, il est en tout point étonnant, dans ce qu’il a de meilleur ; il a aussi des parties plus faibles - mais le meilleur domine, et je vais dire pourquoi c’est justement dans celles-ci que l’on peut voir le plus grand signe de force. 

    La forme même de ce livre l’éclaire. Quand elle a dû choisir une profession, Marine Le Pen a voulu devenir avocate, tout court, et non pas « avocate d’affaires », comme bien des politiciens; avocate, elle l’est restée, en grand, et son livre est précisément un plaidoyer « pour que vive la France ». Marine est excellente oratrice, et de discours en discours, à chaque étape de sa campagne, elle s’élève un peu plus vers les sommets de l’éloquence. Son langage est simple, clair, et moderne en ce sens qu’il est celui du meilleur usage d’aujourd’hui, mais elle sait construire une longue période; et si l’on étudiait encore la rhétorique, on pourrait trouver dans ses discours d’excellents exemples de tropes par fiction, par réflexion, et surtout par opposition: elle excelle singulièrement dans la prétérition, et l’ironie. La forme seule de son livre suffirait donc à prouver qu’il est entièrement et le fruit d’une réflexion personnelle de plusieurs années, et de sa plume, en un temps où la plupart des innombrables livres de politiciens sont commis aux soins de petits grimauds. Or, des deux cents cinquante pages de son livre, on peut dire que les deux tiers, cent soixante-dix, soit toute la première partie et l’introduction à la seconde, sont très belles, et que, hormis dans certains passages techniques chiffrés et documentés, on y retrouve les meilleures qualités de son art oratoire ; mais que dernier tiers paraît écrit rapidement, voire par endroits hâtivement, (sauf les dix pages d’une brève troisième partie, excellent appendice sur « la refonte de l’école »). Plusieurs allusions à des faits et documents très récents montrent certes qu’elle y a travaillé jusqu’en janvier, dans les retailles du temps d’une extraordinaire activité. Mais là n’est pas l’explication. 

    La première partie caractérise le mondialisme, et décrit ses effets sur la France: « démonter les rouages d’une machine à broyer les peuples, c’est le premier pas nécessaire d’un vrai changement, et, j’ose le dire, d’une révolution ». La seconde partie donne en soixante pages les principes et esquisse les grandes lignes d’un projet national, d’un Etat « régalien, protecteur, et stratège », autrement dit, d’un Etat social, et, dans un bref paragraphe au titre d’ailleurs excellent (« L’Etat influent »), en cinq pages à peine, son projet européen et international. Voilà qui paraît un peu bref. Mais après son discours du 19 février à la Convention du F.N. de Lille, et la présentation le 21 février de son projet pour l’Europe des nations, tout s’éclaire: « Décrire nos souffrances, c’est certainement le plus simple de la réflexion qui a conduit à rédiger ce livre. Trouver les remèdes aux difficultés de notre pays, c’est encore relativement aisé. On pourrait se dire qu’à partir de là, il n’y a plus qu’à convaincre et à reconstruire. Reste que (…), parce qu’ils symbolisent le meurtre de la parole donnée en politique, Nicolas Sarkozy ou Jacques Chirac ont porté à l’attachement de notre peuple à la chose publique un coup dur, que d’aucuns craignent fatal » - avait écrit Marine dans l’introduction à cette deuxième partie. L’essentiel du livre est donc cette critique de la « métaphysique ultra-libérale » mondialiste, de la « financiarisation organisée de l’économie », et de leurs effets destructeurs sur la nation et le peuple par l’imposture « consubstantielle » d’une caste politique qui n’est plus qu’un appendice de l’«hyperclasse mondialisée »; et l’on trouve bel et bien dans cette réflexion la « synthèse de l’axe justice sociale-sécurité qui tend à supplanter l’axe gauche-droite », par quoi Robert de Herte caractérisait en 2004, dans le n° 112 d’Eléments, le populisme, auquel il voyait « d’autant plus d’avenir, que la politique institutionnelle en a de moins en moins »; sans d’ailleurs que ce terme de « populisme » n’apparaisse dans le livre de Marine. 

    Mais le 19 février, l’imposteur ayant déclaré qu’il prétendait à un second mandat, Marine a hautement revendiqué le populisme, et identifié comme « la seule forme actuelle de fascisme » le projet mondialiste d’écraser la démocratie sous les faux-semblants d’une alternance: sait-elle qu’elle retrouvait par là les prophéties sur le mondialisme de Pier Paolo Pasolini dans les Ecrits corsaires de 1972-74 ? (voir surtout les articles de juin et juillet 1974 sur Le fascisme des antifascistes); et le 21 février, plaidant pour l’Europe des nations, elle a attaqué en dénonçant, dans le nouveau MES (Mécanisme Européen de Stabilité), subrepticement approuvé le même jour par le Parlement français, l’établissement d’une « dictature de la finance », d’une « prison des peuples », et d’un « assujettissement des Etats par la dette ». 

    Si l’imposteur singe, parodie, simule, pour détruire, Marine, l’adversaire une fois caractérisé et désigné, « improvise » désormais, selon son projet de reconstruire. Cette métaphore est de Benedetto Croce, à propos de ce qu’il appelle le « sens de l’improvisation de l’histoire » des grands hommes. La grande politique consiste non pas en discours généraux, mais, comme en amour, à dire et faire ce qui convient, au bon moment, soutenu par des visions et des rêves magnifiques. 

    Ainsi prend corps ce que le manifeste de Marine annonçait si succinctement: elle a vraiment renoué avec le général de Gaulle, et ceux qui ont lu les Mémoires de guerre se souviendront de ce passage : « Ce dénuement même me traçait ma ligne de conduite. C’est en épousant, sans ménager rien, la cause du salut national que je pourrais trouver l’autorité (…). Tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner des sommets, et n’en descendre jamais plus ». 

    Yves Branca (2 mars 2012)

     

    POUR QUE VIVE LA FRANCE , par Marine Le Pen, Grancher, 252 pages, 15 Euros.

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  • A droite de la droite...

    Les Presses universitaires du Septentrion publient cette semaine sous la direction de Philippe Vervaecke un ouvrage collectif intitulé À droite de la droite et consacré aux droites radicales françaises et britanniques du XXe siècle. Parmi les nombreux auteurs universitaires, on notera la présence d'Olivier Dard.

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    "Bastions de la démocratie libérale en Europe au début du XXe siècle, la France et la Grande-Bretagne ont été affectés par le processus de radicalisation des droites à divers moments de leur histoire respective. Ligues patriotiques du début du siècle, partis fascistes ou fascisants de l'entre-deux-guerres et extrêmes droites xénophobes et nationalistes d'après 1945 ont successivement contribué à affirmer l'existence d’une droite de la droite dans les deux pays.
    L’ouvrage pose la question des relations entre droites radicales et modérées à l’échelle du siècle : quelles interactions, quels recoupements idéologiques, quel socle militant partagé, quelles répudiations observe-t-on entre ces deux milieux ?
    Sont tour à tour abordés les cultures politiques des droites radicales, ensemble composite défini par une grande diversité idéologique, les échanges et circulations d’idées qui s’opèrent entre ces milieux de part et d’autre de la Manche, leur faculté à recruter des soutiens auprès des femmes, ainsi que les relations qui s’instaurent entre droites radicales et modérées au fil du siècle.
    À droite de la droite concourt à replacer le débat sur les droites radicales au-delà de la simple question de leur succès électoral et à interroger les spécificités idéologiques et structurelles de la 'droite de la droite’ dans chacun de ces contextes nationaux."

     

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  • Mohamed Merah, un bon Français ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou , cueilli sur Polémia et consacré au traitement médiatique biaisé de l'affaire Merah.

     

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    Mohamed Merah n'était pas Français !

    Dès que l’auteur des attentats de Montauban et de Toulouse a été connu, les médias de l’oligarchie ont pris leur marque : après avoir défini les victimes comme des « soldats d’origine maghrébine » et des « enfants juifs », leur assassin a été présenté, lui, comme « un jeune homme », « un jeune Français », « un Français », « un Français de Toulouse », « un jeune Toulousain français ». Et Le Point a fait sa couverture sur « Le fou d’Allah français ». Français, vous dis-je !

    Ainsi les victimes ont été présentées par leur origine ethnique et/ou religieuse. L’assassin, lui, non par son origine (maghrébine, algérienne, musulmane) mais par l’une de ses deux nationalités. La française, comme de bien entendu !

    Français ? Ni par la civilisation, ni par la culture, ni par les sentiments !

    Et pourtant Mohamed Merah n’était pas français. Certes, il avait des papiers français. Mais Mohamed Merah n’était français ni par la civilisation, ni par la culture, ni par les coutumes, ni par les sentiments.

    Mohamed Merah était une petite racaille, comme tant d’autres, qui haïssait la France. C’est pour cela qu’il s’en est pris à des soldats portant l’uniforme français.

    Mohamed Merah était shooté au Coran : « Il s’est autoradicalisé tout seul en lisant le Coran en prison », selon Bernard Squarcini, chef de la DCRI. Or le Coran, ce n’est pas seulement un livre religieux, c’est un ensemble de prescriptions législatives et sociétales. La charia est sans doute un élément de l’identité de l’Arabie Saoudite et de beaucoup de pays arabo-musulmans mais elle est parfaitement contraire à l’identité française.

    Big Brother au service de l’Hégire

    Mohamed Merah ne s’identifiait pas à l’histoire de France mais à celle de l’oumma musulmane, ce que le grand imam de Bordeaux, Tarek Oubrou, justifie ainsi : « Il faut que l’histoire de France soit réécrite à la lumière de la présence musulmane ». C’est Big Brother au service de l’Hégire !

    Et l’imam de Bordeaux de poursuivre ainsi son propos : « Cela permettrait aux jeunes de culture musulmane de se retrouver dans le programme enseigné à l’école et de ne pas se sentir stigmatisés. » Sur un point au moins l’imam de Bordeaux a raison : il y a bien une culture musulmane différente de la culture française, c’est-à-dire de la culture européenne d’expression française.

    « Rapatrier » le corps en Algérie

    Mohamed Merah mort, sa famille a confirmé qu’il n’était pas français mais bien plutôt algérien. Ainsi BFMTV, le 28 mars 2012, nous dit : « En Algérie, la famille de Mohamed Merah (…) est encore sous le choc. Tous espèrent que le corps du défunt sera rapatrié, pour être enterré au côté de ses ancêtres. » « Rapatrié », c’est donc bien que la patrie de Mohamed Merah c’est l’Algérie, pas la France. Bien qu’installé en France, le cousin de Mohamed Merah ne dit pas autre chose : « L’Algérie c’est son pays, il sera enterré dans la terre de ses ancêtres. » Quant au président du Conseil français du culte musulman (CFCM) de Midi-Pyrénées, il a expliqué que Mohamed Merah devait être enterré « dans son pays, l’Algérie ».

    Finalement, ce n’est pas ce qui a pu se faire, compte tenu de l’attitude du gouvernement algérien. Mais là aussi les attentats de Mohamed Merah ont révélé une réalité : un très grand nombre de binationaux franco-musulmans se font inhumer outre mMditerranée ou, à défaut, comme pour Mohamed Merah, dans un carré musulman d’un cimetière français : difficile de mieux marquer sa différence que par cette discrimination volontaire par-delà la mort. Et ce, alors même que les règles françaises de la laïcité interdisent théoriquement les carrés confessionnels…

    Respecter les individualités assimilées et patriotes

    Bien sûr cette attitude ne concerne pas tous les Franco-Maghrébins : le soldat Abel Chenaf, maladroitement qualifié « d’apparence musulmane » par Nicolas Sarkozy, était, lui, parfaitement français : d’origine kabyle et de religion chrétienne, il a été enterré dans les plis du drapeau français.

    Respecter les personnalités assimilées et patriotes est indispensable. Pour autant, éviter de généraliser abusivement les cas (majoritaires) de non-assimilation ne doit pas conduire à nier la réalité : tous les Français administratifs, binationaux Franco-Magrébins, ne sont pas des Français de culture, de civilisation, de coutume et de sentiments ; certains restent profondément étrangers à leur pays d’accueil et y sont parfois franchement hostiles.

    Bloquer l’immigration nuptiale

    Cela doit conduire à arrêter toute immigration nouvelle en provenance de ces pays, et pour quelque cause que ce soit : travail, étude, regroupement familial et surtout immigration nuptiale. Chaque année près de 40.000 binationaux vont chercher leur conjoint dans un pays musulman et se marient sur place. C’est généralement la preuve d’une faible assimilation puisque ces Français administratifs préfèrent chercher leur conjoint dans le pays d’origine de leurs parents (ou de leurs grands-parents) plutôt qu’à proximité de chez eux. Il paraît donc logique que le regroupement nuptial d’un couple marié au Maghreb (ou en Turquie, ou en Afrique) unissant un national maghrébin (ou turc ou africain) à un binational franco-maghrébin se fasse au Maghreb (ou en Turquie ou en Afrique).

    La France n’a pas à accepter ce qui relève d’une colonisation de peuplement. Il faut donc profondément changer les lois en vigueur. Avant qu’il ne soit trop tard.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 30 mars 2012)

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  • Plaidoyer pour la puissance...

    Les Presses Universitaires de France viennent de publier dans leur collection Major un ouvrage de Pascal Gauchon, intitulé Géopolitique de la France - Plaidoyer pour la puissance. L'auteur, ancien élève de l'Ecole Normale supérieure, agrégé d'histoire, est professeur en classe préparatoire et est l'auteur de nombreux ouvrages ou manuels dédiés à la géopolitique ou à la géoéconomie. Nous reproduisons ci-dessous la recension faite de ce livre par Philippe Cohen, sur le site de Marianne.

     

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    " [...] Pour la première fois en France, un livre proposant « Une géopolitique de la France », paraît. Son auteur, Pascal Gauchon, est le fondateur du Festival de géopolique de Grenoble. Son ouvrage est moins scolaire – il est destiné notamment aux élèves préparationnaires des classes préparatoires – qu’il n’y paraît, et la pédagogie y cède souvent à quelques saillies iconoclastes. La problématique de la géopolitique ? Montrer en quoi le destin d’un pays découle en partie de sa situation géographique. C’est ainsi que Pascal Gauchon perçoit la France comme un pays béni des Dieux, qui bénéficie d’une double ouverture sur les mers et le continent. Son extrême centralisation proviendrait de sa diversité, et nous aurait doté d'un « sacré » tournant autour de l'Etat, tandis que les Etats-unis se seraient polarisés sur leur constitution, les Allemands sur leur langue et les Anglais sur leur royauté.

    L'auteur se moque gentiment des armées de déclinistes qui peuplent le paysage intellectuel français depuis quelques années. Ceux qui sont réfractaires à cette dialectique trouveront dans l'ouvrage quelques munitions bien affutées pour leur livrer bataille. Ainsi Pascal Gauchon nous apprend-t-il que le patrimoine de la France - addition des possessions des administrations, des entreprises et des particuliers - représente quelques 12 513 milliards d'euros, soit cinq fois le PIB. Ce patrimoine a doublé depuis 1978. Et la France occupe le même rang mondial - cinquième pour le PIB - qu'en ... 1900. Le déclin est en route, mais il ne se presse pas...

    Patiemment, comme on parle à un grand malade - l'anxiété est palpable dans le pays, et l'auteur émet même des hypothèses à ce sujet - Pascal Gauchon égrène tous les chiffres et les données - avec quelques cartes et tableaux - qui montrent que le déclin de la France n'est ni patent ni inéluctable. L'agriculture, qui occupe encore 53% du territoire, a donné à la France un socle de puissance que la conjoncture historique qui valorise le pouvoir vert et maritime (11 millions de km2 dont seulement 300 000 en Europe, soit la deuxième zone économique exclusive du monde). Son industrie, affirme l'auteur, est moins malade qu'on ne le croit. D'abord parce qu'elle a de beaux restes, dans le nucléaire, le BTP, la pharmacie, l'automobile, et bien sûr le luxe. En témoigne le rang enviable des multinationales françaises. En fait, notre faiblesse, selon l'auteur, réside davantage dans nos emplois industriels que dans notre industrie en tant que tel. Et l'anxiété des Français face à la mondialisation ne témoigne pas d'une France fermée mais d'un pays, au contraire très ouvert sur le monde, tant sur le plan de l'économie que celui de l'immigration, mais dont les habitants souhaitent malgré tout rester eux-mêmes. Quoi de plus légitime pour un vieux pays qui ne ne compte pas pas moins de 15 milliards de cadavres dans ses cimetières ?"
     
    Philippe Cohen (Marianne2.fr, 20 mars 2012)
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  • Que reste-t-il du paysan ?...

    Alors que le salon de l'agriculture ne va pas tarder à fermer ses portes, après avoir vu passer la quasi-totalité des candidats à l'élection présidentielle, nous vous proposons de lire le point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacrée à la France rurale, elle aussi frappée par la mondialisation...

     

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    Salon de l'agriculture : que reste-t-il du paysan ?

    Nombreux sont les candidats à l’élection présidentielle, qui se pressent au Salon de l’agriculture, comme pour recevoir une onction, une légitimité quasi sacrée. On ne manque pas de souligner le paradoxe, entre le poids électoral déclinant des campagnes, et l’inflation rhétorique et symbolique qu’entraîne une telle immersion dans la « plus grande ferme de France ». Il est vrai que le nombre d’exploitations agricole n’a fait que chuter depuis plus d’un siècle, pour s’accélérer ces quarante dernières années. D’1,6 million en 1970, elles atteignent 600 000 en 2003, puis 500 000 en 2010. Leur surface s’accroît, augmentant en moyenne, en dix ans, de 13 hectares. Près d’un million de personnes en vivent, quand, en 1945, c’était près de dix millions d’actifs. L’économie de subsistance a laissé la place, à partir des années 50, avec le plan Marshall, et avec l’aide de l’Etat, puis de l’Europe, à une gestion productiviste ouverte sur le marché international. La France, autosuffisante en 1970, est le premier exportateur de produits agricoles et alimentaires européen, et le deuxième dans le monde. L’agriculture intensive n’a pas été seulement la cause d’un changement de vocabulaire, substituant administrativement l’appellation « paysan » par « exploitant agricole », plus fonctionnelle. Les contraintes de cette « modernisation » ont entraîné une révolution dans le rapport à la terre. Les investissements en matériel, engrais, produits phytosanitaires ont transformé l’agriculture en source de rentabilité, au même titre que n’importe quelle autre entreprise. La quête de capitaux est devenue cruciale, la dépendance aux banques, aux primes et à la fluctuation des marchés un souci permanent. L’agriculture est un secteur protégé, et en même temps libéral, ce qui ne manque pas de susciter des tensions, repérables notamment dans la mise en cause de la FNSEA par d’autres syndicats moins proches du pouvoir. C’est aussi le paysage et l’environnement qui pâtissent de ce bouleversement : la concentration des propriétés entraîne en effet l’arrachage des haies, la concentration des surfaces agricoles, le déboisement, et l’usage intensif des engrais et pesticides, dont la France est le second consommateur après les USA, ce qui n’est pas sans provoquer une pollution endémique des voies d’eau et des terres. Là aussi, un mélange de fierté et de culpabilité mine la conscience « paysanne ». Enfin, cette modernisation, comme dans l’ensemble de la société, a créé de profondes inégalités. Un quart des agriculteurs se situent au-dessous du seuil de pauvreté, et le taux de suicide est plus élevé que partout ailleurs. Qui a côtoyé de près le monde rural sait combien de situations de détresse y abondent, sans que ces drames n’attirent l’attention des médias, obnubilés par les « problèmes des banlieues ».

    Libre-concurrence et protection

    La condition agricole se trouve donc ambivalente. D’un côté d’indéniables réussites économiques, de l’autre des difficultés qui tiennent autant à la mondialisation de l’économie qu’aux nouveaux besoins suscités par le changement de civilisation induits par la « modernité ».

    En 1995, le Groupe d’étude britannique de la PAC (Politique agricole commune) proclamait : « En ce qui concerne la réforme de la PAC, il n’existe aucune raison de traiter les agriculteurs différemment d’autres opérateurs économiques relativement aux changements de politique qui les touchent. » Ce discours, redondant de la part d’une Nation qui a sacrifié son agriculture en 1846, par les « corns laws », en décidant le libre-échange généralisé avec l’Empire, revendications appuyées parfois par des pays, comme une Allemagne qui a choisi l’industrie, ou comme les USA qui font pression agressivement sur la Commission de Bruxelles pour ouvrir le marché aux OGM, aux hormones, non sans complicité de cette dernière, et non sans hypocrisie, puisque le marché américain est surprotégé, rappelle combien l’avenir de l’agriculture française, dépendante d’aides qui la lient, est sans cesse en danger de précarité. Du reste, de nombreux secteurs, soumis aux pris bas de produits importés, comme le lait ou l’agneau, subissent les conséquences d’une ouverture des frontières excessive. La revendication française de protection d’un secteur florissant n’est pas sans rappeler les enjeux qui sont ceux de la culture et du cinéma. Les ennemis sont toujours les mêmes, à savoir les anglo-saxons et l’OMC, qui, parfois, se servent des pays émergents pour miner les défenses européennes (par exemple la question de la commercialisation des bananes).

    La France et la terre

    Toutefois, en ce qui concerne la France, on conviendra que la défense du PAC dépasse la simple question économique. Non sans paradoxe. Car, comme on l’a vu, la modernisation énergique et systématique de l’agriculture a été la cause d’un changement profond de la condition paysanne qui est loin de correspondre à ce qu’elle était il y a seulement un siècle. Nous touchons là un sujet qui est lié à l’imaginaire, et plus largement à un enjeu culturel au sens large. Le ministre de l’agriculture de l’année 2003, Hervé Gaymard, ne déclarait-il pas : « […] ce qui est en cause dans les négociations communautaires et internationales n’est rien moins que la sauvegarde d’un modèle de civilisation, auquel nous sommes profondément attachés. »

    Les Romains notaient déjà le caractère profondément agricole des Gaules, et sa richesse. Gaston Roupnel, en 1932, remarquait, dans son merveilleux ouvrage, l’« Histoire de la campagne française » : « Car ici l’homme est fils du sol qui lui grava et lui colora les traits de sa face et de son âme. Ici, c’est sans cesse et partout que la terre « s’est faite homme ». En cette Europe de l’Ouest, nous n’avons de race que d’être les descendants du défricheur primitif. » Mais la France, c’est aussi la civilisation latine, l’esprit romain, qui, comme l’on sait, gardait profondément comme référence nostalgique le paysan du Latium, homme rude, simple, vertueux, modèle du citoyen de l’Urbs, et symbole de la domestication de la nature sauvage, principe qui a transformé nos paysages en « jardin ». Dans les Géorgiques, Virgile en fait l’éloge :

    « Le laboureur ouvre sa terre, avec le soc.
    De là, sueur au front, il nourrira toute une année
    Patrie, enfants, troupeaux, les bœufs ses compagnons.
    Point de repos qu’en leur saison les fruits n’abondent
    Et le croît du bétail et les gerbes de chaume
    Et la moisson, lourde au grenier comme au sillon. »

    Nous trouvons là une image qui perdure dans le « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », de Sully, et dans les représentations iconographiques abondantes, du paysan intégré à l’ordre cosmique, soumis humblement aux travaux des saisons, suivant sagement, impassiblement les usages de sa condition, comme nous le suggèrent les miniatures vives des « Très riches heures du duc de Berry », ou le tableau de Bruegel l’Ancien, qui montre un laboureur absorbé par le sillon que trace le soc, tandis qu’à l’horizon, un Icare, victime de sa démesure et de son agitation imprudente, chute dans la mer infinie où voguent les vaisseaux.

    La France agricole est en effet cet « Empire du milieu » d’Occident, qui fait écho à la Chine. Elle abrite dans ses entrailles, comme le faisait remarquer Chaunu, le plus grand nombre de morts au monde. Elle est une terre bénie des dieux, singulièrement propice à toutes les variétés de productions agricoles, elles-mêmes reflets de types sociaux et culturels, souvent singularisés par une langue, un patois, qui ont fait de notre pays une contrée aux innombrables pays, et, malgré cela, un Etat fort et concentré. C’est cette originalité, cette personnalité que représente le maintien d’un monde agricole diversifié, et en même temps profondément attaché à la Nation française. Il n’est pas indifférent que Jeanne d’Arc fût une paysanne.

    Un imaginaire frappé par la modernité

    Néanmoins, nous voyons ce que nous avons perdu par l’exode rural. Des parlers se sont évanouis faute de locuteurs, ou abandonnés par les jeunes générations fascinées par la modernité. Des modes d’existence, des liens de solidarité, des complicités de village, des sensations mêmes, liées à un vocabulaire spécifiques, ont été irrémédiablement détruits par ce que l’on pourrait considérer comme un ethnocide. Les jeunes agriculteurs, rejoints par les « néo-ruraux », qui font monter le prix de l’habitat, cernés par la spéculation foncière, les aménagements des voies publiques, ne présentent plus guère de différence de vie, de consommation et de goût, avec les jeunes urbains. Après le formica des pères, c’est internet ou la télévision, le supermarché de la ville voisine ou la discothèque du samedi soir qui ont vite fait s’uniformiser les esprits. Le rapport à la terre s’est distancié. Du haut de tracteurs de plus en plus volumineux, ou à bord de quads pétaradants, le contact avec la glèbe n’est plus le même. On fait appel désormais à des sociétés pour ensemencer, et les semences elles-mêmes sont protégées par des brevets, ce qui interdit d’utiliser les graines qui résultent des plantes dont elles sont le produit. Au point que l’on se demande si le symbole d’un enracinement ancestral possède encore quelque justification. Mais qui dira ce que les symboles recouvrent encore au fond des consciences ?

    Claude Bourrinet (Voxnr, 26 février 2012) 

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  • Pour en finir avec la Françamérique !...

    Les éditions Ellipses viennent de publier un court essai de Jean-Philippe Immarigeon, intitulé Pour en finir avec la Françamérique !. Avocat, bon connaisseur des Etats-Unis, Jean-Philippe Immarigeon est l'auteur de plusieurs essais d'une grande lucidité comme American parano (Bourin, 2006), Sarko l'Américain, (Bourin, 2007) ou L'imposture américaine (Bourin, 2009).

     

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    "Coincés entre le mythe d’une civilisation commune et un modèle de puissance idéalisé, les Français s’accrochent au rêve utopique d’une Amérique en charge des affaires du monde. Mais pourquoi maintenir à tout prix un lien essentiellement affectif et ne pas envisager à notre tour notre indépendance, à l’heure où les États-Unis ne sont plus capables de tenir leur rang ?"

    Au sommaire :

    Préface

    1. Du rêve et des rêveurs

    Y’a bon, l’Amérique !

    Du rêve atlantique au virus atlantiste

    2. Bécassine à New York

    BHL et les Indiens

    La nation infalsifiable

    3. Deux siècles et demi de mésalliance

    L’ennemi français dans la construction de l’identité américaine

    Le malentendu Tocqueville

    4. Au pays des grands cowboys dépressifs

    Déprime et dystopie

    De la Tea Party au Tea Party

    5. Désinventer l’Amérique

    Prétendre éclairer le monde à la chandelle

    Unfriends .

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