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  • Nucléaire, souveraineté et puissance...

    Alors que la question du nucléaire va sans doute être au coeur de l'élection présidentielle de 2012, nous reproduisons ce point de vue éclairant de Bruno Racouchot, paru cet été dans Valeurs actuelles. Bruno Racouchot, directeur de la société COMES, publie la lettre d'information Communication & Influence

     

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    Les combats du nucléaire

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En France, les centrales nucléaires assuraient en 2010 74,1 % de notre production d’électricité, 12,4 % étant fournis par l’hydraulique et 10,8 % par le thermique à combustible fossile, les autres moyens se révélant dérisoires. En Allemagne, la même année, le nucléaire représentait 28,4 % de la production d’électricité et aux États-Unis, 19,6 %. De fait, même si le gouvernement français a récemment lancé un exercice de prospective envisageant divers scénarios de sortie du nucléaire, rien ne peut ni ne doit se faire dans la précipitation.

    D’autant qu’au-delà des aspects strictement techniques du dossier, c’est essentiellement sur les images, les peurs, les fantasmes que va se jouer la bataille de l’opinion. L’onde de choc de Fukushima met à mal le couple franco-allemand, et partant, toute l’Europe. Il faut dire que les intérêts en jeu sont colossaux et qu’ils excitent bien des groupes de pression, désireux de nous voir renoncer à notre indépendance et tomber en sujétion.

    Le public français va donc être soumis dans les mois et les années à venir à de rudes attaques.

    D’autant qu’interrogés lors d’un récent sondage Ifop-le Monde, nos concitoyens font plutôt montre de réalisme. Ils reconnaissent que l’énergie nucléaire joue un rôle important dans notre indépendance énergétique (85 %), que grâce au nucléaire, la production d’électricité est sûre et constante (79 %) et que cette énergie est produite à un coût plus faible que par d’autres modes de production (73 %). Or, il existe au moins deux bonnes raisons d’attaquer ce consensus : la première est d’ordre technologique, la seconde d’ordre géopolitique. L’Allemagne prépare une mutation majeure de son économie sur le plan énergétique. En changeant de levier au profit des énergies alternatives, elle va bénéficier d’une forte avance technologique, qui constituera un atout à l’international. Le tout est de savoir quand.

    C’est là un défi qui s’étend bien au-delà du simple paramètre technique. Il pose la question de l’organisation de la société et surtout de l’adhésion à un projet de vie. Entre également en perspective ici la dimension géopolitique. Si l’Allemagne peut se permettre ce virage, c’est parce qu’elle sait pouvoir s’appuyer sur Gazprom. Qu’elle se détache progressivement de l’Europe de l’Ouest pour s’amarrer à la puissance continentale majeure qu’est la Russie n’est pas anodin. La France se trouve donc coincée de facto entre pétrole et gaz, entre l’enclume américaine et le marteau russe. Notre filière nucléaire va donc devoir combattre sur deux fronts à la fois, et sur des registres bien différents de ceux auxquels elle est accoutumée. Aussi devons-nous faire très vite notre propre mutation si nous voulons traverser cette épreuve.

    Car contrairement aux apparences, ce n’est pas seulement sur le plan rationnel qu’il va falloir agir. Les antinucléaires sont inquiétants à double titre : ils sont instrumentalisés par des groupes de pression connaissant parfaitement les techniques de manipulation et de désinformation ; et leur combat est avant tout idéologique, pour ne pas dire cryptothéologique. Ceux qui en douteraient devraient lire le dernier essai de Régis Debray, Du bon usage des catastrophes (Gallimard), où il rappelle par exemple que c’est par des images, des révélations, du merveilleux, que le christianisme a fait tomber un Empire romain trop sûr de sa force et de son droit… Nous allons inéluctablement voir se multiplier les attaques de toutes sortes, y compris à l’intérieur de l’appareil européen. Voilà pourquoi nous devons très vite anticiper la nature des affrontements à venir. Loin des équations et des algorithmes qui parlent peu à l’homme de la rue, c’est dans le domaine des idées, sur le plan communicationnel et informationnel que va se jouer la vraie bataille. Il est urgent de penser la communication de nos grands groupes énergétiques autrement. Donc, de changer d’échiquier, de rompre avec les postures défensives, pour occuper – réellement – le terrain de l’influence. L’influence, c’est avant tout donner du sens. C’est soutenir une stratégie qui sait et qui dit où l’on va, ce que l’on veut. C’est affirmer et assumer une identité forte. C’est avoir une perception de son devenir allant bien au-delà de son seul coeur de métier. C’est tisser en permanence des passerelles entre la realpolitik et l’imaginaire pour répondre aux attentes, aux craintes, aux espoirs. En explorant les champs connexes à son activité, en communiquant de manière à donner du sens à l’action engagée et à la stratégie suivie, on donne la preuve que l’on a une perception synoptique des enjeux. Consciemment ou non, les Français veulent que notre pays déploie une stratégie de puissance digne de ce nom, qui lui rende son dynamisme et sa grandeur. Les combats de demain se joueront dans les têtes. La bataille des idées sera déterminante. Il est grand temps, pour nos élites, de faire montre d’un nouvel état d’esprit, lucide, déterminé, pragmatique, et d’intégrer une bonne fois pour toutes les stratégies d’influence dans leur stratégie globale. 

    Bruno Racouchot (Valeurs actuelles, 4 août 2011)

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  • Quelle mémoire pour la France ?...

    Nous reproduisons ici, en ce jour du 11 novembre, une belle réflexion de Jean-Yves Le Gallou sur la mémoire de la France, initialement publiée sur le site de Polémia.

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    11 novembre : la mémoire de la France est davantage à Verdun qu'à Auschwitz

    Le ministre de l’Education nationale a choisi symboliquement le jour de la rentrée scolaire, le 1er septembre 2011, pour recevoir Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), et le cinéaste Claude Lanzmann, auteur du film Shoah. Luc Chatel leur a redit solennellement l’importance primordiale qu’il accordait à l’enseignement de la « Shoah », une importance telle qu’elle justifie d’ailleurs l’existence d’un site officiel dédié sur le portail de l’Education nationale.

    La persécution dont les juifs ont été victimes durant la seconde guerre mondiale est naturellement un élément central de la mémoire juive. Et les souffrances des juifs français sont bien évidemment un élément important de la mémoire française. Nul ne peut oublier le souvenir de nos 25.000 compatriotes juifs français (et des 50.000 juifs étrangers présents en France) déportés dans les camps de concentration dont bien peu eurent, comme Simone Veil, la chance de revenir en France.

    Hypermnésie de certaines souffrances, amnésie des autres

    Mais ces souffrances-là ne doivent pas conduire à nier ou à minimiser les autres drames français. Or, l’hypermnésie de la souffrance des uns conduit souvent à l’amnésie de la souffrance des autres. A-t-on le droit d’oublier (chiffres donnés par Jacques Dupâquier dans Histoire de la population française) :

    • - les 123.000 militaires tués en 1939/1940 ; dans la bataille de France, en ce printemps 1940, c’est 3.000 hommes qui sont tombés chaque jour, le plus souvent en combattant, à l’instar des Cadets de Saumur ; - les 45.000 prisonniers de guerre qui ne revinrent jamais ;
    • - les 20.000 tués des FFI et des FFL ;
    • - les 27.000 résistants morts en déportation ;
    • - les 43.000 morts de l’armée de la Libération ;
    • - les 40.000 requis morts en Allemagne ;
    • - les 125.000 victimes des bombardements aériens (pas toujours justifiés militairement) et terrestres.

    Oublier ces victimes, ce n’est pas seulement un déni de compassion, c’est les tuer une deuxième fois ; c’est aussi trahir la vérité historique.

    Ce qui compte dans la mémoire d’un peuple c’est ce que ses ancêtres ont charnellement vécu

    Et pourtant ces victimes furent honorées dans l’immédiat après–guerre : par les timbres-postes, les noms de rue, les livres, les films, les disques, et ce jusqu’au début des années 1970, avant de disparaître dans l’obligation de repentance et l’oubli officiel. Pourtant ces victimes-là sont encore très présentes dans la mémoire française : parce que, les événements qui ont provoqué leur mort, ceux qui ont survécu les ont aussi connus et pas seulement au… cinéma. Or ce qui se transmet dans la mémoire des familles et des lignées, c’est ce que les ancêtres ont vécu. La patrie, c’est la terre des pères.

    Français de souche ? Avoir son patronyme inscrit sur un monument aux morts

    C’est pourquoi dans chaque famille française la mémoire de 1914 est si vive. Chaque famille conserve le souvenir des 1.400.000 morts de la Grande Ordalie : 1.000 morts par jour pendant quatre longues années. Et les Français vivants ont tous un père, un grand-père, un arrière-grand-père ou un trisaïeul qui a combattu à Verdun. Dans cette guerre civile européenne, c’est le sang gaulois qui a coulé. La présence dans nos villes et nos villages des monuments aux morts est infiniment poignante.

    Réfléchissons un instant à ce qu’est un Français de souche : un Français de souche, c’est un Français dont le patronyme est inscrit sur l’un de nos monuments aux morts.

    Un Français de souche, c’est un Français qui a dans ses archives familiales les lettres ou les carnets d’un ancêtre qui raconte avec des mots simples le quotidien de la Grande Guerre. Alors qu’approche le centenaire du 2 août 1914, ces écrits simples, précis et sans emphase, trouvent le chemin de l’édition : pieuses autoéditions familiales ou publication chez de grands éditeurs comme le carnet de route du sous-lieutenant Porchon (*). N’oublions pas non plus le succès du Monument, livre de Claude Duneton, qui raconte la vie des hommes dont les noms sont inscrits sur le monument aux morts d’un village du Limousin. Comme le dit un lecteur sur le site d’Amazon : « Vous ne traverserez plus jamais un petit village de France sans chercher des yeux son monument aux morts et avoir une pensée émue pour ces hommes dont le nom est gravé. Quels auraient été leurs destins et celui de leurs villages sans cette guerre ? Un livre à lire et à faire lire pour ne pas oublier. »

    Reprendre le fil du temps dans la fidélité à la longue mémoire

    Le siècle de 1914 s’achève : après avoir vu disparaître le fascisme, le national-socialisme, le communisme, c’est le libre-échangisme mondialiste qui s’effondre sous nos yeux. Le centenaire de 1914 approche, et il sera, n’en doutons pas, profondément commémoré. Pour la France et l’Europe le moment est venu de reprendre le fil du temps et de la tradition. Un fil du temps interrompu il y a un siècle. Un fil du temps à reprendre dans la fidélité à la longue mémoire.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 7 novembre 2011)

    (*) La précision de ces textes est admirable. J’ai eu la surprise de lire la narration des mêmes événements – attaques et contre-attaques aux Eparges en janvier/février 1915 – dans trois textes différents :
    - Carnet de route du sous-lieutenant Porchon, saint-cyrien, chef de section, tué au combat, commandant la section voisine de celle du sous-lieutenant Genevoix ;
    - Ceux de 14, admirable somme de Maurice Genevoix, blessé au combat ;
    - Mémoires d’Auguste Finet, mon grand-père, simple soldat, sorti de l’école à onze ans et écrivant bien le français, blessé au combat.
    Ce sont les mêmes faits qui sont précisément décrits, presque avec les mêmes mots. A cet égard la belle reconstruction littéraire de Maurice Genevoix est d’une fidélité parfaite aux événements.

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  • Prolonger l'agonie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de l'économiste Jacques Sapir, parue dans Marianne, concernant l'accord européen du 27 octobre sur la dette grecque et le fond europée de stabilité.

     

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    Un accord qui ne fait que prolonger l'agonie de l'euro

    L'accord réalisé cette nuit ne fera que prolonger l'agonie de l'Euro car il ne règle aucun des problèmes structurels qui ont conduit à la crise de la dette. Mais, en plus, il compromet très sérieusement l'indépendance économique de l'Europe et son futur à moyen terme. C'est en fait le pire accord envisageable, et un échec eût été en fin de compte préférable.

    Nos gouvernements ont sacrifié la croissance et l'indépendance de l'Europe sur l'autel d'un fétiche désigné Euro.
     

    Huit mesures actées

    Si nous reprenons les mesures qui ont été actées nous avons :
     
    1.Une réduction partielle de la dette mais ne touchant que celle détenue par les banques. Autrement dit c'est 100 milliards qui ont été annulés et non 180 (50% de 360 milliards). Cela ne représente que 27,8%. La réalité est très différente de ce qu'en dit la presse. Cela ramènera la dette grecque à 120% en 2012, ce qui est certes appréciable mais très insuffisant pour sortir le pays du drame dans lequel il est plongé.
     
    2.Le FESF va se transformer en « fonds de garantie » mais sur les 440 milliards du FESF, seuls 270 milliards sont actuellement « libres ». Comme il faut garder une réserve c'est très probablement 200 milliards qui serviront à garantir à 20% les nouveaux emprunts émis par les pays en difficultés. Cela représente une capacité de 1000 milliards d'emprunts (200 / 0,2). C'est très insuffisant. Barroso avait déclaré qu'il fallait 2200 milliards et mes calculs donnaient 1750 milliards pour les besoins de la Grèce (avant restructuration) du Portugal et de l'Espagne. Cet aspect de l'accord manque totalement de crédibilité.
     
    3.La recapitalisation des banques est estimée à 110 milliards. Mais, l'agence bancaire européenne (EBA) estimait ce matin la recapitalisation à 147 milliards (37 de plus). De plus, c'est sans compter l'impact du relèvement des réserves sur les crédits (le core Tier 1) de 7% à 9% qui devra être effectif en juin 2012. Il faudra en réalité 200 milliards au bas mot, et sans doute plus (260 milliards semblent un chiffre crédible). Tout ceci va provoquer une contraction des crédits (« credit crunch ») importante en Europe et contribuer à nous plonger en récession. Mais, en sus, ceci imposera une nouvelle contribution aux budgets des États, qui aura pour effet de faire perdre à la France son AAA !
     
    4.L'appel aux émergents (Chine, Brésil, Russie) pour qu'ils contribuent via des fonds spéciaux (les Special Vehicles) est une idée très dangereuse car elle va enlever toute marge de manoeuvre vis à vis de la Chine et secondairement du Brésil. On conçoit que ces pays aient un intérêt à un Euro fort (1,40 USD et plus) mais pas les Européens. La Russie ne bougera pas (ou alors symboliquement) comme j'ai pu le constater moi-même lors d'une mission auprès du gouvernement russe en septembre dernier.
     
    5.L'engagement de Berlusconi à remettre de l'ordre en Italie est de pure forme compte tenu des désaccords dans son gouvernement. Sans croissance (et elle ne peut avoir lieu avec le plan d'austérité voté par le même Berlusconi) la dette italienne va continuer à croître.
     
    6.La demande faite à l'Espagne de « résoudre » son problème de chômage est une sinistre plaisanterie dans le contexte des plans d'austérité qui ont été exigés de ce pays.
     
    7.L'implication du FMI est accrue, ce qui veut dire que l'oeil de Washington nous surveillera un peu plus... L'Europe abdique ici son « indépendance ».
     
    8.La BCE va cependant continuer à racheter de la dette sur le marché secondaire, mais ceci va limiter et non empêcher la spéculation.
     
     

    Les piètres conclusions que l'on peut en tirer...

     
    Au vu de tout cela on peut d'ores et déjà tirer quelques conclusions :
     
    - Les marchés, après une euphorie passagère (car on est passé très près de l'échec total) vont comprendre que ce plan ne résout rien. La spéculation va donc reprendre dès la semaine prochaine dès que les marchés auront pris la mesure de la distance entre ce qui est proposé dans l'accord et ce qui serait nécessaire.
     
    - Les pays européens se sont mis sous la houlette de l'Allemagne et la probable tutelle de la Chine. C'est une double catastrophe qui signe en définitive l'arrêt de mort de l'Euro. En fermant la porte à la seule solution qui restait encore et qui était une monétisation globale de la dette (soit directement par la BCE soit par le couple BCE-FESF), la zone Euro se condamne à terme. En recherchant un « appui » auprès de la Chine, elle s'interdit par avance toute mesure protectionniste (même Cohn-Bendit l'a remarqué....) et devient un « marché » et de moins en moins une zone de production. Ceci signe l'arrêt de mort de toute mesure visant à endiguer le flot de désindustrialisation.
     
    - Cet accord met fin à l'illusion que l'Euro constituait de quelque manière que ce soit une affirmation de l'indépendance de l'Europe et une protection de cette dernière.

    Pour ces trois raisons, on peut considérer que cet accord est pire qu'un constat d'échec, qui eût pu déboucher sur une négociation concertée de dissolution de la zone Euro et qui aurait eu l'intérêt de faire la démonstration des inconséquences de la position allemande, mais qui aurait préservé les capacités d'indépendance des pays et de l'Europe.
    Les conséquences de cet accord partiel seront très négatives. Pour un répit de quelques mois, sans doute pas plus de six mois, on condamne les pays à de nouvelles vagues d'austérité ce qui, combiné avec le « credit crunch » qui se produira au début de 2012, plongera la zone Euro dans une forte récession et peut-être une dépression. Les effets seront sensibles dès le premier trimestre de 2012, et ils obligeront le gouvernement français à sur-enchérir dans l'austérité, provoquant une montée du chômage importante. Le coût pour les Français de cet accord ne cessera de monter. 

    Politiquement, on voit guère ce que Nicolas Sarkozy pourrait gagner en crédibilité d'un accord où il est passé sous les fourches caudines de l'Allemagne en attendant celles de la Chine. Ce thème sera exploité, soyons-en sûrs, par Marine Le Pen avec une redoutable efficacité. Il importe de ne pas lui laisser l'exclusivité de ce combat.
     
    La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non.
     
    Jacques Sapir (Marianne, 27 octobre 2011)
     
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  • La France sans ses usines...

    Les éditions Fayard viennent de publier La France sans ses usines, un essai de Patrick Artus et de Marie-Paul Virard consacré à la désindustrialisation de la France. Partisans d'une réindustrialisation volontariste, basée sur le renforcement du tissu des petites et moyennes entreprises, les auteurs, qui avaient déjà écrit ensemble l'essai intitulé Le capitalisme est en train de s'autodétruire (La découverte, 2007), proposent notamment de s'inspirer des politiques menées dans ce domaine par la Suède et le Canada.

    Un thème de réflexion essentiel à l'orée de la la campagne des élections présidentielles de 2012.

     

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    "La France perd ses usines et ses ouvriers. Pendant longtemps, hommes politiques et beaux esprits ont voulu nous faire croire que le modèle économique idéal pour la France était d’abandonner l’industrie aux pays émergents et de se spécialiser dans les services et les nouvelles technologies. On mesure aujourd’hui les ravages de cette illusion : désertification industrielle régionale, baisse du niveau des emplois et des salaires, déficit extérieur et dette en croissance exponentielle. 
    Il n’y a donc rien d’étonnant si la désindustrialisation est en passe de s’imposer comme un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle. Sauf que nous en connaissons très mal l’ampleur, les conséquences et les origines. C’est tout le mérite de Patrick Artus et Marie-Paule Virard que de démonter idées reçues, erreurs de politique économique et choix hasardeux. Mais leur livre est aussi un plaidoyer pour la réindustrialisation, autour de quelques réformes structurelles ici exposées avec une clarté qui emporte l’adhésion. Car il y va de nos emplois et de l’avenir de nos enfants…"

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  • Marshal Carpentel...

    Pierric Guittaut, l'auteur de Beyrouth-sur-Loire (Papier libre, 2010), revient avec le deuxième volet de sa trilogie. Il publie ce mois-ci aux éditions Nuit Blanche, son nouveau polar intitulé Marshal Carpentel. L'intrigue se déroule quelques années après celle de Beyrouth-sur-Loire et a pour personnage central Antoine Carpentel, le flic pourri et violent, qui a pris de l'envergure... Noir, très noir !

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    Printemps 2016.
    Le commissaire de Police Antoine Carpentel est surnommé le « Marshal ». Violent et corrompu, l’homme règne par la peur et les armes, dans le sillage du maire Louis Berthomier, son beau-père. Unis par un ancien pacte, les deux hommes ont fait taire toute contestation dans une ville éreintée par la désindustrialisation et menacée par le repli communautaire.
    Quand quarante personnes trouvent la mort dans l’incendie du campement illégal du Maleval, les soupçons se portent aussitôt sur Régis Costes, un militant nationaliste dont le groupe d’extrême-droite s'active depuis plusieurs mois. L’homme pourrait aussi avoir des liens avec le vieil élu gaulliste : des témoins ont reconnu Costes lors des derniers mouvements sociaux à la cimenterie Berthomier, où il est venu jouer les briseurs de grève.
    Chargée de l’enquête sur l’affaire du Maleval, le capitaine de gendarmerie De Rambert devra composer avec cette ville à l’agonie. Cette femme d'action, pressentie pour être la première à diriger le fameux Groupe d'Intervention, va surtout devoir se mesurer au cynique « Marshal » sur son propre terrain, et la rivalité pourrait rapidement déboucher à une véritable guerre des polices. La chasse à l’homme peut débuter, mais dans cette ville rongée par le manque d’avenir et le chômage de masse, les cartes sont tellement brouillées et les appétits si féroces qu’il va très vite devenir difficile de distinguer qui veut dévorer qui…

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  • «Puissance» : mot tabou ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Deplanche, cueilli sur le site Infoguerre et consacré à la disparition du concept, et même du mot, dans le débat publique...

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    «Puissance» : mot tabou ?

    Pourquoi ne parle-t-on plus de puissance aujourd’hui en France ? Le thème n’est, à ce jour, porté par aucun des candidats à la présidence de la république. Les problèmes qui se posent à la France sont pourtant légions. Suffirait-il d’affirmer que l’amoindrissement de la France dans certains domaines, ou en tout cas de la perception que nous en avons – qui est bien souvent celle que des « déclinologues » forgent pour nous et nous distillent – peut nous conduire à intégrer définitivement l’idée que toute prétention de ce pays à l’augmentation de sa puissance est illusoire ?  Que le mot « puissance » en ce qui concerne l’hexagone ne saurait s’utiliser qu’affublé d’épithètes comme « moyenne » ou « régionale » ? Que l’heure est venue pour des pays comme le nôtre d’accepter un rôle subalterne, que c’est là le cycle « naturel » des cultures constitué d’apogées et de déclins et que l’avenir signifie la décroissance ? Ce tableau d’un pays qui a fait civilisation et qui se retire du monde comme on part en retraite porte en soi les germes de la « dé-puissance » et élimine jusqu’à la simple utilisation  ordinaire du terme « puissance ».

    Le thème de la puissance nationale est devenu honteux. Au-delà du thème lui-même, c’est l’idée même de puissance qui semble repoussante car elle reste associée à tout ce qu’un pays comme la France a pu commettre pour se hisser au rang où elle est parvenue aujourd’hui. La puissance ne serait finalement que le résultat de la coercition, du pillage, de la négation de l’autre spolié de ses droits et de ses richesses. La puissance et l’influence françaises ne se sont pas construites que sur des guerres et le colonialisme. Ce sont pourtant ces événements, indubitablement éléments constitutifs de puissance, que la mauvaise conscience collective retient encore aujourd’hui (et que certains cercles intellectuels entretiennent par héritage et tradition politique) au point qu’il est aujourd’hui encore très politiquement correct de ne pas même employer le terme « puissance » pour figurer le rôle et le rang de la France dans le monde.

    La culpabilité cultivée et diffusée par la bien-pensance hexagonale ne trouve pas forcément un équivalent dans d’autres cultures ; certainement pas dans celles qui n’ont pas renoncé à l’augmentation de leur puissance. En tout état de cause, la culpabilité ne se manifeste pas de façon identique. Là où, par exemple, le gouvernement français a cherché à la fin des années soixante-dix à « adoucir » la Marseillaise en en ralentissant le tempo, tentant par là de la faire passer de chant révolutionnaire à anthem à l’anglo-saxonne, jamais les gouvernements américain et allemand n’envisagèrent de modifier respectivement Star Sprangled Banner ou encore Deutschland über Alles, hymnes aux accents pourtant guère moins menaçants et hégémonistes que la Marseillaise, même si dans le dernier cas quelques voix allemandes s’étaient élevées pour souhaiter des paroles moins agressives. Ces deux Etats ont leurs propres comptes à régler avec l’Histoire. Pour autant, ils n’ont jamais cessé d’être en recherche de puissance. Power, voire potency, sont, aux Etats-Unis, d’un emploi fréquent et utilisés de façon décomplexée, que ce soit pour évoquer les marchés conquis par les entreprises américaines ou la stratégie d’influence au niveau internationale de l’administration en place.

    Pourquoi le mot « puissance » n’est-il plus employé  en France? Est-ce le sentiment que nous semblons développer collectivement de ne plus compter dans le monde qui fait que nous générons un complexe conduisant à une autocensure au point où le mot devient presque tabou ? A « puissance » et au champ lexical qui lui est associé, nous avons substitué «développement économique», «croissance économique », etc. Or, la croissance n’est pas la puissance, surtout lorsque le politique, dans un oxymoron inspiré, parle de « croissance 0 ». Nous avons manifestement remisé l’idée de puissance. Nous avons purement évacué la dénomination de son avènement et par là, sa réalité.  La France n’a plus de politique de puissance parce qu’elle n’a tout bonnement plus de vision de sa puissance.  Elle ne la dit plus parce qu’elle ne la conçoit plus. A l’inverse, comme elle ne la conçoit pas comme une idée au sens presque philosophique du mot, elle ne peut lui donner sa légitimité lexicale, donc d’existence. L’incapacité à dire la puissance manifeste son oblitération.

    Comment l’usage du mot en est-il venu  peu à peu à disparaître ? Sous la pression d’une bien-pensance consensuelle rongée par la culpabilité, à cause de la représentation que nous avons de nous-mêmes mais également en raison du regard  que des autres nations moins puissantes ou en émergence portent sur nous. La France continue de rayonner mais elle a perdu de son influence. Notre propre regard sur nous-mêmes conjugué à celui qui est porté sur nous s’alimentent mutuellement en un jeu de miroirs qui figure notre doute sur notre capacité à toujours vouloir la puissance et à l’augmenter.

    La disparition du mot « puissance » du vocabulaire politique – et par là de toute ambition de puissance – prend peut-être également racine dans notre conviction que la puissance acquise devenait, à un certain stade, permanente. Au regard de la situation  socio-économique actuelle de la France, il faut ici parler au passé. Nous avons peut-être pensé  la puissance comme une pérennité. L’utilisation du terme « puissance » dans le discours politique avait-il encore une justification puisque le pays y avait accédé ? Or, la puissance, c’est de l’entropie ; c’est une dynamique qu’il convient d’alimenter à chaque instant  et qui ne souffre pas de stagnation. Avoir pensé la puissance comme acquise et permanente a généralement mené à une vision court-termiste des politiques publiques, et a conduit l’Etat à engager des dépenses sans se soucier des recettes au point où le montant de la dette actuelle de la France atteste de sa perte de puissance.

    Enfin, la disparition graduelle du mot « puissance » du discours tient peut-être à l’individualisation de la société. La puissance est une dynamique qui puise au collectif. Elle ne peut exister si elle n’est pas portée par l’énergie d’un ensemble fédéré autour d’elle. Mais comment, dans une société qui promeut l’individu, fédérer des énergies autour un programme lorsque le mot qui en constitue l’essence a été sorti du vocabulaire ?
    Résumer la perte de puissance de la France à la disparition d’un vocable est une tentative d’explication pour le moins hétérodoxe, voire légère. D’aucun diront que c’est la perte de l’ambition de puissance qui signe la disparition de l’usage du terme. Certes. Pour autant, l’utilisation récurrente du mot « puissance » signifie déjà le désir de puissance, la mobilisation collective, la puissance comme dessein et garante de la pérennité d’un modèle sociétal. Le verbe mobilise. Il agrège. Peut-on ne faire exister la puissance qu’en la nommant ? Probablement pas, mais le mot la manifeste ; il l’officialise et d’une certaine façon, il la fait exister. La France est confrontée à un environnement politique et économique mondial chahuté ; il est par conséquent plus que temps de remettre à l’honneur le mot « puissance », de le vulgariser et de l’assumer en espérant que l’usage finira par réveiller chez les décideurs des envies de stratégie de puissance. L’enjeu est capital pour la France. Il l’est tout autant pour l’Union européenne.

    Pierre Deplanche (Infoguerre, 19 octobre 2011)
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