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etats-unis - Page 63

  • Ukraine : le dessous des cartes...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le journaliste Jean-Michel Quatrepoint au Figaro et consacré aux dessous de la crise ukrainienne. Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié un essai intitulé Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014).

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    Le président américain Barack Obama et le président ukrainien Petro Porochenko

     

    Ukraine, Poutine, Obama, Merkel : le dessous des cartes

    FigaroVox: Dans votre livre, Le choc des Empires, vous décriviez l'affrontement entre les Etats-Unis, le Chine et l'Allemagne. La situation en Ukraine ne rappelle-t-elle pas davantage la guerre froide?

    Jean-Michel QUATREPOINT: En réalité, on assiste à un choc entre deux blocs: d'un côté, l'Amérique qui veut enrôler l'Europe sous sa bannière, et de l'autre, la Chine et la Russie qui de facto se rapprochent ne serait-ce que parce que les Américains mènent à leur encontre une politique de «containment» depuis 2010. Les Américains veulent imposer leur modèle économique et idéologique: le libre-échange et les droits de l'Homme. Le parti au pouvoir en Chine et les Russes ne veulent pas de ce modèle. Dans ce contexte l'Europe, notamment l'Allemagne, est prise en sandwich. Angela Merkel doit choisir et penche plutôt pour le moment pour les Etats-Unis. Cela signifie qu'à terme, tout le développement qu'elle pouvait espérer grâce à la Russie, va devoir être passé par pertes et profits. De la même façon, tous les projets d'investissement sur les transports , notamment la nouvelle route de la soie ferroviaire entre la Chine et l'Europe via la Russie, risquent d'être remis en cause. Si l'escalade des sanctions se poursuit, les Russes pourraient interdire le survol de la Sibérie pour toutes les compagnies aériennes avec pour conséquence une augmentation des coûts exponentielle et in fine l'affaiblissement économique puis politique de l'Europe. La légère récession qu'a connue l'Allemagne au troisième trimestre est un premier signal alors même que les effets du boycott russe ne se sont pas encore fait sentir.

     

     

    En quoi les enjeux politiques et économiques s'entremêlent-t-ils?

    Aujourd'hui, l'investissement en Allemagne chute pour trois raison. D'abord à cause du coût de l'énergie. L'abandon du nucléaire coûte une fortune au pays et le rend dépendant du gaz russe. Deuxièmement, le coût de la main d'œuvre n'est plus aussi bas qu'il ne l'était, notamment avec la mise en place du smic et troisièmement l'Euro est surévalué par rapport au dollar. En conséquence, les industriels quittent l'Europe et préfèrent investir aux Etats-Unis qui redémarrent économiquement grâce à leur énergie à bas coût (gaz et pétrole de schiste) et sa main d'œuvre meilleur marché. L'Europe en stagnation est dans la situation du Japon dans les années 90-2000. Sa balance commerciale reste excédentaire grâce à l'Allemagne, mais elle vieillit et ne se développe plus. Cela signifie que nous allons perdre notre pouvoir sur la scène internationale.

    Dans ce contexte, les sanctions contre la Russie constitue-t-elle une erreur stratégique?

    Oui, ces sanctions sont contre-productives. Malheureusement, la plupart des pays européens à commencer par les pays de l'Est, préfèrent les Etats-Unis à la Russie. La Pologne, les pays Baltes et la République Tchèque sont viscéralement antirusses et joueront toujours le jeu des Américains car le souvenir de l'occupation par les troupes soviétiques y est encore prégnant. L'Allemagne, elle, est écartelée et tout l'objectif des Américains est de la détacher de la Russie. L'axe entre Paris-Berlin et Moscou pour s'opposer à la guerre en Irak en 2003 est resté dans la mémoire du département d'Etat américain. Les dirigeants américains ont donc décidé de punir la Russie et de ramener l'Allemagne dans leur giron. C'est tout le but du traité transatlantique qui est en fait une grande alliance germano-américaine.

    La France, qui a une tradition de non-alignée, peut-elle jouer un rôle?

    La SFIO n'a malheureusement jamais eu une tradition de non-alignée. La comparaison entre François Hollande et Guy Mollet est cruelle, mais pas dénuée de fondement. Il y a une vocation européano-atlantiste qui est dans les gènes du Parti socialiste. On peut d'ailleurs également déplorer l'abandon de la politique arabe de la France: non que les Israéliens aient toujours tort, mais on ne peut pas les laisser faire n'importe quoi.

    Iriez-vous jusqu'à parler de tournant néo-conservateur de la politique étrangère française?

     

    Oui, ce tournant a d'abord été pris par Alain Juppé lorsqu'il était au quai d'Orsay. Les diplomates français mènent désormais une politique de court terme. Lors des Printemps arabe, jouant aux apprentis sorciers, la France a réagi sur l'instant en se félicitant de la chute des dictateurs, mais sans en mesurer les conséquences, notamment l'arrivée au pouvoir des islamistes qui ont totalement déstabilisé la région. On a également oublié que les régimes autocrates, qui étaient en place, protégeaient les minorités chrétiennes. Pour un chrétien, il valait mieux vivre sous Saddam Hussein qu'aujourd'hui sous le régime chiite. De la première guerre d'Irak de 1991 jusqu'à la guerre en Libye de 2011, les pays occidentaux ont semé le chaos. Certes les dirigeants en place au Moyen-Orient n'étaient pas recommandables, mais au moins ces pays n'étaient pas des champs de ruines. On ne déclenche plus de guerre mondiale, mais on déclenche des guerres civiles avec des centaines de milliers de morts.

    Jean-Michel Quatrepoint (Figarovox, 23 août 2014)

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  • Proche-Orient : incohérence et cynisme de la politique américaine...

    Vous pouvez écouter ci-dessous un court entretien accordé par Alain de Benoist à la radio francophone iranienne IRIB le 13 août 2014 à propos des frappes américaines contre les positions des miliciens djihadistes de l'Etat islamique d'Irak et du Levant. Il souligne l'incohérence et le cynisme de la politique américaine et le suivisme de la France...

     

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  • La France n'a plus de politique étrangère autonome !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'alignement, désormais systématique, de la politique étrangère française sur celle des Etats-Unis...

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    Les États-Unis ont désigné Poutine comme leur ennemi. C’est un fait capital.

    Une certaine intelligentsia de gauche a longtemps révéré l’URSS. Mais ce n’est pas forcément pour cela qu’elle aimait la Russie. La preuve par Soljenitsyne naguère ou Poutine aujourd’hui ?

    À l’époque de la guerre froide, les États-Unis s’opposaient, certes, à l’Union soviétique au nom de l’anticommunisme (ce qui leur permettait d’exercer sur leurs alliés une forme inédite de racket à la protection) mais, avertis des réalités de la géopolitique, ils s’opposaient tout autant, voire plus encore, à la Russie « éternelle ». La preuve en est que l’écroulement du système soviétique n’a pas modifié leur attitude en profondeur. La Russie est toujours, pour eux, une puissance à « contenir » par tous les moyens, toute leur politique étrangère visant à l’encercler, à pousser l’OTAN jusqu’à ses frontières et à empêcher les Européens de s’allier aux Russes, comme il serait tout naturel qu’ils le fassent s’ils avaient conscience de la nécessité de penser en termes continentaux. La guerre froide a donc maintenant repris ses droits. Cela va peser sur toute la politique mondiale pour les vingt ans qui viennent.

    En politique, on devient un ennemi dès lors que l’on est désigné comme tel. Les États-Unis ont aujourd’hui désigné Poutine comme leur ennemi. C’est un fait capital. Dans l’affaire ukrainienne, profitant du conditionnement médiatique qui joue en leur faveur, ils sont parvenus à ce résultat prodigieux de faire adopter par l’Union européenne une politique allant directement à l’encontre des intérêts européens. Je fais évidemment allusion ici aux lamentables et très contre-productives sanctions antirusses (mais évidemment pas anti-israéliennes !) que les Européens ont accepté de soutenir – gouvernement français en tête – alors que les inévitables représailles qui s’ensuivront vont leur coûter extrêmement cher. Lorsque ces sanctions ont été annoncées, le ministère russe des Affaires étrangères a simplement déclaré : « Nous avons honte pour l’Union européenne qui, après avoir longuement cherché sa propre voie, a adopté celle de Washington, rejetant ainsi les valeurs européennes fondamentales. » C’est très exactement cela, hélas ! L’Union européenne s’est alignée sur l’Amérique parce qu’elles partagent l’une et l’autre la même idéologie libérale. Le drame est que tout cela se déroule dans l’indifférence générale, alors qu’il s’agit d’un événement de première grandeur.

    A contrario, la classe politique française n’en finit plus d’être fascinée par le « modèle américain ». Jean Lecanuet se présentait comme le JFK français, et même Jean-Marie Le Pen se voulait l’équivalent hexagonal de Ronald Reagan…

    L’UMP ressemble aujourd’hui de plus en plus à l’ancien MRP, et le PS de plus en plus à l’ancienne SFIO. Ces deux partis de la IVe République, l’un de droite et l’autre de gauche, communiaient dans la même soumission aux Américains. Seule l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle a permis, à partir de 1958 (et surtout de 1966), d’imposer une politique d’indépendance nationale qui n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir. Nicolas Sarkozy, qui a fait revenir la France dans la structure intégrée de l’OTAN, était en adoration hystérique devant le modèle américain. François Hollande et Laurent Fabius renouent, pour leur part, avec l’atlantisme inconditionnel d’un Guy Mollet. D’où l’inertie que l’on constate de la part du Quai d’Orsay, tant à propos de l’Ukraine que de la Palestine, de l’Irak ou de la Syrie. Aujourd’hui, la France n’a tout simplement plus de politique étrangère autonome. Elle se contente de relayer les consignes d’Obama.

    Les États-Unis ont, par ailleurs, toujours été très attentifs à placer sous influence la classe politique française. Le programme phare de la French-American Foundation, créée en 1976 et qui rassemble aujourd’hui plus de 400 dirigeants issus du monde de l’entreprise, de la haute administration et des médias, consiste à sélectionner chaque année un certain nombre de Français âgés de 30 à 40 ans jugés outre-Atlantique particulièrement « prometteurs ». Parmi ces « Young Leaders » dont on attend à Washington qu’ils s’emploient à « renforcer les liens entre la France et les États-Unis », on trouve aussi bien François Hollande (promotion 1996) qu’Alain Juppé (promotion 1981), mais aussi Jean-Marie Colombani, Laurent Joffrin, Guy Sorman, Jacques Toubon, Najat Vallaud-Belkacem, Christine Ockrent, Alain Minc, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, François Léotard, Marisol Touraine, Anne Lauvergeon, Jean-Noël Jeanneney, Bruno Le Roux, Valérie Pecresse, Fleur Pellerin, sans oublier Yves de Kerdrel (promotion 2005), qui vient de saborder le mensuel Le Spectacle du monde pour mieux mettre l’hebdomadaire Valeurs actuelles au service exclusif de Nicolas Sarkozy.

    Paradoxe français, nous vantons notre exception nationale, mais n’en finissons pas non plus de nous référer à des modèles étrangers, qu’ils soient allemands, suisses ou anglo-saxons…

    L’herbe du voisin paraît toujours plus verte, c’est bien connu. Les Français, qui sont très xénophobes, mais pas du tout racistes, aiment bien en effet se référer à des modèles venus d’ailleurs. Pourquoi ne le feraient-ils pas lorsque cela est justifié ? Ce qui est dommage, c’est que les modèles français, qui existent aussi, semblent désormais appartenir au passé. À moins, bien sûr, qu’on ne prenne en compte aussi les modèles négatifs ; auquel cas, la France actuelle serait incontestablement en tête de classement !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 14 août 2014)

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  • La trahison des élites...

    Les éditions de Paris - Max Chaleil viennent de publier La trahison des élites - Banquiers contre politiques , un court essai de Donato Pelayo.

     

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    " La crise est devenue le terme dominant des médias. Or, elle n'est que la répétition, quatre-vingts ans après, de celle de 1929, dans une configuration géopolitique différente. La mondialisation des échanges a progressivement éradiqué l'affrontement entre le monde libéral et communiste, accouchant de synthèses inattendues : ainsi la Chine, qui a produit un bourgeon né du greffon du libéralisme le plus sauvage sur le porte-greffe du communisme le plus conservateur, est désormais l'archétype des sociétés futures. Les politiques qui tiennent des discours, en apparence contradictoires, ont en réalité un comportement identique. Les idéologies sont fatiguées. Et, dans les interstices de leur dépérissement, a émergé le pouvoir bancaire. Il a investi le pouvoir politique, glissant peu à peu d'un rôle de conseil vers un rôle décisionnel. Désormais, les banquiers dominent le monde et ses centres névralgiques. Eux et leurs épigones régentent les cabinets ministériels, règlent les enjeux et indiquent le cap à suivre. La machinerie politico-bancaire américaine est mue par la noria des managers qui opèrent des va-et-vient entre leurs entreprises d'origine et les cercles du pouvoir. Ces mêmes managers ont réussi, en un demi-siècle, à gommer les spécificités des démocraties européennes et des Etats-Unis. Aujourd'hui, la rentabilité à court terme des capitaux investis rogne les conquêtes sociales. Et les hommes politiques, de droite comme de gauche, s'agitent sur le devant de la scène, tels des pantins impuissants. Les démocraties ne pourront se reconstituer qu'en muselant les banques au niveau planétaire. "

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  • L'Europe ne pourra se faire que contre les Etats-Unis !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux États-Unis et à leur place de grande puissance...

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    L'Europe ne pourra se faire que contre les États-Unis !

    Après la chute du Mur de Berlin, les États-Unis sont devenus une « hyperpuissance ». Où en est aujourd’hui la puissante Amérique, entre crises financières et guerres erratiques ?

    Le débat sur le « déclin américain » a été lancé aux États-Unis dès la fin des années 1980, par Paul Kennedy, dont le livre (Naissance et déclin des grandes puissances) est aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Beaucoup de ceux qui partagent son point de vue raisonnent à partir de l’adage selon lequel « tout Empire périra ». Les États-Unis n’ont pourtant jamais créé un véritable Empire, mais une zone d’influence, ce qui n’est pas la même chose. Les alliés y sont considérés comme des vassaux, les ennemis comme des figures du Mal (le dernier en date étant Vladimir Poutine). Ces dernières années, la montée en puissance des pays émergents, à commencer par la Chine, le bilan catastrophique des guerres en Irak et en Afghanistan, l’affaiblissement du système du dollar, aujourd’hui ouvertement contesté par les Chinois et les Russes, l’accumulation depuis Reagan de déficits d’une ampleur encore jamais vue, voire l’évolution démographique (la population d’origine européenne ne représente déjà plus qu’une minorité des naissances), ont donné une certaine crédibilité à cette thèse. Cela dit, les États-Unis sont encore la principale puissance du monde, d’autant que la mondialisation crée un environnement favorable au développement de leur « soft power », théorisé en 1990 par Joseph Nye dans Bound to Lead.

    Le fait que l’Amérique du Nord soit la seule nation au monde à avoir vu le jour à la suite d’un génocide peut-il expliquer sa psychologie si spécifique et l’idée que certains Américains puissent se faire de cette « destinée particulière » ?

    J’ai plutôt l’impression que c’est, à l’inverse, cette psychologie qui explique l’extermination méthodique des Indiens. La mentalité américaine est marquée par une conception économique et commerciale du monde, par l’omniprésence des valeurs bibliques et par l’optimisme technicien. Les États-Unis ont une histoire courte, qui se confond avec celle de la modernité ; la civilisation américaine est une civilisation qui se déploie dans l’espace plus qu’elle ne se déploie dans le temps. Au cours de leur brève histoire, les États-Unis n’ont connu qu’un seul grand modèle politique, pratiquement inchangé depuis les origines – d’où leur conformisme (Céline, en 1925, parlait de la « platitude accablante de l’esprit USA »). La pensée des Pères fondateurs est pour l’essentiel inspirée de la philosophie des Lumières, qui implique le contractualisme, le langage des droits et la croyance au progrès. Christopher Lasch dit à juste titre « qu’aux États-Unis, la suppression des racines a toujours été perçue comme la condition essentielle à l’augmentation des libertés ». Les États-Unis sont nés d’une volonté de rupture avec l’Europe. Tocqueville écrivait : « Les passions qui agitent les Américains sont des passions commerciales, non des passions politiques. Ils transportent dans la politique les habitudes du négoce ». La « démocratie en Amérique » n’est que le règne d’une oligarchie financière.

    Mais les premiers immigrants entendaient aussi créer une société nouvelle qui serait susceptible de régénérer l’humanité entière. Ils ont voulu fonder une nouvelle Terre promise qui pourrait devenir le modèle d’une République universelle. Ce thème biblique, qui est au centre de la pensée puritaine, revient comme un véritable leitmotiv dans toute l’histoire des États-Unis. Il constitue le fondement de la « religion civile » et de l’« exceptionnalisme » américains. Dès 1823, James Monroe avait placé sous le signe de la Providence la première doctrine américaine en matière de politique étrangère. Interventionnistes ou isolationnistes, pratiquement tous ses successeurs adopteront la même démarche. Et c’est aussi la théologie puritaine du « Covenant » qui inspire la doctrine de la « destinée manifeste » (Manifest Destiny) énoncée par John O’Sullivan en 1839 : « La nation d’entre les nations est destinée à manifester à l’humanité l’excellence des principes divins […] C’est pour cette divine mission auprès des nations du monde… que l’Amérique a été choisie ». Autrement dit, si Dieu a choisi de favoriser les Américains, ceux-ci ont du même coup le droit de convertir les autres peuples à leur façon d’exister, qui est nécessairement la meilleure.

    Les « relations internationales » ne signifient alors rien d’autre que la diffusion à l’échelle planétaire du mode de vie américain. Représentant le modèle à la perfection, les Américains n’ont pas besoin de connaître les autres. C’est aux autres d’adopter leur façon de faire. On ne peut s’étonner, dans ces conditions, que les déboires rencontrés par les États-Unis dans leur politique extérieure résultent si souvent de leur incapacité à imaginer que d’autres peuples puissent penser différemment d’eux. En fait, pour beaucoup d’Américains, le monde extérieur (le « rest of the world ») n’existe tout simplement pas, ou plutôt il n’existe que pour autant qu’il s’américanise, condition nécessaire pour qu’il devienne compréhensible.

    Le plus frappant chez les Américains, c’est leur incontestable capacité de rebond…

    Cette capacité de rebond s’explique à la fois par le fait que les Américains n’ont pas d’états d’âme sur la valeur de leur modèle, par l’omniprésence de la violence dans leur culture, et aussi par le fait qu’ils n’ont pas subi au XXe siècle les abominables saignées qu’ont subies les Européens. Les États-Unis ont eu 117.000 morts pendant la Première Guerre mondiale (1,7 million pour la France), 418.000 morts pendant la Deuxième (au moins neuf millions pour l’Allemagne), environ 40.000 au Vietnam, soit au total moins que les pertes humaines enregistrées lors la guerre de Sécession. Les États-Unis ne doivent pas être sous-estimés, non seulement parce que leurs moyens restent considérables, mais parce qu’ils n’ont pas été vidés de leur énergie. Il n’en reste pas moins que, de même que les États-Unis sont nés d’un refus de l’Europe, l’Europe ne pourra se faire que contre les États-Unis.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 21 juillet 2014)

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  • Défense et illustration du patriotisme économique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Carayon et de Quentin Jagorel, publié dans le quotidien Le Monde et consacré au patriotisme économique. Député, Bernard Carayon est un des promoteurs de l'intelligence économique et est également l'auteur d'un essai intitulé Patriotisme économique (Rocher, 2006).

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    Défense et illustration du patriotisme économique

    Le patriotisme économique, formulé pour la première fois en 2003 et rendu célèbre par le premier ministre Dominique de Villepin dès juillet 2005, alors que des rumeurs infondées d’offre publique d’achat (OPA) planaient sur Danone, est destiné à protéger et promouvoir les industries stratégiques de la France, autour desquelles se forge le destin d’une nation.

    Cette notion a été fortement critiquée au moyen d’arguments souvent invalides, parfois de mauvaise foi. Si un élu de droite et un étudiant membre d’un think tank de gauche prennent ici ensemble la plume, c’est d’abord pour souligner que le sujet dépasse largement les conflits de générations et de partis.

    Nous sommes convaincus que le patriotisme économique est légitime et utile, et que les dirigeants de nos formations politiques seraient bien inspirés de renoncer aux caricatures et aux naïvetés. Réhabilitons cette belle idée. Le patriotisme économique vaut bien le patriotisme sportif, non?

    De manière ordinaire, le patriotisme économique est considéré comme une version déguisée du protectionnisme, un «cache-sexe», selon le quotidien britannique très libéral The Economist. Il sanctuariserait l’économie nationale, entraverait la concurrence, serait une version new look du colbertisme.

    Pourtant, le patriotisme économique, c’est avant tout la défense de nos intérêts nationaux ou européens dans le respect de la réciprocité. « Le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres », écrivait Romain Gary. Oui, le patriotisme économique n’est pas un protectionnisme mais une réponse lucide à toutes les formes de dopage que l’on observe sur les marchés internationaux. Et s’il y a une «exception française », c’est bien dans cette dévaluation de nos intérêts et cette sous-évaluation des turpitudes de la mondialisation.

    Avec leur Buy American Act (1933) et leur Small Business Act (1953) notamment, les Etats-Unis, parangon du libéralisme, montrent la voie! Le Comité sur l’investissement étranger aux Etats-Unis (CFIUS) soumet tous les projets de rachat étranger d’entreprises américaines au respect de la notion de sécurité nationale, qui ne répond à aucune définition juridique. Les décisions du CFIUS ne peuvent faire l’objet d’aucun recours. Nos libéraux protestent- ils? Jamais. Partout, le mariage de l’intérêt national et de l’économie de marché s’exprime sous bien d’autres formes, à l’instar des caractéristiques extraterritoriales du droit américain, dont BNP Paribas mesure aujourd’hui l’efficacité! En somme, le patriotisme économique est le moyen de lutter à armes égales dans une mondialisation qui n’est pas celle des Bisounours.         L’Etat ne serait pas légitime à intervenir sur le marché aux côtés des entreprises. Les faits ruinent cette assertion: partout dans le monde, les industries de la défense, de l’aéronautique et du spatial, des technologies de l’information se protègent ou prospèrent grâce aux gouvernements. Et ce n’est pas l’échec, ancien, du Plan calcul en France qui doit contredire cette nécessité pour l’Etat de se comporter en stratège, en anticipateur, en fédérateur, comme l’ont incarné jadis les politiques de Charles de Gaulle et Georges Pompidou.

    Loin de nous l’idée que les chefs d’entreprise, attirés par la perspective du seul profit, déserteraient l’intérêt de leur pays. Mais il faut reconnaître que l’action de l’Etat n’est pas toujours à la hauteur des difficultés qu’ils rencontrent.

    Il est un argument plus ridicule que les autres: notre patriotisme économique  exposerait notre pays à des mesures de  rétorsion. Avons-nous été si patriotes  dans le passé pour mériter d’être espionnés  aussi méthodiquement et massivement, comme l’a révélé Edward  Snowden?

    Les forts ne respectent que les forts,  c’est une loi de l’Histoire, traduisant les  rapports entre puissances. Le patriotisme  des Etats-Unis n’a jamais constitué un obstacle  à leur productivité, aux investissements  étrangers et au dynamisme de leur  industrie high-tech. Ils ont su, par exemple,  empêcher en 2006 l’entreprise DP  World (basée aux Emirats arabes unis) de  racheter la société P&O, opératrice des  principaux ports américains, sans craindre la  moindre rétorsion des Etats évincés.

    Libéraux et euro-béats nous expliquent  aussi que le patriotisme économique  sacrifierait l’intérêt du consommateur: mais qui peut dissocier le consommateur  du salarié et du citoyen? Quel est  le bilan social et industriel du rachat par le canadien Alcan de notre industrie de l’aluminium  ou d’Usinor par Mittal? De surcroît,  en période de crise, les premiers salariés  sacrifiés sur l’autel de la restructuration  sont ceux des entreprises dont l’actionnariat  est étranger…

    Le vrai problème est aujourd’hui européen.  La doctrine de la Commission européenne  est stérile, en interdisant à nos  entreprises toute concentration et toute  aide publique. Et c’est précisément quand  l’Etat s’assoit sur les traités européens,  interprétés de manière théologique par la  Commission, que l’on peut, comme il y a  dix ans, sauver Alstom ou, en pleine crise  financière, imposer un plan massif de  consolidation des banques.

    Le patriotisme des Etats-Unis n’a jamais constitué un obstacle à leur productivité, aux investissements étrangers et au dynamisme de leur Industrie high-tech

    Les libéraux contestent jusqu’à l’idée  même d’une nationalité des entreprises: mais, dans le différend historique franco-américain  sur l’Irak, les Américains  n’avaient-ils pas engagé un boycott du  groupe Sodexo, fortement implanté aux  Etats-Unis mais pourtant bien identifié  comme français? L’Europe constitue le  seul territoire de développement économique  au monde qui soit aussi ouvert et  offert aux intérêts des autres. C’est le seul  continent où les restrictions à la liberté de  circulation des capitaux concernant la  défense et la sécurité sont aussi limitées.

    Que dire, de surcroît, de la passivité des  autorités communautaires face à l’anglo-saxonisation  du droit et des normes qui  pèsent en particulier sur la compétitivité  de nos banques et de nos assurances? Que  dire d’une politique monétaire de la Banque  centrale européenne qui n’a de politique que le nom?  Les Etats-Unis et la Chine,  dont les monnaies sont faibles, ne sont-ils  pas pour autant des puissances ? L’Europe,  jusqu’à présent, s’est gargarisée de compétitivité  alors qu’elle a pour vocation de  devenir une puissance. Mais il est vrai,  comme le soulignait Paul Valéry, qu’elle  «aspire visiblement à être gouvernée par  une commission américaine »!

    Si l’Europe et la France ne veulent pas  disparaître de l’Histoire, il est urgent qu’elles trouvent enfin,  dans la guerre économique,  la force de se battre à armes égales.

    Bernard Carayon et Quentin Jagorel (Le Monde, 3 juillet 2014)

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