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  • Crise mondiale : une aubaine pour la Chine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Chesnel cueilli sur Geopragma et consacré au jeu de la Chine dans le chaos mondial.  Ancien ambassadeur et agrégé d'histoire, Gérard Chesnel est membre fondateur de Geopragma.

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    Crise mondiale : une aubaine pour la Chine

    Les relations internationales connaissent, depuis plusieurs années, un grand chambardement, qui s’est accentué depuis la crise de l’Ukraine et, tout récemment, la question palestinienne. Les changements en profondeur des équilibres traditionnels, s’ils inquiètent à juste titre les pays occidentaux, sont au contraire, pour la Chine et quelques grands pays du Sud, porteurs de promesses.

    Un exemple parmi beaucoup d’autres : fin 2020, les accords d’Abraham ont permis, sous l’égide des Etats-Unis, une normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes, Bahrein, les Emirats Arabes Unis, le Maroc ainsi, un peu plus tard, que le Soudan. Ce fut le plus grand succès diplomatique de Donald Trump. A peine trois ans plus tard, en juillet 2023, c’est sous l’œil bienveillant de Xi Jinping que l’Arabie Saoudite et l’Iran signent, à Pékin, un accord qui entérine leur rapprochement. Washington n’est pas dans le jeu. On peut épiloguer sur les raisons qui ont entraîné cette attitude de Riyad. L’une d’entre elles est sans nul doute le besoin de consolider ses relations avec les pays de la région à l’heure où les difficultés s’accumulent avec Washington (notamment sur les Droits de l’Homme).

    Petit à petit, la Chine, avec la lenteur et la prudence qui caractérisent sa diplomatie, prend des parts de marché aux Etats-Unis. Et, sous ses encouragements, et souvent à son initiative, le Sud s’organise. En 2001 Pékin crée l’Organisation de Coopération de Shanghai, qui réunit six pays (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan) auxquels vont bientôt s’ajouter l’Inde et le Pakistan en 2016 puis l’Iran en 2021. L’Afghanistan, la Biélorussie et la Mongolie sont observateurs. On peut voir dans l’OCS un galop d’essai du projet tentaculaire des nouvelles routes de la soie (BRI ou Belt and Road Initiative).

    Et l’on n’en reste pas à l’Asie. Le 15è sommet des BRICS, à Johannesburg en août dernier, a entériné l’élargissement de l’organisation, à partir du 1er janvier 2024, à six nouveaux pays (Iran, Ethiopie, Egypte, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis et Argentine).

    La Chine tire derrière elle la Russie, mal aimée des pays occidentaux. Celle-ci fait partie de toutes les organisations susnommées, BRICS, OCS, BRI. La troisième session de bilan des nouvelles Routes de la Soie, le 17 octobre, à Pékin, a permis une mise en scène très réussie sur le plan médiatique, où Xi Jinping trône aux côtés de son hôte d’honneur, Vladimir Poutine (qui, quelques jours plus tôt, était annoncé comme mourant par une certaine presse occidentale). Mais à l’inverse de la rencontre entre Staline et Mao, à Moscou en décembre 1949, cette fois-ci le grand frère, c’est la Chine. Ce renforcement de l’amitié sino-russe est une mauvaise nouvelle pour l’Europe qui n’a pas su l’éviter, et a préféré se rallier sans discernement à la politique américaine de sanctions. Au total, il est remarquable que bon nombre de pays du Sud (32 exactement) se soient abstenus lorsqu’il s’est agi de condamner l’invasion russe de l’Ukraine.

    Certes, il existe aussi des problèmes dans les pays du « Sud ». On fait grand cas, à l’Ouest, de la disparition de plusieurs dirigeants chinois, dont le ministre des Affaires Etrangères nouvellement nommé. Comme si les difficultés que pourrait connaître la Chine devaient nous dispenser d’avoir une politique étrangère clairement définie.

    Mais il faut raison garder : le grand basculement n’est pas pour demain, même s’il a déjà commencé. Les pays africains qui se sont « libérés » de la présence française, avec l’aide de la Russie, n’ont pas encore réussi à installer de régimes stables, dans ce continent où les coups d’Etat sont si fréquents. Et nous ne devons pas les passer par pertes et profits. Notre coopération doit pouvoir reprendre si les conditions le permettent et il faut se tenir prêts. En Amérique du Sud, Lula a repris le pouvoir mais ses opposants, Bolsonaro en tête, n’ont pas baissé les bras.

    L’Europe a certes elle aussi son lot de problèmes qui peuvent hypothéquer l’avenir. La Hongrie se distingue particulièrement par ses réticences à suivre les règles européennes qui ne lui conviennent pas. Il en est de même de la Pologne qui n’a pas voulu se soumettre aux diktats de Bruxelles sur son système judiciaire. Et le nouveau gouvernement slovaque prend ses distances vis-à-vis de la politique européenne à l’égard de l’Ukraine. Mais l’Union Européenne parvient encore à maintenir une certaine cohésion, s’agissant de politique étrangère.

    Quid de l’OTAN ? La Suède n’y est toujours pas admise, face aux objections de la Turquie. Celle-ci joue d’ailleurs un rôle particulièrement ambigu : deuxième puissance militaire de l’Alliance, elle parvient à maintenir un dialogue constructif avec la Russie, notamment sur la question des exportations de blé et du contrôle de la mer Noire. Discrète, comme la Chine, sur la question palestinienne, elle semble attendre son heure pour jouer un rôle accru dans les conflits régionaux (sans oublier les problèmes du Karabagh et du Nakhitchevan).

    De tout cela, la Chine n’a que des bénéfices à tirer. Installée depuis toujours dans le temps long, elle pousse tranquillement ses pions sur le grand échiquier mondial, convaincue que l’avenir lui sera favorable.

    Gérard Chesnel (Geopragma, 19 novembre 2023)

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  • Sur la situation géopolitique dans le monde...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention d'Hervé Juvin au Cercle National des Armées dans laquelle il brosse un tableau de la situation géopolitique mondiale.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

                                              

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  • Feu sur la désinformation... (416)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Floriane Jeannin.

              

                                             

    Sommaire :

    L’image de la semaine : Macron et le fiasco chinois

    Le dossier : à Callac, "Dévoyé spécial" en quête de mensonges

    Les pastilles de l’info

    La grande occultation - Médine

    Le super bobard(eur) - Maître Gims

    Intox / Désintox - Nord Stream

    La pub de la semaine - Barilla et les carbo inclusives

    Ça décoiffe - Twitter et l’IA qui ne mentira pas

    L’idiot du village global - Bruce Toussaint

    Carton rouge - Plenel

    Le coup de gueule - La BBC vue par twitter

    Le Portrait piquant d'Edwy Plenel

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  • De l'Afrique à l'Ukraine : un tour d'horizon géopolitique avec Renaud Girard...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'entretien donné par Renaud Girard à Régis Le Sommier sur Omerta, dans lequel il évoque le recul de la France en Afrique à la lumière de son voyage avec le président Macron, le monde qui se réorganise autour de la Chine et surtout la guerre en Ukraine.

    Grand reporter au Figaro, Renaud Girard est membre du comité d'orientation stratégique de Geopragma.

     

                                             

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  • Une guerre entre la Chine et les États-Unis est-elle inévitable ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Frédéric Eparvier cueilli sur Polémia et consacré à l'affrontement Chine/Etats-Unis. Frédéric Eparvier, cadre dirigeant d’un grande entreprise française à caractère stratégique.

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    Une guerre entre la Chine et les États-Unis est-elle inévitable ?

    Graham Allison, prophète apocalyptique ?

    Un grand nombre de commentateurs soi-disant spécialistes de géopolitique, ou autres généraux de plateaux, ainsi que de nombreux hommes politiques font référence au « Piège de Thucydide », s’appuyant, sans même peut-être l’avoir lu, sur le livre de Graham Allison : Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide.[1]

    De qui et de quoi parle-t-on ?

    Graham Allison, est Docteur en sciences politiques de l’université de Harvard, et s’est fait connaître par sa thèse de doctorat sur le poids de l’administration sur la politique étrangère des États-Unis ; ce que l’on appellerait aujourd’hui mutatis mutandis: l’État profond.[2] Comme souvent aux États Unis, il a alterné entre enseignement à l’université de Harvard, et des participations aux administrations démocrates. Il est bien sur membre des influents « think tanks » américains : la Rand Corporation (plutôt républicaine), ou la Brookings Institution, et le Council of Foreign Relations (plutôt démocrates).

    Graham Allison a la réputation d’avoir inventé l’expression « piège de Thucydide », même si pour être très franc, « La guerre du Péloponnèse » était déjà largement utilisé comme modèle d’une relation bilatérale (États-Unis URSS à l’époque) dès les années 1980 aux États-Unis.[3]

    Thucydide est un général Athénien, qui a rédigé une extraordinaire histoire de la guerre entre Sparte et Athènes qui bouleversa la Grèce entre 431 et 404, et vit la victoire de la Cité terrestre et conservatrice : Sparte, sur la Cité maritime et impérialiste : Athènes.[4] La nouveauté de Thucydide, qui fait preuve d’un rationalisme extrême[5] est de distinguer entre les causes immédiates et les causes « vraies » du conflit. « En fait, la cause la plus vraie est aussi la moins avouée ; c’est à mon sens que les Athéniens, en s’accroissant, donnèrent de l’appréhension aux Lacédémoniens, en les contraignant ainsi à la guerre. »[6]

    La thèse de Graham Allison est que « Quand une puissance ascendante menace de supplanter une puissance établie, quelles que soient les intentions, il en résulte une telle tension structurelle que le conflit violent devient la règle, non l’exception. »[7] Et pour prouver son hypothèse, il s’appuie sur seize études de cas qui révèlent que dans 75% des cas, le « piège de Thucydide » trouve son issue dans la guerre ouverte.

    Il passe alors la relation sino-américaine au tamis de son hypothèse, pour démontrer la dangerosité de la situation actuelle, et s’il reconnaît que la guerre n’a rien d’inévitable, il souligne que « Les facteurs favorisant la guerre pèsent parfois si lourd que l’on peine à concevoir une autre issue. » [8]

    Il imagine alors différents scenarii conduisant à la guerre : accident en mer de Chine qui dégénère, guerre entre les deux Corées etc… et se met en scène pour proposer un chemin vers la paix.

    Tout cela est séduisant, mais faux, car reposant à la fois sur un problème de méthode, une analyse simpliste des causes des guerres étudiées, et enfin, une mauvaise interprétation de l’œuvre de Thucydide.

     

    Reprenons :

    Graham Allison étudie (je pense d’ailleurs, qu’il a fait étudier seize crises par des étudiants de Maîtrise ou de License – nous y reviendrons) seize « pièges de Thucydide » pour mesurer combien terminent en conflits ouverts. Les résultats sont synthétisés dans le tableau ci-dessous :[9]

     

    SIÈCLE PUISSANCE DOMINANTE PUISSANCE MONTANTE RÉSULTAT
    XV Portugal Espagne Pas de guerre
    XVI France Habsbourg Guerre
    XVII Habsbourg Empire Ottoman Guerre
    XVII Habsbourg Suède Guerre
    XVII Pays-Bas Angleterre Guerre
    XVIII France Angleterre Guerre
    XIX Angleterre France Guerre
    XIX Angleterre / France Russie Guerre
    XIX France Allemagne Guerre
    XX Chine Russie Japon Guerre
    XX Angleterre États-Unis Pas de guerre
    XX Angleterre / France Allemagne Guerre
    XX Angleterre / France / URSS Allemagne Guerre
    XX États-Unis Japon Guerre
    XX États-Unis URSS Pas de guerre
    XX Royaume-Uni France Pas de guerre

     

    Si la thèse se veut convaincante, en avançant que 75 % des crises correspondant « au piège de Thucydide » se terminent par une guerre, l’étroitesse de la base statistique suffit à la discréditer celle-ci. 16 conflits, sur les milliers de conflits que le monde a connus, depuis que le monde est monde, avec 87 % des exemples choisis en Occident, et sur cinq siècles seulement, ce n’est vraiment pas très sérieux.

    Deuxièmement, la base statistique étant trop étroite, une crise de plus ou de moins, se terminant ou non en conflit et le chiffre magique de 75 % change très vite ; s’aggravant ou perdant toute signification. Passons les études à 20, suivant que l’on en choisi de 1 à 4 se terminant par un compromis, la thèse de Graham Allison, s’effondre progressivement de 75, à 60 %, ce qui est nettement moins convaincant…

    Troisièmement, on peut quand même s’interroger sur la répartition géographique des cas étudiés. Deux cas en Asie, pas un cas en Afrique ou au Moyen Orient. C’est gens-là ne se sont jamais fait la guerre ? Franchement tout cela serait beaucoup plus sérieux, si Graham Allison avait pris 50 cas, répartis sur 2000 ans, et sur les cinq continents.

    De plus, si vous prenez la peine de lire les cas d’études, vous serez consternés par les exemples choisis : le dernier par exemple, qui met en scène une crise entre l’Angleterre et l’Allemagne dans les années 1990 pour la domination continentale en Europe ? De qui se moque-t-on ?

    Ou encore, le douzième, celui de la guerre 14-18 qui se résumerait à un affrontement entre une puissance dominante / déclinante l’Angleterre et une puissance montante l’Allemagne. Les deux livres de Christopher Clarck : Les somnambules et de Margaret MacMillan : Vers la grande guerre publiée en 2014 ont largement montrés que les causes de la guerre civile européenne étaient bien plus complexes qu’une simple rivalité entre puissances établies ou déclinantes

    Ils démontrent aussi et surtout, que rien n’était écrit à l’avance et que la paix, était et est restée très longtemps une option possible et crédible.

    Non, les seize cas étudiés par Allison donnent surtout l’impression d’être un empilage de devoirs d’étudiants en Licence (Bachelor of Arts) ou Maîtrise (Master of Arts) et quand on connait l’effondrement du niveau scolaire et universitaire américain, du fait de l’offensive « Woke » / illuminée, on ne saurait être surpris par la pauvreté du résultat.[10]

    Sens de l’histoire contre volonté des hommes

    Enfin, il convient de rester très prudent avec le concept du piège de Thucydide tel que présenté par Graham Allison.

    En effet, si Thucydide indique bien que la cause vraie de la guerre entre Sparte et ses alliés, et Athènes et ses alliés-vassaux, et la peur que Sparte eu de la montée en puissance d’Athènes, la cause profonde démontrée dans tous les discours qui illustrent le narratif « thucydidien », et dans toutes les études érudites qui en ont été faites, est le refus par Sparte de subir le changement de régime qu’une domination, pire une défaite, face à Athènes, aurait entrainé.[11] Pour la communauté dorienne qui dominait Sparte, le risque d’hégémonie athénienne sur le monde grec, revenait à accepter l’établissement d’un régime « démocratique », dans l’ensemble des Cités du Péloponnèse, et partant, à Sparte. Pour la minorité dorienne de Laconie, c’était un risque existentiel. Et c’est bien contre ce risque qu’ils sont entrés en guerre. [12]

    Bien plus qu’une compétition pour une domination régionale ou mondiale tel que présenté par Graham Allison, c’est le risque de « regime change » comme l’on dirait aujourd’hui, qui entraine -en grande partie- les conflits entre nations. C’est quand une nation, un régime, se sent menacé dans son existence même, qu’il entre en guerre.

    Soyons donc clair, il n’y a pas de piège de Thucydide. Il n’y a aucun déterminisme qui ferait que deux nations doivent obligatoirement se combattre. Comme le dit très bien Anne Cheng dans ses cours sur la Chine au Collège de France, et les dieux savent qu’elle n’est vraiment une amie du pouvoir chinois actuel, parler du piège de Thucydide, c’est mettre immanquablement la Chine et les États-Unis dans une posture de confrontation.

    Comme le disait Jean-Marie Bastien Thiry lors de son procès : « Il n’y a pas de sens de l’histoire, […] car ce qui fait l’histoire, c’est la volonté des hommes, c’est l’intelligence des hommes, ce sont leur passions bonnes ou mauvaises. » et je rajouterai : c’est le courage des hommes !

    Je rajouterai aussi, la volonté des hommes, mise au service d’une vision et d’une stratégie. Mais aujourd’hui, en Europe et en France, c’est le vide sidéral. Ce que je vous démontrerai dans un prochain article sur la consternante « boussole stratégique européenne ».

    Frédéric Eparvier (Polémia, 16 mars 2023)

     

    Notes :

    [1] ALLISON, Graham. Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide. Odile Jacob, 2019.
    [2] ALLISON, Graham. The Essence of Decision. 1976.
    [3] E.g., mes cours avec Robert JERVIS ou Zbigniew BRZEZINSKI à Columbia University.
    [4] L’ouvrage de Thucydide couvre les années 431 à 411. La suite de la guerre est décrite dans Les Helléniques de Xénophon.
    [5] Sur ce sujet on lira avec intérêt : DE ROMILLY, Jacqueline. Histoire et raison chez Thucydide. Les Belles Lettres. 2018.
    [6] THUCYDIDE. Histoire de la guerre du Péloponnèse. Collection Bouquins. 1990. P.184.
    [7] ALLISON, Op. cit. p. 15
    [8] Allison, Graham. Ibid, p. 68
    [9] Op. cit. 66-67
    [10] A ce sujet, on regardera les vidéos de Victor Davis Hanson sur Youtube, et particulièrement son dialogue avec Jordan Peterson : « The downfall of the Ivy League » : « La chute des universités aristocratiques de la cote Est » : Harvard, Princeton, Yale, Columbia, Brown, Cornell, Dartmouth, Pensilvania. En anglais.
    [11] N’oublions pas qu’au début de la guerre du Péloponnèse, il y avait 60 000 citoyens à Athènes, et moins de 9 000 à Sparte. Athènes était plus puissante que Sparte.
    [12] KAGAN, Donald. Nouvelle histoire de la guerre du Péloponnèse I et II. Les belles lettres. 2019 et 2021.

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  • Mer de Chine du Sud : le nouveau centre du monde ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Martin, cueilli sur le site du Nouveau Conservateur et consacré à la Mer de Chine comme nouveau centre des tensions entre les deux grandes puissances mondiales...

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    Le porte-avions chinois « Liaoning », entouré d’autres navires militaires, en mer de Chine

     

    Mer de Chine du Sud : le centre du monde

    Si demain un conflit ouvert se produit entre la Chine et les USA, il y a tout lieu de croire que ce sera dans la zone maritime qui sépare la Chine, le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et Taïwan, la mer de Chine du Sud. Cette zone est en effet totalement stratégique pour la Chine comme pour les USA.

    C’est le politologue américain Graham T. Allison qui a inventé et popularisé le concept du «Piègede Thucydide» et qui a remis à l’honneur le célèbre historien grec de l’Antiquité.

    Il s’agit d’une «situation historique qui voit une puissance dominante entrer en guerre avec une puissance émergente poussée par la peur que suscite chez la première le surgissement de la seconde».

    Comment fonctionne le Piège de Thucydide ?

    On peut dire que cette constatation relève du bon sens, qu’elle a été extrêmement courante au cours de l’Histoire, et qu’elle caractérise parfaitement les relations actuelles entre les USA et la Chine. En soi, elle n’est donc pas très intéressante ni originale. Ce qui est plus utile à analyser, par contre, ce sont les péripéties possibles de l’évolution des belligérants à l’intérieur de ce piège, et les raisons qui pourraient conduire à ce qu’une «montée aux extrêmes» se produise, où, quand et pourquoi.

    Pour ce qui est de l’évolution des acteurs du conflit, tout comme aux premiers rounds d’un match de boxe, on constate qu’il existe souvent entre eux, à partir du moment où l’un comme l’autre se rend compte qu’un affrontement politique (mais pas nécessairement militaire) sera inévitable, une sorte de «période d’observation». Chacun tente d’abord de jauger l’autre, de l’amadouer ou au contraire (ou en même temps) de l’intimider, pour savoir comment il va réagir, s’il va finalement se soumettre ou si on va pouvoir le vaincre sans combattre. De même, on va tenter de se mesurer à lui sur des théâtres secondaires, où des «tests» – victoires ou défaites – seront possibles sans que les egos des protagonistes ne soient directement affectés.

    Ces périodes peuvent durer très longtemps. Elles peuvent se conclure soit par un partage du monde (USA/URSS dans un premier temps), soit par la soumission totale de l’un des deux (USA/Japon après la Deuxième Guerre mondiale), soit par la chute de l’un des deux sans affrontement direct (ainsi en fut-il tout au long de la guerre froide entre les USA et l’URSS, jusqu’à la victoire finale des USA, en 1991), soit par une victoire militaire (chute du nazisme en 1945).

    La «montée aux extrêmes» se produit souvent sans que les belligérants (s’ils préfèrent se jauger plutôt que se battre) ne l’aient expressément souhaité, mais de telle sorte qu’ils ne puissent l’éviter, soit parce que leur ego (et donc leur image) est directement touché, soit parce que la question est ultra-stratégique, soit parce que la friction, à cet endroit, est permanente. Lorsque toutes ces conditions sont réunies, tout laisse à penser, même si par ce fait même les belligérants vont y focaliser toute leur attention, que c’est là que l’explosion a le plus de chances de se produire.

    La tentative de coup de force de la Chine

    Par rapport à la Chine, après une longue période où les USA ont semblé ne pas se rendre compte du danger, c’est aujourd’hui dans la phase de jauge et d’intimidation, de déclarations fortes, voire belliqueuses 2, que la relation s’est installée, 3 on ne sait pas pour combien de temps. Mais, en même temps, les conditions d’une «montée aux extrêmes» existent déjà, et toutes les conditions décrites plus haut y sont présentes.

    Un article remarquable du Général Daniel Schaeffer, paru sur le site Asie21, nous donne, à ce titre, de précieuses indications. Il détaille la situation en mer de Chine du Sud, où la Chine tente aujourd’hui un coup de force, en se basant sur un tracé de partage des eaux datant de 1947 et défini unilatéralement (et juridiquement condamné), pour «privatiser» la quasi-totalité de cette mer, y compris les îles qui s’y trouvent 4 îles, pour certaines, déjà occupées et militarisées. Il y a évidemment, dans cette démarche, un fort intérêt de contrôle des routes maritimes et de sécurisation de ses exportations vers le détroit de Malacca et les marchés de l’Ouest. Il y a aussi la captation des ressources halieutiques et, bien sûr, celles des hydrocarbures qui s’y trouvent. Mais cela n’est que la surface des choses.

    Ce que montre Daniel Schaeffer, c’est que se trouve, en plein dans cette mer, sur l’île de Hainan, la principale base militaire de sous-marins chinoise, dans le port de Sanya. Or les Chinois ont un problème de la plus haute importance : leurs missiles Julang-2, tirés depuis leurs sous-marins Jin, ne sont aujourd’hui pas suffisamment puissants pour frapper directement, en cas de riposte nucléaire, le territoire des USA. Ils auraient besoin pour cela de s’aventurer largemet dans le Pacifique, au moins jusqu’à Hawaï. Or la profondeur de la mer, en sortie de Sanya et jusqu’au détroit de Bashi, entre les Philippines et Taïwan, n’est pas suffisante pour que les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins puissent s’y fondre immédiatement dans la mer profonde. Lorsqu’ils quittent leur base, ils sont immédiatement repérés par tous les autres, y compris par les navires US qui patrouillent dans la zone et, on peut le penser, suivis ensuite à la trace. Il est donc pour eux tout à fait essentiel de chasser toute présence étrangère de la zone, ou du moins de la contrôler entièrement, de façon à sécuriser la sortie de leurs sous-marins vers le Pacifique.

    Et le Général Schaeffer va même plus loin. En effet, le meilleur endroit, pour les Chinois, pour avoir accès directement aux grands fonds dès la sortie de leur base se situerait… sur la côte Est de Taïwan ! Là, en effet, ils pourraient disposer, à sept kilomètres des plages, de profondeurs de 1 300 m. Une configuration idéale pour menacer directement les USA. On comprend à quel point la conquête de la mer de Chine est pour eux essentielle, et celle de Taïwan bien plus encore.

    • 1 -Pour les Américains, la problématique est rigoureusement inverse. Tant que la menace des sous-marins chinois reste limitée à la mer de Chine du Sud, ils sont moins en danger.
    • 2 – Le Président chinois a demandé à plusieurs reprises à l’armée (en octobre 2018 et en octobre 2020, notamment) de se préparer à la guerre avec les USA.
    • 3 – De par l’accélération hégémonique chinoise conduite par Xi Jinping depuis 2013 et la réaction de Donald Trump pendant son mandat, de 2017 à 2021, une politique apparemment poursuivie par Joe Biden.
    • 4 – Du nord au sud : les Pratas, les Paracels, les Zhongsha Qundao, les Spratleys.
    • 5 – Et pour autant que les Chinois ne développent pas d’autres missiles plus puissants, ce qu’ils sont évidemment en train de faire avec les Julang
    • Deux géants politiques, dont l’un est hégémonique et l’autre ne pense qu’à lui ravir la place, s’affrontent dans une petite mer semi-fermée, où fourmillent une multitude de protagonistes, qui se côtoient avec des frictions permanentes, et où prédominent des intérêts stratégiques majeurs. Une «faille de San Andreas» politique, pourrait-on dire. La tension y augmentera, inévitablement, d’année en année. Si une éruption se produit un jour, il y a tout lieu de croire que ce sera là. La mer de Chine du Sud est, aujourd’hui et pour longtemps, le centre du monde.

    François Martin (Le nouveau Conservateur, 24 février 2023)

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